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24 avril 2015 5 24 /04 /avril /2015 21:04
L'été on allait voir la mer...

 

 

Une chanson consacrée à la figure d'un père qu'on aurait dû mieux aimer, c'est, au fond, l'histoire de chacun d'entre nous...


Comment ne pas être sensible à la vérité de cette chanson  ? Souvent, on ne voit pas les êtres qui vivent à côté de nous, on n'y prête pas assez attention.


Le souvenir d'un père, "au vieux pardessus râpé", hante le poète : associé au verbe "aller", aux saisons contrastées que sont l'hiver et l'été, ce père est l'image d'un ouvrier qui travaille dur, pour gagner sa "graine", c'est bien l'image d'un gagne-petit, qui se léve dans le "petit matin frileux".

L'adjectif "frileux", associé au matin, dans un hypallage, suggère toute la rudesse de l'hiver et du monde du travail.


On perçoit une vie faite d'adversité et de dénuement : un seul jour de repos, le dimanche, des vacances qui se réduisent à "aller voir la mer".

On voit, aussi, le quotidien du personnage : un quotidien morne, "le même autobus de banlieue pris pendant des années", le retour du boulot et le silence dû à la fatigue, à un univers monotone... L'emploi de l'imparfait à valeur itérative, tout au long du texte, restitue cette monotonie : "il s'en allait, on allait voir la mer, il s'asseyait, on ne recevait, il rentrait, on connaissait la chanson, y'avait pas la télé, j'allais chercher."

Et même les dimanches sont faits d'ennuis, dans ce monde où les distractions sont limitées : "on ne recevait jamais personne".

"Les jours de paye" sont, ensuite évoqués, mais sont, aussi, l'occasion de soucis et de révoltes contre les "bourgeois, les patrons", contre celui qu'on appelle "le bon dieu".

Le poète regrette d'avoir fui ce père, cette maison où "il n'y avait pas la télé", pour rechercher à l'extérieur une évasion...

 

Le père et le fils ne se sont pas regardés, pendant des années... Et le regret transparaît à travers l'emploi des conditionnels : 

"J´aurais pu c´était pas malin 
Faire avec lui un bout d´chemin 
Ça l´aurait p´t´-êt´ rendu heureux 
Mon vieux. "

Et l'auteur en vient à évoquer l'adolescence, la jeunesse, une période où "l'on n'a pas le coeur assez grand..."
Quelle vérité dans ces propos ! 

Le texte, écrit dans un langage courant et familier, restitue bien un univers familial simple, le milieu ouvrier : "la graine, le boulot, gueuler, c'est con, la télé, toutes ces choses là..."
L'emploi d'octosyllabes réguliers traduit la monotonie, l'ennui de cette vie de pauvreté et de travail.

Le poème ponctué par l'apostrophe récurrente "mon vieux", un peu familière et péjorative, semble montrer toute la distance qui sépare le père et le fils.

A la fin du texte, le mot "papa" apparaît, enfin, comme une ultime reconnaissance, accompagnée  du regret de l'absence, ce que souligne encore l'utilisation du conditionnel : "j'aimerais."



C'est en 1962 que Michelle Senlis a écrit ce texte "Mon vieux", en hommage à son père, Jean Ferrat l'a mis en musique en 1963. La chanson a été reprise, ensuite, par Daniel Guichard.

 

 

 

 

 

 

 

Photos : Christelle

 

L'été on allait voir la mer...
L'été on allait voir la mer...
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commentaires

L
bonsoir rosemar , cette chanson me prend toujours autant les tripes , a noël cela fera 54 ans que mon papa est mort , j ai juste le souvenir d un homme généreux et attentif qui m a apprit a faire du vélo , jouer aux boules sans râler et puis il y avait ces longues balades dans les collines avec obligation de respecter la nature , des fois je me dis qu il aurait pu vivre plus longtemps juste pour le temps que l on puisse s engueuler gentiment .. le mois prochain il aurait 92 ans ...<br /> bises rosemar ...
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R
Merci pour ces souvenirs, lino : je crois que chacun d'entre nous est ému par cette chanson simple, évidente, ton père est mort très jeune, dans ce cas, l'émotion est sans doute, encore plus forte. Les photos ont été prises à l'Estaque.<br /> <br /> Bises, lino
L
L’hypallage est une construction où deux termes d'un même nœud syntaxique seraient incompatibles sur le plan sémantique sans l'inversion[1] d'un des deux premiers termes avec un troisième terme in absentia, ou in praesentia dans un second nœud syntaxique. C’est un procédé de caractérisation insolite, qui attribue à un mot ce qui conviendrait logiquement à un autre. Pierre Fontanier ne lui consacre pas de lignes particulières. Sanctius[2] est le premier connu à classer l’hypallage parmi les tropes[3].<br /> <br /> Je n'ai rien compris!
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L
Merci pour ce témoignage Allau... je suis ému!
R
Les définitions qu'on trouve, parfois, sur internet sont très compliquées : plus simplement, l'hypallage est un transfert d'adjectif, ici, l'adjectif "frileux" s'applique surtout au personnage et il vient qualifier "le petit matin"... Mais, ce n'est pas le meilleur exemple d'hypallage... En voici un autre : "Ce marchand accoudé sur son comptoir avide..." c'est, ici, le marchand qui est avide, et l'adjectif qualifie le comptoir... c'est un procédé poétique qui permet de créer des images inattendues....<br /> <br /> Bises, LH
F
Si cette chanson continue de marquer autant les gens toutes ces années après son succès cest tout simplement parcequ'elle parle aux gens.<br /> Je e souviens aussi de cette chanson, du par-dessus râpé. Je me souviens qu'à l'époque on se moquait de notre père parequ'il en avait un, on se disait que la chanson était pour lui. Je pense que beaucoup de gens avaient le même réflexe pour de multiples raisons.<br /> "Chez nous c'était pas la misère, mais c'était pas non plus le paradis". <br /> C'était l'époque, pas beaucoup d'argent, mais on faisait avec. <br /> Oui, une chanson simple comme les gens que nous étions et que nous sommes restés.<br /> Bises et beau WE Rosemar;
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R
Simplicité dans le vocabulaire, la syntaxe : une belle chanson qui parle à tous et plus particulièrement, oui, aux gens simples que nous sommes, en effet...<br /> <br /> <br /> Bises du printemps et bon WE
L
J'ai tjrs aimé cette chanson au point de la mettre en boucle...<br /> merci rosemar. Bises du we
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R
Merci, LH : je comprends tout ce que peut représenter pour toi cette chanson...<br /> <br /> Et merci pour la chanson argentine...<br /> <br /> Bises du printemps
L
Parce qu'elle parle de mon vieux... et qu'un ocean nous separe depuis 37 ans... Je l'appelle chaque dimanche...<br /> <br /> Je la mettais en boucle en même temps qu'une autre en espagnol... mi viejo, du chanteur argentin Piero...<br /> <br /> https://www.google.fr/url?sa=t&source=web&rct=j&ei=ExA7VZxdkOJq3b-BkA8&url=http://m.youtube.com/watch%3Fv%3Dx36zzkUB2tc&ved=0CCEQ3ywwAA&usg=AFQjCNHf-TQ6eDzD3hvF7wLtkHaaZWS36Q&sig2=1o-ANen5nzZ8mmvugUZfDA
R
Ce n'est pas suffisant, LH : il faut préciser pourquoi on aime... C'est ce que je dis à mes élèves quand ils affirment : "j'aime ou je déteste..."<br /> <br /> Bises, LH
A
Bonjour Rosemar,<br /> Mème si c' est un thème universel cette chanson décrit parfaitement certaines ambiances familiales que j' ai connu dans mon Valenciennois natal...entre villes minières et faubourgs prolos ( métallos) ensuite...et où des milliers de personnes ont traversé la vie comme le "vieux" de la chanson...Il y avait de l' amour mais pas toujours de la communication...<br /> Bonne fin de journée l' amie
Répondre
R
Un thème universel aussi, car souvent, on oublie de regarder les gens qui nous entourent, et c'est seulement quand ils sont partis qu'on perçoit l'essentiel... C'est le cas pour beaucoup de gens... Un texte et une musique remplis d'émotion ! Ferrat y a participé...<br /> <br /> Belle soirée, AJE

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