J'apprécie l'oeuvre de Michel Houellebecq, sa clairvoyance, sa vision sombre mais non dénuée de romantisme de la modernité... pourtant, en se déclarant farouchement opposé à l'euthanasie, il se fourvoie et se livre à des déclarations pour le moins douteuses.
L'écrivain prend la plume dans les colonnes du Figaro pour s'opposer à une mesure revenue au centre du débat public : le droit au suicide assisté.
"Personne n’a envie de mourir, dit Houellebecq. On préfère en général une vie amoindrie à pas de vie du tout ; parce qu’il reste de petites joies. La vie n’est-elle pas de toute façon, par définition presque, un processus d’amoindrissement ?"
Voilà une affirmation qui va à l'encontre du désir de certaines personnes très amoindries, en souffrance, de recourir au suicide assisté : d'ailleurs ces personnes se rendent, quand elles en ont les moyens, dans des pays où cette possibilité existe, la Suisse, la Belgique, les Pays-Bas, l'Espagne.
Selon Michel Houellebecq, on peut supprimer la souffrance grâce à certains médicaments comme la morphine.
Sur ce point, Michel Houellebecq argumente : "Début du XIXe siècle : découverte de la morphine ; un grand nombre de molécules apparentées sont apparues depuis lors. Fin du XIXe siècle : redécouverte de l'hypnose ; demeure peu utilisée en France."
Mais, c'est méconnaître les méfaits de la morphine sur le corps et le psychisme.
Quant à l'hypnose, elle ne permet pas d'éliminer toutes les souffrances.
«Une civilisation qui légalise l’euthanasie perd tout droit au respect», affirme-t-il.
Mais que dire d'une civilisation qui ignore la souffrance de l'autre, qui fait comme si elle n'existait pas, comme si on pouvait vraiment la supprimer ?
Et que dire de la souffrance morale ?
La médecine a fait des progrès, c'est indéniable, mais en même temps, elle maintient parfois en vie des gens qui ont atteint la limite du supportable.
De plus, une vie végétative est-elle encore une vie ?
Quant à la souffrance physique, si elle peut être atténuée par des sédatifs, elle reste parfois difficile à supporter. En ce domaine, la médecine ne peut pas tout.
Enfin, un écrivain est-il à même de donner un avis personnel sur un sujet aussi grave ? A-t-il lui-même connu l'expérience de la souffrance ?
L'euthanasie bien encadrée est nécessaire : n'est-il pas inhumain de laisser les gens souffrir moralement et physiquement ?
Hélas, en France, beaucoup de gens meurent encore très mal, dans des souffrances atroces... La mort lente est inadmissible, quand on peut apaiser et abréger des douleurs physiques, morales.
Arrêtons d'agiter le vieux spectre de la religion, la science a évolué : elle permet à tous de s'épargner une fin de vie douloureuse.
On voit bien aussi que les motifs religieux ne tiennent pas, n'ont aucune raison d'être : assez d'hypocrisie ! Quand il s'agit de couper court à la douleur, c'est bien la compassion religieuse qui intervient, c'est elle qui nous relie et nous unit aux autres : on ne peut souhaiter la douleur des autres, de ceux que l'on aime...
https://www.liberation.fr/debats/2020/02/13/on-meurt-mal-en-france-en-2020_1778317/
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