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13 avril 2019 6 13 /04 /avril /2019 13:48
L'Aurore en robe de safran se répandait sur toute la terre...

 

 

Dans l'Iliade, Homère raconte un épisode de la guerre de Troie : la colère d'Achille et ses conséquences sur les combats... Les Achéens et les Troyens s'affrontent  violemment au cours de luttes farouches.

Et, pourtant, on trouve aussi dans cette épopée guerrière des vers qui restituent toute la beauté du monde...

 

Ainsi, le chant VIII commence par ce vers : 

"L'aurore en robe de safran se répandait sur toute la terre..."

En grec : 

"Ηώς μεν κροκοπεπλος εκιδνατο πάσαν επ'αϊαν..."

  
   

On perçoit toute la poésie de ce vers qui ouvre le chant VIII : l'Aurore personnifiée, vêtue d'un voile se lève et se répand sur la terre, dans une image qui nous fait voir les couleurs safranées d'un début de jour...

 

L'adjectif composé "κροκόπεπλος" "crocopéplos" qui signifie "au voile de safran" permet d'évoquer les teintes nuancées de l'aurore : du jaune doré, du rose, du rouge...

 

A lui tout seul, cet adjectif, par son ampleur, dépeint le lent cheminement du jour qui se lève : un léger voile rose-rouge sur l'horizon...

 

Le mot comporte aussi des allitérations de gutturales et de labiales et une assonance du son "o" à valeur poétique, créant des échos sonores.

 

L'Aurore était, dans la mythologie grecque, une déesse soeur du soleil et de Luna, la Lune. Eos était représentée comme une belle jeune femme, conduisant, souvent, un char.

 

Elle est, dans le vers d'Homère, magnifiée par son voile coloré, par ses éclats qui recouvrent toute la terre.

On perçoit sa majesté, sa puissance, sa beauté...

 

En un seul vers, Homère crée un univers poétique : l'image du voile, ses couleurs nuancées, la personnification, les effets de sonorités qui créent une harmonie, le son "o" réitéré qui peut traduire une admiration, un étonnement...

En un seul vers, Homère peint un tableau somptueux dont on perçoit l'élégance et la solennité.

Deux mille ans nous séparent d'Homère, et pourtant, on est sensible à la simplicité solennelle de ce vers venu du passé.

Homère nous fait admirer la beauté de ce moment qui ouvre le jour... avec un seul adjectif composé.

Il nous montre, aussi, un spectacle grandiose aux couleurs somptueuses... il nous ouvre les yeux sur une nature magnifique.

Il nous dit : "Regardez ce spectacle offert au lever du jour par l'aurore... soyez attentifs au monde et à ses splendeurs..."

 

 

 

 

 

 

 

 

L'Aurore en robe de safran se répandait sur toute la terre...
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8 avril 2019 1 08 /04 /avril /2019 10:41
Le vent, principe créateur... Botticelli, La naissance de Vénus...

 

 

Muriel Alle a présenté à Nîmes une conférence passionnante intitulée Le vent, une poétique du souffle dans l'art contemporain.... 

Et pour évoquer, ce thème, elle remonte bien sûr aux origines...

 

Le vent, c'est d'abord, dès l'antiquité, le souffle des Dieux qui inspire les poètes... Le vent paraissait un phénomène si mystérieux aux Anciens qu'il ne pouvait être que d'essence divine. Le plus célèbre, Éole, maître des vents, fils de Poséidon, pouvait déclencher tempête ou ouragan.

Le vent n'est-il pas lié à l'imaginaire ? Le vent ne se voit pas, on n'en perçoit que les effets sur le paysage, sur nos autres sens, le toucher, l'ouie...

Le vent est à même de représenter l'inspiration poétique, la créativité, l'imagination de l'artiste.

Le vent, c'est ainsi un élément essentiel de l'Odyssée, le périple d'Ulysse : Ulysse  peut se déplacer d'île en île grâce au vent...

Ainsi, ce souffle vital, divin et créateur est présent dans de nombreuses oeuvres, et particulièrement dans cette célèbre toile de Botticelli, La naissance de Vénus... un paradigme fondateur...

Voici l'analyse qu'en fait Muriel Alle :

"Vénus, déesse de l'Amour et de la beauté, du désir, immobile au centre de la toile, semble prendre la pose dans un déhanché  qui fait songer à la statuaire grecque...

 

Son visage traduit une impassibilité comme beaucoup de visages féminins chez Botticelli.

 

Et tout autour, on perçoit des frissons : les chevelures traitées selon une ligne serpentine, les fleurs, les tissus très ondoyants, les vagues sur la mer, un rivage dentelé dans le fond de la toile.

 

Ce qui anime la Vénus, ce qui donne l'illusion de vie à ce corps vide de toute émotion, c'est l'ensemble de ces souffles qui passent sur la toile comme une immense caresse cosmogonique : le vent constitue bien le principe d'animation de la figure, la naissance de Vénus est conçue comme un processus temporel et la peinture explore le passage entre immobilité et mouvement, entre visible et invisible."

 

Magnifique tableau où l'on perçoit les souffles du vent dans tous les éléments du décor, dans les chevelures !

Magnifique allégorie du souffle créateur, de l'imagination de l'artiste qui crée le tableau !

Le peintre arrive à nous rendre sensible le souffle du vent... le souffle, c'est aussi la force vitale qui donne naissance à la vie.

Vénus, déesse de l'amour, devait donc naturellement être associée aux souffles créateurs du vent...

Muriel Alle analyse aussi cette thématique du vent, dans de nombreuses oeuvres contemporaines, où l'on voit s'exercer toute la créativité des artistes de notre époque : ce sera le sujet d'un prochain article...

 

A suivre...

 

 

 

 

 

 

Le vent, principe créateur... Botticelli, La naissance de Vénus...
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5 avril 2019 5 05 /04 /avril /2019 11:59
La lecture rend beau...  nous dit Sylvain Tesson...

 

Vous cherchez un secret de beauté ? Sylvain Tesson nous livre le sien...

"La lecture rend beau", écrit Sylvain Tesson... Comme il a raison !

 

Le livre est une ouverture sur le monde, sur les autres.

Le livre apporte une sérénité, des bonheurs : bonheurs des mots, des idées, d'une forme d'intériorité... bonheur de la lenteur, de la réflexion...

Un nuage dans le ciel qui s'étire, un coucher de soleil qui envahit l'horizon et développe des teintes nuancées de rose-rouge, d'éclats de xanthe, quoi de plus beau ?

 

La poésie nous offre ainsi des horizons de beauté et d'harmonie qui emplissent nos âmes.

On lit quelques vers, et nous voilà transportés dans un paysage inconnu qui nous paraît pourtant si familier, on est ébloui par la beauté du décor évoqué...

"Les nuages couraient sur la lune enflammée
Comme sur l'incendie on voit fuir la fumée,
Et les bois étaient noirs jusques à l'horizon.
Nous marchions sans parler, dans l'humide gazon,
Dans la bruyère épaisse et dans les hautes brandes..."

 

Les romans nous font vivre des aventures et des destins si variés, ils nous font voyager dans le temps et l'espace et nous donnent des leçons de vie...

L'Odyssée d'Homère nous emporte sur les replis tumultueux de la Méditerranée, dans le sillage d'Ulysse aux mille tours : de quoi susciter le rêve, l'imaginaire... sans oublier les leçons philosophiques du récit : Ulysse refuse l'immortalité que lui propose Calypso : il n'a pas oublié son but, le retour à Ithaque, sa patrie, ses racines, il pense qu'une vie bonne est possible pour les mortels, grâce à la lucidité de la raison.

 

Les essais nous incitent aussi à la réflexion et à une forme de sagesse.

On lit Cosmos de Michel Onfray et on découvre qu'il est essentiel de contempler le monde, de retrouver les bases fondatrices du temps, de la vie, de la nature, comprendre ses mystères et les leçons qu'elle nous délivre : un livre passionnant, qui renoue avec l'idéal grec et païen d'une sagesse humaine en harmonie avec le monde.

 

"Kalos kagathos, beau et bon", disaient les anciens grecs. La lecture nous rend plus heureux, plus épanouis, et meilleurs. Elle nourrit notre âme et notre intelligence...

La lecture peut ainsi nous métamorphoser, elle élargit nos horizons...

Et puis, comment ne pas évoquer le bonheur de tenir en mains un objet unique, le bonheur sensuel du papier qui frissonne sous les doigts, le bonheur de sentir les odeurs du livre imprimé... odeurs d'encre et de bois mêlées ?

Le livre nous offre des sensations uniques : les écrans impersonnels ne peuvent nous apporter ces plaisirs des sens.

Oui, la lecture rend beau : elle nous épanouit et nous offre toutes sortes de perspectives...

 

 

 

https://youtu.be/RzjVWUjRYLA

 

 

 

 

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18 mars 2019 1 18 /03 /mars /2019 11:58
Les mystères et les métamorphoses de l'écriture...

 

Dans le cadre de la semaine de la langue française et de la francophonie du 16 au 24 Mars 2019...

 

L'écriture fascine depuis ses lointaines origines : petits dessins, pictogrammes, cunéiforme, hiéroglyphes...

Depuis le "gribouillis" informe jusqu'à l'art de "composer" des récits, l'écriture a décliné toutes sortes de possibilités...

Le mot "gribouillis" avec son suffixe familier de diminutif suggère bien une écriture confuse et informe. L'enfant aime ainsi gribouiller sur des feuilles, avant même d'avoir appris à écrire...

A l'inverse, le verbe "composer" venu du latin "componere", "placer ensemble" montre une volonté de structurer la pensée, d'ordonner les idées. On connaît bien l'exercice de la composition française et ses exigences...

"Composer" suppose réflexion, attention, lenteur, toutes qualités qui ont tendance à se perdre dans notre monde moderne.

 

L'écriture si précieuse a permis de transmettre tant de messages, de pensées, d'émotions, de réflexions, de beauté et d'harmonie.

 

L'écriture se décline en différents mots très évocateurs...

Ce peut être une "arabesque" sinueuse pleine de charme, ou un simple "tracé", ou encore une écriture "cursive."

L'arabesque, en forme de volute, de spirale relève de l'oeuvre d'art : le mot  lui-même fait rêver, avec ses quatre syllabes langoureuses, le mot évoque élégance, légèreté, sinuosité...

Le tracé est, quant à lui, souvent plus rudimentaire : c'est l'origine même de l'écriture...

L'écriture cursive, elle, va vite : elle court sur la feuille en un tracé continu...

 

Et puis, l'écrit fait appel aussi au dessin : c'est ce que l'on perçoit dans l'art des hiéroglyphes, si ancien, mais aussi dans l'usage fréquent, dans nos sociétés, de "logos", ces symboles associés à des marques...

L'écureuil pour la caisse d'épargne, le losange pour une marque de voiture, un lion pour une autre... 

Etonnant tout de même ! comme le souligne Roger-Pol Droit, "le "logos" terme grec qui désigne à l'origine le discours, la raison, "s'emploie désormais pour nommer la forme visuelle d'une marque !" 

 

Le "rebus" constitué d'une suite de dessins, de lettres, de chiffres nous intrigue, avec sa terminaison latine, et nous permet de découvrir une énigme : c'est un petit jeu sympathique... ce mot ancien remonte au latin et signifie "avec les choses".

 

Et que dire de ce mot mystérieux, le "phylactère" ? En grec ancien, il désignait une amulette, un talisman.

C'était aussi une petite boîte, renfermant des bandes de parchemin ou de vélin.

Le terme désigne, de nos jours, les bulles des bandes dessinées remplies d'écriture.

 

Et pourquoi le nom "coquille" est-il associé à l'écriture ? Dans le langage journalistique, il s'agit d'une faute typographique, quand une lettre est substituée à une autre... Venu du latin "conchylium" et du grec "cogkhulion", c'est une formation de diminutif qui désigne le petit coquillage. Une coquille évoque une lettre à l'envers, inversée...

 

Et puis, dans l'écriture, tout est "signe"... Les mots eux-mêmes sont des signes composés d'un signifiant et d'un signifié. La magie des mots ! Le mystère de leur origine, de leurs significations ! Leurs sonorités, leur musique éclatantes ou douces ! La magie de la poésie !

 

 

 

 

Les dix mots choisis pour illustrer cette thématique sont : arabesque, composer, coquille, cursif/-ive, gribouillis, logogramme, phylactère, rébus, signe, tracé.

 

 

http://www.dismoidixmots.culture.fr/ressources/la-thematique-et-les-dix-mots-2018-2019

 

https://semainelanguefrancaise.culture.gouv.fr/

 

 

https://www.dailymotion.com/video/x707j0m

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15 mars 2019 5 15 /03 /mars /2019 13:03
Un besoin d'intériorité...

 

 

Dans un monde où les écrans se multiplient, où l'on nous incite à consommer toujours plus, où le temps nous échappe, où le rêve s'évanouit, il est difficile de se recentrer sur soi-même...

La réflexion se délite, s'amenuise... nous oublions de nous interroger sur nous-mêmes.

 

Il y a quelques jours, je suis entrée dans une église : là, devant une statue de la vierge à l'enfant, un homme était en train de prier, bercé par une douce musique, dans une lumière presque irréelle.

Quelle concentration dans la prière ! Quel silence et quelle paix !

La vie intérieure a ainsi besoin de moments de calme, de silence, de solitude...

 

Dans un monde bruyant, trépidant, toujours en mouvement, comment retrouver une intériorité ?

Les gens en arrivent à ne plus marcher : pour le moindre déplacement, ils prennent leur voiture.

Or, marcher, c'est faire cheminer sa pensée, c'est se retrouver soi-même.

La lecture est aussi un moment de retrait du monde indispensable et quel bonheur nous offrent les livres ! Un temps de paix, de réflexion, de solitude salutaire...

Je me souviens du propos d'un collègue professeur, alors qu'il sortait de cours : "Enfin seul !"

 

Le monde moderne nous offre peu d'occasions de solitude : or, la solitude est utile, indispensable même à chacun d'entre nous.

C'est André-Comte Sponville qui fait ainsi l'éloge de la solitude :

"Du beau mot de solitude, j'ai toujours fait un usage plutôt positif. C'est que j'y vois une dimension - constitutive, nécessaire, inévitable - de la condition humaine, qu'on ne saurait dénier sans mentir. Lucidité du Bouddha : "l'homme naît seul, vit seul, meurt seul...

On vit seul, même entouré d'amis : parce que personne ne peut vivre à notre place...

On voit que la solitude, au sens où je prends le mot, touche à notre identité, à notre singularité ("solus", en latin, signifie à la fois "seul" et "unique"), à notre humanité.

La solitude est donc normale : ce qui serait anormal, voire pathologique, ce serait l'incapacité à vivre cette solitude, à l'accepter, à l'habiter."

 

La solitude est normale, utile, et même indispensable : nous avons tous besoin de nous ressourcer, de nous recentrer, de retrouver une intériorité.

Et la lecture nous offre plus particulièrement ces moments d'intériorité...

Aujourd'hui, s'ouvre à Paris le Salon du livre... L'occasion d'évoquer ce magnifique éloge de la lecture :

 

Pour l'amour des livres  de Michel Le Bris :

 

«  Nous naissons, nous grandissons, le plus souvent sans même en prendre la mesure, dans le bruissement des milliers de récits, de romans, de poèmes, qui nous ont précédés. Sans eux, sans leur musique en nous pour nous guider, nous resterions tels des enfants perdus dans les forêts obscures. N’étaient-ils pas déjà là qui nous attendaient, jalons laissés par d’autres en chemin, dessinant peu à peu un visage à l’inconnu du monde,  jusqu’à le rendre habitable  ? Ils nous sont, si  l’on y réfléchit, notre première et notre véritable demeure. Notre miroir, aussi. Car dans le foisonnement de ces histoires, il en est une, à nous seuls destinée, de cela, nous serions prêt à en jurer dans l’instant où nous nous y sommes reconnus  – et c’était comme si, par privilège, s’ouvrait alors la porte des merveilles."
 

 

 

" L’économie est toujours seconde, des réformes de la « chaîne du livre » sont sans doute nécessaires, en un temps où le monde change à toute vitesse, où s’effondrent des pans de ce qui nous était repères, déferlent les ravages de la « communication », mais justement : c’est la force de la littérature d’avoir toujours su dire, et jamais mieux qu’au milieu des tumultes, l’inconnu de ce qui venait, d’en avoir su trouver à chaque fois les mots, les rythmes jusque-là inouïs, pour faire advenir un visage, rendre le monde un peu mieux habitable… Il ne s’agit pas de hiérarchiser les arts, mais de souligner ce que littérature, poésie, roman, ont d’unique, d’irremplaçable : de nous reconduire à nos mondes intérieurs, dans le temps long de la lecture et le silence gagné sur le brouhaha ordinaire, jusqu’à nous faire approcher le mystère même du langage, qui nous relie aux autres, au monde et à nous-mêmes. Pour affirmer du même coup une dimension en l’homme échappant à ce qui prétend nous déterminer ou nous contraindre, une verticalité, que depuis L’Homme aux semelles de vent j’appelle « le poème en nous », qui nous fait libre, et nous fait homme."

 

 

https://liseuse-hachette.fr/file/101732?fullscreen=1#epubcfi(/6/6[pre2]!/4/2/2[pre-001]/6/12/1:395)

 

https://www.grasset.fr/pour-lamour-des-livres-9782246818458

 

 

https://www.lepoint.fr/livres/ces-fous-qui-devorent-les-livres-02-03-2019-2297489_37.php

 

 

Un besoin d'intériorité...
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11 mars 2019 1 11 /03 /mars /2019 10:05
Peut-on encore avoir des enfants ? Ce qu'en pense Michel Onfray...

  
 

 

Sommes-nous trop nombreux sur cette planète ? Faut-il renoncer à avoir des enfants pour l'avenir de notre planète ? C'est un sujet à la mode.

Nous serons donc presque 10 milliards sur Terre en 2050. Mais les 7,5 milliards que nous sommes aujourd'hui consomment déjà plus que la planète ne peut produire.

 

Pollution, surconsommation, dégradations, déforestations : voilà le résultat d'une surexploitation des ressources de la terre.

On a favorisé longtemps en France une politique nataliste : prestations, mesures fiscales, actions sociales...

Mais, cette tendance semble s'inverser, face aux problèmes de surpopulation. En Europe, notamment, la natalité a baissé, grâce aux nombreux progrès accomplis, grâce à la contraception.

 

Peut-on encore avoir des enfants ? En lisant Sagesse de Michel Onfray, on serait presque convaincu qu'il ne faut pas avoir d'enfants...

"De quel droit un homme et une femme, puis, depuis peu, deux partenaires avec ou sans sexe, voire trois, sans relations sexuelles, décident-ils que leur vouloir suffit à faire sortir du néant un être qui n'a rien demandé, en ne lui proposant pour seul projet que de perdre chaque jour un peu plus de la vie qui le conduira un jour à la tombe ?"

Alors, là, Michel Onfray y va fort !

Plus loin, il écrit : "Ne pas faire d'enfants ne relève ni de l'égoïsme ni de l'individualisme mais de l'altruisme : il s'agit d'éviter d'infliger de la souffrance et de la douleur à autrui, de le préserver de la négativité du monde en ne l'y exposant jamais puisqu'on en a le choix."

 

La vie ne mériterait-elle pas d'être vécue ? La vie ne serait-elle que douleurs et souffrances ?

Certains ne manquent pas de dire que c'est un parcours d'obstacles, et c'est vrai, mais on ne peut oublier et ignorer tous les bonheurs de la vie.

Ce n'est pas un hasard si beaucoup de gens tiennent à la vie... "Plutôt souffrir que mourir, telle est la devise des hommes", écrivait La Fontaine, dans une de ses célèbres fables, La mort et le bûcheron...

La vie offre tant de découvertes passionnantes : la nature, les paysages, la littérature, les arts, la peinture, la musique. L'être humain est à l'origine de tant de merveilles.

 

Il est vrai que la population mondiale ne cesse de croître... et que les ressources de la planète ne sont pas illimitées -  on consomme déjà plus que de raison.

Il nous faut, sans doute, faire des efforts pour consommer moins, nos modes de vie étant encore voués à une hyperconsommation : c'est cela qu'il faut changer...

Mais est-ce possible ?

 

 

 

 

https://www.franceculture.fr/emissions/lhumeur-du-matin-par-guillaume-erner/lhumeur-du-jour-par-guillaume-erner-du-jeudi-28-fevrier-2019

 

 

 

Peut-on encore avoir des enfants ? Ce qu'en pense Michel Onfray...
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27 février 2019 3 27 /02 /février /2019 13:31
Houellebecq Sérotonine, l'incipit...

 

Comment lire l'incipit du roman de Houellebecq Sérotonine ?

 

Comme souvent l'incipit annonce les thèmes principaux de l'oeuvre : le recours à des drogues qui permettent de mieux supporter le quotidien, la solitude du narrateur qui parle à la première personne, le coté dérisoire de la vie, la critique de la modernité et de la société de consommation.

 

La première phrase fait référence au Captorix : "C'est un petit comprimé blanc, ovale, sécable." Mais on ne sait pas encore quels sont les effets de cette substance. Le nom est à la fois amusant et révélateur, il a sans doute un effet addictif, il doit capter et capturer celui qui le consomme.

 

Le réveil du personnage s'organise autour d'un rituel qui semble invariable : "mettre en route la cafetière électrique, boire une première gorgée de café, allumer une cigarette, puis deux, puis trois, et enfin prendre le Captorix, avec un verre d'eau minérale."

Au passage, Houellebecq commente les effets de la cigarette sur son organisme : elle apporte un soulagement, elle est d'une violence stupéfiante". Et il précise : "La nicotine est une drogue parfaite, une drogue simple et dure, qui n'apporte aucune joie, qui se définit entièrement par le manque."

On peut remarquer l'ironie et l'ambiguïté de l'expression "une drogue parfaite", car on en perçoit les effets négatifs et néfastes. C'est bien là une critique de ces drogues modernes à laquelle se livre Michel Houellebecq.

Il évoque d'ailleurs "un besoin qui est à son comble, c'est le moment le plus douloureux de la journée." On perçoit là une véritable addiction.

 

La solitude du narrateur apparaît dès les premières lignes du roman : Michel Houellebecq évoque une scène de réveil où le personnage est seul : "vers cinq heures du matin, parfois six je me réveille".

Un peu plus loin, il se présente : "J'ai quarante-six ans, je m'appelle Florent-Claude Labrouste", comme si dans sa solitude, il s'adressait directement au lecteur.

Il n'a, à côté de lui, personne à qui parler. Il se confie au lecteur, lui révèle qu'il déteste son prénom et le juge ridicule.

 

Houellebecq excelle surtout à décrire le quotidien dérisoire du personnage : un rituel invariable, le matin. Les gestes se succèdent invariablement dans une monotonie acceptée.

On relève dans cet extrait deux marques, pour le café "Malongo", et pour l'eau minérale "la Volvic" : on est là dans un univers moderne de consommation, le narrateur est attaché à certains produits dont il ne peut se passer : on n'est pas dans l'addiction mais presque.

 

Cet aspect dérisoire transparaît aussi dans la façon dont le personnage s'impose de ne pas allumer de cigarette, avant d'avoir bu une première gorgée de café : il parle alors de "succès quotidien qui est devenu sa principale source de fierté." Voilà une victoire bien dérisoire ! Et le narrateur devient ainsi un anti-héros.

 

Cet incipit annonce une histoire qui s'inscrit dans la modernité, le réalisme : Houellebecq décrit un personnage ordinaire qui nous ressemble. 

 

 

 

 

 

 

 

Houellebecq Sérotonine, l'incipit...
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22 février 2019 5 22 /02 /février /2019 15:04
La poésie est essentielle...

 

 

La poésie est essentielle : on l'oublie trop souvent, mais grâce à elle nous appréhendons mieux la beauté du monde, grâce à elle, nous aimons mieux le monde.

 

La poésie n'est-elle pas une ouverture sur tout ce qui nous entoure ?

Elle suscite émotions, sensibilité, révolte, colère, réflexions.

Elle recrée le monde, le rend plus évident et plus présent.

 

Harmonie ou dissonnance, beauté ou virulence, la poésie nous aide à vivre.

Elle peut transformer et magnifier les êtres, les objets, tout en restituant leur profondeur et leur essence.

 

La poésie transfigure le monde et nous en fait mieux percevoir toute la beauté, ce que nous ne voyons plus, ce que nous ne regardons plus, ou ne ressentons plus.

Un lézard qui s'attarde sur un mur, un coucher de soleil, aux teintes flamboyantes, une aurore naissante aux embruns de roses et de pourpres.

Des senteurs de pins dans les sous-bois, si prégnantes qu'elles envahissent l'espace et nous enivrent de bonheurs.

Des couleurs nuancés à l'infini de verts, des camaïeux, des mosaïques variées...

 

La poésie des mots est, en elle-même, une évidence : les mots qui nomment et qui résonnent de sonorités, d'échos qui se répondent.

Les mots et leurs éclats de voix !

Des jeux de mots, des contrastes, des associations nouvelles, des mots qui tourbillonnent et nous emportent avec eux pour découvrir des paysages, des êtres, des histoires.

Oxymores, comparaisons, anaphores, allitérations, assonances, échos sonores, rimes, la poésie nous emporte dans un univers nouveau.

 

Que serions-nous sans la poésie ? Elle nous accompagne dans nos joies, nos révoltes, nos peines, elle nous montre que le regard est essentiel, que la pensée est une force, une force de joie et de bonheur.

 

Elle nous fait redécouvrir le monde, elle est musique, rythme, réflexions, et attention.

Elle est "peinture", elle est tableau, elle contient et réunit tous les arts.

Elle est "musique", aux sonorités variées, douces, légères, ou rudes, virulentes, quand elle s'emporte et dénonce des injustices.

 

Grâce aux images, elle nous fait ressentir l'harmonie des éléments : le ciel, la mer, la terre, les arbres qui chaloupent sous le vent de l'été.

"Un nuage, Flocon de laine, nage Dans les champs bleus du ciel"!

"Les grands lys orgueilleux se balancent au vent" !

 

Fusions, correspondances, mondes qui se rejoignent !

La poésie nous entraîne dans son sillage et nous fait aimer le monde...

 

 

 

 

 

La poésie est essentielle...
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14 février 2019 4 14 /02 /février /2019 11:31
Houellebecq Sérotonine : La scène de rencontre...

 


Nombre de romanciers ont abordé ce thème, celui de la rencontre amoureuse ou du coup de foudre : ce motif est un lieu commun de la littérature sentimentale, il permet d'ouvrir des perspectives, de lancer un personnage dans une aventure amoureuse, d'orienter son destin.

 

Dans le roman de Houellebecq Sérotonine, on retrouve ce thème littéraire traité de manière moderne et originale.

La scène se passe sur le quai C de la gare de Caen... La gare est un lieu de rencontres où les gens se croisent. Mais, en fait, le narrateur a été dépêché afin d'accueillir une jeune stagiaire dans le service vétérinaire de son entreprise, la DRAF.

 

Le narrateur, Florent-Claude Labrouste, dans l'attente du train, se met à observer certains détails infimes, comme une "précognition bizarre", comme s'il se doutait que la rencontre à venir allait être décisive et essentielle...

Et qu'observe-t-il d'abord ? Entre les voies, il aperçoit des "plantes aux fleurs jaunes" dont il avait appris l'existence au cours de ses études d'ingénieur agronome... Les fleurs, on le sait, sont souvent associées à l'amour, à une forme de romantisme, et on voit ici qu'elles s'épanouissent dans un cadre urbain plutôt hostile : au milieu des pierres et du béton.

Puis, curieusement, le narrateur observe tout autre chose : "d'étranges parallélépipèdes, aux bandes saumon, ocre et bistre, il s'agissait en réalité du centre commercial "Les bords de l'Orne", une des fiertés de la nouvelle municipalité, les références majeures de la consommation y étaient présentes, de Desigual à The Kooples..."

On est sensible ici à une opposition évidente entre les fleurs et le centre commercial, symbole de modernité, emblème du libéralisme, de l'économie de marché, d'une société de marchandisation et de consommation.

Curieux rapprochement entre des fleurs et un centre commercial !

 

C'est comme si ce centre commercial représentait un danger pour l'amour qui va naître... On trouve d'ailleurs cette idée exprimée un peu plus loin dans le roman : "j'avais bien compris, déjà, à cette époque, que le monde social était une machine à détruire l'amour".

 

Puis, soudain, Camille apparaît : désignée simplement par le pronom "elle", le personnage envahit l'espace : le narrateur ne voit plus qu'elle.

Elle est très simplement associée à des verbes de mouvement : "Elle descendit les quelques marches métalliques de son wagon et se tourna vers moi."

Le narrateur remarque avec satisfaction qu'elle n'a pas de valise à roulettes, mais un sac en bandoulière, une preuve de dynamisme, de décontraction, d'anticonformisme, sans doute.

 

La jeune femme n'est absolument pas décrite : on ne sait pas si elle est grande, petite, brune, blonde, on ne voit pas les traits de son visage, comme si elle était une sorte d'archétype de la beauté et de l'amour. On sait seulement que "son regard était d'un brun doux."

Aucune parole n'est prononcée alors : c'est l'émerveillement de la rencontre qui se manifeste par des regards croisés et insistants, comme le suggère l'emploi de l'imparfait à valeur durative : "elle me regardait, et je la regardais, c'était absolument tout."

 

L'amour paraît ainsi comme une évidence, un absolu : on peut noter la sobriété de cette scène, dans le vocabulaire, aucune effusion, aucun trouble émotionnel, mais une grande complicité qui unit déjà les personnages.

On remarque aussi la simplicité du dialogue, la jeune fille se contente de dire : "Je suis Camille."

Puis, les deux personnages se dirigent vers la voiture garée à une centaine de mètres. Le silence les réunit.

La jeune femme se comporte avec naturel, et semble déjà très proche du narrateur.

 

Le temps lui-même semble se mettre à l'unisson des deux amoureux : "le temps était resplendissant, le ciel d'un bleu turquoise, presque irréel..."

 

Ce qui touche, dans cette scène de rencontre, c'est l'extrême simplicité de l'évocation : aucune grande effusion romantique, aucune description grandiloquente.

C'est l'évidence de l'amour qui se manifeste... un amour que le narrateur ne saura pas préserver, et on en trouve comme un indice dans la description du centre commercial... comme si la fin de l'amour était déjà inscrite et programmée avant même qu'il ne débute.

Ainsi, Michel Houellebecq renouvelle le thème de la rencontre amoureuse grâce à l'extrême sobriété du récit, et en l'inscrivant dans un cadre moderne et contemporain.

 

 

 

 

 

 

Houellebecq Sérotonine : La scène de rencontre...
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8 février 2019 5 08 /02 /février /2019 11:51
J'ai lu le nouveau Houellebecq... et j'ai aimé...

 

 

Drôle, bouleversant, pathétique, le nouveau roman de Houellebecq est arrivé... Un roman qui reflète les réalités de notre temps : le capitalisme qui génère incertitudes et angoisses, les autoroutes et leurs défilés de camions interminables, l'agriculture en perdition, les paysans en détresse, l'horreur des élevages en batterie, la mondialisation, la solitude de l'homme moderne... et bien sûr l'usage d'antidépresseurs dont les effets peuvent être délétères, ce  qui donne son titre au roman Sérotonine, l'hormone du bonheur.

 

Non, ce n'est pas un roman à suspense, mais on ne le lâche pas : Houellebecq pratique l'esthétique de la surprise, de l'étonnement, un humour constamment décalé dans des situations douloureuses et difficiles.

Il dépeint le dérisoire de la vie. 

 

Non, ce n'est pas un roman de style classique : on suit les méandres de la  pensée du narrateur dans de longues phrases sinueuses. Ce n'est pas un hasard si on parle de style Houellebecquien : le style de cet auteur est bien caractéristique.

 

"Montrer la médiocrité du monde, sur le fond d'une aspiration à l'infini...", c'est ainsi qu' Agathe Novak-Lechevalier définit le style de Houellebecq.

 

Alors bien sûr, on retrouve sous la plume de Houellebecq un langage cru, parfois choquant : on y parle de "bite", de "chatte", et les aventures sexuelles du personnage principal Florent-Claude Labrouste jalonnent le roman.

Houellebecq n'oublie pas de passer en revue toutes sortes de déviances sexuelles : zoophilie, pédophilie, nymphomanie...

 

Le monde qu'il décrit est assez désespérant, mais la figure de Camille vient apporter un réconfort au narrateur : une image de jeunesse, de pureté et d'innocence.

Camille est un personnage lumineux, plein de générosité et d'empathie.

Et c'est à cause d'une banale "histoire de cul" que le narrateur perd celle qu'il aime.

 

On est ému aussi par le personnage d'Aymeric, ce fils d'aristocrate devenu agriculteur qui ne parvient plus tout simplement à vivre de son travail... il s'exprime ainsi : "Moi j'essaie de monter quelque chose, je me crève au boulot, je me lève tous les jours à cinq heures, je passe mes soirées dans la comptabilité- et le résultat, en fin de compte, c'est que j'appauvris ma famille."

Triste constat ! Le travail  ne parvient plus à rémunérer correctement les gens, le travail ne fait qu'appauvrir ceux qui triment. 

L'agriculture est sacrifiée, "pour arriver aux standards européens"... "ce qui se passe en ce moment avec l'agriculture en France, c'est un immense plan social, le plus gros plan social à l'oeuvre à l'heure actuelle, mais c'est un plan social secret, invisible, où les gens disparaissent individuellement, dans leur coin, sans jamais donner matière à un sujet pour BFM.", déclare le narrateur.

 

Certains portraits de personnages sont particulièrement savoureux, par exemple, le docteur Azote dont les prescriptions sont pour le moins étonnantes...

Le narrateur Florent-Claude Labrouste est un anti-héros souvent pris en défaut, un être humain avec toutes sortes de faiblesses et de manques.

Pourtant, c'est souvent avec humour qu'il révèle ses failles, ses difficultés.

 

Houellebecq rend compte de notre monde : c'est un auteur réaliste qui se livre à une satire acerbe de notre société libérale, égoïste, veule, trop repliée sur elle-même.

 

Houellebecq voit, malgré tout dans l'amour la possibilité d'une transcendance, d'un bonheur que souvent l'on ne sait pas saisir et comprendre.

 

 

 

Une émission sur France Culture :

https://www.franceculture.fr/emissions/repliques/le-mystere-houellebecq

 

 

J'ai lu le nouveau Houellebecq... et j'ai aimé...
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