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16 mai 2025 5 16 /05 /mai /2025 11:32
Maman, papa !

Une chanson de Georges Brassens qui nous touche tous parce qu'elle évoque l'amour filial, les souvenirs des parents qui nous sont chers...

De plus, cette chanson prend la forme d'un discours direct adressé familièrement à "maman, papa" où le poète évoque son enfance et comme par magie, le voici "redevenu petit garçon".

Et chacun peut alors se reconnaître dans les propos adressés à "Maman", avec tous les indices du discours : l'emploi de la première et de la deuxième personne du singulier, le temps du présent :

"Alors je suis sage en classe
Et, pour te faire plaisir
J'obtiens les meilleures places
Ton désir"

De jolies résolutions qu'on a tous un jour voulu tenir pour "faire plaisir"...

 

De la tendresse encore dans les vers suivants avec un besoin de proximité, tendresse de la voix féminine de la maman et de ses "refrains charmants", proximité avec cette volonté de "demeurer sur ses genoux" plutôt que se livrer à "des jeux fous".

 

La répétition du mot "maman", ce mot d'enfant restitue aussi tout l'amour du monde : c'est bien le premier mot qui vient à la bouche des enfants, le premier mot que l'on apprend à écrire, aussi. C'est un doux murmure apaisant, un mot empli d'échos sonores : labiale "m" réitérée, voyelle "a" redoublée d'une voyelle nasalisée "an".

 

Et papa n'est pas oublié, un papa bienveillant qui cherche à donner du réconfort et "du courage" à ses enfants quand gronde "l'orage", en déployant "tout son humour".

Un père protecteur est ainsi évoqué, une image traditionnelle...

Et là encore, le mot "papa" est réitéré, un mot d'enfant pour mieux restituer ce retour dans le passé... comme un besoin de nostalgie...

 

On perçoit aussi une certaine pudeur, et retenue dans cette relation au père, encore une vision traditionnelle du père : 

"Papa, papa, il n'y eut pas entre nous
Papa, papa, de tendresse ou de mots doux"

 

La chanson débouche sur une prise de conscience face aux "sacrifices" accomplis par les deux parents, une forme de reconnaissance et de gratitude... 

La chanson s'achève sur des regrets :

"Maman, papa, toujours je regretterai
Maman, papa, de vous avoir fait pleurer
Au temps où nos coeurs ne se comprenaient encore pas"

Et là encore, comment ne pas être touché par ces regrets ? Car nous avons tous pu éprouver ce sentiment d'avoir un jour blessé nos parents, de n'avoir pas su les comprendre...

 

La mélodie légère, au swing sautillant nous transporte dans le monde de l'enfance... Un bijou !

 

Pour mémoire :

 

Cette chanson fut interprétée en duo avec Patachou le 23 décembre 1952.
Composée au camp de Basdorf en 1943  alors que Brassens effectue son STO et jamais interprétée sur scène, cette chanson fut la première véritable composition du grand Georges...

 

Les paroles :

 

https://www.musixmatch.com/fr/paroles/Patachou-Georges-Brassens/Maman-papa

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13 septembre 2024 5 13 /09 /septembre /2024 12:35
J'ai l'honneur de ne pas te demander ta main...

 

Une bien jolie déclaration d'amour dans cette chanson de Georges Brassens : La non-demande en mariage... le texte commence par une tendre apostrophe : "Ma mie", une formule ancienne, un peu désuète, aux douces sonorités de labiales, images mêmes du baiser amoureux.

Le poète adresse une curieuse supplique à sa dame de coeur :

"Ma mie, de grâce, ne mettons
Pas sous la gorge à Cupidon
Sa propre flèche"

Il est question d'amour bien sûr avec cette référence mythologique à  la flèche de Cupidon, une flèche qui devient une menace pour Cupidon lui-même... un tue-l'amour, en quelque sorte, comme le prouvent les vers suivants et l'expérience de "tant d'amoureux" : le pluriel vient ici souligner les conventions auxquelles se conforment la plupart des gens... alors que le "bonheur" n'est pas au rendez-vous.

Par un renversement amusant, le mariage conventionnel n'est plus alors un sacrement, mais il devient un "sacrilège"...

Même renversement amusant dans le refrain : les formules traditionnelles sont corrigées avec l'emploi de la négation à deux reprises :

"J'ai l'honneur de
Ne pas te de-
Mander ta main
Ne gravons pas
Nos noms au bas
D'un parchemin"

L'important, c'est la liberté représentée par l'image de l'oiseau dans le couplet suivant, la liberté et la confiance en l'autre, avec l'importance de la parole donnée.  Le mariage est vu, lui, comme une véritable prison, particulièrement pour les femmes, réduites à des rôles domestiques, symbolisés par "des casseroles".

 

L'image de la déesse Vénus qui perd ses attraits et vieillit face aux tâches ménagères est encore une dénonciation du mariage qui impose à la femme le rôle de cuisinière, comme le montre le champ lexical de la cuisine : " maîtresses queux, des casseroles, la lèchefrite, le pot-au-feu." On apprécie au passage l'humour de l'expression "Vénus... perd son latin devant la lèchefrite."

 

L'image de "la marguerite effeuillée dans le pot au feu" est encore à la fois amusante et dénonciatrice : elle  renvoie encore à cette image de la femme mariée, avant tout bonne cuisinière, vouée à des tâches domestiques.

Brassens fait ensuite référence littéraire à la légende de Mélusine : Brassens indique ainsi que selon lui, l'amour ne peut durer qu'en respectant le jardin secret de l'autre... et il revient sur l'idée que l'amour s'étiole dans la routine de la vie quotidienne, quand la femme mariée est cantonnée le plus souvent au rôle de cuisinière.

Encore une référence littéraire, biblique, cette fois, dans la strophe suivante :

"Il peut sembler de tout repos
De mettre à l'ombre, au fond d'un pot
De confiture
La jolie pomme défendue
Mais elle est cuite, elle a perdu
Son goût "nature""

Le mariage est présenté à nouveau comme un enfermement avec l'image de "la jolie pomme défendue, mise à l'ombre, au fond d'un pot."

Et le dernier couplet insiste encore sur le rôle que joue souvent la femme dans le mariage, devenue une "servante" dévolue au ménage et aux soins de la maison... Brassens refuse cette servitude imposée aux femmes depuis des siècles. La femme doit rester une "éternelle fiancée" aux yeux de son amoureux, une bien jolie expression qui suppose de conserver toujours la fraîcheur du sentiment amoureux. La femme idéalisée suscite un amour fait de respect... L'expression "la dame de mes pensées" fait songer à l'amour courtois, tel qu'il était pratiqué au Moyen -Age.

"De servante n'ai pas besoin
Et du ménage et de ses soins
Je te dispense...
Qu'en éternelle fiancée
À la dame de mes pensées
Toujours je pense..."

 

Voilà un bel hymne à l'amour, une magnifique ode à la femme soulignée par le son mélodieux et tendre de la contrebasse.

On découvre aussi dans ce texte une pensée non conformiste, et résolument féministe : Brassens apparaît soucieux de l'émancipation de la femme, de son bonheur, de sa liberté.

 

 

Hélas ! On peut constater que les mentalités n'ont guère évolué : la femme mariée reste encore très souvent vouée aux tâches ménagères, la cuisine, le ménage, les soins aux enfants....

 

Les paroles :

 

https://genius.com/Georges-brassens-la-non-demande-en-mariage-lyrics

 

Un article sur la charge mentale qui pèse encore sur les femmes :

https://www.huffingtonpost.fr/life/article/pour-ces-meres-les-grandes-vacances-ont-ete-si-epuisantes-que-la-rentree-est-presque-bienvenue_238942.html

 

 

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6 septembre 2024 5 06 /09 /septembre /2024 11:42
Auprès de mon arbre, Je vivais heureux...

 

Un bel hommage à la nature et à la simplicité dans cette chanson de Georges Brassens, intitulée Auprès de mon arbre...  une chanson qui nous dit aussi la nostalgie d'une présence aimée, le regret d'un bonheur passé, simple et sans prétention...

Le poète personnifie son arbre, son chêne, dès le premier couplet, une façon de le magnifier et de mettre en évidence toute son importance :

"J'ai plaqué mon chêne
Comme un saligaud,
Mon copain le chêne,
Mon alter ego..."

Il le présente comme un ami familier qu'il a trahi en utilisant un langage à la fois populaire et savant : c'est là une des caractéristiques et une des saveurs de la poésie de Brassens.... Le verbe "plaquer" est à la fois fort et familier, ainsi que l'adjectif "saligaud" alors que l'expression latine "Mon alter ego" appartient, elle, à un registre soutenu.

Et cet ami le chêne était d'autant plus proche que le poète pouvait se confondre avec lui comme le suggère cette image : "On était du même bois", une belle image qui associe l'homme et l'arbre en une fusion parfaite.

C'est aussi un ami simple, "un peu rustique, un peu brut" qui est évoqué... un ami sincère, sans artifices... et donc d'autant plus précieux.

 

En opposant l'imparfait, temps du passé au présent, le poète suggère déjà le regret d'un bonheur révolu :

"J'ai maint'nant des frênes,
Des arbres de Judée,
Tous de bonne graine,
De haute futaie..."

Le poète reste, certes, entouré d'une multiplicité d'arbres plus raffinés, mais il a perdu une relation intime, unique avec son ami le chêne, ce que montrent bien le tutoiement dans le vers suivant et les belles images valorisantes associées à l'arbre :

"Mais, toi, tu manque' à l'appel,
Ma vieill' branche de campagne,
Mon seul arbre de Noël,
Mon mât de cocagne !"

Les adjectifs possessifs "ma", "mon" restituent aussi  une relation privilégiée.

 

Le refrain réitéré avec l'emploi de l'imparfait rappelle le bonheur inoubliable d'autrefois qui a été perdu et les conditionnels passés traduisent le regret :

"Auprès de mon arbre,
Je vivais heureux,
J'aurais jamais dû m'éloigner de mon arbre...
Auprès de mon arbre,
Je vivais heureux,
J'aurais jamais dû le quitter des yeux..."

 

Et on retrouve l'idée de simplicité, d'absence d'artifices dans le couplet suivant, avec, cette fois, l'évocation de la pipe en bois elle aussi personnifiée et valorisée, une pipe complice des jours difficiles :

"Je suis un pauv' type,
J'aurai plus de joie :
J'ai jeté ma pipe,
Ma vieill' pipe en bois,
Qui' avait fumé sans s' fâcher,
Sans jamais m' brûler la lippe,
L' tabac d' la vache enragée
Dans sa bonn' vieill' têt' de pipe..."

Le pluriel dans les vers suivants souligne, à l'inverse,  une certaine aisance, ainsi que les ornements et la qualité de ces objets : 

"J'ai des pip's d'écume
Orné's de fleurons,
De ces pip's qu'on fume
En levant le front"

Mais "lever le front", c'est prendre un air supérieur et arrogant, bien loin de la simplicité de la vieille pipe en bois que regrette le poète...

 

Nouveau couplet, nouvel abandon : cette fois, c'est la femme du poète qui en a fait les frais, et l'on retrouve ce mélange amusant de langage familier et de vocabulaire soutenu :

"Le surnom d'infâme
Me va comme un gant :
D'avecque ma femme
J'ai foutu le camp,
Parc' que, depuis tant d'anné's,
C'était pas un' sinécure
De lui voir tout l' temps le nez
Au milieu de la figure..."

Et le poète se voit donc obligé de chercher une nouvelle compagne aussi attentionnée...
 

Dernière infidélité du poète, avec l'évocation du logement : "une mansarde avec des lézardes Sur le firmament..." qui avait donc l'avantage d'une ouverture sur le ciel et ses splendeurs, notamment la Grande Ourse, et qui permettait au poète d'inviter "des belles de nuit" à faire un tour sur la Grande Ourse.

 

Désormais protégé de la pluie, le poète regrette ce ciel ouvert sur le ciel, sur le spectacle des étoiles... mais on peut bien sûr percevoir un sens plus coquin dans les derniers vers de la chanson : "monter aux cieux", ce peut-être "monter au septième ciel", et dans l'expression : Y' a cent sept ans, qui dit mieux, Qu' j'ai pas vu la lune !", on peut voir encore une allusion coquine.

 

La mélodie est simple, limpide, lumineuse, à l'image des idées exprimées.

 

Un message essentiel dans cette chanson : le bonheur est fait de choses simples, et d'une certaine fidélité à ce que l'on aime... Ce classique de Brassens sorti en 1956 qui vante les valeurs simples et solides est d'une brûlante actualité et pourrait être médité dans notre monde d'apparences : ne devrions-nous pas nous engager sur le chemin d'une simplicité volontaire et enfin préférer l'essentiel à l'accessoire ?

 

Les paroles :

 

https://www.paroles.net/georges-brassens/paroles-aupres-de-mon-arbre

 

 

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30 avril 2016 6 30 /04 /avril /2016 10:16
Dans cette histoire de faussaire...

 

 

Dans un monde où tout est faux, où l'artifice devient la règle, où une sophistication  clinquante s'impose partout, Georges Brassens nous régale d'une chanson où il dénonce le règne des objets, du matérialisme, et du tape-à-l'oeil...

 

Le texte s'ouvre sur la vision d'une "ferme" dans laquelle le "faux" semble une évidence, comme si nos sociétés cultivaient tout ce qui est factice.

Cette ferme qui "se découpe sur champ d'azur" paraît déjà illusoire, à travers ce fond bleu idéalisé...

 

"Chaume synthétique, faux buis, faux puits...", le décor accumule des éléments où le naturel n'a plus sa place...

 

Dans une vision cinématographique, nous découvrons la ferme progressivement, en même temps que le narrateur : après une vision globale, nous percevons, ensuite, toutes sortes de détails, et nous avons ainsi l'impression d'une proximité avec le poète...

 

Puis, apparaît "la maîtresse de céans" dont le vêtement s'accorde parfaitement avec le décor, puisqu'elle arbore une tenue de "fermière de comédie".

Tout est feint, comme dans une pièce de théâtre, une comédie, et les périphrases viennent souligner cet aspect surfait et suranné.

 

Dès lors, le poète paraît complètement décalé, lui qui se présente, dans toute sa simplicité, avec "un petit bouquet"  fade et terne, devant les "massifs de fausses fleurs", aux couleurs éclatantes.

 

Après avoir foulé "le faux gazon", le narrateur qui parle à la première personne, dans une sorte de confidence, est invité à rentrer dans la maison... Et, là encore, le décor se caractérise par nombre d'éléments factices : " Un genre de feu sans fumée,
un faux buffet Henri II, La bibliothèque en faux bois, Faux bouquins achetés au poids, Faux Aubusson, fausses armures, Faux tableaux de maîtres au mur..."

 

L'adjectif "faux" revient comme un leit-motiv, en début de vers, soulignant l'omniprésence de l'artifice...

De plus, les objets se multiplient dans une énumération dénonciatrice de mots souvent au pluriel : on entrevoit un monde envahi par le matérialisme...

 

Même les livres semblent faire partie du décor, et ne sont sûrement pas destinés à être lus, ils perdent leur fonction essentielle, ils ne sont plus outils de culture et de connaissances.

A nouveau, la fermière apparaît affublée de parures diverses qui relèvent de l'imposture :

"Fausses perles et faux bijoux
Faux grains de beauté sur les joues,

Faux ongles au bout des menottes..."

Et même le piano semble factice, puisqu'il joue des "fausses notes"...

 

Le comportement de la dame qui enlève "ses fausses dentelles" est, également, dénuée de sincérité : elle feint la pudeur, et n'hésite pas à mentir, jouant le rôle d'une vierge, tout en dévoilant ses appâts, attitudes  totalement contradictoires.

 

Le vocabulaire de la fausseté se diversifie : "faux, simulateurs, artificiels", comme pour souligner une propagation des mensonges et de l'artifice...

En contraste, on voit apparaître la sincérité des sentiments éprouvés par le poète : "La seule chose un peu sincère Dans cette histoire de faussaire... C'est mon penchant pour elle".

 

Georges Brassens laisse entrevoir, aussi, une sorte de déception sentimentale, quand la dame se laisse séduire finalement par un autre, "un vrai marquis de Carabas", allusion à un personnage du Chat botté, archétype de l'imposteur qui emprunte un faux titre de noblesse...

 

Brassens oppose, ainsi, habilement ses sentiments à ce monde matérialiste et factice qu'il vient d'évoquer.

 

Face à cet univers factice dans lequel nous vivons souvent, ce qui importe vraiment, l'essence de la vie, ce sont les sentiments que nous éprouvons... voilà le message que nous délivre ici le poète.

 

Convoquant Cupidon, Vénus, des dieux antiques, Brassens ironise sur le mauvais tour qu'ils lui ont joué... "Faux jeton, faux témoin", des expressions familières sont utilisées pour les désigner, avec humour.

 

Et la chanson s'achève sur une note d'authenticité, de tendresse, et d'humour, encore : le poète nous confie le vrai bonheur qu'il a, malgré tout, ressenti en séduisant la dame.

 

On retrouve dans ce texte tout l'univers de Georges Brassens : culture, références littéraires, jeux de mots, expressions familières, tendresse, dérision...

 

On retrouve une simplicité, une modestie, un refus de l'artifice, un besoin de sincérité, toutes ces qualités  qui ont tendance à s'effacer dans un monde voué à la modernité. Brassens, lui, nous rappelle qu'il faut privilégier l'essentiel : la vérité des sentiments.

 

Quant à la mélodie, elle nous entraîne avec légèreté dans cette ferme de pacotille, où le poète ne se sent guère à sa place et semble comme happé par un vertige d'objets.

 

 

 

 

Le texte :

 

http://www.brassens-cahierdechanson.fr/OEUVRES/CHANSONS/faussaire.html
 

 


 

 

 

 

Photo : rosemar

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