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14 mars 2025 5 14 /03 /mars /2025 12:53
Les belles étrangères qui vont aux corridas...

 

Une chanson qui évoque la corrida, toute en nuances... une chanson interprétée par Jean Ferrat...

La mélodie joyeuse nous entraîne, dès le début, dans l'ambiance festive d'une corrida... un sifflet empli de gaieté, d'enthousiasme ouvre la chanson.

 

Le regard se porte alors sur "Les belles étrangères Qui vont aux corridas", une vision idyllique d'un spectacle qui attire un public de choix, des femmes venues sans doute de loin pour assister à la corrida, des femmes riches puisque le regard s'attarde aussi sur "leur chapeau huppé". La corrida est ainsi associée à la beauté, à la musique, elle est aussi présentée comme un loisir pour touristes riches.

On  voit même ces belles étrangères "se pâmer d'aise devant la muleta", une expression très forte, une hyperbole qui traduit un ravissement infini, une admiration sans bornes.

 

Et, pourtant, la fin du premier couplet révèle une autre réalité : soudain, ces belles étrangères "Ont le teint qui s'altère À l'heure de l'épée".

Sous les apparences festives, elles découvrent l'horreur de la corrida simplement suggérée par l'évocation de l'épée destinée à tuer le taureau... tout un art de la suggestion !

 

Et soudain, on entend une voix qui pourrait être celle d'un défenseur et d'un amateur de la corrida, qui se moque de la sensibilité des détracteurs de ce spectacle : 

"Allons, laissez-moi rire
On chasse on tue on mange
On taille dans le cuir
Des chaussures, on s'arrange"

L'emploi du pronom indéfini "on" suggère que tous les hommes s'accommodent bien de la mort des animaux, dans d'autres circonstances : la chasse, la nourriture, l'utilisation du cuir...

Et l'évocation des "abattoirs" vient compléter cet argumentaire, d'autant que les boeufs y sont "traînés"... et alors "La mort ne vaut guère mieux Qu'aux arènes le soir"...

 

Mais le regard se porte à nouveau sur les belles étrangères, alors que "montent les clameurs de la foule"... on retrouve une ambiance festive et voilà que ces étrangères "se lèvent les premières En se tenant le coeur..."

Le coeur symbole qui représente traditionnellement le centre des émotions, de l'affectivité est évoqué pour mettre en évidence le trouble produit par le spectacle qui se déroule dans les arènes.

Et dès lors, plus question pour elles de rêver  au plus célèbre des toreros, Ordóñez.

 

Et voici que s'élève, cette fois, la voix d'un opposant à la corrida, répondant à l'amateur de ce spectacle... on retrouve la même formule de dérision au début :

"Allons laissez-moi rire
Quand le toro s'avance
Ce n'est pas par plaisir
Que le torero danse"

Cet opposant fustige le principe même de la corrida : le danger, la mort érigés en spectacle de "danse".

L'explication qui est donnée de cet engouement pour la corrida, c'est qu'elle a une dimension sociale : en Espagne, on envoie des enfants risquer leur vie dans les arènes pour essayer d'échapper à la misère...

Le choix qui leur est donné se résume alors à cette alternative scandaleuse : "La faim ou le toro".

 

Dans les derniers vers, on voit "Les belles étrangères Quitter leur banc de pierre Au milieu du combat".

On perçoit là tout un art du sous entendu : elles ne peuvent supporter la violence et l'horreur de ce spectacle sanguinolent et elles quittent les arènes.

Le narrateur ne décrit pas l'horreur de ce spectacle mais en suggère ainsi d'autant mieux toute la brutalité et l'ignominie...

Et comment ne pas voir une note d'humour dans cette qualification appliquée aux belles étrangères : "Végétariennes ou pas" ?

C'est là comme un écho contre les arguments des défenseurs de la corrida qui se moquent de la sensibilité des anti corridas...

Sans être végétarien, on peut percevoir l'horreur de ce spectacle où la mort est longuement préparée et mise en scène...

 

La mélodie emplie de gaieté nous transporte dans l'ambiance d'une corrida, mais elle se ralentit et s'interrompt même lors de l'évocation de la mort dans les arènes et lors du rappel de la misère sociale qui pousse le torero à combattre des toros.

 

Magnifique chanson qui met en évidence le fait que, sous des apparences clinquantes (beauté, richesse, musique) se cachent la mort, la peur, l'horreur, la misère de la corrida...

 

Pour mémoire : 

Les paroles de cette chanson sortie en 1965 ont été écrites par Michelle Senlis, la musique composée par Jean Ferrat.

 

Les paroles : 

https://genius.com/Jean-ferrat-les-belles-etrangeres-lyrics

 

Vidéo :

https://youtu.be/Gf-UmwOAHpE?si=isopkn1OqjXO52-_

 

D'autres chansons sur la corrida : 

https://www.francetvinfo.fr/replay-radio/ces-chansons-qui-font-l-actu/ces-chansons-qui-font-l-actu-le-taureau-ou-le-torero-de-quel-cote-est-la-chanson_4366563.html

 

 Et d'autres belles chansons de Ferrat :

 

https://rosemar.over-blog.com/search/ferrat/

 

 

https://rosemar.over-blog.com/2016/09/pourtant-que-la-montagne-est-belle.html

 

https://rosemar.over-blog.com/2016/03/vos-siecles-d-infini-servage-pesent-encore-lourd-sur-la-terre.html

https://rosemar.over-blog.com/2018/01/je-n-en-finirai-pas-d-ecrire-ta-chanson-ma-france.html

 

https://rosemar.over-blog.com/2020/03/deux-branches-de-tilleul-entrent-par-la-fenetre.html

 

https://rosemar.over-blog.com/article-les-saisons-122821567.html

 

https://rosemar.over-blog.com/article-j-ai-froid-114968871.html

 

https://rosemar.over-blog.com/2024/11/l-amour-est-cerise.html

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commentaires

L
Encore du Ferrat, j'en redemande, je suis émerveillé par sa voix.<br /> <br /> Les espagnols ont semé des "plazas de toros" dans toute l'Amérique, j'ai grandi avec l'un de ces monuments à Valencia, au Venezuela, lieu de liesse, laissé abandonné par l'arrivée de Chavez au pouvoir en 98...<br /> <br /> <br /> «La Plaza de Toros Monumental de Valencia est une arène de Valence , au Venezuela. Elle accueille des corridas et d'autres événements tels que des concerts et des foires. C'est la deuxième plus grande arène du monde, après la Plaza de Toros de México. Construite en 1968, elle peut accueillir 24 708 personnes.» wikipédia
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R
Merci, LH, pour ces infos et cette vidéo : des arènes immenses, pouvant accueillir de nombreux spectateurs, la pratique de la corrida existe donc aussi en Amérique du sud ?
L
Totalement abandonnée...<br /> <br /> https://youtu.be/3gsYQiblTVc?si=C0Pkm2kmkwubwMdP
A
En parlant de belles étrangères assistant aux corridas.<br /> Voici la belle Ava Gardner à Séville dans les années 50. Elle vécut une belle romance avec le torero Luis Miguel Dominguin...<br /> <br /> https://www.youtube.com/watch?v=2lLn41CaYwk<br /> <br /> Ava Gardner, la plus espagnole des américaines...<br /> <br /> https://www.youtube.com/watch?v=IkgeJ5avST4
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R
Merci pour ce rappel de la passion d'Ava Gardner pour l'Espagne. La première vidéo montre bien tous les dangers de la corrida : des images terribles...
A
Un beau contaste dans cette chanson entre le rythme joyeux et très animé (notamment avec les sifflotements pleins d'entrain de Ferrat) et le contexte social de l'époque: l'Espagne franquiste des années 60 qui s'ouvre massivement au tourisme et l'émergence de toréros issus du peuple comme El Cordobés pour qui la corrida était un moyen d'accéder à la gloire et de sortir de la misère.<br /> <br /> https://www.babelio.com/livres/Collins-ou-tu-porteras-mon-deuil/6105#!<br /> <br /> Extrait d'un des commentaires de la fiche babelio.<br /> "<br /> Le récit commence à la naissance de Manuel Benitez, en 1936. L'Espagne à ce moment connait des heures très sombres, la presque totalité des Espagnols ploie sous la pauvreté extrême à cause de quelques propriétaires terriens se croyant encore au Moyen-Age. Horrifiée par une description sans filtre de cette vie de travail non-stop et de faim perpétuelle, j'ai suivi l'enfance et l'adolescence de Manuel obsédé par les « toros » et le désir absolu de devenir riche grâce à eux. Parcours semé d'embûches, de blessures, de bastonnades : on ne rigolait pas au temps de Franco ! Devenir torero était pour lui, sans éducation, illettré, orphelin de mère très jeune et de père un peu plus tard, la seule façon d'accéder à cette vie dont il rêvait, d'autant plus que Manuel est doté d'un courage hors du commun.<br /> Il arrivera à ses fins et deviendra « El Cordobés », adulé pour les émotions intenses qu'il suscite à chaque corrida."<br /> <br /> L'une des plus belles romances populaires espagnoles c'est l'histoire d'amour entre la chanteuse sévillane Isabel Pantoja (qui était tres adulée en Espagne) et le très célèbre Torero Paquirri (qui mourra plus tard dans les arènes). Une histoire tragique qui est un peu l'équivalent pour les espagnols de celle du couple Piaf/Cerdan pour les français.<br /> Voici un lien de la presse People sur leur mariage.<br /> <br /> https://www.hola.com/actualidad/20210430188792/boda-isabel-pantoja-paquirri-revista-hola/<br /> <br /> Un mariage qui faisait rêver le "petit peuple" avec, plus tard, cette fin tragique qui a fait définitivement entrer le couple dans la légende. Tout ça fait partie de l'imaginaire espagnol des gens de ma génération.
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R
J'adore la musique de cette chanson qui a été composée par Ferrat : elle restitue bien l'ambiance festive d'une corrida...<br /> Merci pour les deux liens, et merci d'évoquer le contexte social de l'époque : l'Espagne de Franco.<br /> Le roman de Dominique Lapierre et Larry Collins a l'air passionnant... j'ai vu ce commentaire sur Babelio :<br /> <br /> "Si le monde de la corrida est bien présent dans ce récit il n'en n'est pas fait pour autant l'apologie. Les auteurs montrent certes les prouesses d'El cordobés mais n'hésitent pas à décrire la souffrance des taureaux. Par ailleurs ils font part de la vie de ces derniers avant qu'ils n'entrent en scène et nous renseignent sur les règles qui régentent ce monde si particulier qu'est la tauromachie."<br /> <br /> Belle soirée, AJE

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