Victor Hugo évoque souvent dans son oeuvre les miséreux, le petit peuple qui souffre, des gens humbles et modestes...
Dans un de ses poèmes très célèbre, il nous fait voir une scène champêtre, pleine d'émotions : un paysan qui parcourt les champs pour semer. Le poème est intitulé :"Saison des semailles, le soir". Et l'auteur contemple cette scène comme un véritable spectacle à "admirer". C'est bien d'admiration qu'il s'agit devant le travail accompli par ce paysan. Un véritable tableau nous est présenté, un tableau à observer avec attention et recueillement : le poète se met lui même en scène devant ce tableau, assis sous un portail.
Le moment est important, "c'est le moment crépusculaire", le moment où le jour bascule dans l'obscurité, moment de calme, d'apaisement où les formes s'estompent, où les objets et les êtres prennent des contours plus incertains, moment où le soleil se couche et où le soir se pare des couleurs dorées du couchant. Le coucher de soleil si souvent célébré par les romantiques est aussi le cadre de ce tableau...
Le paysan au centre de la scène est âgé, vêtu de "haillons". On perçoit sa misère à travers ces détails, un être affaibli, misérable, image même de la pauvreté.
Et ce paysan en mouvement ensemence son champ dans la paix du soir. On voit aussitôt qu'il fait une oeuvre utile, grâce à l'expression employée par le poète : il "jette à poignées la moisson future"... Aussitôt, avant même la récolte, on perçoit le résultat infiniment précieux de son geste : la moisson qui va nourrir les hommes !
Que de simplicité dans ce tableau ! Que d'harmonie aussi ! Le paysan croit en son labeur, il y est très attentif, on perçoit sa concentration et son amour de la terre qu'il parcourt à grand pas.
Le personnage si humble, si modeste, est ainsi magnifié : lui, si insignifiant domine de sa "haute silhouette" la terre qu'il ensemence, il devient un personnage d'exception... Perdu dans une "plaine immense", on ne voit que lui et son geste généreux et ample, son offrande à la terre...
Les verbes de mouvement, d'action, ponctués de virgules traduisent ses gestes répétés, amples et incessants.
La fin du poème revient sur l'auteur qui observe la scène et qui devient, devant ce spectacle plein de grandeur, un "obscur témoin"... Le poète ne peut qu'admirer ce paysan aux mouvements réguliers, et voit en lui un être relié au divin, à l'essence même du monde : le paysan semble par son geste s'unir aux étoiles et rejoindre une harmonie suprême : son travail le sanctifie, le rend plein de majesté, le transfigure...
Ce poème rend un hommage émouvant au dur labeur des paysans, à leur tâche ingrate mais si utile et indispensable à l'humanité. Le texte est magnifique dans sa simplicité. Il peut rappeler certaines toiles de Millet, grand peintre du 19ème siècle spécialisé dans des scènes paysannes. Le plus célèbre de ses tableaux est l'Angélus. Au milieu des champs, deux paysans ont posé leurs outils pour se mettre en prière tandis qu'on devine l'angélus sonner au clocher lointain. On retrouve chez ce peintre la même impression de recueillement, d'apaisement, de simplicité émouvante que dans le poème de Victor Hugo.
Certes,le"geste auguste du semeur" a aujourd'hui disparu en raison de la mécanisation, mais ce poème traduit bien le respect que l'on doit avoir devant le labeur d'un simple paysan.
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