L'eau devenue une arme de guerre à Gaza...

"L'OMS  a appelé à cesser les attaques contre les établissements de santé au Liban, alors que la situation humanitaire est de plus en plus difficile. A Gaza, elle est catastrophique, selon l'ONU.

La question de l'eau est particulièrement préoccupante : Israël a cessé de fournir de l'eau au territoire après les attaques du 7 octobre. Depuis, certaines infrastructures ont également été détruites.

C'est la ruée vers l'eau, devenue en 12 mois de conflit une denrée rare, extrêmement rare à Gaza. A peine 4 litres par jour et par personne pour boire, se laver, cuisiner... C'est vingt fois moins qu'il y a un an...

Des journalistes ont analysé des centaines de vidéos, scruté des images satellites : l'eau est devenue une arme de guerre à Gaza.

Avant le 7 octobre, 13% de l'eau de ce territoire palestinien arrivaient d'Israël par les canaux de Mekorot. Le 9 octobre 2023, le siège est lancé, l'un des premiers actes de guerre est de fermer ces canaux.

"Nous imposons un siège complet à Gaza, plus d'eau, plus d'électricité, plus de nourriture, ni de fuel, tout est fermé", dit alors Yoav Gallant, le ministre israélien de la défense.

Tout repose donc sur les installations de Gaza.

Les journalistes ont recensé 558 pompes d'eaux usées : usines de dessalement, puits,  réservoirs, à Gaza, avant la guerre.

69% ne sont plus opérationnels, endommagés ou même totalement détruits... du ciel, certains étaient facilement identifiables : par exemple, Water plant, usine d'eau inscrit sur le toit d'un bâtiment.

Le 16 novembre 2023, les satellites montrent un épais nuage noir qui s'en échappe. Résultat : le lendemain, un cratère de bombes a fait disparaître les mots.

Sur les dizaines d'images aériennes analysées par les journalistes, il est souvent difficile de savoir si ces infrastructures ont été intentionnellement visées par l'armée israélienne ou si ce sont des dommages collatéraux des combats avec le Hamas.

Mais parfois, il n'y a aucun doute : on montre le plus grand réservoir de Rafah ou plutôt ce qu'il en reste... Il permettait d'alimenter en eau toute une zone : 50 000 habitants et de nombreux déplacés.

Les journalistes ont retrouvé une vidéo postée le 27 juillet 2024 : on y voit des soldats israéliens placer des explosifs sur les installations hydrauliques.

En commentaire, il est écrit en hébreu : "Destruction du réservoir d'eau de Tel Sultan, en l'honneur du shabbat."

Sur une seconde vidéo, le site explose.

Les journalistes sont remontés jusqu'au profil de l'homme qui a filmé et posté ces images : sur plusieurs photos qu'il publie, il est en uniforme avec des collègues. On voit son insigne : c'est bien un soldat israélien de la 401ème brigade du corps blindé. Son régiment était déployé à Rafah, à ce moment-là.

Selon les autorités israéliennes, c'est le commandant de la brigade qui a donné cet ordre, sans accord préalable de ses supérieurs...

Une enquête a été ouverte.

Pour son eau potable, Gaza dépend en grande partie de trois usines de dessalement : aujourd'hui, seule celle du sud fonctionne très partiellement, faute d'électricité. Celle du nord était quasiment flambant neuve... la construction avait été achevée en 2019 avec des fonds du Koweït.

Le premier novembre 2023, l'usine semble quasiment intacte, seul un cratère est visible juste à côté. A moins de 200 mètres, l'armée israélienne a pris position, on aperçoit des dizaines de chars alignés.

A mi-chemin, les journalistes ont géolocalisé une vidéo : elle a été publiée le 7 novembre par le Hamas et prouve que les combats ont été âpres dans la zone. 14 jours plus tard, les puits qui récupéraient l'eau de mer sont complètement détruits, le bâtiment est largement endommagé, et des traces d'engins sont visibles.

Les journalistes ont retrouvé les images de l'intérieur : c'est dévasté.

Selon les ingénieurs, le montant des dégâts s'élève à plus de 6 millions de dollars. A ce stade, l'armée israélienne n'a pas fourni d'explications sur cette destruction. Pourtant, cette usine comme beaucoup d'installations hydrauliques stratégiques de Gaza, était censée être démilitarisée, c'est à dire que leur localisation a été transmise à Israël via l'ONU pour être laissée hors du conflit.

Le 15 décembre 2023, un autre point à été ajouté à cette liste humanitaire : un entrepôt géré par la Compagnie des eaux palestiniennes et par l'UNICEF : il a pourtant été touché par une frappe le 21 janvier 2024. Selon, Israël, l'entrepôt lui-même n'était pas ciblé mais des terroristes du Hamas se cachaient aux alentours. Quatre personnes sont mortes, des tonnes de matériaux destinées à réparer les infrastructures hydrauliques ont été détruites...

Et pourtant, les besoins sont immenses, des centaines de kilomètres de canalisations sont détruites... partout, des mares stagnantes et les eaux usées ne sont plus traitées, les 7 stations d'épuration de Gaza sont hors service. Faute de pouvoir les traiter, les eaux usées sont parfois rejetées en mer d'abord en petites quantités, puis un mois plus tard,  une vague de pollution entache la Méditerranée.

Selon, l'ONU, cette situation serait à l'origine de nombreuses maladies de peau à Gaza, et le virus de la polio disparu depuis 25 ans a été détecté dans ces eaux usées. Devant le risque majeur d'épidémie, Israël promet de raccorder au réseau électrique certaines installations hydrauliques et d'acheminer du matériel pour lancer des réparations..."

Un rappel :  le siège total de la bande de Gaza par Israël est "interdit" par le droit international humanitaire. Ce sont les personnes les plus fragiles, des civils qui en subissent les conséquences désastreuses. L'eau est une ressource vitale. Aucun être vivant sur la planète ne peut survivre sans elle. Quand cessera cette folie meurtrière ?

Source : à 34 minutes, 37 secondes

https://www.francetvinfo.fr/replay-jt/france-2/20-heures/jt-de-20h-du-mercredi-16-octobre-2024_6802504.html

Comments

[caius]

Un article édifiant :



ISRAËL : CE QUE LES EXTRÉMISTES DU GOUVERNEMENT DE NETANYAHU ATTENDENT DE LA GUERRE
Par Paul Rogers

Récemment, les médias se sont concentrés, à juste titre, sur l'anniversaire des attentats du 7 octobre, au cours desquels les assaillants du Hamas ont assassiné près de 1 200 Israéliens et ressortissants étrangers et en ont enlevé 251 autres.

La couverture médiatique s’est également centrée sur les opérations terrestres croissantes d’Israël au Liban, qui font suite à une campagne de bombardements intensive dans le sud, l’est et la capitale du pays, Beyrouth.

Mais pendant ce temps, l'armée israélienne poursuit ses opérations à Gaza, où le bilan des morts s'élève à 42 000, selon le ministère de la Santé dirigé par le Hamas. Un autre exemple de reprise des activités paramilitaires du Hamas est apparu à Jabalia, près de la ville de Gaza, une zone qui aurait été placée sous le contrôle ferme des Forces de défense israéliennes (FDI).

Les souffrances palestiniennes ont été massives et soutenues, et le Hamas a été gravement touché. Mais en réalité, la guerre à Gaza est devenue une violente impasse dans laquelle aucune des parties n’est en mesure de gagner, mais qu’aucune des deux n’est susceptible de perdre.

Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu est cependant déterminé à poursuivre ses efforts à Gaza tout en étendant la guerre au Liban.

Le principal problème de Netanyahu réside dans l’ampleur de l’opposition à laquelle il est confronté en Israël concernant le sort des otages. Cela a été illustré par une grève générale en faveur d’un accord sur les otages début septembre et par l’ampleur de certaines manifestations contre son gouvernement ces derniers mois.

Cependant, la situation a changé avec le début des actions militaires israéliennes au Liban et a donné un répit à Netanyahu. Fin septembre, un sondage indiquait que le parti de droite de Netanyahu, le Likoud, remporterait désormais plus de sièges que tout autre parti si des élections générales avaient lieu.

Cette popularité pourrait persister pour l’instant, en fonction en partie de ce que fera ensuite l’armée israélienne. Mais le cours à long terme de la guerre dépend probablement des composantes d’extrême droite de la coalition gouvernementale de Netanyahu, et notamment de la montée du judaïsme messianique.

Le judaïsme messianique serait mieux décrit comme un amalgame de judaïsme ultra-orthodoxe et de nationalisme religieux. Le mouvement, qui s’est développé en Israël ces dernières années, aspire à un État juif pur. Cela comprend la reconstruction du Temple de Salomon sur le site du troisième lieu saint de l’Islam, la mosquée Al-Aqsa, dans la vieille ville de Jérusalem.

Il prend également de plus en plus d’importance dans l’armée. Cela s’explique en partie par le fait que de nombreux soldats ont été formés dans des écoles militaires religieuses et qu’une forte proportion de jeunes recrues de l’armée sont issues de familles religieuses.

En effet, certaines des unités militaires israéliennes les plus actives dans la guerre à Gaza sont spécifiquement issues de ces cohortes, un exemple étant le bataillon Netzah Yehuda (Judah Forever).

Le judaïsme messianique est un élément de la politique israélienne sous-estimé dans l’analyse politique. Ceci en dépit de la ligne particulièrement dure qu’il adopte quant à ce qui est acceptable pour mettre fin à la guerre, en offrant son soutien au gouvernement de Netanyahu selon ses propres conditions.

UN ÉTAT FONDÉ SUR LA GUERRE

Au cours de trois périodes distinctes, l’État israélien s’est nettement orienté vers la droite. La première a suivi la guerre du Kippour en 1973. La seconde s’est produite après l’afflux de centaines de milliers d’immigrants en provenance de l’ancien bloc soviétique dans les années 1990. Et la troisième était une réaction à la deuxième Intifada (ou soulèvement) du début des années 2000.

Le dernier mouvement vers la droite s’est traduit par une augmentation du soutien au parti Likoud, ainsi qu’à des partis plus petits, fortement sionistes et profondément opposés à toute influence palestinienne sur la politique israélienne.

À partir de 2010, une période plus stable apparaît. L’armée israélienne a maintenu un contrôle rigoureux sur Gaza et la Cisjordanie occupée, et le Liban était dans une impasse. Les attaques à la roquette du Hezbollah contre le nord d’Israël étaient rares et les troupes israéliennes restaient généralement au sud de la frontière.

Cependant, les pertes en vies humaines et la capture d’otages le 7 octobre ont constitué un choc massif et viscéral. Il était clair dès le départ que la réponse du gouvernement serait massive et axée sur la destruction du Hamas.

Un an plus tard, cette possibilité semble diminuée. Mais si l’on veut un jour une coexistence plus pacifique entre Israël et la Palestine, la position des Israéliens radicaux doit être reconnue, surtout compte tenu de leur rôle important dans le gouvernement actuel de Netanyahu.

Pour parler franchement, à leur avis, quelque chose doit être fait à l’égard des Palestiniens. Comme l’expliquait le journal The Economist le 29 août, les partisans de la ligne dure « veulent annexer la Cisjordanie, renverser l’Autorité palestinienne, réoccuper et recoloniser Gaza de manière permanente et pousser les Palestiniens à l’étranger ».

Ils souhaitent également qu’Israël s’éloigne de la laïcité. Selon le même article, le plan avorté de Netanyahu visant à restreindre le pouvoir judiciaire dans les premiers mois de ce gouvernement n’était que la première étape pour y parvenir.

L’objectif de son gouvernement, affirme l’article, est d’éradiquer « l’État profond » laïc et de prendre le contrôle de l’armée, des agences de sécurité et des tribunaux. Leur problème est qu’un tel objectif, si jamais il est possible, est fortement limité par la perception quasi-mondiale d’Israël comme étant proche d’un État voyou.

Ce qui est déjà clair, cependant, c’est que la société israélienne devient de plus en plus belliciste. Cela est probablement facilité par une émigration récente et importante, notamment une « fuite des cerveaux » de l’élite laïque.

Pour l’instant, le gouvernement Netanyahu peut sembler en sécurité. Mais la stabilité politique est difficile à gagner et trop facilement perdue, surtout à une époque où la guerre s’accélère.

https://theconversation.com/israel-what-hardliners-in-netanyahus-government-want-from-the-war-238447

[ALEA JACTA EST]

Merci pour ces liens Caius. C'est évident que l'actuel conflit pose plus que jamais une question existentielle pour Israël.
Quel est le projet d'Etat israëlien de Netanyahu et des ses partisans d'extrême-droite ?
Leur idée est-elle que Israël soit:
- Une enclave fortement religieuse, non-laïque, qui se bunkérise dans un environnement hostile?
- Une enclave qui n'envisage pas une vraie normalisation des rapports avec les pays voisins, pas plus qu'elle n'envisage la création d'un vrai Etat palestinien?
- Une enclave qui porte dans sa propre idée et définition les condtions d'un conflit sans fins?

[rosemar]

Merci, caius, pour ce lien et cet article : la guerre comme projet politique, c'est terrifiant.

[ALEA JACTA EST]

Je pense comme toi que " la stratégie d'Israël est contreproductive" mais ce qui me paraît être une erreur ne l'est peut-être pas pour Benjamin Netanyahou car sa guerre sale sert peut-être les intérêts de son objectif non-déclaré, à savoir une intensification des colonisations.

https://www.courrierinternational.com/video/video-ces-israeliens-d-extreme-droite-prets-a-recoloniser-gaza_223007


https://www.lesechos.fr/monde/afrique-moyen-orient/israel-le-lobby-pour-recoloniser-gaza-se-renforce-2126464

J'ai lu la semaine dernière le livre du général Trinquand intitulé "Ce qui nous attend".

https://www.babelio.com/livres/Trinquand-Ce-qui-nous-attend/1564085

Dans ce livre, basé sur son expérience vécue des guerres tout au long de sa carrière, il démontre que les plus grandes batailles militaires gagnées (notamment au XXI ème siècle) sont finalement contreproductives quand elles ne servent pas un projet politique bien pensé, viable et mûrement réfléchi, que ce soit en Libye, en Irak, en Afghanistan, etc...

[rosemar]

Merci pour tous ces liens et ce conseil de lecture, AJE.

[ALEA JACTA EST]

Une stratégie inadmissible et inhumaine pour les populations civiles. Qui plus est le risque d'épidémies comme la polio s'accroît.
Appelons un chat un chat. Dans son rapport l'ONG OXFAM accuse Israël de crime contre l'humanité.

https://pivot.quebec/2024/07/18/israel-utilise-leau-comme-arme-de-guerre/

"L’armée israélienne utilise l’eau comme une arme de guerre depuis le début de son offensive en territoire palestinien, selon une analyse d’Oxfam. Un geste qui place les habitants de la bande de Gaza devant un désastre sanitaire qui tue davantage que les bombes israéliennes."


PS: Pour mémoire l'eau a été utilisée aussi comme arme de guerre par les turcs en Syrie également.

https://reporterre.net/L-acces-a-l-eau-enjeu-de-la-guerre-turque-en-Syrie

En 2015 Alep est restée 48 jours sans eau potable.

https://www.icrc.org/fr/document/syria-water-weapon-war

PS nº 2. Un peu hors-sujet. Dans le film L'AFFAIRE MORI le préfet Cesare Mori est envoyé par Mussolini en Sicile pour lutter contre la mafia. A un moment donné dans le film le préfet lance un ultimatum aux responsables mafieux qui sont protégés dans un petit village. Pour arriver à ses fins et les obliger à se rendre aux autorités il coupe l'eau du village...Couper l'eau en Sicile c'est radical et finalement plus efficace que les canons.

https://www.youtube.com/watch?v=qktX6uHkT6k

[caius]

Israël a hélas une longue tradition d'accaparement des eaux aux détriments de ses voisins

https://reporterre.net/Ils-nous-volent-notre-eau-en-Jordanie-la-colere-monte-contre-Israel


https://www.amnesty.ch/fr/sur-amnesty/publications/magazine-amnesty/2022-2/eau-occupee

[rosemar]

Merci pour tous ces liens : l'eau est une arme redoutable, et à Gaza, tout manque : l'eau, la nourriture, l'électricité, les médicaments, etc.
La stratégie d'Israël est contreproductive, c'est la population civile qui souffre.

[ALEA JACTA EST]

Je complète mon explication sur un des épisodes du film L'AFFAIRE MORI...le préfet fait encercler le village par l'armée, fait couper l'eau...et attend...