Un dossier consacré aux professeurs, sur le journal Le Point, met en évidence toutes les difficultés de ce métier. Le titre est éloquent : "Nos profs sous-payés, rabaissés, abandonnés, les ravages de la bureaucratie"... Je n'ai pas lu ce dossier, mais il est évident qu'il révèle un malaise profond dans cette profession.
Les enseignants, confrontés à un public de plus en plus nombreux, de plus en plus hétérogène, subissent des pressions, de la part des parents qui exigent des résultats, ces parents qui en viennent à contester leur autorité, leurs notations.
Les adolescents, eux-mêmes, rusent, mentent à leurs parents, sur leurs notes, et les parents n'hésitent pas à accuser les professeurs d'erreurs commises sur les bulletins, cela m'est arrivé.
On sent que notre autorité est, sans cesse, remise en question et bafouée : avec internet, les élèves ont l'impression illusoire de dominer tout le savoir et de surpasser l'enseignant.
Quelle erreur ! J'ai entendu, un jour, un adolescent à qui j'avais posé une question me faire cette réponse : "Il suffit d'aller voir sur Google ! C'est écrit !"
Oui, c'est écrit sur Google, mais la réflexion, la véritable maîtrise du savoir ne sont pas données par Google.
Les enseignants, eux, délivrent des méthodes, des savoirs assimilés, ils ont une expérience qui doit être reconnue et qui ne l'est plus...
Les tâches des enseignants se multiplient : organisations de bacs blancs, oraux, écrits, convocations à des réunions, parfois totalement inutiles, contraintes administratives diverses...
Le travail de correction des copies s'alourdit, face à des classes de plus en plus chargées : 36 élèves en lycée.
La gestion de ces classes pose, parfois, des problèmes : indiscipline, bavardages, insolence.
Les enseignants qui fournissent un travail complexe, difficile ne sont plus reconnus par la société : mal payés, déconsidérés, ils deviennent des boucs émissaires dans une société en crise, en perte de repères.
Un article publié sur le journal Marianne, sous la plume d'Antoine Desjardins, révèle bien ce malaise, il s'intitule "Et si un ministre de l'Educcation nationale proposait aux élèves... de travailler..." Dans une société où l'enfant est roi, les adolescents ne sont même plus jugés responsables de leurs échecs, dans tous les cas, ce sont les enseignants qui sont mis en cause...
Ces enseignants qui ne sont même plus perçus comme une autorité, alors qu'ils ont des compétences, une expérience, un savoir acquis, au cours d'années d'études et d'enseignement.
Les parents n'ont même pas conscience des contraintes et des difficultés de ce métier : le plus souvent, ils voient les enseignants comme des privilégiés, bénéficiant de vacances, de loisirs.
Or, ce métier mobilise constamment l'attention et l'esprit de l'enseignant qui doit toujours prévoir les cours du lendemain, de la semaine, du trimestre : il faut organiser une progression, prévoir des devoirs en fonction de cette progression...
Il faut, constamment, anticiper sur la suite, préparer des questions à donner aux élèves pour la semaine suivante, il faut répondre aux attentes, à toutes les questions des parents et des élèves...
Pendant les heures de cours délivrés aux élèves, l'attention est permanente, il faut organiser des débats, contrôler la concentration des élèves, garder en éveil cette concentration !
Chaque heure de cours demande une préparation, et une mobilisation totale de l'enseignant.
Oui, ce métier est exigeant et complexe, et l'administration considère trop souvent les professeurs avec une certaine hauteur et un certain mépris : nous ne sommes plus que des pions sur un échiquier.
Le ministère, éloigné du terrain, ne perçoit plus du tout les difficultés de ce métier, les inspecteurs, de la même façon, sont dans une bulle de certitudes, complètement coupés des réalités : recevant des consignes du ministère, ils les appliquent à la lettre...
Ainsi, les enseignants se retrouvent souvent isolés, face à leur hiérarchie, face à l'administration et aux parents qui les rendent responsables de tous les maux.
Un phénomène inquiétant mérite d'être signalé : en période de crise, plus de mille professeurs ont démissionné, l'année dernière. Le ministère peine, aussi, à recruter des candidats pour les concours d'enseignement : on voit bien qu'il faut trouver des solutions face à cette crise du recrutement qui ne fait que s'amplifier... ce métier qui n'attire plus les vocations doit impérativement être remis à l'honneur et revalorisé : ce métier, au centre même de nos sociétés, ce métier essentiel devrait mériter reconnaissance et respect : ce n'est plus le cas...
L'article de Marianne :