Dans son nouveau roman, Ceci n'est pas un fait divers, Philippe Besson nous parle du féminicide. Invité de la Grande Librairie, il évoque ce qui est un véritable fait de société : 121 féminicides en 2022 en France.
En Russie, d’après les chiffres fournis par le ministère des Affaires intérieures de ce pays, environ 14 000 femmes sont tuées chaque année par un conjoint ou un membre de leur famille.
"Ce n'est plus cette fable qu'on appelait autrefois "un crime passionnel", c'est à dire : il l'aimait tellement qu'il l' a tuée... ce sur quoi on a vécu pendant des années.
C'était presque une circonstance atténuante : il a tué sa femme, donc vous imaginez : il est perclus de chagrin... c'était terrible. Le crime passionnel est une invention. C'est un féminicide.
C'est un fait de société parce que cela raconte la domination masculine, l'idée qu'un homme, à un moment, se considère comme un propriétaire et donc ce crime est un crime de propriétaire.
Dans quasiment la totalité des cas, le meurtre arrive quand la femme dit : "Je m'en vais..."
Et l'homme ne supporte pas l'idée du départ de la femme, c'est à dire l'idée de la dépossession, l'idée que cette femme pourrait avoir une vie sans lui, indépendamment de lui, une vie qu'il ne dominerait plus.
Il a chosifié sa femme... et cette idée le rend tellement fou qu'il tue.
Il tue parce qu'il est propriétaire, et cela dit quelque chose du monde dans lequel on vit...
C'est l'idée que les hommes n'ont pas fait ce chemin là, c'est à dire qu'ils ont vécu pendant très longtemps avec cette idée qu'un homme, ça dominait jusqu'à la violence et jusqu'à la mort."
Philippe Besson résume alors son roman :
"Un coup de fil : une adolescente âgée de 13 ans qui appelle son grand frère et qui lui raconte ce qui vient de se passer, et cela tient en une phrase : "Papa vient de tuer maman."
Des mots vertigineux, la pire phrase qu'on puisse entendre.
Lui est dans la sidération, il prend le premier train pour rentrer.
Sidération, chagrin, douleur, colère et aussi très vite la culpabilité... cette idée : comme ça se fait que je n'ai pas vu ? Comment ça se fait que je n'ai pas perçu les signaux même faibles.
Ce féminicide était-il prévisible ?
Après coup, cela paraît évident... le fils cherche des explications, non pas des justifications ou des excuses, en se disant : est-ce qu'il y a eu des cailloux sur la route ? Des signaux que nous n'aurions pas perçus ?
Et là on voit : le corps de la femme qui se délite, cette femme qui ne se maquille plus, qui se laisse aller, des silences un peu trop longs, cette femme qui ne danse plus.
Et alors là surgit l'idée : "J'aurais peut-être pu l'empêcher mais je n'ai pas vu..."
On est face à l'innommable... "
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