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15 mars 2024 5 15 /03 /mars /2024 12:53
"Monoloy", disait le vent...

 

Une magnifique dénonciation du racisme et de la discrimination qu'ont subis les Indiens dans cette chanson de Gilles Vigneault. Une belle chanson d'amour tragique aussi et un hymne à la nature...

La situation est résumée très simplement dès les premiers mots du texte :

"Jack Monoloy aimait une blanche
Jack Monoloy était indien
Il la voyait tous les dimanches
Mais les parents n'en savaient rien"

Un amour secret, caché, car les deux amoureux n'ont pas la même couleur de peau... L'emploi de l'imparfait à valeur durative traduit tout de même une sorte de stabilité, de sérénité. Tout de suite, le personnage de Jack nous apparaît familier et proche de nous car il désigné par son prénom et son patronyme.

 

On perçoit aussitôt une nature complice des deux amoureux dans ces deux vers :

"Tous les bouleaux de la rivière Mingan
Tous les bouleaux se rappellent"

Cette nature bienveillante sert de refuge aux deux personnages et à leurs amours clandestines. On découvre aussi le prénom de la jeune fille : la Mariouche... Le poète évoque sa beauté sans la détailler, ce qui contribue à donner au texte une valeur universelle.

 

La présentation qui est faite du personnage de Jack Monoloy souligne aussi sa proximité avec la nature, la rivière, les arbres, les oiseaux, le vent... une nature personnifiée qui répète les prénom et nom du personnage...

Le poète nous fait ainsi habilement entendre les voix des "canards, des perdrix et des sarcelles" à travers cette répétition "Jack, Jack, Jack", la gutturale "k" restituant les cris de ces oiseaux.

Et le vent, lui aussi personnifié, lance le nom du personnage : "Monoloy disait le vent". Grâce à  ces sonorités très douces et répétitives, on croirait effectivement écouter le souffle du vent...

Jack est encore associé à la nature puisqu'il a "écrit au couteau d'chasse Le nom d'sa belle sur les bouleaux..."

 

Une indication de temps marque soudain une rupture dans l'histoire des deux amoureux : "Un jour, on a trouvé leurs traces  On les a vus au bord de l'eau." Le passé composé utilisé dans ces deux vers souligne aussi cette rupture. Le pronom indéfini "on" renvoie à l'opinion commune, à la foule : un racisme généralisé. On voit aussi que les personnages sont traqués comme des bêtes avec cette expression : "on a trouvé leurs traces."

 

L'emploi du présent vient accentuer les conséquences douloureuses pour les deux personnages, un présent à valeur durative, comme une éternité de malheurs et de souffrances :

"Jack Monoloy est à sa peine
La Mariouche est au couvent
Et la rivière coule à peine
Un peu plus lentement qu'avant"

 

Jack Monoloy se suicide alors dans l'indifférence générale, en dehors de la prière énoncée par le poète :

"Jack Monoloy Dieu ait son âme
En plein soleil dimanche matin
En canot blanc du haut d'la dam
Il a sauté dans son destin"

 

Depuis, seuls les bouleaux semblent en porter le deuil :

"Tous les bouleaux de la rivière Mingan
Tous les bouleaux ont mémoire
Et leur écorce est toute noire
Depuis qu'Monoloy a sacré l'camp"

 

La mélodie enjouée restitue la beauté, la vitalité de la nature, un élan amoureux, hélas brisé par la bêtise des hommes, comme le suggère cette phrase scandée dans le refrain : "La Mariouche est pour un blanc."

 

 

Le texte :

 

http://www.chansons.lespassions.fr/chanson-vigneault-3.html

 

 


 

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commentaires

W
ça me fait penser à "La Prisonnière du désert " ,western américain de John Ford, sorti en 1956.<br /> Ce film est généralement considéré comme le chef-d’œuvre de Ford et comme le « plus grand western de tous les temps ». <br /> L'histoire s'inspire d'un fait réel : une petite fille, Cynthia Ann Parker, est enlevée par les Indiens en 1836 au Texas. Plus tard, elle deviendra la femme d'un chef Comanche et sera retrouvée des années plus tard, ramenée de force dans la communauté blanche malgré ses protestations. .<br /> Ford a été taxé de racisme suite à ce film et c'est profondément injuste au regard de l'ensemble de sa filmographie gorgée d'humanité. Ce n'est pas parce qu'on décrit le racisme que l'on adhère à ses thèses.
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R
Merci, willy, pour l'évocation de ce film La Prisonnière du désert : une autre magnifique dénonciation du racisme qu'ont subi les Indiens...
A
Merci pour ces commentaires sur les paroles de cette chanson que je ne connaissais pas.<br /> Vigneault dénonce le racisme à sa manière, sur un ton volontairement enjoué, qui contraste de manière décalée avec la gravité du sujet. <br /> Monoloy est victime mais apparemment tout le monde s'en fiche royalement.<br /> Il faut noter que les mariages mixtes étaient acceptés seulement quand un blanc épousait une indienne. Ce qui était socialement rejeté c'est l'union d'un indien avec une blanche.<br /> On peut voir ça dans le récent film de Martin Scorcese KILLERS OF THE FLOWER MOON dans lequel des blancs très cyniques épousent les indiennes pour mettre la main sur le pétrole de leurs propriétes.<br /> Bonne fin de journée l'amie
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R
Ravie de te faire découvrir cette chanson de Gilles Vigneault, poète, chanteur, auteur de contes... une mélodie enjouée pour une histoire d'amour tragique, une façon de dénoncer aussi l'indifférence générale... une belle dénonciation !<br /> <br /> Merci pour ces réflexions et pour la référence de ce film.<br /> <br /> <br /> Belle soirée, AJE