Un moment de paix, un instant fragile de bonheur et tout un monde de sensations qui surgissent dans le silence de la ville... tels sont les thèmes de ce poème de Louis Aragon mis en musique par Jean Ferrat.
Pourtant, le poème s'ouvre sur une impression de bruits intenses qui caractérisent d'ordinaire la ville :
"Derrière les murs dans la rue
Que se passe-t-il? Quel vacarme
Quels travaux, quels cris, quelles larmes"
Les allitérations de gutturales "r", "k" restituent bien ce vacarme et ce trouble des villes... d'autant que les mots "cris", "larmes" évoquent le malheur, la douleur, la tristesse.
Mais soudain, ces sensations auditives brutales laissent la place à une sensation visuelle de la vie quotidienne, emplie de sérénité :
"Ou rien, la vie, un linge écru
Sèche au jardin sur une corde"
C'est comme si le soir évoqué dans le vers suivant avait effacé ce tumulte et les malheurs générés par la ville...Ce tableau est complété par une agréable et douce sensation olfactive : "cela sent le thym", et par d'autres sensations auditives atténuées : "Un bruit de charrette s'éteint Une guitare au loin s'accorde"
C'est l'heure du repos attendue et bienvenue... comment ne pas aimer ces murmures du soir qui suggèrent la fin du travail et une musique qui s'annonce ?
Le tableau nocturne qui suit est magnifique : c'est une nature souveraine, vivante qui est esquissée, avec ce "zeste de lune" qui éclaire la nuit et cet arbre personnifié qui "salue un nuage". De belles images poétiques d'une nature stylisée et sereine...
Et le poète de préciser :
"Et le coeur n'entend plus que lui", comme si le silence naissait de ce spectacle muet de la nuit : le ciel, la lune, un nuage, un arbre...
Le poète semble alors s'adresser à une présence près de lui, avec un impératif qui invite à goûter ce moment de bonheur :
"Ne bouge pas, c'est si fragile
Si précaire, si hasardeux
Cet instant d'ombre pour nous deux
Dans le silence de la ville"
Voilà deux êtres réunis dans une sorte de communion où les sonorités de sifflantes "s", de fricatives "f", "v", où les voyelles nasalisées "in", "an", "on" traduisent toute la douceur de ce moment... un instant fragile dans un monde où les villes sont souvent saturées de bruit, un instant précieux, car il permet la contemplation et la rencontre.
Voilà un merveilleux poème, une ode à la nature, à l'harmonie du monde dans un cadre plein de simplicité... On aime aussi la voix emplie d'émotion et de sensibilité de Jean Ferrat.
La mélodie nous berce d'un air plein de douceur, de limpidité pour restituer ce moment magique de bonheur et de recueillement dans le silence de la ville. Une bien jolie ballade qui fait du bien...
Cette chanson sortie en 1975 a été composée par Jean Ferrat sur un poème de Louis Aragon.
Le texte :
https://genius.com/Jean-ferrat-dans-le-silence-de-la-ville-lyrics
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