Lors de son lancement, le médicament Requip est devenu un réel espoir pour les 273 000 Français atteints de la maladie de Parkinson. Fabriqué par le laboratoire britannique GSK, il aide à limiter les effets de la maladie, mais il comporte des risques d’effets secondaires, notamment des changements brutaux d’attitude.
Des obsessions sexuelles, une addiction aux jeux, des achats compulsifs et parfois même des pulsions violentes… Plusieurs malades de Parkinson ont présenté ces comportements déviants. Leur point commun : ils étaient tous soignés avec le même médicament, le Requip. Leur vie a aujourd’hui basculé.
"C'est une période noire de ma vie : je n'étais pas moi-même..., témoigne une patiente.
"C'est une véritable descente aux enfers, c'est un cauchemar que j'ai vécu...", dit un autre patient.
À 48 ans, le diagnostic tombe pour Stéphane Grange : il est atteint de la maladie de Parkinson. Pour soigner notamment les premiers tremblements qui apparaissent, son neurologue lui prescrit du Requip. Les symptômes de la maladie sont alors sous contrôle. Mais peu à peu, le patient va perdre pied.
Lui qui n’avait jamais suivi le foot ou qui n’avait jamais fait de paris sportifs, finit par se retrouver nuit et jour sur les sites en ligne. Il mise jusqu’à 40 000 euros et cette frénésie de dépenses ne s’arrête pas là.
"On fait n'importe quoi, l'argent devient des billets de Monopoly, et on se met à dépenser largement au delà de ses revenus et notamment aussi en consommant l'intégralité de l'épargne que j'avais faite pour mes enfants, pour leurs études. Donc, tout est parti en fumée... c'est la chute, après : emprunt, défaut de paiement des impôts.", dit ce patient.
Puis, Stéphane Grange développe une autre addiction bien plus taboue : une addiction aux sites pornographiques.
"C'est tellement sale, on a une perception de honte et de saleté, c'est dur, on le compare à une descente aux enfers, c'est le moment où on plonge totalement... avoir de telles pulsions, vous disparaissez devant le monstre que vous êtes en train de devenir...", témoigne ce patient.
Son couple n'y résistera pas.
Sandrine, elle aussi, malade de Parkinson et sous Requip passe par les mêmes phases : accroc au sexe, au jeu, à la nourriture, elle prend 15 kilos, et elle dilapide tout l'argent de sa famille.
"J'ai fait des achats compulsifs, en une matinée : je me suis levée, j'ai dit : je vais acheter une piscine, et j'ai pris la taille de la piscine, c'est la taille de mon terrain, j'ai tout dépensé, tout... pas que mon argent, mais aussi l'argent de mon compagnon, l'argent de mon enfant. Je pense que j'ai dépensé plus de 50 000 euros. J'ai tout détruit, tout ce que j'avais construit depuis tant d'années, j'ai tout perdu.", témoigne encore cette patiente.
Le Requip a de bons résultats, notamment sur les tremblements de la maladie de Parkinson. Il permet de rétablir la circulation normale de la dopamine dans la zone de contrôle de la motricité. Mais cette dopamine se trouve en excès dans une autre partie du cerveau, celle de la décision et de la récompense, ce qui peut provoquer des pulsions.
Stéphane Grange et Sandrine ont décidé d'attaquer en justice le laboratoire britannique GSK, fabricant du Requip. Avec leur avocate, ils le tiennent pour responsable de leurs vies brisées.
"L'idée reçue, c'est que ce médicament dévoilerait une part sombre, une part cachée de la personnalité, une prédisposition à l'addiction, ça, c'est totalement faux. Ce médicament, chimiquement, greffe des attitudes ou des comportements totalement étrangers à votre personnalité. Ce n'est pas un révélateur.", déclare Sophie Maltet, avocate.
Le laboratoire GSK a fait évoluer sa notice, en y inscrivant ces effets indésirables : agressivité, impulsion forte à jouer, modification ou augmentation de l'intérêt au sexe, achats ou dépenses excessifs incontrôlables.
Mais le laboratoire semble ne pas pouvoir quantifier leur survenue : quelques patients, fréquence indéterminée.
Or, une étude médicale indique que 46%, près de la moitié des patients soignés avec cette famille de médicaments développent des pulsions, des plus légères sans trop d'incidences sur le quotidien, jusqu'aux plus violentes.
C'est arrivé à un homme jugé après avoir torturé et tué 15 chats et un chien. Ce père de famille, dirigeant d'entreprise, a confié son désarroi à des journalistes :
"Plus les doses de Requip augmentaient, plus l'envie de recommencer à m'en prendre aux chats reprenait, comme une drogue. Je me suis mis à en capturer en pleine journée... je partais avec ma voiture de fonction en chercher."
Condamné à 9 mois de prison ferme en première instance, il a finalement été reconnu pénalement irresponsable par les juges, en appel, qui ont retenu une altération de son discernement due au médicament.
Pourtant, pour les neurologues, pas question d'interdire le Requip : il faut encadrer encore plus sa prescription.
"Ces cas extrêmes ne surviennent pas du jour au lendemain. Il faut qu'on les suive pour pouvoir intervenir, avant qu'ils n'arrivent à ces extrêmes. Donc, cela sous entend de former les neurologues pour qu'ils puissent délivrer l'information et en parler de façon explicite avec le patient et avec l'aidant, parce que souvent le patient concerné se rend moins compte de sa modification comportementale que des gens qui lui sont proches." déclare le professeur Olivier Rascol, neurologue.
Le laboratoire GSK a refusé, quant à lui, la demande d'interview des journalistes..
Sandrine et Stéphane Grange se battent pour faire reconnaître le préjudice moral et financier qu'ils ont subi, mais ils se battent aussi pour protéger les 273 000 malades de Parkinson en France..."
Etonnant, tout de même, que ce médicament ait été lancé sur le marché sans aucune précaution et sans avertir les patients des risques encourus qui peuvent être gravissimes.
Source :
https://www.francetvinfo.fr/sante/maladie/scandale-sanitaire-un-medicament-contre-la-maladie-de-parkinson-qui-rend-fou_7051457.html