"Vendredi 1er mars : jour des funérailles d'Alexeï Navalny et jour de courage pour des milliers d'opposants qui ont tenu à sortir dans les rues de Moscou, malgré les recommandations du Kremlin...
Une foule s'est rassemblée dans la banlieue sud de Moscou : plusieurs milliers de Russes sont venus défier la menace de répression du Kremlin. Vladimir Poutine pensait éteindre cette opposition, ce jour-là, elle s'est au contraire éveillée...
Ils sont venus par milliers pour déposer une fleur sur le cercueil, mais seule une infime minorité d'entre eux a pu finalement entrer dans l'église. Bien trop nombreux pour une cérémonie qui a duré moins d'une heure.
"Même si on n'entre pas, l'important, c'est d'honorer sa mémoire.", dit une femme dans la foule.
A l'intérieur, le visage du défunt est visible dans son cercueil ouvert. Vêtue d'un fouloir noir, la mère d'Alexeï Navalny est là, assise face à son fils mort en prison à 47 ans.
Pour être sûrs de rentrer, certains sont venus trois heures en avance, des Russes de tous âges.
'Ce n'est pas un peu dangereux d'être ici ?", interroge une journaliste.
"C'est impossible de ne faire qu'avoir peur, on en a assez d'avoir peur", répond un jeune Russe.
"Navalny, c'était une personne qui a inculqué aux gens dans notre pays cette envie de politique, d'action, cette idée qu'on peut ne pas être d'accord et qu'on doit aider notre société pour former une société civile.", témoigne un autre.
"Je pense que l'important est de ne pas abandonner, d'aller plus loin...", dit un autre, reprenant les propos de Navalny dans une interview testament, enregistrée avant son retour en Russie en 2021...
"Je n'ai qu'une chose à dire : il ne faut pas abandonner, si ça arrive, cela veut dire que nous sommes extraordinairement forts, s'ils ont décidé de me tuer.", avait-il déclaré.
Devant l'église, plusieurs ambassadeurs dont les représentants de la France, des Etats-Unis et de l'Allemagne, se sont retrouvés pour un hommage silencieux.
Après la cérémonie, la famille est sortie avec le cercueil, et derrière eux, une foule immense s'est dirigée vers le cimetière.
Sur le chemin, la foule criait : "Non à la guerre !" On entendait encore : "La Russie sans Poutine !" et "Nous ne pardonnerons pas..."
Ce sont aussi des messages politiques qui ont accompagné Alexeï Navalny en terre, des messages risqués aujourd'hui en Russie. Selon un média d'opposition, 56 personnes ont été arrêtées dans le cadre des hommages rendus à Alexeï Navalny.
Il y a donc une Russie qui soutient Poutine, une autre qui subit et se tait et puis cette opposition qui, malgré les menaces, s'insurge et exprime son émotion...
Que risquent ces hommes et ces femmes qui ont fait ce choix de sortir dans la rue et qui ont pu être identifiés par les hommes du FSB ?
Ils risquent la prison, en tout cas pour ceux qui ont scandé : "Non à la guerre!", car ce slogan est interdit en Russie.
Ce qu'on a vu au cours de ces funérailles, ce n'est pas anecdotique : quelques milliers de personnes, cela peut nous paraître peu à nous occidentaux, mais dans la Russie d'aujourd'hui, c'est beaucoup. On n'avait pas vu autant de monde contre Poutine, au moins depuis le début de la guerre en Ukraine. Cela ne veut pas dire pour autant que le pouvoir de Vladimir Poutine est directement menacé et ici tout le monde est convaincu que dans deux semaines, lors de l'élection présidentielle, il sera reconduit au Kremlin car la grande majorité des Russes, soit elle soutient Vladimir Poutine, soit elle se tait et tout cela est savamment entretenu par la télévision russe qui n'a pas dit un seul mot de l'enterrement d'Alexeï Navalny dans les grands JT."
Surtout, pas de vagues ! Montrer des opposants qui défilent en masse, même cette simple image peut être considérée comme un danger pour le pouvoir de Vladimir Poutine.
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