ROSEMAR
Les nuages, comme les nuées, de la même famille, voilent le ciel, le soleil.
Le verbe latin "nubo" avait, également, le sens de "prendre le voile", donc, "se marier, épouser".
On perçoit, alors, aussitôt, la relation avec l'adjectif "nuptial" ou, encore, avec le mot "noce".
Curieuse parenté entre le nuage et la noce ! Deux mots, qui semblent si éloignés, se rejoignent par leur étymologie.
Le mot "nuage" nous emmène vers les hautes sphères célestes, avec ses voyelles nuancées et contrastées qui se combinent, ce substantif nous étonne et nous fait rêver : la chuintante "g", au centre du mot, lui confère une certaine douceur et lui donne une tonalité pleine de tendresse.
Les nuages peuplent le ciel, de mille nuances de gris, de blancs, d'or, de mille motifs : cripures légères, moutonnements infinis, bourgeonnements de fleurs cotonneuses, amas de noirs, pliures, étagements et superposition de nuées, effilures...
Les nuages offrent des tableaux d'une beauté inouie, au soleil couchant, quand les clartés finissantes les nimbent de couleurs dorées de miel.
Les nuages s'éparpillent dans le ciel, le couvrent d'un voile somptueux...
Le voile des nuages, le voile de la mariée évoquent de belles images de bonheur, d'harmonie.
Si la mariée cache sa beauté derrière un voile, c'est pour mieux la révéler.
Les nuages, aussi, sont les parures du ciel, ils le voilent, pour mieux nuancer l'azur de formes étonnantes et curieuses.
Les nuages, voiles du ciel, le nimbent d'une variété infinie de formes et d'éclats.
J'aime ce mot "nuage", qui sert à voiler le ciel, à en révéler la beauté... J'aime ce mot qui fait rêver.
De fait, les nuages font songer à des voiles tantôt subtils, tantôt plus épais et plus denses... lourdes cotonnades, gazes évanescentes, mousselines, dentelles de nuées, duvets soyeux, guipures légères...
Photos : rosemar
La simplicité de cette chanson écrite et composée par Alain Barrière, sa clarté, son évidence nous émeuvent...
Ponctué par des adverbes d'intensité : "si jolie", "trop jolie", le texte évoque une beauté qui attire, et éloigne en même temps : la beauté fait peur, parfois, elle effraie, elle laisse sans voix l'amoureux.
Associée au vent qui l'emporte, la jeune femme désignée simplement par le pronom "elle", terme assez vague, paraît d'autant plus lointaine... elle s'enfuit, alors que le vent personnifié raconte encore la beauté de la jeune femme.
Le texte écrit au passé, à l'imparfait évoque un souvenir d'autrefois d'un amour qui semble perdu irrémédiablement.
Brusquement, le retour au présent redonne une forme d'espoir, mais le vent parle au poète et évoque une forme d'impossibilité à aimer toute une vie.
Par ailleurs, l'évocation de l'automne associé aux larmes montre et souligne l'éloignement de la jeune femme.
Le poète voit alors "sa robe tourbillonner", dans un parc où virevoltent les feuilles d'automne qui sont personifiées puisqu' elles "frissonnent".
Mais, la jeune femme n'est désormais, plus qu'un rêve...
Ce paysage automnal représente bien l'état d'âme du poète : ce sont ses propres frissons que l'on perçoit, en fait, dans cette description pleine de regrets et de mélancolie liée à l'automne.
La nature personnifiée, le vent qui parle, les feuilles qui frissonnent donnent à cette évocation une grande poésie...
Le vent apparaît bien, ici, comme le symbole de la fuite du temps qui emporte tout sur son passage... Les vers très courts peuvent suggérer l'envolée du vent et l'écoulement rapide du temps qui passe.
La mélodie souligne la douceur, le rêve représenté par la beauté de la jeune femme. Les finales de voyelles féminines soulignées dans la prononciation, "joli-e, ravi-e, parti-e" accentuent cette impression de douceur.
On retrouve dans ce texte, des thèmes traditionnels : le temps qui passe, l'amour et la difficulté de l'exprimer, l'automne qui évoque la tristesse, un amour perdu que le souvenir garde intact.
La simplicité, l'harmonie de la mélodie redonnent vie à ces thèmes éternels...
Photos d'automne : creative commons Bluepoint / Jean Pol Grandmont / Tracy
L'amour qui s'enfuit, l'amour qui s'altère, la difficulté d'aimer, tels sont les thèmes de cette chanson d'Alain Souchon, L'amour à la machine... thèmes, maintes fois, traités, mais le poète a su renouveler ces lieux communs et créer un texte original et plein de modernité.
L'auteur imagine de passer un amour ancien à la machine, pour restaurer le bonheur d'antan, symbolisé par des "couleurs d'origine"... Voilà une idée étonnante qui surprend et amuse à la fois !
Il imagine, aussi, d'utiliser de l'eau de javel pour retrouver une "pureté originelle" !
L'idée de "blancheur éternelle " renvoie à des sentiments d'autrefois qui se sont étiolés et qu'il faudrait renouveler.
Des couleurs se sont perdues : "le rose d'une joue a pâli, le bleu des baisers" a disparu, belles images de teintes associées traditionnellement à l'amour...
La couleur bleue évoque, immanquablement, Matisse et ses tableaux, mais aussi la difficulté de la vie, des bleus à l'âme, les caresses font naître des images d'ardeur et de rouge mais le soleil les anéantit, les "tabasse", terme très fort.
L'auteur semble vouloir inventer des recettes pour résoudre d'autres problèmes : le désarroi des gens âgés, le racisme, l'intolérance.
On peut imaginer, aussi, que du "rouge" puisse faire disparaître la misère des gens âgés, que des "mains noires" soient associées à des "boucles blondes", pour réunir des gens venus d'horizons différents...
Le texte se présente comme une recette, une expérience à tenter pour faire ressurgir un amour disparu : l'auteur emploie des impératifs :" passez, faites le bouillir, allez."
On retrouve, dans ce texte, un thème éternel : celui du temps qui passe, qui affaiblit les sentiments et les ternit : mais quelle modernité et quelle originalité dans la façon d'évoquer ces couleurs disparues et qui pourraient être ravivées par un simple lavage !
Vaine illusion, vaine recette ! La machine à laver évoque et suggère, aussi, immanquablement la vie quotidienne qui use et érode les sentiments...
L'alternance de vers longs et de vers très courts crée des effets de surprise, des décalages entre le présent et le passé : l'averbe de temps "avant" est ainsi rejeté dans un autre vers, en fin de phrase.
Le rythme de la mélodie très vif semble restituer la rapidité du temps qui passe, une accélération de la vie, à laquelle personne n'échappe.
A travers cette chanson, Alain Souchon renouvelle complètement un thème éternel : la fuite du temps qui nous emporte dans ses tourbillons et qui altère les sentiments, les affadit.
Dans cette belle chanson d'amour, forte et passionnée, Francis Cabrel évoque les tourments de celui qui aime : la chanson s'ouvre sur le pronom "elle", qui désigne la femme aimée... celle-ci semble dotée de tous les pouvoirs : capable de "faire changer la course des nuages", capable de "balayer les projets" de l'amoureux.
L'amour emporte tout, sur son passage, il est si fort, provoque tant de tortures qu'il "fait vieillir, bien avant l'âge".
La femme, même volage, même disparue et perdue, dans "les vapeurs des ports", est toujours présente, à l'esprit de l'homme qui aime et on perçoit, malgré toutes ses infidélités, un amour qui reste immuable.
Malgré les trahisons, les révoltes, l'amour s'impose. Le verbe "hurler", la malédiction, à laquelle est vouée la femme, suggèrent toute la violence de la passion.
L'emploi du futur : "elle te fera, tu la perdras, elle rentrera" souligne une sorte de fatalité inéluctable, à laquelle l'amoureux ne peut échapper.
Et même le pardon est inéluctable : "Elle voudra que tu pardonnes et tu pardonneras"... La volonté de la femme aimée l'emporte sur tout.
Une phrase, brève, récurrente et péremptoire, "c'est écrit", restitue cette fatalité irréversible.
L'utilisation de la deuxième personne "tu", tout au long du poème, confère une sorte d'universalité et de familiarité au message... Tout le monde a pu connaître ce sentiment du caractère impérieux de l'amour.
Le thème de l'attente transparaît dans les prières, dans les nuits passées à regarder dehors, dans les bars écumés, pour retrouver l'amoureuse perdue. Les pluriels : "les heures, tous les bars, les nuits" soulignent cette attente et cette quête inlassable.
Une succession de questions restitue l'angoisse de l'amoureux : "Qu'est-ce qu'elle aime, qu'est-ce qu'elle veut ? Qu'est-ce qu'elle rêve, qui elle voit ?"
Le hasard d'une rencontre espérée, le bonheur entrevu, alors que les âmes sont "grises", un bonheur que l'on sent fragile, tels sont les motifs de cette chanson de Mouloudji : Un jour, tu verras...
En même temps, une sorte de certitude transparaît, à travers l'emploi du futur : "tu verras, on se rencontrera, nous nous regarderons, Et nous nous sourirons... nous irons... Il y aura un bal."
Le poète s'adresse à quelqu'un qu'il ne connaît pas, mais la force de l'espoir le conduit à affirmer une rencontre prochaine : le tutoiement, "tu verras" marque une familiarité, une proximité évidentes...
La réunion des deux amoureux semble assurée, quel que soit le lieu, ou le moment.
Regards, sourires, gestes identiques scellent une union de deux âmes... Le pronom "nous", utilisé à plusieurs reprises, marque cet accord.
Une inquiétude se fait jour, pourtant, avec l'évocation du temps qui passe "si vite."
Il faut presque "cacher" son bonheur dans le soir qui tombe, pour le préserver : on perçoit, là, toute la fragilité de ces instants volés dans une vie de doute, de douleurs...
Il porte un joli nom Saturne ! Un nom aux sonorités de sifflante, de dentale, de gutturale, consonnes contrastées emplies de douceur, d'éclats, de rudesse !
Le maître du temps, Saturne chez les romains, a inspiré une chanson pleine de charme et d'humour à Georges Brassens...
Qualifié de "morne", de "taciturne", au début du texte, le dieu Saturne apparaît froid, impitoyable, lointain, inaccessible au commun des mortels.
"Dieu inquiétant", mystérieux, tel est bien ce maître du temps qui passe, malgré son joli nom.
On le voit s'amuser à "bousculer les roses", jeu cruel, car le dieu joue à blesser, de sa marque, des fleurs fragiles, symboles et raccourcis saisissants de la vie humaine.
Un jeu de mots subtil apparaît alors : "le temps tue le temps, comme il peut"...L'expression "tuer le temps" semble prendre, ici, tout son sens, car Saturne s'amuse à pousser les roses vers le déclin et la mort...
Soudain, le poète s'adresse à la femme qu'il aime, de manière familière, avec une apostrophe élogieuse "ma belle ". Et, il prend conscience de la fuite du temps : c'est elle, la victime du temps... D'une manière imagée et somptueuse, Georges Brassens évoque un changement subtil : "Toi qui as payé la gabelle / Un grain de sel dans tes cheveux."
L'expression répétée suggère bien l'action inexorable du temps, mais le poète commente, aussitôt, en associant la "belle" à "l'automne" et affirme, familèrement, la beauté de sa bien-aimée : "c'est pas vilain, les fleurs d'automne."
L'image de la fleur réapparaît et sa splendeur semble inaltérable.
L'invitation qui suit est pleine de charmes et d'insistance, avec l'impératif répété "viens", avec l'apostrophe, "ma favorite" qui magnifie la femme, avec cette demande pressante, pour visiter le jardin et "effeuiller la marguerite."
Le poète réaffirme l'idée de beauté, en employant le pluriel : "je sais par coeur toutes tes grâces..." Et, à la fin du poème, par une belle inversion, Saturne, si puissant, apparaît vaincu...
Belle parodie de ces poèmes d'antan, où le temps est victorieux, où les poètes essaient de convaincre de toutes jeunes filles de les aimer, car le temps presse et détruit inexorablement toutes beautés !
Et la jeune fille en fleur, appelée de manière amusante "la petite pisseuse d'en face", est invitée à aller "se rhabiller".
La mélodie, assez lente et pesante, semble mimer le rythme du temps qui passe.
On perçoit, dans cette chanson, tout l'art de Georges Brassens : le poète mêle, harmonieusement, des références littéraires, un langage familier, un humour plein d'élégance...
Photos : auteurs : Starus / Urban / Rufus46/ Twice25 creative commons