Ecouter la voix de Victor Hugo, l'écouter raconter son parcours, l'entendre dire ses poèmes : c'est là le sujet d'un spectacle plein d'émotions qui évoque la vie et l'oeuvre d'un des plus grands poètes que la France ait connu.
A la fin de sa vie, le poète se raconte. Né en 1802, il mourra en 1885, embrassant à lui seul ce XIXe siècle à la fois corseté moralement et génial sur le plan culturel.
Le spectacle est ponctué par des extraits de poèmes et des airs d'accordéon qui viennent souligner les événements de la vie de l'écrivain.
"Je m'appelle Hugo Victor-Marie, je suis né le 26 février 1802 à Besançon..." c'est ainsi que se présente l'écrivain...
"Ce siècle avait deux ans ! Rome remplaçait Sparte,
Déjà Napoléon perçait sous Bonaparte,
Et du premier consul, déjà, par maint endroit,
Le front de l'empereur brisait le masque étroit.
Alors dans Besançon, vieille ville espagnole,
Jeté comme la graine au gré de l'air qui vole,
Naquit d'un sang breton et lorrain à la fois
Un enfant sans couleur, sans regard et sans voix ;
Si débile qu'il fut, ainsi qu'une chimère,
Abandonné de tous, excepté de sa mère,
Et que son cou ployé comme un frêle roseau
Fit faire en même temps sa bière et son berceau.
Cet enfant que la vie effaçait de son livre,
Et qui n'avait pas même un lendemain à vivre,
C'est moi. "
"Mon père alors capitaine sera plus tard général et Comte de l'empire, il épouse en 1797 Sophie Trébuchet à Paris, mes parents auront deux autres fils, Abel et Eugène..."
Et le père entraîne toute sa famille sur les routes de France et d'Europe et l'emmène dans ses campagnes, en Italie, en Espagne...
Le jeune Hugo n'aura que des contacts épisodiques avec son père dont la séparation avec sa mère a été difficile à vivre, même si ce père restera à jamais pour Victor un héros...
On entend alors ce poème célèbre :
"Mon père, ce héros au sourire si doux,
Suivi d’un seul housard qu’il aimait entre tous
Pour sa grande bravoure et pour sa haute taille,
Parcourait à cheval, le soir d’une bataille,
Le champ couvert de morts sur qui tombait la nuit.
Il lui sembla dans l’ombre entendre un faible bruit.
C’était un Espagnol de l’armée en déroute
Qui se traînait sanglant sur le bord de la route,
Râlant, brisé, livide, et mort plus qu’à moitié.
Et qui disait: » A boire! à boire par pitié ! »
Mon père, ému, tendit à son housard fidèle
Une gourde de rhum qui pendait à sa selle,
Et dit: « Tiens, donne à boire à ce pauvre blessé. »
Tout à coup, au moment où le housard baissé
Se penchait vers lui, l’homme, une espèce de maure,
Saisit un pistolet qu’il étreignait encore,
Et vise au front mon père en criant: « Caramba! »
Le coup passa si près que le chapeau tomba
Et que le cheval fit un écart en arrière.
« Donne-lui tout de même à boire », dit mon père."
Victor Hugo passe aussi une partie de son enfance à Paris au 8 rue des Feuillantines dans cet ancien couvent vendu comme bien national à la Révolution.
Et c'est aux Feuillantines que le jeune Hugo découvre avec ses frères les merveilles de la lecture :
"Mes deux frères et moi, nous étions tout enfants.
Notre mère disait: jouez, mais je défends
Qu'on marche dans les fleurs et qu'on monte aux échelles.
Abel était l'aîné, j'étais le plus petit.
Nous mangions notre pain de si bon appétit,
Que les femmes riaient quand nous passions près d'elles.
Nous montions pour jouer au grenier du couvent.
Et là, tout en jouant, nous regardions souvent
Sur le haut d'une armoire un livre inaccessible.
Nous grimpâmes un jour jusqu'à ce livre noir ;
Je ne sais pas comment nous fîmes pour l'avoir,
Mais je me souviens bien que c'était une Bible.
Ce vieux livre sentait une odeur d'encensoir.
Nous allâmes ravis dans un coin nous asseoir.
Des estampes partout ! quel bonheur ! quel délire!
Nous l'ouvrîmes alors tout grand sur nos genoux,
Et dès le premier mot il nous parut si doux
Qu'oubliant de jouer, nous nous mîmes à lire.
Nous lûmes tous les trois ainsi, tout le matin,
Joseph, Ruth et Booz, le bon Samaritain,
Et, toujours plus charmés, le soir nous le relûmes.
Tels des enfants, s'ils ont pris un oiseau des cieux,
S'appellent en riant et s'étonnent, joyeux,
De sentir dans leur main la douceur de ses plumes."
Le poète évoque aussi ses débuts littéraires, son mariage avec Adèle Foucher qu'il avait rencontrée aux Feuillantines alors qu'il avait huit ans. Cinq enfants naîtront de cette union : Léopold, Léopoldine, Charles, François-Victor et Adèle.
Puis, c'est le récit détaillé et haut en couleurs de la bataille d'Hernani... en 1830, les représentations de la pièce resteront célèbres comme terrain d'affrontement entre classiques et la nouvelle génération des romantiques qui aspirent à une révolution de l'art...
Bien sûr, Hugo raconte aussi sa rencontre avec Juliette Drouet, le début d'une merveilleuse histoire d'amour...
Puis, les romans Bug-Jargal, Claude Gueux, Le dernier jour d'un condamné, Notre Dame de Paris, Les Misérables, l'Homme qui rit...
1843 : une année terrible, Léopoldine meurt tragiquement dans la Seine à Villequiers, noyée avec son mari, Charles Vacquerie.
Et on est ému par un des plus célèbres poèmes de Victor Hugo : Demain, dès l'aube...
Cette même année, Hugo tombe éperdument amoureux de Léonie d'Auney, avec qui il va avoir une liaison de 7 ans.
Puis, Hugo commence à s'intéresser à la politique et aux questions sociales, nommé maire du huitième arrondissement de Paris et député de la deuxième république en 1848, en 1849, il est élu à l'assemblée législative.
C'est là qu'il prononce le magnifique discours sur la misère :
"Je ne suis pas, Messieurs, de ceux qui croient qu’on peut supprimer la souffrance en ce monde, la souffrance est une loi divine, mais je suis de ceux qui pensent et qui affirment qu’on peut détruire la misère.
Remarquez-le bien, Messieurs, je ne dis pas diminuer, amoindrir, limiter, circonscrire, je dis détruire. La misère est une maladie du corps social comme la lèpre était une maladie du corps humain ; la misère peut disparaître comme la lèpre a disparu. Détruire la misère ! Oui, cela est possible. Les législateurs et les gouvernants doivent y songer sans cesse ; car, en pareille matière, tant que le possible n’est pas le fait, le devoir n’est pas rempli.
La misère, Messieurs, j’aborde ici le vif de la question, voulez-vous savoir où elle en est, la misère ? Voulez-vous savoir jusqu’où elle peut aller, jusqu’où elle va, je ne dis pas en Irlande, je ne dis pas au moyen-âge, je dis en France, je dis à Paris, et au temps où nous vivons ? Voulez-vous des faits ?"
Le poète raconte aussi l'exil, la fuite à Bruxelles, à Jersey, Guernesey... la dénonciation de la tyrannie de Napoléon III dans les Châtiments...
Puis, les derniers recueils de poèmes : Les Contemplations, La légende des siècles, L'art d'être grand-père...
Ce spectacle écrit et interprété par Pierre Jouvencel fait revivre un des plus grands écrivains français : poète, romancier, dramaturge, pamphlétaire, Hugo a excellé dans tous les genres littéraires.
Pierre Jouvencel incarne à merveille le poète, il nous fait partager toutes sortes d'émotions, on est particulièrement ému par le discours sur la misère qui reste, hélas, par bien des aspects encore d'actualité...
Discours sur la misère :
https://fr.wikisource.org/wiki/D%C3%A9truire_la_mis%C3%A8re,_Discours_%C3%A0_l%27Assembl%C3%A9e_nationale_l%C3%A9gislative_9_juillet_1849_(extrait)