C'est Voltaire qui au 18ème siècle invente un genre littéraire qui tient à la fois du conte et de l'essai : le conte philosophique. Tout en nous racontant une histoire merveilleuse, Voltaire fait passer un message philosophique, et dénonce aussi tous les travers de son temps...
Un des contes philosophiques les plus connus de Voltaire est, sans doute, le conte intitulé Candide ou l'optimisme. Le nom même du personnage est bien révélateur comme la plupart des noms dans les contes de Voltaire...Candide vient d'un mot latin "candidus" "blanc. C'est le naïf, étymologiquement, en latin, le"nativus",le nouveau-né, celui qui découvre le monde et ne le comprend pas bien encore : ce regard naïf du personnage porté sur le monde permet ainsi d'en souligner toutes les incohérences et les absurdités...
L'histoire commence, comme il se doit dans un conte, dans un château, le château du baron de Thunder-Ten- Tronck en Westphalie. Le nom de ce baron aux sonorités tonitruantes dénonce déjà la vanité, la prétention, l'orgueil de ce personnage aristocratique. Ce château apparaît comme une sorte de monde idyllique mais ce n'est qu'une illusion : c'est un monde de faux semblant, où règne la flagornerie à l'égard du maître de maison, où Pangloss, précepteur et philosophe de pacotille distille des discours absurdes, sans fondement.
Pangloss, voilà encore un nom qui révèle bien ce personnage : le mot est issu de deux radicaux grecs et signifie"tout en langue". Pangloss est, en effet, un bavard infatigable qui endoctrine le jeune Candide et qui lui instille sa philosophie de l'optimisme.
Et Candide, le naïf, croit aveuglément ce que dit Pangloss. Ainsi Voltaire dénonce cette philosophie en vogue au 18ème siècle : la philosophie optimiste dont le principal artisan est Leibniz, philosophie que Voltaire juge dangereuse car elle conduit les hommes à accepter tous les malheurs du monde sans se révolter : c'est une philosophie de la résignation qui consiste à dire : "Tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes"
Pour Leibniz, le malheur, s'il existe, a un sens : il est fait pour le bonheur des hommes ! Mais dès lors, cette philosophie nie toutes les misères atroces auxquelles peuvent être soumis les hommes.
Et Candide va connaître bien des malheurs, dès le début du conte il est exclu du château pour avoir courtisé la fille de la maison, la belle Cunégonde, lui qui n'est qu'un bâtard, fils illégitime d'un frère de la baronne...
Dès lors, Candide est emporté dans un tourbillon d'aventures plus ou moins invraisemblables. D'abord recruté par des soldats, Candide s'engage dans les armées d'un roi bulgare, sans vraiment en prendre conscience, il est alors amené à combattre sans comprendre ce qui lui arrive : c'est l'occasion pour Voltaire de se livrer à une satire virulente de la guerre qui apparaît d'autant plus absurde qu'elle est vue à travers le regard du naïf, Candide. La guerre apparaît sans fondement, les soldats eux-mêmes ne savent pas pourquoi ils se battent, ils avancent comme des soldats de plomb, au son des fifres et des tambourins qui servent à masquer les horreurs de la guerre .
Mais Candide perçoit peu après toutes les atrocités de la guerre, il voit des femmes, des enfants, des vieillards assassinés et il tente d'échapper au massacre.
La guerre est un thème récurrent dans ce conte philosophique et Candide est confronté à ses horreurs à plusieurs reprises.
Bien sûr, Voltaire s'attache aussi à dénoncer le fanatisme religieux, les crimes commis par l'inquisition puisque les pérégrinations de Candide l'emmènent jusqu'à Lisbonne où il assiste au tremblement de terre qui secoua la ville en 1755. Candide est alors emprisonné et condamné à être fessé en cadence, soupçonné injustement par l'inquisition d'être à l'origine de ce malheur ! Pangloss, lui est condamné à la pendaison...
Les aventures de Candide le conduisent ensuite à rencontrer une vieille, sorte de magicienne de conte qui l'aide à retrouver Cunégonde alors qu'il la croyait morte.
L'histoire emmène le personnage jusqu'en Amérique du Sud, dans l'Eldorado, pays utopique, sorte d'idéal où l'argent n'a pas de valeur, où les gens sont généreux et accueillants, c'est bien l'envers du monde réel que nous présente ici Voltaire.Cet épisode qui se trouve au centre du conte revêt une importance capitale : c'est une critique du monde ordinaire où l'argent est la valeur essentielle, où la générosité n'existe pas, où régnent la peur, l'appât du gain, la méfiance....
Candide quitte pourtant ce pays de Cocagne en emportant des richesses de l'Eldorado car il croit encore aux valeurs de son ancien monde.
Candide se retrouve alors dans la Guyane Hollandaise à Surinam où il rencontre le nègre de Surinam, page célèbre où Voltaire se livre à une satire de l'esclavage, satire d'autant plus touchante et probante que Voltaire fait parler l'esclave totalement soumis à ses maîtres alors qu'il a été traité de manière indigne. Le nègre étendu sur le sol a subi les pires châtiments : un bras et une jambe coupée pour avoir voulu échapper à son triste sort ou pour avoir fait un geste maladroit...
Candide commence alors à remettre en cause l'enseignement de son maître à penser, Pangloss et se met à réfuter la théorie de l'optimisme : le personnage évolue enfin !
Puis, les épisodes suivants conduisent Candide en France, en Angleterre .Voltaire dénonce l'incompétence des médecins, les maisons de jeux où sévissent la tricherie, le goût de l'argent facile.
Les personnages de ce conte n'ont pas vraiment de réalité, ce sont des marionnettes, des symboles et leurs aventures sont prétextes à toutes sortes de dénonciations, c'est bien là l'intérêt de ce conte qui a une valeur didactique.
L'ironie voltairienne est constamment présente, les personnages prêtent à rire et à sourire, l'invraisemblance fait aussi partie de l'univers du conte : on assiste ainsi à une sorte de résurrection de Pangloss, de Cunégonde que l'on croyait morts.
Les thèmes les plus divers sont abordés : l'argent, la religion, le fanatisme, la guerre, l'esclavage,le bonheur etc.
Candide a enfin compris à la fin du conte que le bonheur ne peut se trouver dans de vaines recherches philosophiques ou dans l'ambition : le bonheur consiste tout simplement à accomplir sa tâche, à faire oeuvre utile, à cultiver son jardin avec sérénité...
Avec ses compagnons, il s'installe dans une métairie à Constantinople et même si Pangloss continue à prêcher sa philosophie, Candide ne se laisse plus abuser et conclut lui même l'histoire en prononçant ces mots :"Il faut cultiver notre jardin'.
Que de messages, que de leçons à méditer dans ce conte voltairien ! Le récit endiablé rend la lecture plus accessible, plus facile mais il faut bien percevoir toute l'ironie voltairienne pour savourer tous les enseignements de ce récit qui reste d'actualité par bien des aspects et des thèmes traités...Ce conte mérite d'être lu et relu tant il est riche d'enseignements, tant il se révèle encore plein d'actualité et de modernité...
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