Les films de Woody Allen sont souvent verbeux, les personnages s'y expriment abondamment, comme si la parole était un exutoire aux malheurs de ce monde...
L'héroïne de Blue Jasmine, incarnée par Kate Blanchett est de cette veine : dès la première scène du film, on la voit, dans un avion, parler à une inconnue, racontant sa vie, sa rencontre avec son mari, dans un flot ininterrompu de paroles.
Notre monde n'est-il pas celui du verbe triomphant ? Les êtres humains veulent de plus en plus une forme de reconnaissance qui passe par la parole écrite ou verbale...
Sur internet, sur Facebook, sur Tweeter, la parole est permanente, elle déborde, parfois, dans un flux incontrôlé...
Le film de Woody Allen met en scène une femme déchue qui a connu un passé frivole, fait de mondanités, de luxe facile, d'illusions...
Une vie factice, où la réflexion n'avait pas sa place, une vie, sans intérêt, sans profondeur...
Mariée à un homme d'affaires véreux, Jasmine a vécu, dans l'ombre de ce mari, sans même voir ses nombreuses infidélités, ou refusant peut-être de les voir, pour conserver un confort de vie agréable.
La lâcheté, l'aveuglement de Jasmine, le manque de réflexion, des défauts très humains, souvent fustigés par des satiristes, sont au centre de ce film.
Après l'arrestation de son mari, qu'elle a provoquée, par vengeance, l'héroïne sombre dans le marasme et la dépression, elle quitte New York pour aller se réfugier chez sa soeur, à San Francisco.
Woody Allen joue, alors, du contraste entre ces deux soeurs, l'une grande bourgeoise, blonde, aux allures de déesse, l'autre, simple fille du peuple, brunette, au physique plus terne et plus effacé...
Ce contraste quelque peu simpliste n'est pas la meilleure trouvaille de ce film.
La satire, et le message délivré sont plus intéressants, même si on peut voir un certain manque de réalisme dans l'arrestation du mari de Jasmine, cet homme d'affaire véreux : dans la réalité, le mari de Jasmine, homme d'influence pourrait, sans doute, échapper à la justice, grâce à son argent, ses appuis...
Mais la satire et le message délivré sont plus intéressants : l'univers factice dans lequel vivent certains êtres humains, entourés d'un luxe éhonté, de distractions tapageuses et coûteuses, paraît insensé, absurde, face à la misère du monde.
Ces gens en oublient la réalité, sont hors du monde.
Ces gens très riches, trop riches construisent leur fortune sur des malversations, n'hésitant pas, au passage, à anéantir la vie des autres.
Vivant dans le mensonge, la tromperie permanente, ils n'ont pas accès à un vrai bonheur...
Ce bonheur fait de pacotilles, de bling-bling, de faux-semblants est, au fond, assez pitoyable, et ne peut satisfaire personne : la morale s'efface, n'a plus sa place dans un tel univers, et les plaisirs simples, ordinaires ne sont même plus accessibles à ces nantis.
L'héroïne du film Jasmine vit dans un mensonge permanent et quand elle rencontre une nouvelle possibilité de bonheur, avec un autre homme, elle retombe dans ses travers : le mensonge et la duplicité... Elle ne pourra reconstruire un avenir heureux.
Belle dénonciation du monde de la finance, ce film de Woody Allen nous invite à réfléchir sur le sens de la vie et sur les apparences : le vrai bonheur est constitué d'efforts, de labeur et de plaisirs simples, il ne peut s'accommoder de compromissions.