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22 octobre 2021 5 22 /10 /octobre /2021 11:15
Brassens, la Chanson pour l'Auvergnat : un magnifique hymne à la générosité...

 

"Cent ans. C’est l’âge qu’aurait eu George Brassens ce 22 octobre 2021. Une pluie d’hommages et de célébrations ont lieu à cette occasion. Ils célèbrent un auteur-compositeur exigeant et perfectionniste. Poète, chanteur, Georges Brassens est l’auteur de nombreux textes qui font la fierté de la chanson française comme Le Gorille, Les copains d’abord ou la Chanson pour l’Auvergnat."

 

Une des chansons les plus connues de Brassens, c'est bien sûr La chanson pour l'Auvergnat, une chanson qui célèbre l'humanisme, la générosité de gens simples et modestes.

"Elle est à toi cette chanson
Toi l’Auvergnat qui sans façon
M’as donné quatre bouts de bois
Quand dans ma vie il faisait froid..."

 

Le tutoiement adressé à l'Auvergnat restitue, dès le premier vers, une familiarité, une complicité, une tendresse évidentes. Et tout naturellement, Brassens, le poète musicien, lui dédie une chanson.

La générosité consiste à donner l'essentiel de ce qui manque à autrui : "quatre bouts de bois", un cadeau de peu de prix mais essentiel quand on a froid. 

 

Le pronom "toi" réitéré, à valeur d'insistance, insiste bien sur la singularité du comportement de l'Auvergnat, en opposition avec le pluriel "Les croquantes et les croquants Tous les gens bien intentionnés".

On peut noter l'ironie de cette expression et le contraste avec la violence du verbe qui suit : "M’avaient fermé la porte au nez"

Ainsi, Brassens dénonce et fustige aussi l'égoïsme, l'indifférence généralisée à la souffrance de l'autre.

 

Et le poète qui reçoit ce cadeau, du bois pour se chauffer, éprouve une reconnaissance éternelle, ce qui est merveilleusement suggéré dans les vers suivants :


"Ce n’était rien qu’un feu de bois
Mais il m’avait chauffé le corps
Et dans mon âme il brûle encore
A la manièr’ d’un feu de joie"

"Le feu de bois" devenu "feu de joie" restitue bien la gratitude du poète.

 

Cette gratitude se prolonge même avec la prière qui suit :


"Toi l’Auvergnat quand tu mourras
Quand le croqu’mort t’emportera
Qu’il te conduise à travers ciel
Au père éternel"

 

Le texte écrit sous la forme d'une fable répétitive célèbre encore une hôtesse, un étranger qui savent faire preuve de bonté :

"Elle est à toi cette chanson
Toi l’hôtesse qui sans façon
M’as donné quatre bouts de pain
Quand dans ma vie il faisait faim
Toi qui m’ouvris ta huche quand
Les croquantes et les croquants
Tous les gens bien intentionnés
S’amusaient à me voir jeûner"

"Elle est à toi cette chanson
Toi l’étranger qui sans façon
D’un air malheureux m’as souri
Lorsque les gendarmes m’ont pris
Toi qui n’as pas applaudi quand
Les croquantes et les croquants
Tous les gens bien intentionnés
Riaient de me voir emmener
Ce n’était rien qu’un peu de miel

Mais il m’avait chauffé le corps
Et dans mon âme il brûle encore
A la manièr’ d’un grand soleil"

 

Du "pain", un simple "sourire" suffisent à redonner du bonheur et du courage...

 

Merveilleuse chanson pétrie d'humanisme, de bienveillance ! à l'image de son auteur, l'ami Georges... Une belle leçon de simplicité et d'humanité !

 

Pour mémoire :

" Chanson pour l’Auvergnat est  l'un des hymnes de Georges Brassens composé dans les premières années de son succès : une histoire de générosité qui raconte un peu du passé de Brassens. Qui est cet Auvergnat, le héros de l'histoire ? Durant l’hiver de 1954, un grand froid s’abat sur la France, l’Abbé Pierre appelle à la solidarité dans le pays. Georges Brassens est touché par la situation. Après avoir fui les Allemands et le travail obligatoire, il avait été recueilli en 1944 dans une impasse du 14ème arrondissement de Paris par un couple d’Auvergnats de Seine-et-Marne : Marcel et Jeanne ont accueilli Georges quand il était sans domicile.

Dans la chanson, c’est donc à ceux qui l’ont recueilli qu’il fait référence quand il évoque l’Auvergnat qui lui a "donné quatre bouts de bois quand, dans ma vie, il faisait froid" et l’hôtesse qui lui a donné "quatre bouts de pain quand dans ma vie, il faisait faim". Il décide de composer cette chanson comme une valse, une écriture musicale qu’il adoptera à nouveau dans le reste de sa carrière. La valse de l’Auvergnat a également été reprise en plusieurs langues comme l’hébreu ou l’espagnol, elle a quasiment fait le tour du monde, transportant sa petite histoire secrète, emblème de Brassens et symbole de son humanisme."

 

D'autres chansons inoubliables de Brassens :

 

http://rosemar.over-blog.com/2021/01/les-sabots-d-helene-etaient-tout-crottes.html

 

http://rosemar.over-blog.com/2020/09/un-vingt-deux-septembre-au-diable-vous-partites.html

 

http://rosemar.over-blog.com/article-a-l-encontre-du-vieil-homere-123645631.html

 

http://rosemar.over-blog.com/article-georges-brassens-ou-l-amour-de-la-vie-113387869.html

 

http://rosemar.over-blog.com/2017/02/a-la-chasse-aux-papillons-avec-brassens.html

 

http://rosemar.over-blog.com/2021/03/honneur-aux-femmes-jeanne-la-jeanne-brassens.html

 

http://rosemar.over-blog.com/2016/04/dans-cette-histoire-de-faussaire.html

 

http://rosemar.over-blog.com/article-il-porte-un-joli-nom-saturne-123508345.html

 

http://rosemar.over-blog.com/2016/06/c-est-la-rancon-de-penelope.html

 

http://rosemar.over-blog.com/2016/04/un-p-tit-coin-d-parapluie.html

 

http://rosemar.over-blog.com/2016/07/regardez-les-danser-dans-les-feux-de-l-aurore.html

 

http://rosemar.over-blog.com/article-gastibelza-ou-l-amour-fou-112548759.html

 

http://rosemar.over-blog.com/2017/02/dans-l-eau-de-la-claire-fontaine-elle-se-baignait-toute-nue.html

 

http://rosemar.over-blog.com/article-l-amour-a-bien-des-mysteres-112962529.html

 

http://rosemar.over-blog.com/article-ballade-au-moyen-age-111817395.html

 

 

 

 

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27 janvier 2018 6 27 /01 /janvier /2018 10:38
Pour relire Rabelais... La lettre de Gargantua à son fils Pantagruel...

 

 

 

Il faut lire et relire la magnifique lettre de Gargantua à son fils Pantagruel : un éloge de la connaissance et de la culture qui apportent sérénité et bonheur à tout être humain.

Insérée dans le premier ouvrage de François Rabelais, publié en 1532, cette lettre est un véritable manifeste humaniste qui montre que le savoir est essentiel pour l'homme, qu'il lui permet de progresser et de devenir plus humain...

 

La lettre définit un véritable programme intellectuel, une culture encyclopédique : elle vise à développer la curiosité du jeune Pantagruel et à lui faire comprendre que le savoir est source de bonheur et de sagesse.

 

Il s'agit d'abord pour le jeune garçon de profiter des nouvelles conditions qui sont mises à sa disposition dans le domaine culturel, au XVIème siècle : développement de l'imprimerie, extension de la réflexion et du savoir, remise à l'honneur des langues anciennes.

Et qui ne voit là toute la modernité et l'actualité de cette lettre ? De nos jours, encore, de nouveaux moyens de connaissance sont accessibles grâce à internet et la diffusion du savoir est ainsi multipliée à l'infini.

 

La lettre est constituée d'une succession de recommandations soulignées par l'emploi répété du subjonctif et de l'impératif :

"J'entends et je veux que tu apprennes parfaitement les langues...  que tu formes ton style sur celui de Platon pour le grec, sur celui de Cicéron pour le latin... Qu'il n'y ait pas d'étude scientifique que tu ne gardes présente en ta mémoire...  De l'astronomie, apprends toutes les règles, mais laisse-moi l'astrologie et l'art de Lullius...  Du droit civil, je veux que tu saches par cœur les beaux textes, et que tu me les mettes en parallèle avec la philosophie. Et quant à la connaissance de la nature, je veux que tu t'y donnes avec soin : qu il n'y ait mer, rivière, ni source dont tu ignores les poissons... Puis relis soigneusement les livres des médecins grecs, arabes et latins...

Somme, que je voie un abîme de science..." 

Le texte a ainsi une valeur didactique, et on perçoit une sorte d'enthousiasme et de ferveur pour la culture, grâce à de nombreux procédés : les énumérations, les anaphores à valeur d'insistance, les hyperboles, le vocabulaire plein de fermeté...

 

Un extrait restitue plus particulièrement cet enthousiasme et l'on y retrouve anaphore, énumération, hyperboles, le tout souligné par une antithèse "tous... rien" :

"tous les oiseaux du ciel, tous les arbres, arbustes, et fructices des forêts, toutes les herbes de la terre, tous les métaux cachés au ventre des abîmes, les pierreries de tous les pays de l'Orient et du midi, que rien ne te soit inconnu."

 

En plusieurs étapes, sont exprimées les orientations de l'éducation humaniste, les domaines envisagés qui sont divers et multiples, le respect des règles morales et religieuses.

On trouve aussi dans cette lettre deux formules célèbres : "Sapience n'entre point en âme malivole"... "Science sans conscience n'est que ruine de l'âme".

Deux maximes essentielles qui définissent l'humanisme.

La science doit s'accompagner d'une réflexion, d'une prise de conscience et d'un souci de valeurs morales et éthiques.

Et encore une fois, qui ne voit toute l'actualité de ces maximes ?

Alors que l'homme cherche à dépasser sa condition de mortel, alors qu'il s'applique à polluer la nature, à détruire la terre sur laquelle il vit, il a besoin plus que jamais d'une prise de conscience.

L'homme saccage les écosystèmes, il extermine les espèces animales, il perturbe le climat pour soutenir des choix absurdes, qui ne le rendent même pas heureux.

Le message de Rabelais est plus que jamais d'actualité...

Le savoir, l'humanisme restent de magnifiques projets de vie.

En un temps où le nihilisme gagne du terrain, il est bon de se ressourcer auprès de ce grand humaniste que fut Rabelais, et de relire des messages essentiels pour l'humanité.

La connaissance, le savoir nourrissent l'être humain, le font progresser, à cette condition : le progrès doit avoir pour but le bonheur de l'humanité, il ne doit pas être aliénant, et la connaissance doit rester au service de l'homme.

 

 

Le texte :

 

- François Rabelais, Pantagruel, chapitre VIII, « Comment Pantagruel, étant à Paris, reçut lettres de sonpère Gargantua, et la copie d'icelles » (1532).


Maintenant toutes disciplines sont restituées, les langues rétablies : Grecque, sans laquelle c'est honte qu'une personne se dise savante, Hébraïque, Chaldaïque, Latine (1), les impressions tant élégantes et correctes, en usage,qui ont été inventées de mon âge par inspiration divine, comme, à contre-fil, l'artillerie par suggestion diabolique.
Tout le monde est plein de gens savants, de précepteurs très doctes, de librairies (2) très amples, qu'il m'est avis que, ni au temps de Platon, ni de Cicéron, ni de Papinien (3), n'était telle commodité d'étude qu'on y voit maintenant, et ne se faudra plus dorénavant trouver en place, ni en compagnie, qui ne sera bien expoli en l'officine de Minerve (4).
Je vois les brigands, les bourreaux, les aventuriers, les palefreniers de maintenant plus doctes que les docteurs etprêcheurs de mon temps. Que dirai-je? Les femmes et filles ont aspiré à cette louange et manne céleste de bonne doctrine. Tant y a qu'en âge où je suis, j'ai été contraint d'apprendre les lettres grecques, lesquelles je n'avais
méprisées comme Caton, mais je n'avais eu loisir de comprendre en mon jeune âge ; et volontiers me délecte à lireles Moraux de Plutarque, les beaux Dialogues de Platon, les Monuments de Pausanias et Antiquités d'Atheneus, attendant l'heure qu'il plaira à Dieu, mon Créateur, m'appeler et commander sortir de cette terre.
C'est pourquoi, mon fils, je t'admoneste (5) qu'emploies ta jeunesse à bien profiter en études et en vertus. Tues à Paris, tu as ton précepteur Epistemon, dont l'un par vives et vocales instructions, l'autre par louables exemples, te peuvent endoctriner.


J'entends et veux que tu apprennes les langues parfaitement: premièrement la Grecque, comme le veut Quintilien, secondement la Latine, et puis l'Hébraïque pour les Saintes Lettres, et la Chaldaïque et Arabique pareillement ; et que tu formes ton style, quant à la Grecque, à l'imitation de Platon, quant à la Latine, à Cicéron.
Qu’il n’y ait histoire que tu ne tiennes en mémoire présente, à quoi t'aidera la Cosmographie de ceux qui en ont écrit.


Des arts libéraux : géométrie, arithmétique et musique, je t'en donnai quelque goût quand tu étais encore petit, en l'âge de cinq à six ans ; poursuis le reste, et d'astronomie saches-en tous les canons(6). Laisse-moi l'astrologie divinatrice et l'art de Lullius(7), comme abus et vanités.
Du droit civil, je veux que tu saches par cœur les beaux textes et me les confères avec philosophie.

 Et, quant à la connaissance des faits de nature, je veux que tu t'y adonnes avec soin ; qu'il n’y ait mer, rivière, ni fontaine, dont tu ne connaisses les poissons, tous les oiseaux de l'air, tous les arbres, arbustes et buissons des forêts, toutes les herbes de la terre, tous les métaux cachés au centre des abîmes, les pierreries de tout Orient et
Midi : rien ne te soit inconnu.
Puis, soigneusement pratique les livres des médecins grecs, arabes et latins, sans mépriser les Talmudistes et Cabalistes(8), et par fréquentes anatomies acquiers-toi parfaite connaissance de l'autre monde, qui est l'homme. Et par quelques heures du jour commence à visiter les saintes lettres, premièrement en grec le Nouveau Testament et Épîtres des Apôtres, et puis en Hébreu le Vieux Testament.


Somme, que je voie un abîme de science : car dorénavant que tu deviens homme et te fais grand, il te faudra sortir de cette tranquillité et repos d'étude et apprendre la chevalerie et armes pour défendre ma maison et nos amis secourir en toutes affaires contre les assauts malfaisants.
Et veux que, sans tarder, tu essayes combien tu as profité, ce que tu ne pourras mieux faire que tenant conclusions(9) en tout savoir, publiquement, envers tous et contre tous, et hantant les gens lettrés qui sont tant à Paris qu'ailleurs.


Mais - parce que, selon le sage Salomon, sapience n'entre point en âme malivole et science sans conscience n'est que ruine de l'âme -, il te convient servir, aimer et craindre Dieu, et en lui mettre toutes tes pensées et tout ton espoir, et par foi formée de charité être à lui adjoint, en sorte que jamais n'en sois désemparé par péché. Aie suspects les abus du monde. Ne mets ton cœur à vanité, car cette vie est transitoire, mais la parole de Dieu demeure éternellement. Sois serviable à tout ton prochain et l'aime comme toi-même. Révère tes précepteurs. Fuis les compagnies des gens auxquels tu ne veux point ressembler, et les grâces que Dieu t'a données, icelles ne reçois en vain.

Et quand tu connaîtras qu'auras tout le savoir de par delà acquis, retourne vers moi, afin que je te voie et donne ma bénédiction avant de mourir.


Mon fils, la paix et grâce de Notre-Seigneur soit avec toi, amen.
D'Utopie, ce dix-septième jour du mois de mars.
Ton père,
Gargantua.

 


Notes :
1. Variété de l’hébreu employée dans certains passages de la Bible. Erasme avait recommandé l’étude de cette langue. 2.Bibliothèques. 3. Ces écrivains représentent trois âges de la civilisation : après l’âge de la philosophie et celui de l’éloquence, l’âge de Papinien (IIIe siècle après J.-C.) est celui des savants, notamment en droit et en grammaire. 4. Poli, cultivé, en la boutique placée sous la protection de la déesse du savoir, c’est-à-dire à l’école des humanistes. 5. Je te demande solennellement. 6. Règles. 7. L’alchimie (de Raymond Lulle, savant espagnol, (1235-1315). 8. Spécialistes du Talmud (commentaire de la Loi judaïque) et de la kabbale (interprétation symbolique de la Bible). 9. Soutenant des controverses

 

 


 

http://blog.ac-versailles.fr/lelu/public/sciences/rabelais

 

Pour relire Rabelais... La lettre de Gargantua à son fils Pantagruel...
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7 juillet 2016 4 07 /07 /juillet /2016 13:19
Une société du chiffre...

 

 

 

 

Nous vivons dans une société du chiffre, dans un monde de rentabilité à  outrance : les marchés se focalisent sur les chiffres de la croissance. Si ces chiffres sont bons, tout va bien. Si la croissance est à la baisse, c'est un sujet permanent d'inquiétude...

 

Les établissements scolaires sont, maintenant, tenus de faire du chiffre : chaque année, sont publiés les chiffres de réussite au baccalauréat et les lycées sont classés en fonction de ces critères.

Le chiffre ! Le maître mot de nos sociétés !

 

"Travailler plus pour gagner plus...", on se souvient, aussi, de ce slogan célèbre qui a été en faveur, lors du quinquennat de Nicolas Sarkozy.

 

Et dans de nombreux domaines, le chiffre est essentiel.

Les médecins, dès que leurs patients entrent dans leur cabinet, exigent d'eux leur carte vitale, avant même de s'enquérir de leur santé.

Dans les cliniques, les hôpitaux, la rentabilité est à l'ordre du jour : multiplication de certains examens, interventions chirurgicales, scanners, radios, échographies, à la chaîne.

Certains médecins privilégient des traitements onéreux, peu pratiques pour le patient : prescription d'une série de piqûres qu'on peut remplacer par des médicaments plus faciles à absorber, et moins chers.

 

Dans les entreprises, les actionnaires réclament du chiffre, toujours plus de chiffre.

 

Les chaînes de télévision sont notées et cotées en fonction de l'audience qu'elles recueillent pour tel ou tel programme.

On a, ainsi, appris que M6 avait obtenu une audience exceptionnelle, lors de la diffusion du match France Islande ! 17 millions de spectateurs, un record !

 

Mais, ne serait-il pas temps de revenir à plus d'humanité ?

Ne serait-il pas temps d'oublier le chiffre ?

Les êtres humains ne sont pas faits pour vivre sous le règne du chiffre. Ils ont besoin, en maintes circonstances, d'un certain humanisme.

Et cet humanisme tend à disparaître dans un monde voué au chiffre, et à la rentabilité.

L'être humain s'enrichit d'expériences, de contacts avec autrui : soumis à cette pression du chiffre, il ne peut plus s'épanouir et acquérir l'indispensable sérénité dont il a besoin.

 

Arrêtons de nous soumettre au chiffre ! La tyrannie du chiffre nous conduit aux pires dérives !

L'être humain n'est pas fait pour vivre sous la domination de la rentabilité : ce n'est pas, là, le but d'une vie.

 

Il faut redonner d'autres repères, d'autres objectifs à l'être humain et à la société dans son ensemble.

Le chiffre ne nous rend pas heureux, il annihile l'individu, le soumet à une rentabilité, l'inclut dans une masse, au lieu de lui accorder toute sa valeur.

C'est l'humanisme qui enrichit l'homme, c'est l'humanisme qui lui apporte un épanouissement et un bonheur de tous les jours.

 

 

 

 

 

 

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15 avril 2016 5 15 /04 /avril /2016 13:40
Pour redécouvrir Rabelais... le thème de l'éducation...

 

 

 

Dans le Gargantua, de nombreux chapitres sont consacrés à l'enfance du héros...

 

Aucune oeuvre du 16 ème siècle n'explore autant ce temps de l'enfance : Rabelais évoque la sexualité infantile, la découverte de la propreté, et, bien sûr, le thème de l'éducation, si important pour les humanistes...

Voilà un thème on ne peut plus moderne : l'éducation reste un sujet d'une brûlante actualité, un problème contemporain qui nous concerne tous.

 

Le jeune Gargantua est d'abord confié à un premier maître qui s'appelle "Thubal Holoferne", un grand docteur en théologie, dont le nom biblique a une fonction critique : il révèle l'aspect poussiéreux du personnage....

Ce précepteur représente les théologiens de la Sorbonne, des sophistes qui dissertent dans le vide.

Gargantua est, ensuite, éduqué toujours selon  des méthodes médiévales, par "maître Jobelin Bridé", et ce nom est, encore une fois, un sobriquet qui sert à dénoncer la stupidité de cet éducateur...

 

Ainsi, les noms ont souvent une signification dans l'oeuvre de Rabelais : "nomen est omen", le nom est un présage, disait-on souvent à cette époque.

 

Rabelais s'attache à ridiculiser les méthodes d'éducation vieillissantes et dépassées de ces précepteurs...

 

Il dénonce, avec virulence, la paresse, la vulgarité du jeune Gargantua soumis à ces maîtres : l'élève se réveille tard le matin, puis on le voit se vautrer dans son lit, grâce à une succession de verbes expressifs et évocateurs : "se gambayait, penadait et paillardait parmi le lit" ("il gambadait, bondissait, se vautrait dans son lit.")

 

Les imparfaits à valeur itérative soulignent tout le temps perdu à se livrer à ces vaines activités...

 

La toilette se résume à la plus simple expression :"se peigner de peigne d'Amain, c'était des quatre doigts et le pouce..."

L'hygiène et les exercices physiques sont, ainsi, totalement négligés.

 

Le vocabulaire grossier qui suit souligne le manque d'éducation du jeune élève : "fientait, pissait, rendait sa gorge, rotait, pétait, bâillait, crachait... se morvait en archidiacre..."

 

Gargantua engloutit, ensuite, un repas copieux où la diététique est complètement absente : "belles tripes frites, belles carbonnades, beaux jambons, belles cabirotades, et force soupes de prime..."

L'énumération et les pluriels soulignent la démesure et l'excès de ce déjeuner... Le gigantisme des personnages est, comme souvent dans l'oeuvre de Rabelais, au service de la satire.

 

Et comme Ponocrates, un nouvel éducateur, lui adresse des remontrances, Gargantua lui répond, avec une assurance pleine d' insolence.

Ponocrates, dont le nom signifie "la force du travail", représente, lui, une éducation nouvelle, moderne qui privilégie l'effort et la véritable culture...

 

Gargantua prononce, alors, un discours creux et vain, il se réfère à des autorités, celles de ses maîtres, au lieu d'argumenter en bonne et due forme...

Il montre, ainsi, qu'il ne sait pas réfléchir par lui-même et qu'il se soumet à des autorités...

 

La satire de l'éducation religieuse est à la fois savoureuse et virulente : le bréviaire, le livre de messes est lourd, gros pesant, difficilement maniable, couvert de crasse... l'objet perd sa valeur première, objet de culture il devient, ici, gênant pour l'esprit : son contenu n'est même pas évoqué, mais seulement son poids : "onze quintaux, six livres"... De plus, il est "empantoflé", c'est à dire enfermé dans une housse, il n'a pas pour vocation d'être ouvert, il ne sert à rien... 

 

Le nombre de messes est impressionnant "vingt six ou trente messes..." ce qui aboutit à un véritable abrutissement de l'individu...

 

Le "diseur d'heures", l'homme d'église est, aussi, ridiculisé : comparé  à une "duppe", c'est à dire une"huppe", il est déshumanisé, de plus, c'est un ivrogne qui se donne des excuses : il boit pour immuniser son haleine "à force sirop vignolat."

Le vocabulaire médical prête à sourire en la circonstance... On peut remarquer la savoureuse périphrase d'apothicaire désignant ici le vin  : "le sirop vignolat"!

 

Les prières sont "marmonnées" : on les répète machinalement, sans vraiment les comprendre. Le verbe "éplucher" souligne l'aspect mécanique de cette récitation de prières, un verbe concret étant utilisé pour une activité spirituelle.

 

Les "patenôtres", ou les chapelets ont des dimensions extraordinaires, chaque grain ayant la taille d'une tête d'homme. Là encore, c'est le poids de l'objet qui l'emporte sur toute autre considération.

 

Rabelais, en se livrant à une caricature, dénonce le type d'éducation délivrée au Moyen âge : à aucun moment l'élève n'est invité à comprendre, à assimiler des connaissances, il en devient totalement passif, inculte et paresseux...

Ponocrates aura fort à faire, pour réparer toutes les errances d'une telle éducation...

 

A suivre...

 

 

Chapitre 21....

 

http://sami.is.free.fr/Oeuvres/rabelais_gargantua.htm

 

Le texte :

 

 
"Il dispensoit doncques son temps en telle façon que ordinairement il s'esveilloit entre huyt et neuf heures, feust jour ou non; ainsi l'avoient ordonné ses regens antiques, alleguans ce que dict David : Vanum est vobis ante lucem surgere.
 
Puis se guambayoit, penadoit et paillardoit parmy le lict quelque temps pour mieulx esbaudir ses esperitz animaulx ; et se habiloit selon la saison, mais voluntiers portoit il une grande et longue robbe de grosse frize fourrée de renards; après se peignoit du peigne de Almain, c'estoit des quatre doigtz et le poulce, car ses precepteurs disoient que soy aultrement pigner, laver et nettoyer estoit perdre temps en ce monde.
 
Puis fiantoit, pissoyt, rendoyt sa gorge, rottoit, pettoyt, baisloyt, crachoyt, toussoyt, sangloutoyt, esternuoit et se morvoyt en archidiacre , et desjeunoyt pour abatre la rouzée et maulvais aer : belles tripes frites, belles charbonnades, beaulx jambons, belles cabirotades et forces soupes de prime .
 
Ponocrates luy remonstroit que tant soubdain ne debvoit repaistre au partir du lict sans avoir premierement faict quelque exercice. Gargantua respondit :
 
« Quoy ! n'ay je faict suffisant exercice ? Je me suis vaultré six ou sept tours parmi le lict davant que me lever. Ne est ce assez? Le pape Alexandre ainsi faisoit, par le conseil de son medicin Juif, et vesquit jusques à la mort en despit des envieux. Mes premiers maistres me y ont acoustumé, disans que le desjeuner faisoit bonne memoire; pour tant y beuvoient les premiers. Je m'en trouve fort bien et n'en disne que mieulx. Et me disoit Maistre Tubal (qui feut premier de sa licence à Paris) que ce n'est tout l'advantaige de courir bien toust, mais bien de partir de bonne heure; aussi n'est ce la santé totale de nostre humanité boyre à tas, à tas, à tas, comme canes, mais ouy bien de boyre matin; unde versus :
 
Lever matin n'est poinct bon heur;
Boire matin est le meilleur.
 
Après avoir bien à poinct desjeuné, alloit à l'église, et luy pourtoit on dedans un grand penier un gros breviaire empantophlé, pesant, tant en gresse que en fremoirs et parchemin, poy plus poy moins, unze quintaulx six livres. Là oyoit vingt et six ou trente messes. Ce pendent venoit son diseur d'heures en place empaletocqué comme une duppe, et très bien antidoté son alaine à force syrop vignolat; avecques icelluy marmonnoit toutes ces kyrielles, et tant curieusement les espluchoit qu'il n'en tomboit un seul grain en terre.
 
Au partir de l'eglise, on luy amenoit sur une traine à beufz un faratz de patenostres de Sainct Claude, aussi grosses chascune qu'est le moulle d'un bonnet, et, se pourmenant par les cloistres, galeries ou jardin, en disoit plus que seze hermites.
 
Puis estudioit quelque meschante demye heure, les yeulx assis dessus son livre; mais (comme dict le comicque) son ame estoit en la cuysine.
 
Pissant doncq plein urinal, se asseoyt à table, et, par ce qu'il estoit naturellement phlegmaticque, commençoit son repas par quelques douzeines de jambons, de langues de beuf fumées, de boutargues, d'andouilles, et telz aultres avant coureurs de vin."
 

 

 

 

Pour redécouvrir Rabelais... le thème de l'éducation...
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