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9 février 2024 5 09 /02 /février /2024 13:40
Pour redécouvrir Victor Hugo...

 

Victor Hugo : un des auteurs les plus célèbres de notre littérature... on connaît ses romans, nombre de ses poèmes, mais que sait-on de l'homme, de cet écrivain si renommé ?

Agnès Sandras porte un regard nouveau sur cet auteur qui a été déjà décrit dans de nombreux ouvrages.

Dans son livre, Victor Hugo, Le forçat des Lettres, elle répond d'abord à un défi d'éditeur : quand on lui a proposé d'écrire sur Victor Hugo, elle a eu envie de relever le défi.

"Ce qui m'a intéressée, c'était ce que propose cette collection, une collection qui est un partenariat entre Perrin et la Bibliothèque nationale de France, elle a recours à toute l'iconographie que peut posséder la BNF, à tous les manuscrits, les photographies, etc. parce qu'il y a un fonds Hugo absolument somptueux.

C'était là le premier défi absolument génial : faire une biographie illustrée de Victor Hugo, ce qui n'avait jamais été fait jusqu'à ce jour.

Il existe un Victor Hugo que tout le monde ne connaît pas : c'est quelqu'un qui dessine, qui peint de manière fabuleuse... et je trouve que c'est équivalent à la force de ses romans, c'est vraiment un homme multi-facettes, capable de tout faire...

Comment un écrivain travaille ? On s'imagine souvent le romantique inspiré, en train de se balader et tous les poèmes lui arrivent, non ce n'est pas du tout comme ça.

Victor Hugo, c'est certes quelqu'un qui a beaucoup d'imagination, mais c'est aussi quelqu'un qui travaille ses poésies, ses romans. Quand il écrit des discours politiques, il prévoit jusqu'aux interruptions de la Chambre, et il prévoit jusqu'à ce qu'on va lui dire...

Ce qui m'a intéressée, c'est de montrer Victor Hugo en train de travailler... il travaille ses alexandrins, et en revanche, dans ses dessins, dans ses peintures, il se laisse totalement aller à son inspiration, aux matériaux qui lui tombent sous la main... ses peintures révèlent une part assez sombre, il faut dire que ses dessins sont pour la majorité des dessins d'exil.

Victor Hugo a été obligé de s'exiler en raison de son opposition à l'empereur Napoléon III, il pensait que ça durerait quelques années, en fait, ça a duré 20 ans !

Même si les îles de Jersey, de Guernesey sont fabuleuses, 20 ans loin de Paris, loin d'une partie de sa famille, loin de ses amis, c'est vraiment très compliqué et par conséquent, il y a une part tourmentée, une inspiration tourmentée.

C'est Hugo qui dessine la couverture de la pièce Les Burgraves, il a dessiné aussi pour les décors des pièces, il a des idées pour les décors, pour les costumes.

 

Victor Hugo, c'est aussi quelqu'un qui construit son image, il a absolument envie de passer à la postérité, c'est pour cela qu'il est le premier écrivain à léguer son fonds à la Bibliothèque Nationale de France, et les écrivains par la suite vont l'imiter.

Donc, il va construire sa maison de Guernesey de manière à ce que ce soit une pièce de théâtre... on rentre, c'est tout sombre en bas, ça ressemble à Notre Dame, on monte les étages et cela devient absolument fabuleux : c'est éclairé, c'est plein de lumières.

 

Il y a une autre facette de Victor Hugo : c'est quelqu'un qui ne donne pas toutes les clés de son inspiration et de son écriture. En fait, très peu de gens l'ont approché dans ce travail d'écriture.

Il y a peut-être son petit fils qui a un peu pu voir, Juliette, sa maîtresse, forcément à certains moments, mais pour les autres personnes, la porte est fermée, et on ne saura pas comment il écrit.

Juliette Drouet est absolument indispensable à son inspiration, elle meurt deux ans avant Victor Hugo, elle l'a accompagné pendant 50 ans, et à partir du moment où Juliette Drouet meurt, Victor Hugo n'écrit plus de choses nouvelles. Il va juste trier ses documents, ses manuscrits, il ne peut plus écrire.

 

Juliette Drouet lui écrit tous les jours, c'est lui qui l'exige et elle va avoir un oeil très affûté sur ses manuscrits, puisque c'est elle qui les copie tant qu'elle le peut. Juliette est de très bon conseil... c'est elle qui va lui dire quand ils sont à Jersey et Guernesey : " *Dis-donc tu avais commencé à écrire un livre qui s'appelait Les Misères, c'était vraiment bien, moi j'aimais bien Les Misères, pourquoi tu le continues pas ?"

Et ce sera évidemment Les fameux Misérables qui nous sont arrivés grâce à Juliette... c'est Juliette qui va convoyer les manuscrits entre la France et les îles Anglo-Normandes, parce qu'évidemment la police surveille Victor Hugo. Donc, nous devons énormément de choses à Juliette Drouet.

 

Avant l'exil, Hugo va dans les salons littéraires, il est à la cour, lors de son exil, quelques journalistes viennent le voir mais ils ne peuvent pas être très nombreux, bien entendu, car ils sont surveillés par la police impériale, dans la troisième partie de sa vie, Hugo est une star, puisque les journalistes vont essayer de guetter la moindre de ses apparitions et les gens aussi... Lorsque Victor Hugo va à la plage en Normandie, des gens viennent lui demander des autographes. Donc, c'est une vraie star...

Dans son enfance, tout n'a pas été linéaire pour lui, il a connu quelques vicissitudes avec des parents qui n'ont pas forcément été très présents pour lui. Il naît pendant les guerres napoléoniennes, de deux parents qui se déchirent, son père est général d'empire et le petit Victor Hugo va se retrouver sur les routes au fur et à mesure des dissensions entre ses parents, sa mère vient voir son père, repart avec les enfants, puis son père lui impose à Madrid de rester dans un collège pendant plusieurs mois.

Hugo a dû fabriquer quelque chose avec l'écrit, la lecture pour se sortir de cette situation compliquée pour un enfant.

On appelé Victor Hugo le grand-père de la France pour deux raisons, d'abord Hugo a écrit un recueil extrêmement attendrissant sur l'art d'être grand-père qui est consacré à ses petits-enfants, parce que son fils était mort et qu'il a dû s'occuper de l'éducation de ses petits-enfants. Et c'est un grand-père très laxiste avec ses petits-enfants, et c'est une révolution sociétale... c'est plus qu'un grand-père parce qu'à l'époque ils étaient sévères. Tandis que pour Victor Hugo, s'ils ont le doigt dans le pot de confiture, lui trouve cela ravissant...

Et cela va entraîner une révolution sociétale : on va considérer les petits enfants de manière différente grâce à Victor Hugo.

Victor Hugo est considéré comme celui qui a permis le legs de la République et cette naissance de la III ème République, c'est un choix pour les Républicains qui est très facile de se dire : qui on pourrait choisir comme figure tutélaire ? Eh bien, il y a ce vieux monsieur qui a 80 ans, qui se définit comme un grand-père et qui a travaillé à cela.

Si vous regardez les photographies, vous avez Victor Hugo qui s'est laissé pousser la barbe, qui s'est taillé les cheveux, c'est un charmant grand-père et il devient le grand-père de tout le monde..."

 

 

 

 

http://editions.bnf.fr/victor-hugo-0

https://www.bonjourpoesie.fr/lesgrandsclassiques/poemes/victor_hugo/jeanne_fait_son_entree

https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/poeme-du-jour-avec-la-comedie-francaise/jeanne-fait-son-entree-et-georges-et-jeanne-deux-poemes-de-victor-hugo-5891704

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22 avril 2020 3 22 /04 /avril /2020 12:14
Le soleil s'est couché ce soir dans les nuées...

 

 

Ce poème de Victor Hugo est extrait d'un recueil intitulé Feuilles d'automne... L'automne, on le sait, est la saison de prédilection des romantiques, une saison souvent associée à la mélancolie : l'automne représente la tristesse, il symbolise le déclin, le temps qui passe. C'est une saison en accord avec l'humeur des romantiques qui expriment leur mal de vivre, ce que l'on appelle "le mal du siècle", une sorte de mélancolie indéfinissable.

La composition est très classique : 4 strophes de 4 vers, 4 quatrains.

Dans les trois premiers quatrains, Hugo évoque une nature immuable face à la fuite du temps.

Dans le dernier quatrain, en opposition, le poète fait irruption dans le poème avec l'emploi de la première personne du singulier : "Mais moi... je... je..." C'est l'évocation de la condition humaine : l'homme est voué à mourir, il est soumis, lui, au temps qui passe.

Ainsi, par cette structure, le poète apparaît isolé, humble, minuscule face à la pérennité de la nature. 

 

I )Le thème de la fuite du temps est essentiel dans ce poème.

 

1)Le champ lexical du temps est abondant et récurrent dans tout le texte : "ce soir... Demain, le soir, la nuit, Puis l'aube... Puis les nuits, puis les jours, pas du temps..."

Tous ces jours, sans cesse... chaque jour... bientôt"

Certains de ces mots indiquent une permanence, d'autres une imminence.

 Le thème du soleil couchant suggère aussi le temps qui passe, dès le premier vers, le crépuscule représentant symboliquement le soir de la vie.

 

2) Les différents temps employés dans le poème soulignent aussi le thème de la fuite du temps.

Le futur domine : il marque une certitude et  la fuite inéluctable du temps : 

Au vers 2 : "Demain viendra l'orage", au vers 5 : "tous ces jours passeront".

Dans la troisième strophe : " les bois toujours verts s'iront rajeunissant." "le fleuve prendra."

Dans la dernière strophe : "je m'en irai".

On remarque aussi un passé composé dans le premier vers : "Le soleil s'est couché..." et quelques présents : "pas du temps qui s'enfuit", "roule", "nous aimons", "il donne" etc.

 

3) Le temps est personnifié dans l'expression "pas du temps qui fuit" au vers 4 : il semble ainsi exercer sa toute puissance sur les êtres...

 

4) Des répétitions suggèrent aussi une sorte de monotonie dans l'écoulement du temps : le mot "soir" , le verbe "passeront", l'expression "sur la face"sont repris. On relève aussi l'anaphore de l'adverbe de temps "puis", de la préposition "sur" et de la conjonction de coordination "et".

On remarque des effets de rime intérieure : au vers 1 "couché, nuées", au vers 3 "clartés, obstruées", au vers 5 "passeront, passeront".

 

5) Des verbes de mouvement traduisent et restituent l'écoulement du temps : au vers 2 "viendra", au vers 4 "fuit", vers 5 "passeront", vers 11 "s'iront", vers 14 "je passe", vers 15 "je m'en irai".

 

6) Des parallélismes de construction suggèrent aussi le passage monotone du temps : vers 2, 4, 5, 6, 7. On remarque de nombreuses césures , notamment dans la deuxième strophe.

Au vers 4, une succession de monosyllabes peut restituer la lourdeur du temps qui passe.

 

II Face au temps qui s'enfuit,  la nature apparaît immuable : le temps n'a pas de prise sur elle.

 

1)Ainsi, la nature est magnifiée dès le premier vers avec l'évocation d'un somptueux coucher de soleil : un vers majestueux, ample où l'on perçoit des effets de sonorités : sifflante "s", et chuintante "ch", des consonnes emplies de douceur.

Dans la deuxième strophe, c'est la fricative "f" qui domine, encore une sonorité très douce.

 

2) La nature est personnifiée dans les expressions : "la face des mers, la face des monts", "le soleil joyeux". Elle est surtout associée à des verbes d'action, ou de mouvement : Demain, viendra l'orage, le fleuve des campagnes prendra... le flot qu'il donne".

3) On relève un champ lexical de la jeunesse : "Et la face des eaux et le front des montagnes, Ridés et non vieillis, et les bois toujours verts S'iront rajeunissant..." La nature échappe au temps et se renouvelle sans cesse.

4) La nature apparaît grandiose, ce qui est bien suggéré par l'emploi de nombreux pluriels : "les nuées... ses clartés de vapeurs... la face des mers... la face des monts... sur les fleuves... sur les forêts... la face des eaux... le front des montagnes... les bois", etc.

Les nombreux enjambements dans les strophes 2 et 3 donnent aussi une impression d'immensité, de grandeur, d'une nature infinie.

 

III Face à la nature, Hugo évoque la condition humaine vouée à la mort.

 

1) Victor Hugo fait d'abord allusion à la mort des autres : au vers 8 : "Comme un hymne confus des morts que nous aimons". Il est question ici des chers disparus qui semblent présents dans la nature.

2) Puis, à la fin du texte, le poète évoque sa propre mort avec un euphémisme : "je m'en irai bientôt."

La dernière strophe est en opposition avec le reste du poème, comme le montre bien la conjonction de coordination "Mais" : le poète apparaît accablé par le poids du temps dans cette expression " courbant plus bas ma tête".

Face à l'indifférence du monde, il est isolé, à l'écart : on relève l'emploi de la première personne du singulier en début de vers : "Moi... je... je..."

Le poète est en opposition totale avec la nature : alors que le "soleil est joyeux", que le "monde est radieux", lui est accablé : on note le bonheur insolent de la nature face à l'accablement du poète.

L'adjectif "radieux" est souligné par une diérèse. L'exclamation finale traduit la tristesse du personnage.

 

Ce poème lyrique écrit à la première personne exprime toute la mélancolie et le tragique de la condition humaine, les chagrins de la mort, du déclin : cette inquiétude est présente dès la première strophe avec la symbolique du thème du coucher de soleil, avec les termes "nuées, l'orage, vapeurs obstruées." qui suggèrent un paysage embrumé. Ce paysage correspond à l'état d'âme du poète.

Et cette mélancolie s'approfondit dans la dernière strophe. 

Ce poème est particulièrement représentatif de la poésie romantique : paysage-état d'âme, thème de la fuite du temps, exclamations, anaphores, lyrisme.

 

Le poème :


Le soleil s'est couché ce soir dans les nuées ;
Demain viendra l'orage, et le soir, et la nuit ;
Puis l'aube, et ses clartés de vapeurs obstruées ;
Puis les nuits, puis les jours, pas du temps qui s'enfuit !

Tous ces jours passeront ; ils passeront en foule
Sur la face des mers, sur la face des monts,
Sur les fleuves d'argent, sur les forêts où roule
Comme un hymne confus des morts que nous aimons.

Et la face des eaux, et le front des montagnes,
Ridés et non vieillis, et les bois toujours verts
S'iront rajeunissant ; le fleuve des campagnes
Prendra sans cesse aux monts le flot qu'il donne aux mers.

Mais moi, sous chaque jour courbant plus bas ma tête,
Je passe, et, refroidi sous ce soleil joyeux,
Je m'en irai bientôt, au milieu de la fête,
Sans que rien manque au monde, immense et radieux !

Victor Hugo, "Les Feuilles d'Automne", Livre XXXV
« Soleils couchants », VI, 1831.

 

 

 

 

 

Le soleil s'est couché ce soir dans les nuées...
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