Voilà un des romans les plus connus de Jean Giono, la version cinématographique de Marcel Pagnol l'a rendu célèbre : on se souvient des acteurs incarnant les rôles principaux : Fernandel, Orane Demazis ... Mais la lecture de cette oeuvre réserve un trésor de surprises insoupçonnables. L'histoire, tout le monde la connaît : Giono raconte la mort et la renaissance d'un petit village provençal abandonné par ses habitants : Aubignane. Le village pourra renaître grâce à la rencontre de Panturle et d'Arsule qui se mettent à cultiver, à apprivoiser la terre et la nature.
Giono s'attache à évoquer le monde, l'univers des paysans, leurs moeurs, leur langage, leur façon de penser. Mais surtout, il décrit dans son oeuvre une harmonie, une véritable fusion de l'homme et de la nature avec un style inimitable ! Panturle, le héros est, en fait l'incarnation du Dieu PAN, comme l'indique son nom : ce dieu dans l'antquité grecque représente l'ensemble de la nature et des forces naturelles ! Ce dieu est troublant, mi homme mi bouc, il symbolise à la fois les forces fécondes du monde, mais aussi les les forces inconnues et mystérieuses de l'univers que l'homme ne comprend pas souvent, des forces qui peuvent provoquer une peur PANIQUE. (ce mot a pour origine le nom du dieu PAN)
Ce roman est ponctué par le rythme des saisons : l'hiver, l'automne, le printemps... L'homme doit se soumettre à cet ordre immuable et éternel. La nature est omniprésente, et les descriptions des paysages nous la montrent tantôt hostile, tantôt complice et bienveillante. L'homme fait corps avec elle et devient parfois lui même buisson, animal, végétal... On voit bien que ce message est universel : même si l'être humain vit dorénavant plutôt dans les villes, il est toujours soumis aux règles de la nature, les saisons qui reviennent inlassablement sont un repère essentiel, au sortir de l'hiver tout le monde attend le printemps, le renouveau,une nature plus douce, apaisée.
Mais le roman vaut surtout par le style de Giono : roman et poésie se rejoignent dans cette oeuvre courte mais dense : les images qui suggèrent la fusion de l'homme et de la nature sont foisonnantes, Giono restitue le langage des paysans avec des phrases courtes,simples du vocabulaire familier, parfois. Mais il ajoute à son évocation une dimension lyrique et musicale : les répétitions, les anaphores les échos sonores scandent son texte exprimant tour à tour la rudesse ou la douceur de la nature.
On perçoit dans cette oeuvre la pensée des paysans, leur univers fait d'échanges et de partage : dès le début, ce thème apparaît dans la scène de la patache où les personnages, de simples paysans partagent la nourriture avec simplicité et joie de vivre ! Le partage, voilà une valeur essentielle trop souvent oubliée par nos sociétés individualistes qui refusent trop souvent cette évidence même : l'être humain n'est pourtant fait que de partages, de communication et d'échanges avec autrui ! Le partage va permettre au petit village de renaître : grâce à la charrue offerte par le vieux forgeron Gaubert, Panturle le paysan peut à nouveau cultiver la terre et une petite société humaine se recrée grâce à la solidarité..
Giono nous donne dans ce court roman une leçon de vie à méditer : l'homme doit, sans nul doute, se soumettre à la nature, la respecter, apprendre à la connaître, se montrer humble face à elle. Il doit aussi faire preuve de solidarité afin de créer une société plus humaine...