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26 avril 2024 5 26 /04 /avril /2024 12:18
 "Ce qu’on exige de la mère du XXIe siècle est exorbitant..."

Elisabeth Badinter était l'invitée de La Grande Librairie ce mercredi 24 avril : elle a présenté son ouvrage intitulé Messieurs, encore un effort :

"Faire un bébé aujourd'hui, c'est accepter une moindre rémunération tout en assumant les contraintes de la double journée, c'est supporter, bien davantage que le père, le poids psychologique de la parentalité. Les mentalités évoluent, dit-on... Pas assez, et sûrement pas assez vite, et même les politiques natalistes sont insuffisantes, qui ciblent les aides à la petite enfance, alors que la charge mentale des mères se prolonge bien au-delà."

 

"Le problème qui se pose actuellement concerne avant tout les hommes qui, hélas, ne font pas les efforts nécessaires pour que les femmes aient envie d'avoir un enfant de plus, parce que, dans la famille, il y a encore une inégalité des sexes qui est très lourde pour les femmes...

Pourquoi cette persistante inégalité des sexes dans la famille ?

C'est dû en grande partie à ce qu'on appelle les stéréotypes de genre, à savoir si une femme fait des enfants, elle est mère, elle s'occupe de son bébé, il faut constamment penser à mille choses qui vous prennent la vie, j'avais envie de dire, qui vous bouffent la vie.

Et c'est fatigant, surtout quand on travaille à temps complet. Ce qui est quand même le cas de beaucoup de femmes aujourd'hui en France. Et donc, trop c'est trop...

Au fond, il ressort de tout cela au bout du bout, que les femmes en font toujours plus que les hommes."

 

Ménage, vaisselle, entretien du linge, rangements, cuisine : le travail accompli par les femmes reste très lourd et pesant.

Même si les hommes prennent part à certains de ces travaux, les femmes accomplissent le plus souvent la plupart de ces tâches...

C'est à elles que reste dévolu l'entretien de la maison, c'est à elles que sont réservés cuisine, ménage.

 Et, en même temps, dorénavant les femmes travaillent...

Mais quel boulot d'être une femme ! C'est un travail à part entière...

 Les femmes qui ont des enfants, qui travaillent, doivent jongler sans arrêt entre les obligations de leur profession et le temps dévolu à leur famille.

 Alors, bien sûr, certains hommes font des efforts mais le partage des tâches reste très inégalitaire.

Voyez-vous beaucoup d'hommes faire le ménage, la vaisselle, la cuisine ?

 Dans  ce domaine, les habitudes restent bien ancrées : les hommes répugnent à faire le ménage ou la cuisine...

Il est même des hommes qui adorent voir leurs femmes s'adonner à ces activités ménagères : ils regardent, avec bonheur, leur femme s'activer, tandis qu'ils s'affalent sur un canapé.

 

"La charge mentale : toutes ces pressions, toutes ces injonctions, comment les femmes réagissent face à cela ? Une partie des femmes se laisse faire, elles se laissent happer par cette nouvelle éducation qu'on appelle éducation positive, éducation bienveillante qui est née au début du XXIème siècle et qui avait pour objectif de tracer les postulats de la "bonne mère".

Et alors, au lieu de soulager les mères, cette nouvelle éducation apporte un surplus d'angoisses, d'anxiété, d'exaspération des femmes.

L'une des causes principales de la dénatalité serait la révolution féministe inachevée. On n'en a pas pris assez compte.

Pendant 40 ans, il y a eu des progrès considérables pour les femmes, à la fin du vingtième siècle, les trente dernières années, l'influence de Simone de Beauvoir, les féministes américaines ont été extrêmement bien entendues des femmes, et ainsi, on a fait des études plus longues, les femmes ont compris qu'il y avait là un moyen d'accéder à plus de liberté, à plus d'indépendance.

Et ce qui est très intéressant, c'est que le phénomène de dénatalité est le même dans tous les pays industrialisés, de l'ouest à l'est, de l'Italie à la Corée du sud, partout où l'on confond femme et mère, la natalité chute.

J'habite devant un jardin et j'avais remarqué quelque chose : c'est qu'on emmenait nos enfants au bac à sable et les mères montraient un ennui stupéfiant, et j'ai senti là une lassitude de la maternité. Je ne partageais pas cet ennui parce que je n'étais pas une mère à temps complet, je travaillais.

Il y a 50 ans, beaucoup de femmes ne travaillaient pas, elles étaient à plein temps à la maison.

Depuis 20 ans, 30 ans, on fait vraiment de gros efforts pour reculpabiliser les femmes. Pourquoi ? Parce qu'aujourd'hui, on peut ne pas avoir d'enfants, c'est votre choix. Les femmes françaises se posent de plus en plus la question : est-ce que vraiment j'ai envie d'avoir un enfant ? Et elles font une chose qu'il était impensable de faire avant, c'est à dire le calcul des plaisirs et des peines... Qu'est-ce qu'un enfant va m'apporter et aussi quel prix je dois payer ?

Les femmes de ma génération jamais n'ont imaginé se poser la question : est-ce que je vais faire un enfant ou pas ? Cela allait de soi... d'abord pour beaucoup, la maternité représentait l'achèvement d'une nature féminine, on allait jusqu'au bout de sa nature, et donc on était une femme, comme disait Beauvoir, complète. Si on n'avait pas d'enfant, on était un pruneau sec.

 

Tout change dans le début des années 70, avec la loi Veil et le droit de prendre une pilule comme contraception.

Il y a aussi un risque qui pèse sur les droits des femmes, y compris le droit à disposer de leur corps. Ce droit à disposer de son corps, à mes yeux, n'est pas négociable. C'est une liberté obtenue après des siècles de non liberté. Je considère, pour ma part, qu'une femme dispose entièrement de son corps, et je me suis même heurtée à certaines collègues féministes : si une femme voulait se prostituer, à condition qu'elle n'y soit pas contrainte par des proxénètes ou autres, elle faisait ce qu'elle voulait.

Je suis inquiète : il faut aussi tenir compte du contexte international, du contexte politique... il y a quand même de plus en plus de pays même en Europe, qui deviennent ultra conservateurs, on pourrait dire d'extrême droite, et avec l'extrême droite, souvent apparaissent des exigences religieuses extrêmement strictes...

Et cela me fait peur, je me dis que si on devait voir arriver majoritairement en Europe des réticences, voire des interdictions, voire des limitations de la maîtrise du corps des femmes, cela serait, à mes yeux, une catastrophe.

Le monde ne va pas bien, il est en révolution, est-ce que ce sera au bénéfice des libertés ou le contraire ? Il y a trop de bouleversements politiques, économiques, démographiques et je me dis que peut-être nous achevons une grande période de libertés... je ne suis pas tellement optimiste.

Je ne serais pas si étonnée que d'ici quelque temps certains pays abandonnent l'abolition pour rétablir la peine de mort, je ne pense pas à la France, mais à une atmosphère générale dans les pays occidentaux en fonction de la montée des extrémismes."

 

Source :

https://www.france.tv/france-5/la-grande-librairie/saison-16/5857521-emission-du-mercredi-24-avril-2024.html

 

 

 

 

 "Ce qu’on exige de la mère du XXIe siècle est exorbitant..."
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22 avril 2024 1 22 /04 /avril /2024 11:25
Iran : la répression s'accentue...

 

"Depuis l'attaque de l'Iran menée contre Israël dans la nuit du samedi 13 au dimanche 14 avril, le régime iranien accentue la répression contre les femmes qui ne portent pas le voile. Face à ce durcissement, la population résiste autant que possible.


Sur une vidéo, on voit des femmes brutalement arrêtées par la police dans les rues de Téhéran parce qu'elles ne portent pas le voile, on entend des cris de protestation et on perçoit l'impuissance de ceux qui filment. Des scènes similaires se multiplient dans la capitale iranienne depuis samedi 13 avril, depuis que la police a annoncé renforcer ses contrôles sur le port obligatoire du foulard. Comment expliquer le durcissement du régime iranien après des mois de relative tolérance ?

Un journaliste local a interrogé des femmes confrontées à cette nouvelle répression... une architecte de 35 ans ne porte plus le voile depuis plusieurs mois... selon elle, ce raidissement est lié aux tensions avec Israël.

Mais, à Téhéran, elle continue de conduire, les cheveux découverts, malgré le danger...

Elle témoigne : "Si on est arrêté au volant sans le foulard, on sait qu'on n'a plus le choix et qu'on va suivre un stage pour apprendre à bien le porter... c'est la seule façon de récupérer notre véhicule qui est saisi. C'est un comble pour nous ! Le gouvernement fait ça pour mettre la pression sur la population et pour détourner la population du conflit avec Israël."

Une démonstration de force de la ligne dure du régime iranien, visible avec la présence accrue de policiers à chaque carrefour de Téhéran...

Prise au piège, une majorité de la population continue de résister et la solidarité se manifeste par tous les moyens.

Sur les réseaux sociaux, les internautes se livrent des conseils pour résister à la répression.

"Comment réagir, si la police des moeurs vous interpelle ? C'est un tutoriel : à l'aide de l'intelligence artificielle qui circule sur les réseaux sociaux, des conseils sont donnés en cas d'arrestation :

"Appelez les autres à l'aide, filmez", il y a même des schémas pour apprendre à s'échapper...

Dans un clip militant, les femmes finissent par gagner leur droit de choisir...

 

Le soir, à l'abri des regards sur les hauteurs de Téhéran, la jeunesse iranienne veut encore continuer d'y croire... les femmes se dévoilent, des couples s'embrassent librement.

Mais une Iranienne de 40 ans, comme beaucoup d'autres,  craint le durcissement de ces derniers jours :

"Depuis l'attaque sur Israël, on est très stressé, on a peur d'un nouveau conflit, et la vraie guerre ici, c'est celle que les autorités mènent dans les rues contre les femmes pour nous contrôler... en fait, on subit une double guerre."

Face à face, plus que jamais, un état qui se raidit et une population excédée qui pourrait de nouveau se rebeller..."

Des lois qui sont la négation de la vie : interdiction de faire la fête, de chanter, interdiction de danser, et même pour les filles, interdiction de penser...

 

Source :
 

https://www.francetvinfo.fr/monde/iran/iran-au-c-ur-d-une-population-sous-tension_6494582.html

Iran : la répression s'accentue...
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17 avril 2024 3 17 /04 /avril /2024 09:19
Inondations en Russie : des gens modestes crient leur colère...

 

"Provoquées par une remontée brutale des températures, les crues record de ces derniers jours ont très largement inondé des régions entières au Kazakhstan mais aussi en Sibérie orientale et dans le sud de l'Oural.

Les cours d'eau ont débordé comme rarement, du jamais vu depuis au moins 80 ans à Orsk, cette ville ouvrière traversée justement par le fleuve Oural.

Résultat : au moins 2000 maisons inondées, 8000 personnes évacuées et des habitants très en colère...

Depuis bientôt une semaine, ils sont des centaines à venir tous les jours faire la queue au théâtre d'Orsk pour récupérer un colis d'aide alimentaire comme Serguei dont la maison est sous deux mètres d'eau.

"Je l'ai construite il y a douze ans, tout était bien ! C'était rénové, et maintenant tout est sous l'eau... je ne sais plus comment rentrer chez moi, je ne sais même plus où vivre. Je suis hébergé chez des amis. Merci à eux ! Mais quand est-ce que l'eau va baisser, maintenant ? Où vais-je aller ? Où vais-je dormir ?" témoigne ce Russe...

Avec ses tramways bringuebalants, ses usines qui crachent une fumée ocre et ses portraits de travailleurs méritants sur la place Lénine, Orsk n'est pas sorti indemne de l'époque soviétique, raconte un journaliste de la région :

"Orsk est une ville pauvre, c'est un grand centre industriel, mais malheureusement, dans les années 80, de nombreuses usines ont fermé. Concrètement, les premiers quartiers inondés, la vieille ville, sont très pauvres. Forcément, les habitants ont perdu leurs biens, ils sont choqués, ils ont peur."

Et c'est précisément un quartier de gens modestes parmi les modestes qui a été submergé dans la soirée du 5 avril, quand un barrage a cédé contrairement à ce qu'affirmaient les autorités, se souvient Natalia :

"Notre maire est venu, il nous a rassurés : "Les gars, vous inquiétez pas, tout est normal, tout est sous contrôle. Le barrage tiendra. Rien de grave." Quand le barrage à cédé, l'eau a recouvert tout le rez-de-chaussée en une seconde. Personnellement, je suis partie en pantoufles..."

Le barrage en question est plutôt une grosse digue de terre. Certains racontent qu'on y a tout mis, des vieilles planches, des déchets... "malfaçons, corruption", répondent les habitants au maire qui affirme que ce sont les castors qui ont fragilisé le barrage...

Des habitants qui, en plus, ne reçoivent quasiment aucune aide : "Nous nous sommes débrouillés tout seuls, les gars travaillaient dans notre quartier les deux premiers jours sur un bateau à rames, c'est très difficile quand l'eau vient du barrage et qu'il y a un fort courant. Tous les habitants du quartier se sont donc cotisés pour leur acheter un bateau à moteur... je pense que ça en dit long, lorsque des gens modestes apportent de l'argent et de l'aide.", témoigne Natalia.

Natalia, comme ses voisins, n'est pas assurée.

La semaine dernière, les sinistrés ont crié : "Poutine, à l'aide !" Mais le président n'a pas cillé, il ne viendra pas à Orsk, a dit le Kremlin, comme souvent, Moscou laisse les autorités locales promettre qu'il y aura des indemnisations...

Polina veut y croire : "L'espoir fait vivre et j'ai vraiment envie d'y croire, mais mon mari qui est réaliste dit : "Je ne crois pas qu'ils paieront... j'aimerais beaucoup que le président soit impliqué dans cette affaire, parce que, maintenant, ils vont tous oublier ce qui nous est arrivé. Nous serons livré au maire qui nous avait promis que le barrage ne romprait pas..."

 

Hors micro, pourtant, de nombreux habitants disent qu'en fait ils n'ont confiance en personne. Ni à Orsk, ni à Moscou.

L'image du pays tout entier derrière le pouvoir en prend un coup. Elle s'est fracassée sur le mur d'eau du fleuve Oural..."

Des gens modestes qui crient leur colère contre le pouvoir en place : des oubliés du pouvoir fédéral... ils doivent gérer une situation difficile sans l'aide de l'état...

 

 

Source : à 12 minutes, 30

https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/journal-de-18h/journal-de-18h-emission-du-jeudi-11-avril-2024-2784111

 

 

Inondations en Russie : des gens modestes crient leur colère...
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12 avril 2024 5 12 /04 /avril /2024 11:54
De la cruauté en politique...


Cruauté et politique : il serait présomptueux de vouloir traiter ce thème dans toute son amplitude historique alors que depuis la plus Haute Antiquité les hommes ont eu une singulière tendance à obéir à l'impératif "Massacrez-vous les uns les autres !"
Si la cruauté est de toutes les époques, elle est aussi de tous les continents, même si l'ouvrage dirigé par Stéphane Courtois privilégie l'Europe " de l'Atlantique à l'Oural ", un espace géo-politico-culturel qui nous concerne au premier chef.

Stéphane Courtois est venu présenter son livre De la cruauté en politique lors du Festival de la Biographie... un ouvrage collectif puisque vingt-quatre auteurs ont participé à la rédaction.

"La cruauté commence presque déjà avec Cain et Abel et ensuite cela prend des proportions gigantesques... au départ, c'est un colloque international que j'ai organisé et cette idée m'est venue, il y a déjà pas mal d'années, parce que j'étais un peu énervé par mes collègues historiens qui travaillent sur la première guerre mondiale, sur la deuxième guerre mondiale, sur la shoah, ils ont toujours du mal à nommer les choses...

"Il y a eu de la violence, il y a eu de la violence extrême, il y a eu des exactions..." disent-ils. Mais parlons de ce qui s'est réellement passé : la cruauté... le mot "cruauté" vient du latin "crudelitas" et en latin "crudelitas", c'est la chair sanguinolente, là, on est dans le coeur du sujet.

 

Pour m'amuser dans l'introduction, j'ai évoqué une phrase que j'avais trouvée dans Le Figaro qui parlait de la cruauté des remaniements ministériels... oh ! cela m'avait fait beaucoup rire !

Ce n'est pas de cela qu'on parle dans ce livre... dans ce livre, on parle vraiment de la cruauté réelle, c'est à dire toutes les relations entre la question du pouvoir et puis le fait d'assassiner, de torturer, de violer, etc. qui est le propre de la cruauté.

Bien entendu, n'importe quel gouvernement doit avoir la force, on parle des forces de l'ordre, et la force est un élément positif... si vous n'avez pas la force, vous ne pouvez pas gouverner.

La violence, c'est déjà autre chose. La force est légale, la violence, ce sont des actes illégaux qui sont des atteintes aux personnes, des pressions, des intimidations...

La cruauté, c'est encore autre chose, parce que c'est, d'une part, la chair sanguinolente, c'est vraiment l'assassinat, et puis, il y a un élément supplémentaire dans la cruauté qui est l'élément du plaisir : le bourreau, celui qui assassine prend du plaisir à assassiner ses ennemis. C'est quelque chose qu'il faut avoir bien en tête, surtout au XXème siècle. Cela dit, il n'y a pas que le XXème siècle.

 

Dans ce livre, j'ai recruté des collègues et amis, surtout des historiens, des professionnels, depuis l'antiquité avec Eric Teyssier qui a écrit un chapitre sur la gladiature... tout le monde est persuadé à cause des péplums que la gladiature, c'est abominable, c'est d'une cruauté épouvantable, avec du sang partout... Que nous raconte Teyssier ? Pas du tout, la gladiature, c'étaient des choses très codifiées...

La cruauté est d'abord liée à la nature humaine, parce que, si chacun se regarde un peu dans la glace, n'a-t-il pas eu un jour l'envie d'étrangler un ministre, un président, un professeur, que sais-je, un voisin  ? 

ça, c'est quelque chose qui est vraiment dans la nature humaine. Dans la relation à la politique, il est tout à fait clair que depuis la haute antiquité, depuis la guerre de Troie, la violence, la violence extrême, la cruauté, c'est à dire le plaisir d'exterminer ses ennemis a été constante.

 

Et il faut bien dire que c'est plutôt dans la période la plus récente depuis le milieu du XIXème siècle, que la progression des régimes démocratiques a quand même contribué à rejeter aux limites extérieures de la société la cruauté dans le cadre de sa relation au pouvoir.

 

Bien sûr, vous ne pouvez pas empêcher des citoyens pour des raisons lambda de s'entretuer, ce sont des affaires privées, mais pour ce qui est du pouvoir, la démocratie parlementaire justement en concentrant les conflits au sein d'une enceinte réglementée, le parlement, une constitution, le vote qui donne un certain état des rapports de force qui est accepté par les partis, a quand même contribué à rejeter très fortement vraiment le plus loin possible du centre de la société, et du pouvoir de l'état, ce qu'était la cruauté.

 

C'est quand l'état est faible que les éléments de cruauté peuvent se multiplier.

Par exemple, au Haut Moyen âge, l'état monarchique est très faible, et il y a toutes sortes de petits barons, de petits chevaliers qui règnent sur leurs territoires, ils sont particulièrement cruels et ils agissent en toute impunité. Même certains hauts personnages de l'état, à commencer par le fameux Gilles de Rais qui est le compagnon de Jeanne d'Arc, connétable de France, qui a commis ensuite des crimes abominables, des assassinats d'enfants.

Mais finalement, quand l'état monarchique est assez fort, il commence à mettre de l'ordre, il commence à mettre les petits méchants au pas, et même dans l'affaire de Gilles de Rais qui est pourtant un notable extraordinaire, eh bien, à un moment donné, l'église a dit : "ça suffit !" On le fait arrêter, et on le remet à l'état monarchique qui l'a fait condamner en bonne et due forme.

Pas assez d'état provoque de très nombreux actes de cruauté parce qu'il y a des petits pouvoirs qui sont incontrôlables et qui agissent en toute impunité.

 

Par contre, l'effet inverse est encore plus dramatique : quand l'état devient tout puissant, et au XXème siècle Dieu sait si on a eu des états tout puissants, que ce soit le nazisme, que ce soit le communisme, alors là on atteint des niveaux de cruauté qui étaient inconnus jusque là.

Des millions de morts dans des conditions abominables, il suffit de voir l'extermination des juifs, il suffit de voir comment le camarade Staline se conduisait avec les paysans Ukrainiens, avec la fameuse famine de 1933 qui fait mourir de faim 5 millions de paysans, hommes, femmes et enfants en dix mois, de manière tout à fait volontaire.

On trouve aussi la cruauté dans les guerres civiles... en cas de guerre civile, l'état est affaibli par la force des choses, donc on a alors un affrontement entre deux parties qui en général vise à l'extermination d'une des deux parties : par exemple la Saint Barthélémy, la population parisienne devient enragée contre les protestants, c'est une tuerie incroyable entre "chrétiens", entre guillemets...

C'est vrai que les guerres civiles sont des moments de cruauté extrême, alors que pendant la guerre de 14, la cruauté n'est pas tellement présente, c'est une guerre qui a fait énormément de morts de tous les côtés... dans les premières semaines, c'est vrai qu'on se tue de près, à la baïonnette, mais ensuite on se tue de loin à coups d'artillerie... mais il y a un code très important : on n'extermine pas les prisonniers... mon grand-père a été blessé pendant la guerre de 14, il s'est fait ramasser par les Allemands, il a été soigné et en 1918, il est rentré.

 

Ce point est très important : en temps de guerre, est-ce qu'on massacre des civils ?

Comme vous le voyez avec ce qui se passe au Moyen Orient, nous sommes en plein dedans, il y a eu une attaque extraordinaire contre Israël le 7 octobre et à partir de ce moment on a d'autres actes de cruauté, il est très difficile d'ailleurs de départager, de dire qui a tort, qui a raison...

C'est un des problèmes de la cruauté : quand les phénomènes de cruauté se déclenchent, en général ils sont  contagieux, c'est à dire qu'on rentre dans un enchaînement qu'il est extrêmement difficile d'arrêter.

Regardez la deuxième guerre mondiale : les nazis sont partis dans un déchaînement pas seulement de violence, mais de cruauté : ils ont martyrisé, torturé, assassiné des gens par millions. D'un autre côté, les Soviétiques ont fait la même chose, ils le faisaient déjà chez eux, ils l'ont fait dans les pays où ils ont pénétré, on ne faisait alors pratiquement pas de prisonnier.

Les Khmers rouges, un petit groupe de révolutionnaires, s'emparent du pays et ils tuent à peu près le quart de la population dans des conditions abominables. A Phnom Penh, il y avait un centre de mise à mort où quinze mille personnes ont été emmenées et il n'y en a pas une qui est sortie vivante, elles ont toutes été torturées à mort. Et Duch, le monsieur qui dirigeait ça a quand même été arrêté par la suite, il est passé dans un procès international, et il a expliqué : "Oui, c'est moi qui ai tenu ce centre, c'est moi qui ai formé tous les bourreaux à torturer pour obtenir des aveux complètement bidons d'ailleurs... et puis ensuite comment il fallait achever le travail, assassiner... Tout ça pourquoi ? Pour une idéologie... ça c'est un élément nouveau de l'histoire de la cruauté, l'émergence d'idéologies modernes, les grandes idéologies, communisme, nazisme, etc. qui légitiment non plus quelques crimes, quelques massacres, mais qui légitiment des crimes de masse, des crimes contre l'humanité.

Dans ce livre, vous avez un chapitre d'un collègue russe sur les bourreaux de Staline, un de ces bourreaux Vassili Blokhine a assassiné d'une balle dans la tête environ quinze mille personnes.

Vous avez des sadiques et des psychopathes et comme par hasard ce type de régime recrute ce type de personnes pour faire le travail. Chez un type comme Blokhine, il tue, cela ne lui pose aucun problème, c'est comme s'il allait au bureau, c'est comme s'il fumait une cigarette, il tue, il tue toute la nuit. Alors quel plaisir a-t-il ? Il a le plaisir d'être un bon communiste qui fait le travail qu'on lui demande de faire. Mais il a un autre plaisir : ce sont des gratifications très importantes... en tant que bourreau en chef, reconnu par Staline, il reçoit un ordre de Lénine, un ordre du drapeau rouge, avec chaque fois des gratifications financières importantes, il reçoit une montre en or, il reçoit une voiture, à l'époque dans les années 30, c'étaient des gratifications extraordinaires."

 

 

 

 

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25 mars 2024 1 25 /03 /mars /2024 13:00
Poutine : après le sacre, un terrible attentat près de Moscou...

 

"Un attentat qui intervient moins d'une semaine après la réélection ou plutôt le sacre de Vladimir Poutine, et qui le fragilise dans un contexte où ses services de sécurité étaient accaparés par Kiev et avaient déjà connu un échec lors de l'opération d'Evguéni Prigojine. Le leader du Kremlin a donc souhaité très vite brouiller les pistes lors de sa première déclaration : aucune allusion à l'Etat Islamique... en revanche, il n'a pas hésité à cibler l'Ukraine.

De ses 25 années de règne sans partage, il tire sa toute-puissance, se pensant le mieux à même de protéger son pays, le mieux à même de museler toutes formes de contestations.

L'attaque de terroristes est-elle de nature à faire vaciller, à humilier le maître du Kremlin ?

 

Vladimir Poutine a attendu près de 20 heures après l'attentat, pour enfin prendre la parole...

Dans son allocution, il a désigné à mots à peine couverts l'Ukraine : "Ils ont tenté de se cacher en se dirigeant vers l'Ukraine. Selon nos informations, un chemin avait été préparé du côté ukrainien pour leur permettre de franchir la frontière."

A aucun moment dans son allocution, Vladimir Poutine n'a fait allusion à l'Etat Islamique qui a pourtant, par deux fois, revendiqué l'attaque.

Il y a 15 jours, l'ambassade américaine en Russie alertait d'un  risque d'attentat islamiste imminent. Dans un document officiel, elle recommandait même d'éviter les grands événements, comme les concerts...

Une alerte balayée d'un revers de main par Vladimir Poutine, 3 jours avant la tuerie :

"Les déclarations des occidentaux sur de possibles attaques terroristes en Russie ne sont que de purs chantages.", avait-il déclaré.

 

Toutes ces années, Vladimir Poutine n'a cessé de vanter les services secrets russes "infaillibles." Au lendemain de l'attaque, leur efficacité semble remise en cause même par la rue :

"C'est effrayant, parce que cela signifie que nos services secrets ne font pas leur travail correctement.", affirme un Russe.

Pour éviter d'être déstabilisé, Vladimir Poutine va tenter de capitaliser sur l'attentat, selon certains spécialistes : "Plus il y a des risques, plus il y a des menaces, plus les attentats sont importants, graves, monstrueux, plus Vladimir Poutine va pouvoir se poser en recours et ceux qui ne l'accepteront pas seront considérés immédiatement comme des traîtres et bien évidemment comme des complices de ceux qui ont fomenté l'attentat.", dit Frédéric Encel.

L'opposition redoute déjà un tour de vis et que Vladimir Poutine en profite pour radicaliser un peu plus son pouvoir...

Un casse-tête, une équation difficiles à résoudre politiquement pour le maître du Kremlin : une semaine après son sacre, il se retrouve face à l'attaque la plus sanglante depuis 20 ans. Il a en tout cas tranché en pointant un coupable idéal : l'Ukraine.

Dans son allocution, Vladimir Poutine a parlé de l'horreur de l'attentat, mais on a le sentiment qu'il veut que les Russes restent très concentrés sur l'ennemi ukrainien. En réalité, dans son allocution, il n'a pas porté d'accusation directe contre Kiev, mais il a dit que les assaillants avaient, selon lui, des complices en Ukraine et il a comparé ces assaillants à l'occupant nazi. Or, il faut savoir qu'aujourd'hui, en Russie, ce terme de "nazis" est fréquemment utilisé pour désigner les Ukrainiens et c'est probablement comme ça que l'aura compris une bonne partie du public qui a regardé cette allocution télévisée."

On le voit : Vladimir Poutine procède par insinuations de manière à charger les Ukrainiens et le camp occidental, alors qu'il vient de connaître un grave échec sécuritaire.

 

Source : à 6 minutes, 38 secondes

https://www.francetvinfo.fr/replay-jt/france-2/20-heures/jt-de-20h-du-samedi-23-mars-2024_6407062.html

 

 

Poutine : après le sacre, un terrible attentat près de Moscou...
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4 mars 2024 1 04 /03 /mars /2024 12:56
"Non à la guerre ! La Russie sans Poutine !"

 

"Vendredi 1er mars : jour des funérailles d'Alexeï Navalny et jour de courage pour des milliers d'opposants qui ont tenu à sortir dans les rues de Moscou, malgré les recommandations du Kremlin...

Une foule s'est rassemblée dans la banlieue sud de Moscou : plusieurs milliers de Russes sont venus défier la menace de répression du Kremlin. Vladimir Poutine pensait éteindre cette opposition, ce jour-là, elle s'est au contraire éveillée...

Ils sont venus par milliers pour déposer une fleur sur le cercueil, mais seule une infime minorité d'entre eux a pu finalement entrer dans l'église. Bien trop nombreux pour une cérémonie qui a duré moins d'une heure.

"Même si on n'entre pas, l'important, c'est d'honorer sa mémoire.", dit une femme dans la foule.

A l'intérieur, le visage du défunt est visible dans son cercueil ouvert. Vêtue d'un fouloir noir, la mère d'Alexeï Navalny est là, assise face à son fils mort en prison à 47 ans.

Pour être sûrs de rentrer, certains sont venus trois heures en avance, des Russes de tous âges.

'Ce n'est pas un peu dangereux d'être ici ?", interroge une journaliste.

"C'est impossible de ne faire qu'avoir peur, on en a assez d'avoir peur", répond un jeune Russe.

"Navalny, c'était une personne qui a inculqué aux gens dans notre pays cette envie de politique, d'action, cette idée qu'on peut ne pas être d'accord et qu'on doit aider notre société pour former une société civile.", témoigne un autre.

"Je pense que l'important est de ne pas abandonner, d'aller plus loin...", dit un autre, reprenant les propos de Navalny dans une interview testament, enregistrée avant son retour en Russie en 2021...

"Je n'ai qu'une chose à dire : il ne faut pas abandonner, si ça arrive, cela veut dire que nous sommes extraordinairement forts, s'ils ont décidé de me tuer.", avait-il déclaré.

 

Devant l'église, plusieurs ambassadeurs dont les représentants de la France, des Etats-Unis et de l'Allemagne, se sont retrouvés pour un hommage silencieux.

Après la cérémonie, la famille est sortie avec le cercueil, et derrière eux, une foule immense s'est dirigée vers le cimetière.

Sur le chemin, la foule criait : "Non à la guerre !" On entendait encore : "La Russie sans Poutine !" et "Nous ne pardonnerons pas..."

Ce sont aussi des messages politiques qui ont accompagné Alexeï Navalny en terre, des messages risqués aujourd'hui en Russie. Selon un média d'opposition, 56 personnes ont été arrêtées dans le cadre des hommages rendus à Alexeï Navalny.

Il y a donc une Russie qui soutient Poutine, une autre qui subit et se tait et puis cette opposition qui, malgré les menaces, s'insurge et exprime son émotion...

Que risquent ces hommes et ces femmes qui ont fait ce choix de sortir dans la rue et qui ont pu être identifiés par les hommes du FSB ?

Ils risquent la prison, en tout cas pour ceux qui ont scandé : "Non à la guerre!", car ce slogan est interdit en Russie.

Ce qu'on a vu au cours de ces funérailles, ce n'est pas anecdotique : quelques milliers de personnes, cela peut nous paraître peu à nous occidentaux, mais dans la Russie d'aujourd'hui, c'est beaucoup. On n'avait pas vu autant de monde contre Poutine, au moins depuis le début de la guerre en Ukraine. Cela ne veut pas dire pour autant que le pouvoir de Vladimir Poutine est directement menacé et ici tout le monde est convaincu que dans deux semaines, lors de l'élection présidentielle, il sera reconduit au Kremlin car la grande majorité des Russes, soit elle soutient Vladimir Poutine, soit elle se tait et tout cela est savamment entretenu par la télévision russe qui n'a pas dit un seul mot de l'enterrement d'Alexeï Navalny dans les grands JT."

 

Surtout, pas de vagues ! Montrer des opposants qui défilent en masse, même cette simple image peut être considérée comme un danger pour le pouvoir de Vladimir Poutine.

 

 

Source :

 

https://www.francetvinfo.fr/replay-jt/france-2/20-heures/jt-de-20h-du-vendredi-1-mars-2024_6357103.html

 

 

 

"Non à la guerre ! La Russie sans Poutine !"
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28 février 2024 3 28 /02 /février /2024 10:34
Goulag et colonies pénitentiaires...

 

"Historiquement, bien entendu, le goulag a une existence limitée dans le temps de l'URSS entre les années 1920 et les années 1960.

Pourtant, la mort récente d'Alexeï Navalny dans une colonie pénitentiaire de l'Arctique a rappelé, ne serait-ce que géographiquement, l'implantation des camps de travail de la période stalinienne. C'est le durcissement du régime de Vladimir Poutine vis à vis de ses opposants qui provoque aujourd'hui une réflexion renouvelée sur les méthodes répressives utilisées dans la Russie contemporaine.

 

"Mon message, dans le cas où je serais tué, est très simple : Ne pas abandonner. Ecoutez, j'ai quelque chose de très important à vous dire : je vous interdis d'abandonner. S'ils décident de me tuer, cela signifie que nous sommes extrêmement puissants... nous devons faire usage de ce pouvoir, ne pas oublier, nous souvenir que nous sommes un immense pouvoir. Un pouvoir qui est oppressé par ces mauvaises personnes. Nous ne nous rendons pas compte de la force que nous possédons. C'est la passivité des personnes justes qui permet au mal de triompher. Donc, ne restez pas sans rien faire."

C'est ainsi que s'exprimait Alexeï Navalny dans sa lutte contre la répression du régime russe...

 

Sa mère a enfin réussi à voir le cadavre de son fils, mais elle accuse les enquêteurs russes de chantage à propos des funérailles d'Alexeï Navalny, déclarant qu'ils tentaient de la forcer d'enterrer son fils en secret, sans cérémonie, ce qu'elle dit avoir refusé...

Une question se pose alors : Peut-on encore parler de goulag dans la Russie actuelle ?

Luba Jurgenson, professeur de littérature russe  analyse les similitudes qui permettent de rapprocher le goulag du XXe siècle du système pénitentiaire actuel : "L'institution cesse d'exister après la mort de Staline, mais les pratiques sont toujours là à l'époque de Khrouchtchev, de Brejnev, et finalement ne se sont jamais totalement éteintes. Et certaines de ces pratiques sont aujourd'hui recyclées. En sachant encore une fois que les goulags pouvaient être très différents. Donc lorsque l’on parle de cette postérité, on parle d'un éventail de pratiques très diverses. Mais la première chose qui fait penser au goulag, c'est la géographie. Il s'agit d'éloigner les personnes indésirables et de les mettre dans des conditions de vie vraiment extrêmes, aussi bien climatiques que sur le plan du traitement.

La configuration des espaces fait aussi penser au camp du goulag, puisqu'on est dans des colonies pénitentiaires qui ressemblent à des sortes de camps... il y a bien sûr des différences : les colonies pénitentiaires d'aujourd'hui ne sont pas un acteur économique de la vie russe, au même titre que l'était le goulag qui était une véritable force économique, elles sont en revanche un acteur de la guerre, puisqu'on y recrute des criminels de droit commun pour les envoyer au front en Ukraine... aujourd'hui, le gouvernement russe utilise des techniques de communication qui étaient inconnues à l'époque soviétique, mais sa propagande est différente : on ne prétend pas rééduquer les personnes qui sont aujourd'hui dans ces colonies. Leur rôle est purement punitif. Et on simule une espèce de transparence, c'est à dire, par exemple, Navalny a pu communiquer avec ses proches... ce qui ne voulait absolument rien dire quant au traitement qui lui était réservé...

Emilia Koustova, professeur d’histoire contemporaine à l’université de Strasbourg, explique : "On retrouve la géographie du goulag dans le système pénitentiaire contemporain dans toute sa complexité, d'une part, il y a bien sûr l'usage de la distance, des distances immenses, l'usage de cette immensité de l'espace russe pour isoler, briser, punir davantage. C'était le cas déjà à l'époque stalinienne, cela reste le cas aujourd'hui. Quand on est envoyé au-delà du cercle polaire, il y a le climat très rude, l'absence de soleil... Et quand Alexeï Navalny est resté pendant plusieurs mois dans une colonie située dans une région proche de Moscou, les conditions de détention y ont été épouvantables, et c'est probablement là que sa santé a été fragilisée par l'envoi régulier dans la cellule d'isolement.

Il est toutefois certain qu' il y a beaucoup moins de détenus dans ces colonies qu'au moment de la mort de Staline."

Elsa Vidal, rédactrice en chef de la rédaction en langue russe de RFI, complète cette analyse en insistant sur l’usage de la répression : "Pour traiter de ce sujet, il s’agit de parler de la répression, de l'enfermement et de l'éloignement des minorités dissidentes, à la marge, et qui sont dans une posture de transgression vis-à-vis de la norme. Et cette norme, à l'époque soviétique comme à l'époque actuelle, était édictée à partir d'un centre du pouvoir au Kremlin, peut-être un peu plus collectif à certaines années de l'Union soviétique, mais en tout cas très centralisée au Kremlin. Et c'est encore le cas aujourd'hui. Je pense surtout que ce système est vraiment réactivé par les autorités et les dirigeants russes de manière à entraîner des réactions dans la population d'analogie immédiate avec l'époque soviétique et avec le goulag. Il est même pensé en direction de ces segments de la population qui ont une culture soviétique, pas tellement pour la population des moins de 30 ans, et des moins de 40 ans, qui eux se sont éveillés à la politique en 2011, au moment des manifestations justement emmenées notamment par Alexeï Navalny, qui consistent à demander des comptes au pouvoir..."

 

Selon Luba Jurgenson, professeur de littérature russe à la Sorbonne, dans les livres d'histoire russes, "on minimise le nombre de victimes, l'ampleur du phénomène est minimisée également, c'est surtout le rôle que jouait le goulag dans l'ensemble de la vie soviétique qui est minimisé... A l'époque de Staline, il n'y avait pas besoin d'être dissident ou opposant pour aller au goulag. Il y avait une multitude de gens qui étaient inculpés pour des crimes qu'ils n'avaient pas commis, alors que, par la suite, c'était surtout la dissidence qui était visée par cet appareil pénitentiaire... l'appareil s'est vraiment durci depuis l'invasion, avec l'apparition de nouveaux dispositifs juridiques, depuis les deux derniers mandats de Poutine, avec une centaine de lois répressives qui ont été promulguées ou sorties des oubliettes."

 

Emilia Koustova rajoute : "Il faut souligner la continuité et les liens directs entre la période post stalinienne et  celle d'aujourd'hui. Je pense que Vladimir Poutine n'est pas un héritier direct de Staline, mais c'est bien un héritier fidèle, loyal à Andropov qu'il présente comme son maître, maître du KGB, en l'occurrence, et si on regarde le fonctionnement de la justice, de la police politique, des colonies pénitentiaires dans les années 50-60-70, on retrouve beaucoup de similitudes avec ce qui se passe aujourd'hui. Ce sont des façons de torturer, d'humilier, de menacer..."

 

Selon Elsa Vidal, "Vladimir Poutine est l'héritier d'une pratique guébiste, comme on le dit parfois du pouvoir, et on voit très bien que cette orientation s'est accélérée et renforcée... il y a plusieurs milliers de Russes qui ont contesté leur mobilisation dans le cadre du droit et la justice leur a donné raison pour 9000 d'entre eux... et ce sont les magistrats qui s'opposent à une instrumentalisation du droit par le pouvoir politique.

Luba Jurgenson vient compléter le tableau des colonies pénitentiaires : "Il y a l'isolement, des tortures psychologiques et physiques, c'est la marque du régime poutinien.

En 2008-2009, une militante de l'opposition avait été internée de force, pour la faire taire, dans le grand Nord, nous sommes allés la chercher avec d'autres amis, nous sommes allés l'extraire... La psychiatrie punitive n'a jamais complètement disparu. En revanche, ce n'était plus utilisé de manière régulière jusqu'aux manifestations de 2011-2012, où on a vu de nouveau des manifestants arrêtés et condamnés à des peines d'internement en hôpital psychiatrique. Le retour à ce type de dispositif répressif date déjà d'au moins dix ans...

On est dans un contexte mondial où on constate le recul de la démocratie, même en Europe, on l'a vu avec l'exemple polonais ou encore hongrois, sans parler d'autres contrées dans le monde, le régime poutinien surfe bien sûr sur cette tendance, par exemple avec une politique répressive contre les communautés LGBT.

Emilia Koutova précise : "Il y a beaucoup moins de prisonniers qu'il n'y en avait dans la période soviétique... mais il y a des dizaines voire des centaines de milliers de détenus qui se sont enrôlés d'abord chez Wagner, puis auprès du ministère de la défense russe pour aller faire la guerre en Ukraine.

La situation est bien meilleure qu'à l'époque soviétique, mais il y a les règles qui sont écrites, et puis il y a aussi la pratique, la réalité qui, elle, laisse une large place à de la torture, à des humiliations, l'isolement, etc. Cela ne se limite pas aux prisonniers politiques, il y a aussi des centaines de milliers de prisonniers ordinaires, de droit commun, qui sont victimes de ce système. Et c'est là quelque chose qui est hérité de l'époque soviétique."

"La culture de la violence de Poutine, sa vision pessimiste de la nature humaine, la répression qui s'exerçait, les changements à l'intérieur du régime poutinien et ses évolutions extrêmement dramatiques que nous connaissons aujourd'hui, ainsi que la guerre comme instrument de la puissance russe, tout cela, c'est ce qu'on n'a pas vu..." explique Elsa Vidal.

 

 

Source :

 

https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/le-temps-du-debat/le-goulag-existe-t-il-encore-6631927

Goulag et colonies pénitentiaires...
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31 janvier 2024 3 31 /01 /janvier /2024 10:48
En pleine crise sociale, les sénateurs augmentent leurs frais de mandat !

 

Sans exemplarité pas de démocratie ! Alors que de nombreux Français peinent à se chauffer, à se nourrir, à vivre correctement face à une inflation galopante, voici que les sénateurs augmentent leurs frais de mandat de 700 euros !

Le Sénat a pris cette décision en raison du "contexte inflationniste". Ils disposaient jusqu’ici de 5 900 euros de frais de mandat.

Ces dernières semaines, ils ont, comme leurs collègues députés, discrètement décidé d'augmenter leur avance de frais de mandat. Et pour eux, cette hausse s'élève à 700 euros mensuels ! Les députés, eux, sont  crédités de 300 euros mensuels supplémentaires.

 

Un contexte inflationniste : c'est indéniable ! Et de nombreux Français en savent quelque chose ! Mais eux n'ont pas la possibilité par un vote d'augmenter leur budget et leur salaire.

 

Une honte ! Une décision totalement irresponsable alors que nombre de salariés français rencontrent des difficultés : en pleine crise, alors que les agriculteurs dont beaucoup gagnent seulement 800 euros par mois manifestent, alors que les hôpitaux sont en détresse, que de nombreux Français ont des problèmes de pouvoir d'achat, les sénateurs, les représentants du peuple ont augmenté leurs frais de mandat....

 

Rappelons aussi qu'est prévue une augmentation de 10% de l'électricité dès le début février, et ce n'est qu'un début, car d'autres augmentations sont déjà planifiés...

 

Rappelons encore que les élus ont refusé d'indexer les salaires et les aides sociales sur l'inflation.

Où est l'équité sociale, où est la justice ?

 

Nos sociétés ont tendance à stigmatiser les pauvres... autrefois on plaignait les pauvres, de nos jours, on les stigmatise : les pauvres seraient coupables de leur pauvreté et de leur exclusion sociale.

Il conviendrait plutôt de stigmatiser les riches, eux qui s'octroient nombre de privilèges, même en pleine crise sociale, toute honte bue !

 

Source :

 

https://www.lepoint.fr/politique/les-senateurs-augmentent-leurs-frais-de-mandat-de-700-euros-par-mois-29-01-2024-2551032_20.php

 

 

 

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22 janvier 2024 1 22 /01 /janvier /2024 13:20
Emmanuel Macron ou la parole magique !

Communiquer, parler, notre époque est bavarde... et notre président, Emmanuel Macron n'échappe pas à cette tendance....

Parler est utile, mais il est aussi important d'écouter : écouter les problèmes que rencontrent les Français, les agriculteurs, les enseignants, les travailleurs, les salariés...

 

"Le commencement de bien vivre, c'est de bien écouter", enseignait le philosophe Plutarque, il y a près de deux mille ans...

On a ainsi le sentiment que les responsables politiques sont séparés du réel, des réalités que vivent les gens parce qu'ils ne les écoutent pas.

 

Dans de nombreux pays d'Europe, les agriculteurs manifestent contre la hausse des taxes et la concurrence d'autres pays... 

Les responsables politiques ont-ils conscience de leurs difficultés ? Les ont-ils écoutés ?

 

Dans un autre domaine, "le chef de l’État a souhaité lors de sa conférence de presse, l’augmentation du nombre d'opérations contre le trafic de drogue. Les syndicats de police ont aussitôt dénoncé un coup de com.

 Emmanuel Macron avait annoncé la multiplication d'opérations "place nette", ces manœuvres policières massives et soudaines dans les quartiers prioritaires censées surprendre les dealers et reprendre le contrôle du terrain.

L'annonce a été perçue comme irréaliste par plusieurs syndicats de police. Ils sont actuellement en plein bras de fer avec le gouvernement pour aménager leurs congés alors que les Jeux olympiques de Paris vont mobiliser les effectifs tout l'été." 

Le Président a -t-il pris connaissance des problèmes auxquels sont confrontés les policiers ?

Parole magique !

Un coup de com. encore quand Emmanuel Macron envisage de revaloriser la fonction des enseignants : une revalorisation qui passe par des heures supplémentaires, en fait, puisque les professeurs devraient assurer le remplacement de collègues absents...

C'est un leurre et une imposture !

Les enseignants sont déjà surchargés de travail : comment pourraient-ils assurer dignement des fonctions de remplacements ?

 

Ainsi, les hommes politiques trop éloignés de la réalité du terrain semblent totalement déconnectés, hors du monde, ils vivent dans un univers virtuel, bien loin du monde du travail et de ses multiples contraintes.

 

Emmanuel Macron continue de privilégier la communication. Par des effets d’annonce, il s’imagine changer le réel.

Trop de paroles tuent l'action... Gouverner, ce n'est pas se payer de mots !

 

 

Sources :

https://www.lepoint.fr/editos-du-point/qu-est-ce-que-le-macronisme-17-01-2024-2550015_32.php

 

https://www.lepoint.fr/societe/place-nette-la-multiplication-des-operations-policieres-annoncee-par-macron-est-elle-realiste-18-01-2024-2550066_23.php

Emmanuel Macron ou la parole magique !
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15 janvier 2024 1 15 /01 /janvier /2024 13:30
On meurt encore de froid en France, en 2024...

 

Un froid vif ces jours-ci sur la France et le sud n'est pas épargné : le froid s'est installé même en Provence...

 

Et le plan grand-froid mis en place est loin d'être suffisant : ainsi, une femme a été retrouvée morte dans la rue sous sa couverture à Carpentras, dans le Vaucluse. La sexagénaire, suivie par une association, "est probablement morte de froid, mais une autopsie doit être réalisée pour le confirmer", a indiqué une porte-parole de la direction départementale de la sécurité publique aux médias. Le département n’avait pas été placé en vigilance "grand froid".

 

Un autre SDF a été retrouvé mort dans une cave de Boulogne-Billancourt, dans les Hauts-de-Seine, près de Paris. Il avait pu se réfugier dans ce local en dessous d'une ébénisterie, avec l’accord du propriétaire. C’est justement ce dernier qui l’a trouvé, inanimé. Une autopsie doit être réalisée pour confirmer la cause de son décès, a précisé la source policière. Il était âgé de 69 ans.

 

Un homme de 58 ans a encore été retrouvé mort le 12 janvier, alors qu'il dormait dans un abri de fortune à Sarcelles.
Il s'agit du troisième sans-abri ayant été tué par la vague de froid qui traverse actuellement la France.

L'homme sans domicile fixe âgé de 58 ans a été retrouvé vers 21h dans un abri de fortune composé de tôles à Sarcelle, dans le Val-d'Oise, selon les pompiers à l'AFP.

 

Une honte pour notre pays ! On meurt encore de froid en France au XXIème siècle, en 2024.

Dormir dans la rue par des températures hivernales, c'est s'exposer au pire, aux maladies, à la souffrance, à la mort.

Plus de 600 personnes sont mortes à la rue en 2022. Un chiffre indécent.

 

En 2018, j'écrivais un article sur ce même sujet : depuis, rien n' a été fait pour enrayer ce phénomène.

Alors que tant d'appartements, tant de maisons, tant de locaux restent inoccupés, des gens privés de logement risquent de perdre la santé et la vie, meurtris par le froid.

 

Et ces morts passent inaperçus dans les grands médias : pudiquement, on ferme les yeux devant ce fait inacceptable dans une société moderne et civilisée.

Pudiquement, on préfère occulter ce qui dérange notre petit confort.

A peine quelques articles sur internet.

Quelques mots qui énoncent les faits, comme si c'était chose banale et ordinaire...

 

Dans la rue, les SDF fragilisés par la précarité ont une espérance de vie de 49 ans en moyenne : et le froid n'est pas le seul responsable... violence, maladie, agression, accident, détresse...

 

On a beaucoup parlé du remaniement du gouvernement ces jours-ci, mais que font les responsables politiques pour résoudre ce problème : de plus en plus de sans abris dans nos rues ?

 

Sources :

https://www.huffingtonpost.fr/life/article/le-plan-grand-froid-ne-suffit-pas-pour-aider-les-sans-abris-alerte-la-fondation-abbe-pierre_228115.html

 

https://www.lepoint.fr/societe/episode-de-froid-une-femme-sans-domicile-fixe-de-60-ans-retrouvee-morte-dans-la-rue-09-01-2024-2549387_23.php

 

https://www.huffingtonpost.fr/faits-divers/article/episode-de-froid-deux-sans-abri-retrouves-morts-a-cause-des-temperatures-glaciales_228139.html

 

 

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