Un temps estival, ce jour là : nous avons devancé la date et nous nous retrouvons, à la fin du mois d'octobre, en famille, au cimetière... l'occasion de fleurir la tombe, d'apporter des chrysanthèmes, couleur d'or et de rose...
Un soleil radieux nous accompagne : les retrouvailles sont chaleureuses, les familles sont souvent dispersées et les occasions de se voir se raréfient... Ce rendez-vous est immuable : chaque année, le petit cercle familial, la fratrie se reconstitue... mon frère, ma soeur et moi même : personne ne manque à l'appel.
La tombe est ancienne : la pierre est rongée, usée par le temps et les quelques fleurs que nous déposons permettent d'en masquer la misère.
Plus tard, nous nous installons sur un banc à l'extérieur du cimetière...
Ces retrouvailles sont l'occasion d'évoquer la famille dispersée, nous n'avons nulle nouvelle de certains : malgré les communications grandissantes, malgré internet, on a perdu de vue certains d'entre eux... peut-être sont ils eux-mêmes disparus...
Le monde moderne est ainsi fait que, dans une même famille, les gens habitent dans des lieux éloignés, différents : la distance sépare les gens, malgré tout.
Ces retrouvailles nous permettent, aussi, d'évoquer nos grands-parents, leur vie, leurs souffrances, leurs difficultés, des souvenirs émouvants, certains épisodes qu'on ignorait encore, car chacun d'entre nous a vécu des expériences différentes : mon frère nous raconte qu'un jour, il est tombé de la voiture de mon grand-père, une "ariane" car la portière menaçait ruine : plus de peur que de mal, mais il se souvient de cet épisode et il évoque, avec émotion, cette voiture d'autrefois, aux allures princières, avec laquelle mon grand-père le faisait voyager...
On revoit des visages d'autrefois, ceux de mes grands-tantes, de mes parents, de mes grands-parents : on parle de leurs vies si différentes de la nôtre, car c'était une autre époque... la guerre, ses vicissitudes, ses inquiétudes, le manque de confort, les difficultés matérielles qu'ils ont pu rencontrer.
Tout un passé ressurgit et nous rappelle notre enfance, les bonheurs d'autrefois, tout ce qui peut nous réunir, alors que la vie a tendance à séparer les gens, à les éloigner.
La discussion en vient aussi aux réalités présentes, et on ne peut s'empêcher, tradition toute familiale, de parler "politique"...
Mon frère s'inquiète de la situation des quartiers nord à Marseille où la petite et la plus grande délinquance s'installent... il regrette l'abandon de ces quartiers par le pouvoir politique.
Ma soeur rappelle les dangers de la montée du front national, j'évoque, pour ma part, les intégrismes qui renaissent un peu partout : intolérances, rejets, haines qui sévissent autour de nous.
On refait le monde à notre façon, on le réinvente...
On retrouve le plaisir des réunions familiales d'autrefois, tout en prenant conscience du temps qui a passé, de ces gens que nous avons tant aimés et qui ne sont plus là...
La Toussaint nous permet de nous retrouver, de nous rassembler à nouveau...
On sait que, sans faillir, sauf en cas de gros problèmes, on se retrouvera l'année prochaine, pour ce rendez-vous du souvenir. On sait que ces êtres disparus nous réunissent à jamais, malgré nos divergences, nos différences, nos éloignements...