"Ma France" reste, dans nos mémoires, comme une des plus belles chansons de Jean Ferrat : une véritable déclaration d'amour à la France et au peuple qui a fait son histoire...
La France personnifiée, humanisée devient sous la plume de Jean Ferrat l'image d'une femme aimée à qui on dédie une chanson.
Le poète s'adresse à elle comme à une maîtresse, ce que suggère bien l'apostrophe réitérée : "Ma France"... Il alterne la première et la deuxième personne, instaurant un dialogue avec elle.
Dès la première strophe, il évoque des paysages variés pour la décrire : "De plaines en forêts de vallons en collines...", puis des saisons distinctes " du printemps à tes mortes saisons..." comme pour mieux en souligner toutes les beautés si bien que le poète ne peut que prolonger indéfiniment son éloge.
Puis, il égrène quelques régions qui lui sont chères et en fait des esquisses emplies de poésie :
"Au grand soleil d'été qui courbe la Provence
Des genêts de Bretagne aux bruyères d'Ardèche..."
Des images qui restituent des ambiances, des paysages dans leur simplicité et leur vérité... Ferrat décrit la France, comme le ferait un peintre, avec des couleurs, des formes...
Il sait aussi suggérer un esprit français dans ces expressions : "Quelque chose dans l'air a cette transparence
Et ce goût du bonheur qui rend ma lèvre sèche..."
Et la chanson n'est pas seulement une déclaration d'amour à un pays, elle est aussi un texte engagé qui souligne une soif de liberté et de justice inextinguible...
Cet "air de liberté" qui caractérise la France, qui a fait sa réputation "au-delà des frontières" et qui nous vient de la Révolution est bien ancré dans l'histoire, comme le montre l'évocation de Robespierre, grande figure de la Révolution française.
Puis, le poète égrène tous ceux qui ont construit cette France dans une énumération qui mêle hommes illustres et anonymes : "le vieil Hugo tonnant de son exil", "des enfants de cinq ans travaillant dans les mines", des ouvriers représentés par des "mains qui ont construit des usines...", la France fusillée lors de la Commune, sur l'ordre d'Adolphe Tiers.
L'énumération montre bien l'injustice subie : ceux qui ont oeuvré pour la France se retrouvent sous le feu des balles.
Puis, des artistes engagés sont convoqués, "Picasso, Eluard" qui ont lutté pour la paix, et qui ont dénoncé les horreurs de la guerre.
Leur message se perpétue pour dire qu'il est "temps que le malheur succombe".
Et toutes les voix de ceux qui font la France sont associées en une seule, comme pour former une belle harmonie et une belle unité... une voix vouée aux sacrifices, aux "fosses communes" : le poète dénonce les gouvernants, ceux pour qui souffrent les travailleurs, en les interpellant, avec l'emploi de l'adjectif possessif de la deuxième personne "vos crimes, vos erreurs..."
Ferrat rend hommage aux travailleurs, au petit peuple, à cette France "qui ne possède en or que ses nuits blanches
Pour la lutte obstiné de ce temps quotidien..."
Une France dont Ferrat nous fait percevoir tout le labeur, avec pour seul trésor "ses nuits blanches". L'association du mot "or" avec l'expression "nuits blanches" restitue toute la valeur du travail fourni par les plus humbles.
Le peuple est ainsi magnifié dans cette lutte quotidienne qu'il mène pour faire vivre le pays...
Une lutte pour travailler, une lutte, aussi, pour dénoncer les injustices symbolisées par "l'affiche qu'on colle au mur."
Et Ferrat évoque cette France qui se révolte dans cette expression bâtie sur une antithèse frappante de verbes de mouvement : "qu'elle monte des mines, descende des collines."
Le poète s'associe à cette France, avec ces mots : "celle qui chante en moi", soulignant ainsi sa complicité et sa solidarité.
Désignée par les adjectifs "la belle, la rebelle", la France est de nouveau magnifiée et valorisée dans ses révoltes mêmes.
"Celle qui tient l'avenir serré dans ses mains fines", à nouveau personnifiée, la France des travailleurs mérite d'être célébrée.
Et dans le dernier vers, le poète évoque d'autres mouvements populaires célèbres dans cette expression : "Trente six, soixante huit chandelles".
La mélodie qui alterne douceur et force traduit à la fois tendresse et révolte.
Bel hymne à la liberté, cette ode à la France, à ses travailleurs, ses artistes traduit l'attachement du poète à ce pays si riche d'histoire, de révoltes, de luttes...
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