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2 septembre 2019 1 02 /09 /septembre /2019 12:08
L'art perdu de la description...

 

 

L'attention n'est plus au coeur de l'école : elle se disperse, elle se délite de plus en plus. Les élèves ne savent plus se concentrer, écouter, être attentifs. 

Or, "la formation de la faculté d'attention est le but véritable et presque l'unique intérêt des études..." a fort justement écrit Simone Veil.

 

Quand on n'écoute pas l'autre, quand on ne porte plus attention au monde, on perd le contact, on perd l'essence du monde.

"On ne peut pas conserver la nature, sans l'identifier, sans la décrire... il est inconcevable de pouvoir conserver quelque chose que l'on ne nomme pas, que l'on ne connaît pas..."

 

Et pour décrire, il convient d'être particulièrement attentif...

Dans un monde de l'action, de la performance, la description n'est plus à la mode...

 

Qui connaît les noms des oiseaux, des arbres, des fleurs, des insectes innombrables qui peuplent encore notre terre ? peut-être pour peu de temps encore...

Des mots qui se perdent, du vocabulaire qui disparaît...

 

Pourtant, il fut un temps où des scientifiques, des naturalistes, des écrivains, des poètes s'attachaient à faire des descriptions très fines et très belles des êtres de la nature.

Bernardin de Saint-Pierre, Humboldt, Wallace, Ponge savaient décrire dans le détail l'arbre, la plante, l'oiseau.

La liane, le papillon, le coléoptère, l'oiseau, l'abeille... qui les décrit, dorénavant ?

 

"Le syrphe, la prêle, le chabot nous sont devenus étrangers..." écrit Romain Bertrand, dans son ouvrage intitulé Le détail du Monde...

Il est vrai que pour la plupart, nous vivons dans des villes où la nature s'efface.

 

"Le syrphe" ! Vous connaissez ? "Le chabot" ? Mais qu'est-ce que c'est ?

Voilà des noms étranges dont on a perdu l'usage...

Ces espèces vont peut-être disparaître et nous n'en garderons plus que le nom.

 

Prendre soin du monde, c'est d'abord le connaître et le nommer...

 

Il nous faut réapprendre à porter attention au monde, à écouter le chant des oiseaux, à observer les couleurs des paysages, les formes des arbres, des herbes, des fleurs...

L'apprentissage de l'attention devrait être une priorité dès le plus jeune âge : apprendre à voir, à observer, à écouter.

 

 

 

 

Source : 

 

https://www.franceculture.fr/emissions/repliques/le-chant-du-monde

 

 

L'art perdu de la description...
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31 juillet 2019 3 31 /07 /juillet /2019 10:18
L'aphorisme me plaît...

 

Formule brève, ramassée, l'aphorisme dit l'essentiel en si peu de mots...

Econome du verbe, l'aphorisme révèle pourtant bien des choses...

 

Le mot est ancien et d'autant plus précieux, il vient d'un verbe grec "aphorizein" qui signifie "délimiter".

 

L'aphorisme me plaît, me séduit : je n'aime pas les logorrhées, les longs discours interminables et amphigouriques qui tournent autour du pot...

Comme le haïku japonais, l'aphorisme est un condensé de réflexion sur le monde.

Formule frappante, percutante, l'aphorisme fait souvent appel à l'humour, à la dérision, à la poésie, à des jeux de mots.

 

Difficile de se livrer à cet exercice où le mot doit faire mouche... difficile de rédiger en peu de mots l'essence du monde...

 

Sylvain Tesson, géographe, grand voyageur, écrivain, excelle dans la maîtrise de l'aphorisme...

Il écrit notamment : "L'aphorisme s'accorde bien à la vie d'aventure. Sur la route, il faut de la légèreté : un sac vide et des projets réduits au seul et beau souci d'avancer. L'aphorisme participe au dégraissage de la vie, à la diététique de l'âme et du corps- vertus nomades."

Propos sur la nature, sur la mort, sur l'homme et ses penchants, ces aphorismes surprennent, émerveillent, font sourire, rire, parfois d'un rire désespéré...

La mélancolie affleure souvent : l'amour qui déçoit, l'homme qui détruit la nature, le tourisme mal pensé...

Il faut lire "Les aphorismes sous la lune et autres pensées sauvages" de Sylvain Tesson.

 

Quelques mots pour décrire la beauté du monde, le plaisir de la marche, la mélancolie des crépuscules...

Quelques mots pour dénoncer la bêtise, l'inconscience des hommes...

 

Par exemple :

 

"La neige : les éclats brisés du silence céleste..."

"Neige : la poudre aux yeux de l'hiver..."

"Lueur d'espoir : une petite mousse dans la fissure d'un mur."

"Sapin de Noël : on aura même réussi à rendre les arbres ridicules."

"Pâquerettes : taches de douceur sur la joue du gazon."

 

Ou encore :

"L'amour est cet intervalle de déception entre le chagrin de la vie solitaire et le désespoir de la séparation."

"Amour : jeu de jupes puis jeu de dupes."

 

"Dans une vie, il nous arrive davantage rien que quelque chose."

" Je suis sûr que Jésus préférerait une soirée avec des danseuses du ventre qu'avec des carmélites."

"Vivre, c'est attendre de regretter la jeunesse au cours de laquelle on s'ennuyait tant."

 

"Plages de la Méditerranée : champs de bataille couverts de corps morts de chaud."

" Le tourisme à Rome : preuve que, effectivement, les barbares ont gagné."

 

Etc.

 

 

 

L'aphorisme me plaît...
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15 juillet 2019 1 15 /07 /juillet /2019 09:35
Le temps des vacances : le temps de la lecture...

 

L'été, les vacances sont l'occasion de lire, on peut prendre le temps d'aller à la librairie, de choisir...

Tant de livres à lire ! Tant d'oeuvres diverses, tant d'auteurs à découvrir !

 

Romans, nouvelles, essais, ouvrages philosophiques... toutes sortes d'ouvrages sont accessibles et nous offrent une ouverture sur les autres et sur le monde.

 

Pour ma part, j'aime lire : c'est là une façon de découvrir toutes sortes de pensées et d'expériences...

Une façon de s'enrichir de la pensée d'autrui... et de plus en plus, je suis attirée par des textes philosophiques.

 

De nombreuses oeuvres philosophiques sont difficiles, rebutantes, mais il existe, désormais, de bons livres de vulgarisation dans ce domaine.

Toutes sortes de problèmes y sont abordés : la liberté, le bonheur, l'être, l'univers, le bien et le mal, la pensée...

 

On y gagne en lucidité, tolérance, amour, beauté, liberté, amitié etc.

On y gagne aussi en sérénité : on oublie les écrans du monde moderne, pour se concentrer enfin vraiment sur la pensée d'un auteur.

On y gagne en réflexion, en concentration et en attention...

 

Certains textes philosophiques sont aussi des oeuvres littéraires à part entière.

On y découvre un style, un univers de poésie, de sensibilité.

 

On peut lire ainsi dans Cosmos de Michel Onfray cette magnifique description du jardin botanique de Medellin en Colombie :

"Fleurs tropicales jaunes, généreuses, pistils solaires dans des corolles rouge vif, trompettes des anges silencieuses alors que l'orage grondait au-dessus du grand parc, palmiers aux cimes perdues dans le ciel bleu sombre et violet, papillons colorés, portant parfois sur leurs grandes ailes des paires d'yeux qui ne regardaient rien, étranges insectes en vol géostationnaire la trompe butinant dans le coeur d'une fleur extravagante violine et jaune... orchidées voluptueuses comme des plissés de tissus rares, longs colliers de fleurs comme des fruits rouges aux extrémités jaunes, sidérants agencements de pétales orange à la façon d'une rose ancienne, mais avec des velours capiteux, longues palmes en efflorescence giclant vers le ciel comme une offrande, racines tombées du ciel à la recherche de la terre, gingembres à fleurs de sang, hibiscus dépliés..."

 

Comment ne pas être séduit, subjugué par cette évocation ? Couleurs somptueuses, formes étranges et mystérieuses, beauté des fleurs et des fruits...

 

Voici venu le temps des vacances, celui du temps retrouvé, celui où l'on peut enfin s'adonner à la lecture... Profitons-en !

 

Mes conseils de lecture :

En tout premier lieu, bien sûr : Cosmos de Michel Onfray

Sagesse de Michel Onfray

 

Et aussi :

André Comte-Sponville :

Le goût de vivre et cent autres propos

L'inconsolable et autres impromptus

Le bonheur, désespérément

 

Et encore Sylvain Tesson :

Un été avec Homère

Géographie de l'instant

Une très légère oscillation

 

 

 

Le temps des vacances : le temps de la lecture...
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21 juin 2019 5 21 /06 /juin /2019 10:30
Destination : arbre, un poème signé Andrée Chedid... un sujet du bac Français trop difficile ?

 

Bac de français "trop difficile", une pétition recueille plus de 25.000 signatures ! L'épreuve de français 2019 aura donné matière à converser sur les réseaux sociaux pour les élèves de première en série S et ES. 

Les candidats ont été invités à composer sur le thème de la poésie à partir d'un corpus de quatre poèmes d'Alphonse de Lamartine, Anna de Noailles, Yves Bonnefoy et enfin Andrée Chedid.

Et le commentaire portait sur le texte de la poétesse Andrée Chedid, intitulé Destination : arbre.

Ce poème a été jugé trop complexe par nombre d'élèves : et, pourtant, même si le texte n'est pas de facture classique, il fait intervenir un thème traditionnel, un lieu commun de la littérature : le lien entre le poète et la nature.

 

Voici l'analyse qu'on pouvait en faire :

 

La nature est un sujet d'inspiration inépuisable pour les poètes : on songe ainsi à tous les auteurs romantiques pour qui le spectacle de la Nature est souvent un reflet de leur état d'âme : mélancolie, tristesse, sentiment de la fuite du temps...

 

On retrouve ce thème de la nature dans un poème de Andrée Chedid intitulé Destination : arbre... mais ce n'est pas de mélancolie dont il est question dans ce texte, bien au contraire : la nature semble donner des leçons de vie et de vitalité.

 

L'auteur nous livre ici un magnifique hommage, elle évoque une fusion possible entre l'homme et la nature, et nous montre que l'arbre peut représenter notre humanité.

 

 

Andrée Chedid fait d'abord un éloge de l'arbre : le mot est mis en vedette dans le titre du poème, où l'arbre devient "une destination", un pays, un monde à découvrir...  il s'agit ainsi de "parcourir l'Arbre..."belle image d'un voyage qui conduit l'être humain vers la nature. Ce thème du voyage est d'ailleurs repris à la fin du texte avec les verbes "cheminer, explorer."

 

L'Arbre est aussi magnifié, dès le premier vers, grâce à l'emploi de la majuscule... Le mot employé au singulier lui confère une sorte d'individualité.

 

Dans la suite du poème, les différentes parties de l'arbre sont évoquées et détaillées, les "racines, le fût, la charpente, les branchages, les feuilles, l'écorce, les sèves, les bourgeons".... , avec une progression dans le vocabulaire, comme si on pénétrait, au fil du texte, l'intimité de l'arbre.

 

De nombreuses expressions sont valorisantes : "l'éclat des feuilles" qui permet "d"embrasser l'espace", de "résister aux orages", de "déchiffrer les soleils". L'arbre semble ainsi doté d'une force, d'un pouvoir mystérieux...

N'est-il pas à la fois symbole de "l'éphémère et de la durée" ? Suivant le cycle des saisons, il perd ses feuilles en hiver et les retrouve immuablement au printemps... L'arbre semble donner des leçons de persévérance et de courage permettant "d'affronter jour et nuit" ou encore de "résister aux orages."

 

 

Andrée Chedid suggère aussi dans le poème une fusion possible et une union de l'homme et de la nature...

Le vocabulaire de l'union est particulièrement présent, dès le début du texte : "se mêler, se lier, plonger", et plus loin "s'unir, rejoindre". On remarque que les verbes sont à l'infinitif, traduisant une sorte de recette pour retrouver une harmonie perdue avec la nature.

Au fil du texte, l'union se fait fusion au point de :

"Sentir sous l'écorce 
Captives mais invincibles 
La montée des sèves 
La pression des bourgeons..."

 

Et cette fusion permettra de "renaître"...

Ainsi, la nature apparaît comme une force bienveillante, à laquelle l'homme doit s'unir, et qu'il doit protéger. Ce poème exprime la simplicité du rapport qui unit l’homme et l’arbre, une envie de fusion, une sensualité, comme le montre l'emploi des verbes "embrasser, écouter, sentir."

 

L'arbre ne peut-il pas aussi représenter notre humanité ?

C'est un condensé de vie : il est associé à des verbes de mouvement et d'action : "gravir, envahir, se greffer, embrasser..." L'arbre est personnifié...

Comme l'être humain, il a besoin de contacts, son environnement naturel est essentiel : il est, dès le début du poème, associé à des "jardins, des forêts".

Et lorsqu'il est transplanté "au coeur d'une métropole, éloigné des jardins", il devient "orphelin", prisonnier, comme le suggère l'expression "enclos dans l'asphalte."

Il perd alors sa vitalité, "son tronc est rêche, ses branches taries, ses feuilles longuement éteintes."

De la même façon, l'homme qui vit dans les villes se retrouve souvent seul, il perd le contact avec la nature, avec la terre, et même avec les autres hommes.

 

Ce poème nous invite à mieux regarder ces êtres encore si étranges pour nous : les arbres. Ils semblent inertes, et pourtant, en eux, bouillonnent la vie, le renouveau. Les arbres sont bien un monde à découvrir, ils nous donnent des leçons de vie et il convient de les préserver.

 

Le poème :


Parcourir l'Arbre 
Se lier aux jardins 
Se mêler aux forêts 
Plonger au fond des terres 
Pour renaître de l'argile

Peu à peu

S'affranchir des sols et des racines

Gravir lentement le fût

Envahir la charpente

Se greffer aux branchages

Puis dans un éclat de feuilles 
Embrasser l'espace 
Résister aux orages 
Déchiffrer les soleils 
Affronter jour et nuit

Evoquer ensuite 
Au cœur d'une métropole 
Un arbre un seul 
Enclos dans l'asphalte Éloigné des jardins 
Orphelin des forêts

Un arbre

Au tronc rêche

Aux branches taries

Aux feuilles longuement éteintes

S'unir à cette soif 
Rejoindre cette retraite 
Ecouter ces appels

Sentir sous l'écorce 
Captives mais invincibles 
La montée des sèves 
La pression des bourgeons 
Semblables aux rêves tenaces 
Qui fortifient nos vies

Cheminer d'arbre en arbre 
Explorant l'éphémère 
Aller d'arbre en arbre 
Dépistant la durée.

 

 

Destination : arbre, un poème signé Andrée Chedid... un sujet du bac Français trop difficile ?
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3 juin 2019 1 03 /06 /juin /2019 12:06
"Des manuels adaptés à la génération Z"...

 

 

Les nouveaux programmes du lycée sont arrivés : les professeurs ont droit à une déferlante publicitaire vantant les mérites de nouveaux manuels.

Tous les jours, sur internet, déboulent des pubs pour présenter ces ouvrages, vidéos à l'appui.

Et voici qu'une de ces publicités a particulièrement attiré mon attention :

"Des manuels adaptés à la génération Z...

Au centre de nos préoccupations, la réussite de toute une génération !
Cette nouvelle génération, nous l’étudions et l’associons à la création de nos manuels. Les élèves ont bien changé, c’est une évidence… et nos manuels ont su changer avec eux, c’est une réalité."

"Des manuels dynamiques et stimulants"... peut-on lire au cours de la vidéo de présentation...

Et encore ce commentaire d'un élève : "Moi, j'adore ça, je travaille comme ça. D'avoir les cartes mentales et de tout visualiser rapidement et pouvoir parler du cours en ayant juste quelques mots clés..." signé Lucas.

Il s'agit donc de privilégier la rapidité, le résumé très bref.

 

En voyant ce type de publicité, je me dis que l'on va favoriser un peu plus, avec ces manuels, la tendance à une forme de paresse intellectuelle : il faut aller vite, synthétiser, simplifier au risque de tronquer.

Quelques mots clés peuvent être utiles, mais il faut aussi approfondir et travailler certaines notions importantes. Un simple vernis ne suffit pas et trop souvent on s'en contente, dans nos sociétés d'apparence...

 

Mais, c'est quoi, au juste, la génération Z ? 

Voici la définition que l'on peut trouver sur un internet :

"Une toute nouvelle génération commence à faire parler d'elle : la génération Z. Hyper-connectée et ambitieuse, cette nouvelle génération élevée au milieu de la crise se veut indépendante mais souffre aussi de nombrilisme."
 

"L'hyperconnexion est une caractéristique clé de cette nouvelle génération. La génération Z utilise en moyenne le smartphone 4 heures par jour. C'est un couteau suisse multi-usages puisqu'il permet de s'informer mais surtout d’interagir avec un réseau élargi. L'usage des dispositifs digitaux est intuitif et permanent."

Nous y voilà ! Les jeunes sont déjà saturés de messages rapides, d'informations instantanées, tronquées et on va encore en rajouter avec ces nouveaux manuels ?

 

Autre caractéristique de cette génération Z :

"La pratique de l'autorité connaît depuis plusieurs décennies des évolutions notoires au sein de la famille et de l'école et il serait utopique d'imaginer que dans l'entreprise les nouvelles générations acceptent de se soumettre à l'ordre établi sans revendiquer un partage du pouvoir. Ils veulent être traités d'égal à égal. Ce sont des partenaires et pas des subordonnés."

Une école où l'autorité perd de sa valeur, on en voit aujourd'hui les résultats : une baisse des exigences qui entraîne des difficultés croissantes dans l'apprentissage de la langue, si essentiel.

Ainsi, tout est fait pour conforter cette génération Z dans une paresse, un laisser-aller dommageables.

Et même les éditeurs semblent favoriser ce penchant.

 

 

 

https://www.atlantico.fr/decryptage/1635627/et-maintenant-la-generation-z--et-ca-ne-va-pas-en-s-arrangeant-eric-delcroix

 

https://www.journaldunet.com/management/expert/68272/voila-pourquoi-la-generation-z-est--vraiment--a-part.shtml

 

"Des manuels adaptés à la génération Z"...
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31 mai 2019 5 31 /05 /mai /2019 10:35
La poésie pour échapper au conformisme de notre époque...

 

 

Nous vivons cernés par toutes sortes d' images et d' écrans, nous sommes abreuvés de vidéos, de photos, de films, de publicités...

Dès lors, notre imagination s'émousse, se délite...

Or, la poésie est à même de susciter et d'éveiller notre imaginaire, elle fait appel à des métaphores, à des associations de mots, elle vivifie le langage, le renouvelle à l'infini.

La poésie met aussi en oeuvre des sensations, et les met en valeur. 

"D'une certaine façon, la poésie est un sensualisme qui rappelle l'homme à l'ordre de sa condition naturelle...", écrit fort justement Jean-Pierre Siméon dans son ouvrage intitulé La poésie sauvera le monde.

Or, nous avons tendance à perdre cette relation aux sens : saturés d'images et d'informations, nous ne savons plus vraiment regarder, écouter...

Nos sens sont anesthésiés, paralysés...


Et bien souvent, nous l'oublions : nous ne percevons plus nos propres sens, nous ne nous en servons plus, nous sommes comme aveugles, sourds, dépourvus d'odorat, de goût, de sensation tactile...

 Ces sens nous permettent pourtant de mieux appréhender le monde, de mieux en saisir les composantes.

Ainsi, le goût disparaît avec la mode des fast-food, on nous interdit même par mesure d'hygiène de serrer des mains, ou d'embrasser quiconque.

 

La poésie nous révèle aussi toute l'importance du langage.

Notre langue est de plus en plus uniformisée, polluée par des anglicismes.

La poésie faite de subtilités, de nuances s'oppose à la "logorrhée médiatique, au discours technocratique"qui sont envahissants.

 

Dans un monde où règne le divertissement, où tout est érigé en spectacle, la poésie a tendance à s'effacer, à disparaître, c'est bien elle justement qui exige une lecture attentive, lente, et même une relecture qui permettent d'en découvrir toutes les beautés et toutes les nuances.

C'est la poésie qui nous fait redécouvrir le monde, ses beautés, son harmonie.

C'est la poésie qui nous apprend la lenteur, le sens de l'effort, elle s'oppose à la paresse intellectuelle de notre monde voué au divertissement.

 

"L'insurrection poétique" n'est-elle pas, comme l'écrit Jean-Pierre Siméon, une arme contre les discours médiatiques qui nous submergent ?

"Parce que son terrain d'action est la langue et que la langue est le medium universel où tout se joue, le pire et le meilleur. Le mensonge, la censure, la manipulation, l'aplatissement ou le détournement de la réalité pour le pire, le lien social, l'émancipation de la conscience, l'expression de la singularité, le creusement et l'invention (au sens premier de "découverte") du réel pour le meilleur".

 

 

Source : La poésie sauvera le monde de Jean-Pierre Siméon

 

 

 

La poésie pour échapper au conformisme de notre époque...
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19 avril 2019 5 19 /04 /avril /2019 11:06
"Notre époque ne serait-elle pas digne des flèches ?" Sylvain Tesson...

 

 

La flèche de Notre Dame qui s'effondre sous l'effet d'un incendie.... Faut-il voir là un signe, un symbole ?

"Comme si notre époque n'était pas digne des flèches", déclare Sylvain Tesson.... comme si notre époque trop préoccupée de matérialisme et d'efficacité à court terme, avait perdu de vue l'essentiel : le sens de la beauté, la force d'un héritage culturel qui nous réunit...

Notre Dame oubliée, que nous ne voyions plus, s'est affaissée sous nos yeux...

 

Oui, le patrimoine est important : c'est une part de notre histoire, de notre littérature, de nos arts...

C'est une part de nous-mêmes...

 

Qui ignore dans le monde le nom de Quasimodo, la figure d'Esméralda ? Qui ne connaît le nom même de Notre Dame de Paris ?

Le roman de Victor Hugo a célébré cette cathédrale devenue un symbole de la ville de Paris... une référence.

 

Dans un monde où prime l'économie, où s'impose le règne de l'argent, nous devons retrouver de vraies valeurs : celles qui nous relient au passé, à nos ancêtres, à tous ceux qui nous ont précédés et qui nous ont transmis une culture, des monuments uniques, exceptionnels.

Nous devons préserver ces monuments, nous devons les sauver : ils appartiennent à notre histoire...


Une oeuvre d'art qui disparaît, c'est une défaite de la réflexion et de la pensée, c'est nier le geste d'un artiste, d'un artisan, leur travail, leur génie, c'est nier l'être humain...

Comme le déclare Alain Finkielkraut, il ne s'agit pas de sauver Notre Dame en vue des Jeux Olympiques, non, il s'agit de sauver un monument qui est une partie de nous-mêmes, qui nous structure.

Car nous avons tous besoin de nous inscrire dans une histoire, nous avons tous besoin de repères, de phares pour nous éclairer.

 

Que d'oeuvres ont été consacrées à Notre Dame ! Romans, poésies, tableaux... quelle diversité, et que d'hommages rendus à cette cathédrale !

Un monument qui a inspiré tant de chefs d'oeuvre ne peut pas disparaître.

 

Et les Parisiens ne se sont pas trompés, eux qui se sont attroupés et réunis autour de Notre Dame incendiée, eux qui se sont émus de cette catastrophe.

La vision de la flèche de la cathédrale Notre-Dame de Paris s’effondrant lundi 15 avril, sous l’effet d’un violent incendie parti des combles, a en fait bouleversé le monde entier.

 

 

Source : La grande librairie

 

https://www.france.tv/france-5/la-grande-librairie/la-grande-librairie-saison-11/973355-notre-dame-histoire-et-litterature.html

 

 

 

 

"Notre époque ne serait-elle pas digne des flèches ?" Sylvain Tesson...
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13 avril 2019 6 13 /04 /avril /2019 13:48
L'Aurore en robe de safran se répandait sur toute la terre...

 

 

Dans l'Iliade, Homère raconte un épisode de la guerre de Troie : la colère d'Achille et ses conséquences sur les combats... Les Achéens et les Troyens s'affrontent  violemment au cours de luttes farouches.

Et, pourtant, on trouve aussi dans cette épopée guerrière des vers qui restituent toute la beauté du monde...

 

Ainsi, le chant VIII commence par ce vers : 

"L'aurore en robe de safran se répandait sur toute la terre..."

En grec : 

"Ηώς μεν κροκοπεπλος εκιδνατο πάσαν επ'αϊαν..."

  
   

On perçoit toute la poésie de ce vers qui ouvre le chant VIII : l'Aurore personnifiée, vêtue d'un voile se lève et se répand sur la terre, dans une image qui nous fait voir les couleurs safranées d'un début de jour...

 

L'adjectif composé "κροκόπεπλος" "crocopéplos" qui signifie "au voile de safran" permet d'évoquer les teintes nuancées de l'aurore : du jaune doré, du rose, du rouge...

 

A lui tout seul, cet adjectif, par son ampleur, dépeint le lent cheminement du jour qui se lève : un léger voile rose-rouge sur l'horizon...

 

Le mot comporte aussi des allitérations de gutturales et de labiales et une assonance du son "o" à valeur poétique, créant des échos sonores.

 

L'Aurore était, dans la mythologie grecque, une déesse soeur du soleil et de Luna, la Lune. Eos était représentée comme une belle jeune femme, conduisant, souvent, un char.

 

Elle est, dans le vers d'Homère, magnifiée par son voile coloré, par ses éclats qui recouvrent toute la terre.

On perçoit sa majesté, sa puissance, sa beauté...

 

En un seul vers, Homère crée un univers poétique : l'image du voile, ses couleurs nuancées, la personnification, les effets de sonorités qui créent une harmonie, le son "o" réitéré qui peut traduire une admiration, un étonnement...

En un seul vers, Homère peint un tableau somptueux dont on perçoit l'élégance et la solennité.

Deux mille ans nous séparent d'Homère, et pourtant, on est sensible à la simplicité solennelle de ce vers venu du passé.

Homère nous fait admirer la beauté de ce moment qui ouvre le jour... avec un seul adjectif composé.

Il nous montre, aussi, un spectacle grandiose aux couleurs somptueuses... il nous ouvre les yeux sur une nature magnifique.

Il nous dit : "Regardez ce spectacle offert au lever du jour par l'aurore... soyez attentifs au monde et à ses splendeurs..."

 

 

 

 

 

 

 

 

L'Aurore en robe de safran se répandait sur toute la terre...
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12 avril 2019 5 12 /04 /avril /2019 09:31
Un marché qui se porte bien : l'édition... grâce à l'Education nationale...

 

 

En France, le marché du livre se porte plutôt bien. Selon les chiffres du syndicat national de l'édition, les ventes progressent régulièrement.

Pourtant, avec l'avènement d'internet, on pouvait craindre le pire : une concurrence redoutable pour le livre...

 

Comment expliquer cette progression ?

En fait, elle s'explique en grande partie grâce aux multiples réformes qu'a connues l'Education nationale, ces dernières décennies.

Nouveaux programmes, nouveaux livres, bien sûr...

 

Et les maisons d'édition s'empressent alors de sortir des livres conformes aux nouveaux programmes.

Une manne pour les éditeurs ! Editis, Nathan, Bordas, Hachette, et tous les autres...

Tous les 4 ou 5 ans, c'est imparable, les programmes sont modifiés. Et avec la réforme du Baccalauréat initiée par Jean-Michel Blanquer, on imagine le nombre de parutions qui sont en train de déferler sur le marché.

 

"Tant mieux pour ceux qui travaillent dans le secteur de l'édition !", pourra-t-on dire...

Quant aux enseignants, eux, ils vivent plutôt mal ces réformes successives, souvent bâclées, menées à la hâte, sans véritable concertation.

La nouvelle réforme du lycée sera appliquée dès la rentrée prochaine : elle va entraîner des changements de programme, plus ou moins profonds selon les matières. A la prochaine rentrée, certains collègues vont devoir préparer trois programmes (seconde – première générale – première technologique.) On imagine le travail colossal qui les attend, on imagine le stress, la fatigue que génèrent ces réformes perpétuelles.

 

En tout cas, les réformes génèrent un gros marché : ne vit-on pas dans une société de consommation ?

Au fond, les réformes ont aussi cet objectif : alimenter le marché du livre...

 

Un nouveau gouvernement arrive au pouvoir : on change tout... Aucune continuité, aucune cohérence, aucun suivi dans la politique éducative.

Tout cela est inquiétant : nous vivons sous la dictature du changement permanent, dans une instabilité constante et l'instauration du quinquennat contribue un peu plus à cette instabilité.

 

Mais, au fond, tout cela semble concerté : il faut faire fonctionner l'économie, c'est tout ce qui compte.

Peu importe si les programmes sont faits à la hâte, dans la précipitation, dans l'urgence, au mépris de l'intérêt des élèves et des enseignants.

 

Nous vivons la triste réalité d'une économie de marché et l'éducation en fait partie.

 

 

 

 

 

https://www.franceculture.fr/emissions/le-billet-economique/ledition-premier-marche-culturel-en-france

 

 

 

 

Un marché qui se porte bien : l'édition... grâce à l'Education nationale...
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5 avril 2019 5 05 /04 /avril /2019 11:59
La lecture rend beau...  nous dit Sylvain Tesson...

 

Vous cherchez un secret de beauté ? Sylvain Tesson nous livre le sien...

"La lecture rend beau", écrit Sylvain Tesson... Comme il a raison !

 

Le livre est une ouverture sur le monde, sur les autres.

Le livre apporte une sérénité, des bonheurs : bonheurs des mots, des idées, d'une forme d'intériorité... bonheur de la lenteur, de la réflexion...

Un nuage dans le ciel qui s'étire, un coucher de soleil qui envahit l'horizon et développe des teintes nuancées de rose-rouge, d'éclats de xanthe, quoi de plus beau ?

 

La poésie nous offre ainsi des horizons de beauté et d'harmonie qui emplissent nos âmes.

On lit quelques vers, et nous voilà transportés dans un paysage inconnu qui nous paraît pourtant si familier, on est ébloui par la beauté du décor évoqué...

"Les nuages couraient sur la lune enflammée
Comme sur l'incendie on voit fuir la fumée,
Et les bois étaient noirs jusques à l'horizon.
Nous marchions sans parler, dans l'humide gazon,
Dans la bruyère épaisse et dans les hautes brandes..."

 

Les romans nous font vivre des aventures et des destins si variés, ils nous font voyager dans le temps et l'espace et nous donnent des leçons de vie...

L'Odyssée d'Homère nous emporte sur les replis tumultueux de la Méditerranée, dans le sillage d'Ulysse aux mille tours : de quoi susciter le rêve, l'imaginaire... sans oublier les leçons philosophiques du récit : Ulysse refuse l'immortalité que lui propose Calypso : il n'a pas oublié son but, le retour à Ithaque, sa patrie, ses racines, il pense qu'une vie bonne est possible pour les mortels, grâce à la lucidité de la raison.

 

Les essais nous incitent aussi à la réflexion et à une forme de sagesse.

On lit Cosmos de Michel Onfray et on découvre qu'il est essentiel de contempler le monde, de retrouver les bases fondatrices du temps, de la vie, de la nature, comprendre ses mystères et les leçons qu'elle nous délivre : un livre passionnant, qui renoue avec l'idéal grec et païen d'une sagesse humaine en harmonie avec le monde.

 

"Kalos kagathos, beau et bon", disaient les anciens grecs. La lecture nous rend plus heureux, plus épanouis, et meilleurs. Elle nourrit notre âme et notre intelligence...

La lecture peut ainsi nous métamorphoser, elle élargit nos horizons...

Et puis, comment ne pas évoquer le bonheur de tenir en mains un objet unique, le bonheur sensuel du papier qui frissonne sous les doigts, le bonheur de sentir les odeurs du livre imprimé... odeurs d'encre et de bois mêlées ?

Le livre nous offre des sensations uniques : les écrans impersonnels ne peuvent nous apporter ces plaisirs des sens.

Oui, la lecture rend beau : elle nous épanouit et nous offre toutes sortes de perspectives...

 

 

 

https://youtu.be/RzjVWUjRYLA

 

 

 

 

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