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11 avril 2022 1 11 /04 /avril /2022 11:46
Le "déraillement" de Poutine et ses tragiques conséquences...

 

Philippe de Lara, philosophe et maître de conférence en science politique à Paris nous explique la situation en Ukraine et évoque le basculement de Poutine :

"Le moment du déraillement de Poutine, c'est Poutine 1 :  il était encore premier ministre de Eltsine, avant même qu'il ne devienne président, la façon dont il a déclenché, par des moyens peu glorieux, la deuxième guerre de Tchétchénie, et dont il l'a conduite, était un geste de rupture avec l'Occident.

 

L'une des meilleures oeuvres sur la Russie post-soviétique, c'est celle d'Anna  Politkovskaïa qui a beaucoup enquêté sur la guerre de Tchétchénie, elle a été assassinée en 2006 pour ça et quand on lit ses ouvrages, on comprend l'importance qu'elle donne à cette guerre (bien sûr, il y a un aspect humanitaire de dénonciation, de l'horreur, des massacres) elle a compris  et expliqué alors que la Russie changeait de nature...

(Dans la Russie du début des années 2000, Anna Politkovskaïa était devenue dangereuse pour le pouvoir car elle était la journaliste qui défiait le Président, Vladimir Poutine… Une insoumise qu’on ne pouvait pas arrêter avec des menaces. Travailleuse infatigable, elle était persuadée que le courage civique individuel finirait par avoir raison de l’État despotique. Connue dans le monde entier pour ses enquêtes sur les exactions russes en Tchétchénie, les violences dans l’armée, la corruption et les mensonges des responsables politiques, elle était devenue la figure de l’opposition médiatique… Elle le paiera de sa vie.

La Tchétchénie ! Le déshonneur de la Russie !

Voici la monstrueuse et cynique déclaration de Poutine,  à la mort de cette journaliste, en 2006 : "Oui, il est vrai que cette journaliste avait pour habitude de critiquer les autorité fédérales, je pense donc qu'elle devait savoir que ce qu'elle écrivait ne pouvait pas rester sans conséquences , mais je vous rassure : son degré d'influence sur la vie politique en Russie était minime."

Une intervention du Président russe qui est à l'image de sa politique en matière de liberté de la presse et des Droits de l'homme.)

Le règne de la peur et une menace à peine voilée envers tous les opposants au régime...

Gare à ceux qui se permettent de critiquer Poutine !

On voit comment fonctionne ce régime : les opposants sont rapidement jugulés, réduits au silence, emprisonnés, voire assassinés, s'ils sont trop gênants.

Une femme, une journaliste assassinée par les sbires de Poutine. Quelle honte !)

 

Anna Politkovskaïa a compris que la page plus chaotique que démocratique de 91 à 99, donc les années Eltsine, était tournée de manière très profonde, et en particulier du fait de l'assentiment d'une partie importante de la population russe à la guerre de Tchétchénie et au comportement de l'armée russe en dépit du fait que tout le monde savait que la seconde guerre de Tchétchénie a été déclenchée en riposte à des attentats terroristes tchétchènes qui, en fait, étaient organisés par le FSB. (Service fédéral de sécurité de la fédération de Russie.)

Les Américains ont été divisés et fluctuants, d'une façon générale... Georges Bush sénior était très réservé sur l'indépendance de l'Ukraine, il était obsédé par le problème de la dissémination des armes nucléaires. Il y avait un arsenal nucléaire soviétique très important en Ukraine et l'indépendance de l'Ukraine s'est faite rapidement, malgré les Etats-Unis.

Un mot sur l'adhésion de l'Ukraine à l'OTAN : l'indépendance a été plébiscitée en Ukraine mais pas du tout la perspective d'adhérer à l'OTAN... nous avons des sondages au moins depuis l'an 2000 et même avant sur l'opinion vis à vis des différentes possibilités d'insertion dans la communauté internationale, neutralité, adhésion à l'union eurasiatique proposée par la Russie, adhésion à l'Union Européenne, adhésion à l'OTAN... l'opinion fluctue : au début, les Ukrainiens sont très prudents, ils ont été très vite pour l'Union Européenne, c'était un peu le symbole de l'Etat de Droit : "nous méritons de vivre comme des Européens", disaient-ils, et en revanche, il y avait alors une grande hostilité à l'adhésion à l'OTAN.

Et la courbe s'est inversée d'un coup en 2014, après l'annexion de la Crimée et l'intervention russe dans le Donbass.

L'histoire de l'Ukraine, c'est l'histoire d'une bascule permanente entre l'Est et l'Ouest : il y a eu des périodes où une partie des élites s'est trouvée tout à fait à l'aise dans l'Empire russe, il y avait beaucoup d'Ukrainiens dans les élites politiques et intellectuelles, mais le paradoxe de l'Ukraine, c'est que en dépit du fait que c'est une nation très étendue entre l'Est et l'Ouest, aux portes de l'Europe, le sentiment de l'unité de cette nation a été très précoce : il y a un sentiment national en particulier lié à la langue.

Il existe une grande littérature de langue ukrainienne, dès le début du 19ème siècle.

Il 'y a pas vraiment de séparatisme dans le Donbass, il y a bien des différences entre l'Est et l'Ouest mais il est inexact de dire que l'Ouest est ukrainophone, que l'Est est russophone parce que la répartition des langues maternelles ressemble plus à une carte en peau de léopard. Il y a beaucoup de russophones à l'Ouest, les grandes villes de l'Est et du Sud sont russophones mais pas forcément les campagnes alentour.

Les soi-disant séparatistes du Donbass en 2014 sont en réalité des Russes, des supplétifs russes qui ont lancé le mouvement séparatiste... jusqu'à 2014, il n'y a jamais eu de séparatisme dans l'est de l'Ukraine, pas plus qu'à Odessa.

Quels sont les buts de guerre de Poutine ?

Une volonté de revenir aux frontières anciennes de l'Empire ?

Hubert Védrine, quant à lui, rapporte ces propos de Poutine :

Poutine disait : Celui qui ne regrette pas l'Union Soviétique n'a pas de coeur, mais celui qui veut la reconstituer n'a pas de tête.", tout le problème étant : est-ce qu'il n'a pas oublié la deuxième partie du propos ?

Et Védrine donne aussi son avis sur l'armée russe : une armée de soudards non préparée, pas encadrée, il n'y a pas de sous-officiers, les soldats sont parfois ivres, ils se livrent à des abominations : dans certains chars, on trouve des uniformes de parade, on leur avait expliqué que c'étaient des manoeuvres et qu'ils seraient bien accueillis !

 

 

 

Sources :

 

https://www.franceculture.fr/emissions/repliques/que-nous-apprend-la-guerre-en-ukraine

 

 

 

https://www.franceinter.fr/emissions/affaires-sensibles/affaires-sensibles-du-mercredi-02-mars-2022

 

 

 

Le "déraillement" de Poutine et ses tragiques conséquences...
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commentaires

L
Celui qui ne regrette pas l'Union Soviétique n'a pas de coeur, mais celui qui veut la reconstituer n'a pas de tête.<br /> Comment comprendre cette citation contradictoire ???
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R
Une citation qui oppose le coeur et l'intelligence... mais Poutine semble avoir perdu sa tête en s'engageant dans une guerre contre un peuple frère...
C
La réaction du Président Poutine au meurtre d'Anna Politkovskaïa rapportée par le site Wikipedia est assez différente de votre citation : "il a déclaré « quel que soit l'auteur du crime et ses motivations, nous devons déclarer que c'est un crime horrible et cruel. Bien sûr, il ne doit pas rester impuni ». Par ailleurs, il a estimé que cet assassinat était plus préjudiciable aux autorités établies à Moscou et en Tchétchénie que les publications de Politkovskaïa, car leur influence sur l'opinion russe était selon lui insignifiante"
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C
Je ne parle malheureusement pas le russe. Quant à son appréciation sur le fait que Politkovskaïa était plus gênante morte que vivante, les dirigeants russes font rarement dans le sentimentalisme.
R
Merci : je suis allée vérifier sur wiki, en effet, ce n'est pas la même version, mais peut-être est-ce une autre déclaration faite par Poutine ?<br /> Je l'ai trouvée sur le deuxième lien sous mon article, à 5 minutes, 35 secondes... je ne parle pas russe, mais c'est la traduction qui en est donnée... Vous parlez russe ?<br /> <br /> Bon, cette autre déclaration est-elle sincère dans sa première partie ? On peut en douter fortement ! Quant à la deuxième partie, c'est du mépris !
A
Tous les témoignages affluent dans le même sens et indiquent que Poutine s'est imposé, entre autres, par le crime.<br /> Il l' a fait avec une éclatante réussite, avec un cynisme qui fait froid dans le dos. <br /> Il a agi de manière mafieuse en sous-traitant certains crimes, par exemple, par le groupe Wagner, et s'est moqué de ses contradicteurs en leur disant de manière implicite " Vous ne pouvez pas démontrer que c'est moi...hé..hé...".<br /> Depuis 20 ans tous les coups portés par Poutine ont été gagnants et ce sont des crimes qui resteront définitivement impunis, les pires étant les atrocités commises en Tchétchénie complètement semblables à celles qu'on a découvert la semaine dernière autour de Kiev..<br /> L'Ukraine pourrait être le crime de trop, celui qui va provoquer la chute du tyran...<br /> Le monde ne peut retrouver une normalité dans les relations internationales tant que Poutine reste au pouvoir.<br /> Poutine est devenu le problème de Poutine. En ratant complètement son coup avec l' Ukraine et en y provoquant des pertes humaines et matérielles incommensurables Il s'est mis dans une situation où toute normalisation entre blocs passe par sa chute.<br /> L'Europe, avec ses sanctions, va s'infliger de grosses complications pour elle-même, et j'espère que ce ne sera pas en vain. <br /> Comme disait le papet dans Manon des sources: " Quand on a décidé d'étrangler le chat il faut aller jusqu'au bout"...On est en guerre même si on n'intervient pas de manière directe. Ne jouons pas sur les mots.<br /> Bonne journée l'amie
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R
La déclaration de Poutine après l'assassinat d'Anna Politkovskaïa est particulièrement révoltante, et en effet, le personnage est glaçant.<br /> Avec Poutine, il y a aussi toute cette politique et cette guerre des infos : une façon de se maintenir au pouvoir, de juguler les opposants.<br /> C'est le régime de la terreur.<br /> <br /> <br /> Belle soirée, AJE
P
Le problème c'est que ceux qui fabriquent les mensonges et qui donc au début savent que ce sont des mensonges finissent par y croire eux-mêmes. Face à la réalité, ils sont dans le déni et soit inventent un autre bobard, soit trouvent dans leur liste de bobards déjà distillés, une justification toutes trouvée qui les dispense de se remettre en question.
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R
Effectivement, certains s'enferment dans leurs mensonges et dans un régime où les oppositions sont muselées, le mensonge a la vie dure... Par exemple, en Russie, Staline est perçu comme un héros de la nation, et on occulte ses génocides...