Invité de l'émission La Grande Librairie, Kamel Daoud est venu présenter son ouvrage Houris...
L'Algérie pendant les années de plomb, l'Algérie durant sa guerre civile. Ses victimes, ses bourreaux, la condition de la femme, c'est un peu tout cela que raconte Kamel Daoud dans Houris.
Son héroïne, Aube, est une miraculée. Petite fille à moitié égorgée le jour de l'an 2000, elle est recueillie par Khadija. Aube entame alors un long monologue avec celle qui pousse dans son ventre, qu'elle dénomme Houri...
Interrogé par Augustin Trapenard, Kamel Daoud évoque alors la condition des femmes musulmanes et dresse un vibrant réquisitoire contre le sort qui leur est réservé :
"Je crois profondément, je le crois sincèrement, ce n'est pas une pose, que dans le monde qu'on appelle arabo musulman, nous avons des peuples malheureux parce que les femmes sont malheureuses...
Comment voulez-vous qu'on ait des enfants élevés avec l'idée du bonheur par des femmes battues, enfermées ? Comment voulez-vous avoir des pays arabes développés lorsque la moitié de la population est enfermée à partir de 18 ans ?
Comment voulez-vous qu'on puisse nous enrichir, nous mettre debout, qu'on soit une civilisation, quand nous marions nos Marie Curie à 18 ans pour les enfermer ?
Comment voulez-vous qu'on avance si la femme n'est pas réparée ?"
Augustin Trapenard évoque ensuite une phrase terrible du livre de Kamel Daoud :
"Je t'évite de naître pour t'éviter de mourir à chaque instant."
La mort à petit feu, tel est le sort réservé aux musulmanes...
Delphine Minoui franco iranienne témoigne aussi :
"C'est la malédiction de naître au mauvais endroit, au mauvais moment et c'est le cas des femmes iraniennes, de femmes qui vivent au Moyen Orient, je pense aux Afghanes aujourd'hui, en particulier. Vous naissez, vous vous sentez condamnée d'avance, parce que vous savez que vous n'êtes pas du bon côté de l'histoire. Comment se construire dans l'effacement ? Comment se reconstruire dans l'oubli ?
Et ces femmes là n'ont que ce seul choix, dire : résister, c'est exister..."
Et Kamel Daoud rajoute :
"La femme n'est pas propriétaire de son corps, son corps appartient à tout le monde, au mari, au père, au plus fort dans le quartier, à l'histoire collective, aux divinités... mais vous vous rendez compte ? Habiter dans une maison qui n'est pas à vous, dans un corps qui n'est pas à vous, et on vous force à porter des vêtements qui ne sont pas vous..."
Delphine Minoui intervient alors :
"Corps prison, corps territorialisé, colonisé par ceux qui ont décidé à votre place..."
Des femmes réduites à néant, qui n'ont même plus le droit de parler, de chanter, de vivre, d'exister... des femmes muselées, prisonnières, victimes des hommes et de leur barbarie.
Quand cessera cette malédiction qui pèse sur les femmes ?
Sources :
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