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14 janvier 2019 1 14 /01 /janvier /2019 11:25
Heureusement, on a Houellebecq...

 

Depuis des semaines, la France connaît des vagues de manifestations, régulièrement les gilets jaunes défilent dans les rues, contestent le pouvoir en place, revendiquent pour le pouvoir d'achat, pour plus d'équité et de justice.

Ces manifestations donnent lieu souvent à des exactions, des violences subies par les commerçants qui voient leurs vitrines brisées et leur activité fortement entravée.

L'économie du pays est en berne : les touristes hésitent à venir, les hôtels connaissent un déficit d'activité, face à ce déferlement de violences, face à ces manifestations qui ont tendance à dégénérer.

 

La France est à la peine, oui, mais voilà : heureusement, nous, on a  Houellebecq, un romancier de génie qui dépeint les réalités de notre temps avec acuité, humour, tendresse, ironie...

 

Et même l'Allemagne nous l'envie : il est une superstar dans ce pays.

100 000 exemplaires vendus en Allemagne en trois jours pour Soumission, son ouvrage paru  il y a 4 ans.

Michel Houellebecq fascine les Allemands surtout depuis l’énorme succès qu’a rencontré l’adaptation au cinéma en 2006 de son roman Les particules élémentaires, avec de très grands acteurs allemands. Il est aussi régulièrement adapté au théâtre. Il fait l’objet de cours à l’université, de recherches en littérature.

Un journaliste littéraire allemand  avait donné cette explication : "Les Allemands aiment ses provocations, son côté satirique, sarcastique, irrespectueux". 

 

Houellebecq a amorcé un renouveau en littérature : c'est un auteur atypique qui surprend, étonne, Houellebecq dépeint la déprime, la misère de l'homme moderne, mais il nous fait rire.

Et le rire est salvateur, bénéfique.

Houellebecq, c'est le miroir de notre époque.

 

Il est vrai que l'écrivain sait jouer de la provocation... et, ainsi, il fait parler de lui.

Il vient de publier Sérotonine, et la sortie de ce roman suscite enthousiasme, curiosité ainsi que de nombreux commentaires.

Déjà, c'est un succès de librairie, les exemplaires du roman s'arrachent...

Et malgré les héros désabusés qu'il nous présente, Houellebecq  nous incite aussi à l'optimisme... Son message est rempli d'espoir et d'humanisme.

J'aime le personnage et j'aime l'écrivain : un auteur qui étonne, qui surprend par son humour décalé, par ses références au monde moderne, un auteur qui vit dans son temps et qui se fait l'écho de notre époque...

 

 

 

 

 

https://youtu.be/koCGFfb_k70

 

Heureusement, on a Houellebecq...
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11 janvier 2019 5 11 /01 /janvier /2019 12:38
Michel Onfray, le Romain...

 

 

Une sagesse inspirée des anciens Romains, voilà ce que nous propose Michel Onfray dans son ouvrage paru récemment le 9 Janvier, intitulé Sagesse.

Les vertus romaines sont nombreuses aux yeux du philosophe : le courage, le sens de l'honneur, celui de la dignité, le refus des excès, de la débauche... ces vertus sont celles de la République romaine.

 

Michel Onfray fait l'éloge des gladiateurs trop souvent présentés de manière caricaturale dans les péplums : le plus souvent, on les dépeint comme de grosses brutes sans âme, alors qu'ils incarnaient une forme de courage.

Michel Onfray réhabilite les gladiateurs : "avec eux, le courage se donne en spectacle, il ne s'agit pas de bestialité, de sauvagerie, de barbarie, de brutalité, mais d'édification morale, les gladiateurs racontent comment un homme doit se comporter devant la mort, avec courage."

Parvenir au mépris de la douleur, telle est la leçon que nous donnent les gladiateurs. "Savoir mourir, c'est savoir vivre", proclame Michel Onfray .

 

Le péplum ne serait selon Michel Onfray que de la propagande chrétienne... Bien sûr, encore une fois, le philosophe pourfend l'obscurantisme judéo-chrétien, défend l'athéisme et la morale antique.

 

Lucrèce, Cicéron, Tite-Live, Quintilien, Sénèque, Epictète, Marc Aurèle, Pline l'Ancien et le Jeune sont convoqués : des auteurs latins nombreux qu'il convient de lire et de relire.

Et ce n'est pas là un des moindres mérites du livre de Michel Onfray : l'importance de la transmission, de la lecture.

Dans nos sociétés modernes en perpétuelle mutation, on oublie trop souvent le rôle de la transmission, on relègue les auteurs anciens, on les méprise.

 

On n'apprend plus le latin et le grec dans nos collèges et nos lycées, on a tendance à dédaigner tout ce qui est ancien, au nom de la modernité.

"Pour apprendre, il faut convenir qu'on ne sait pas..." rappelle Michel Onfray, "or la pédagogie du jour prétend que les élèves ont des choses à apprendre aux professeurs ! Comment pourraient-ils transmettre quoi que ce soit à qui que ce soi ?"

De fait, la transmission devrait être encore le rôle essentiel des enseignants : c'est une tâche noble et stimulante.

Hélas, dans un monde voué à la modernité, la transmission n'est plus à la mode.

 

Michel Onfray rend ainsi hommage à son maître Lucien Jerphagnon qui lui enseigna la philosophie grecque et romaine, qui l'initia  à Lucrèce.

 

Le philosophe nous rappelle que les deux grandes vertus romaines sont essentiellement l'honneur et l'amitié, des vertus qui se perdent en ces temps où triomphe l'individualisme.

L'amitié se réduit souvent à des "like" sur internet, elle n'est plus attentive à l'autre.

Quant à l'honneur, il ne fait pas vraiment partie de notre culture moderne, selon Michel Onfray.

 

 

 

La Grande Librairie :

 

https://youtu.be/SQA19d2yvtI

 

 

 

 

 

 

 

Michel Onfray, le Romain...
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5 janvier 2019 6 05 /01 /janvier /2019 11:51
Il extirpa du goulot le bouchon tenace...

 

 

"Le digne aubergiste, connaissant la qualité de ses hôtes, les conduisit lui-même en une chambre basse bien tendue où brillait dans une cheminée à large manteau un feu pétillant et clair. Il prit des mains du sommelier la bouteille grise de poussière et tapissée de toile d’araignée, la décoiffa de son casque de cire avec des précautions infinies, extirpa du goulot, sans secousse, le bouchon tenace, et d’une main aussi ferme que si elle eût été coulée en bronze versa un fil de liqueur blond comme la topaze dans les verres de Venise à pied en spirale que lui tendaient le duc et le chevalier." 

 

C'est ainsi que Théophile Gautier évoque un aubergiste, Maître Bilot en train de servir du vin à ses hôtes... C'est, là, un extrait d'un des romans les plus connus de cet auteur, intitulé Le Capitaine Fracasse...

 Maître Bilot enlève avec élégance le bouchon d'une vieille bouteille.

 

Le bouchon d'une bouteille permet d'en préserver le contenu... Bouchon de liège pour les vins, ou bouchons de métal ou de plastique pour d'autres breuvages...

 

Mais le bouchon a d'abord été une botte de chanvre ou de foin : apparenté aux mots "buisson, bois, bosquet", le bouchon est, à l'origine, une simple touffe de paille...

 

On connaît le verbe "bouchonner", qui désigne l'action de nettoyer un cheval avec une poignée de paille...

 

De nos jours, le mot "bouchon" est associé surtout aux bouteilles qu'il permet de fermer hermétiquement...

Ce mot très familier s'ouvre sur une labiale langoureuse, se prolonge par une chuintante pleine de douceur et s'achève par une voyelle nasalisée "on" qui semble mimer la levée et parfois l'envol du bouchon...

Voilà un mot aux sonorités évocatrices, pleines de charmes...

 

Le bouchon d'une bouteille de Champagne demande un certain doigté pour être enlevé du goulot : il peut s'échapper avec vivacité, mu par les bulles d'air que dégage le breuvage...

 

Une fois extirpé, le bouchon de liège révèle parfois des motifs de pampres, de grappes de raisins, d'étoile rayonnante, de dessins géométriques en forme d'épis...

 

Le bouchon est issu du chêne liège, un arbre à l'écorce légère et ainsi le mot "bouchon" renvoie à nouveau à son étymologie première : "bois, buisson, morceau de paille ou de bois".

Le mot "liège", quant à lui, doit son origine à un adjectif latin, "levis, léger."

 

On découvre alors certains breuvages dorés, des liqueurs de miel, des vins parfumés et savoureux...

On déguste ces boissons bien protégées et on se délecte d'arômes de soleil et de fruits...

 

Le bouchon désignait aussi autrefois un petit bouquet de paille, un rameau de feuillages qui servait d'enseigne à un cabaret, puis le cabaret, le restaurant lui-même...

 

Le bouchon associé à la bouteille, à l'auberge nous fait entrevoir des saveurs, des goûts, des liqueurs délicieuses, des mets délicats...

 

   
 

 

http://www.lepoint.fr/vin/20-questions-sur-le-vin-comment-bien-utiliser-les-bouchons-23-11-2017-2174612_581.php

 

 

Il extirpa du goulot le bouchon tenace...
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1 janvier 2019 2 01 /01 /janvier /2019 09:58
Bonne année 2019... De la musique avant toute chose...

 

 

Très bonne année à tous : que cette année soit remplie de bonheurs, de découvertes, de lectures, de musique...

 

Et, pour bien commencer cette année, deux magnifiques extraits de Vivaldi et de Mozart...

 

"De la musique avant toute chose", écrivait Verlaine...

 

La musique est un partage d'émotions, de sensibilité, c'est un langage universel qui parle à tous.

 

Encore une très bonne année à tous.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Photo et vidéos : rosemar

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27 décembre 2018 4 27 /12 /décembre /2018 12:29
Une leçon d'étoiles...

 

Pour apprendre les étoiles, rien de mieux que d'écouter un berger de Provence nous en parler : on ne peut que savourer sa façon de décrire le ciel et ses mystères...

Il faut relire le récit intitulé Les étoiles, inséré dans le recueil d'Alphonse Daudet, Les lettres de mon moulin.

Un texte où un jeune berger raconte à la première personne une nuit passée à la belle étoile auprès de Stéphanette, la fille de ses maîtres...

 

Le berger solitaire, occupé à garder ses bêtes sur Le Luberon, pendant le mois de Juillet, reçoit la visite inhabituelle de Stéphanette  qui lui apporte ses "vivres de quinzaine."

Bloquée par un orage, la jeune fille est contrainte de passer la nuit auprès du berger.

Le jeune homme amoureux est ravi de cette opportunité qui lui permet de mieux faire connaissance avec la demoiselle.

 

Il nous raconte alors la nuit et ses mystères... Un monde poétique où l'obscurité amplifie les bruits, les lumières qui brillent... "un monde mystérieux s'éveille dans la solitude et le silence..."

La nature se met à vivre plus intensément : "les sources chantent bien plus clair, les étangs allument de petites flammes". Personnifiée, la nature est ainsi magnifiée par ce berger poète qui évoque "les esprits de la montagne qui vont et viennent librement".

 

Puis, la jeune fille émerveillée tourne son regard vers le ciel, éblouie par tant d'étoiles.

C'est alors que le berger lui donne une leçon d'étoiles...

Il lui montre la Voie lactée ou "le Chemin de Saint-Jacques", puis la Grande Ourse ou "le Char des Ames"...

Des noms surgissent dans la nuit, emplis de symboles et de poésie.

Les étoiles ouvrent des chemins, font naître des images de char lumineux, prennent vie, deviennent des personnages, "un Charretier, Trois Rois, Jean de Milan, le flambeau des astres"...

Le berger évoque aussi des histoires merveilleuses, des mariages d'étoiles...

Enfin, il nomme "la plus belle des étoiles", "l'Etoile du Berger" qui "éclaire à l'aube quand nous sortons le troupeau et aussi, le soir quand nous le rentrons..."

Elle devient elle aussi un personnage prénommée "Maguelonne".

La scène s'achève dans une ambiance de complicité entre les deux personnages puisque la jeune fille pose sa tête sur l'épaule du berger et s'endort. Les étoiles comparées à un troupeau se meuvent dans le ciel et le berger imagine alors qu'une étoile "la plus fine, la plus brillante" vient de se poser sur son épaule...

 

 

 

Le texte :

 

"Cependant la nuit était venue tout à fait. Il ne restait plus sur la crête des montagnes qu’une poussière de soleil, une vapeur de lumière du côté du couchant. Je voulus que notre demoiselle entrât se reposer dans le parc. Ayant étendu sur la paille fraîche une belle peau toute neuve, je lui souhaitai la bonne nuit, et j’allai m’asseoir dehors devant la porte… Dieu m’est témoin que, malgré le feu d’amour qui me brûlait le sang, aucune mauvaise pensée ne me vint ; rien qu’une grande fierté de songer que dans un coin du parc, tout près du troupeau curieux qui la regardait dormir, la fille de mes maîtres, — comme une brebis plus précieuse et plus blanche que toutes les autres, — reposait, confiée à ma garde. Jamais le ciel ne m’avait paru si profond, les étoiles si brillantes… Tout à coup, la claire-voie du parc s’ouvrit et la belle Stéphanette parut. Elle ne pouvait pas dormir. Les bêtes faisaient crier la paille en remuant, ou bêlaient dans leurs rêves. Elle aimait mieux venir près du feu. Voyant cela, je lui jetai ma peau de bique sur les épaules, j’activai la flamme, et nous restâmes assis l’un près de l’autre sans parler. Si vous avez jamais passé la nuit à la belle étoile, vous savez qu’à l’heure où nous dormons, un monde mystérieux s’éveille dans la solitude et le silence. Alors les sources chantent bien plus clair, les étangs allument des petites flammes. Tous les esprits de la montagne vont et viennent librement ; et il y a dans l’air des frôlements, des bruits imperceptibles, comme si l’on entendait les branches grandir, l’herbe pousser. Le jour, c’est la vie des êtres ; mais la nuit, c’est la vie des choses. Quand on n’en a pas l’habitude, ça fait peur… Aussi notre demoiselle était toute frissonnante et se serrait contre moi au moindre bruit. Une fois, un cri long, mélancolique, parti de l’étang qui luisait plus bas, monta vers nous en ondulant. Au même instant une belle étoile filante glissa par-dessus nos têtes dans la même direction, comme si cette plainte que nous venions d’entendre portait une lumière avec elle.

— Qu’est-ce que c’est ? me demanda Stéphanette à voix basse.

— Une âme qui entre en paradis, maîtresse ; et je fis le signe de la croix.

Elle se signa aussi, et resta un moment la tête en l’air, très recueillie. Puis elle me dit :

— C’est donc vrai, berger, que vous êtes sorciers, vous autres ?

— Nullement, notre demoiselle. Mais ici nous vivons plus près des étoiles, et nous savons ce qui s’y passe mieux que des gens de la plaine. 
Elle regardait toujours en haut, la tête appuyée dans la main, entourée de la peau de mouton comme un petit pâtre céleste :

— Qu’il y en a ! Que c’est beau ! Jamais je n’en avais tant vu… Est-ce que tu sais leurs noms, berger ?

— Mais oui, maîtresse… Tenez ! juste au-dessus de nous, voilà le Chemin de saint Jacques (la voie lactée). Il va de France droit sur l’Espagne. C’est saint Jacques de Galice qui l’a tracé pour montrer sa route au brave Charlemagne lorsqu’il faisait la guerre aux Sarrasins. Plus loin, vous avez le Char des âmes (la grande Ourse) avec ses quatre essieux resplendissants. Les trois étoiles qui vont devant sont les Trois bêtes, et cette toute petite contre la troisième c’est le Charretier. Voyez-vous tout autour cette pluie d’étoiles qui tombent ? ce sont les âmes dont le bon Dieu ne veut pas chez lui… Un peu plus bas, voici le Râteau ou les Trois rois (Orion). C’est ce qui nous sert d’horloge, à nous autres. Rien qu’en les regardant, je sais maintenant qu’il est minuit passé. Un peu plus bas, toujours vers le midi, brille Jean de Milan, le flambeau des astres (Sirius). Sur cette étoile-là, voici ce que les bergers racontent. Il paraît qu’une nuit Jean de Milan, avec les Trois rois et la Poussinière (la Pléiade), furent invités à la noce d’une étoile de leurs amies. La Poussinière, plus pressée, partit, dit-on, la première, et prit le chemin haut. Regardez-la, là-haut, tout au fond du ciel. Les Trois rois coupèrent plus bas et la rattrapèrent ; mais ce paresseux de Jean de Milan, qui avait dormi trop tard, resta tout à fait derrière, et furieux, pour les arrêter, leur jeta son bâton. C’est pourquoi les Trois rois s’appellent aussi le Bâton de Jean de Milan… Mais la plus belle de toutes les étoiles, maîtresse, c’est la nôtre, c’est l’Étoile du berger, qui nous éclaire à l’aube quand nous sortons le troupeau, et aussi le soir quand nous le rentrons. Nous la nommons encore Maguelonne, la belle Maguelonne qui court après Pierre de Provence (Saturne) et se marie avec lui tous les sept ans.

— Comment ! berger, il y a donc des mariages d’étoiles ?

— Mais oui, maîtresse.

Et comme j’essayais de lui expliquer ce que c’était que ces mariages, je sentis quelque chose de frais et de fin peser légèrement sur mon épaule. C’était sa tête alourdie de sommeil qui s’appuyait contre moi avec un joli froissement de rubans, de dentelles et de cheveux ondés. Elle resta ainsi sans bouger jusqu’au moment où les astres du ciel pâlirent, effacés par le jour qui montait. Moi, je la regardais dormir, un peu troublé au fond de mon être, mais saintement protégé par cette claire nuit qui ne m’a jamais donné que de belles pensées. Autour de nous, les étoiles continuaient leur marche silencieuse, dociles comme un grand troupeau ; et par moments je me figurais qu’une de ces étoiles, la plus fine, la plus brillante, ayant perdu sa route, était venue se poser sur mon épaule pour dormir…"

 

 

 

https://fr.wikisource.org/wiki/Lettres_de_mon_moulin/Les_%C3%A9toiles

 

 

 

 

Une leçon d'étoiles...
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19 décembre 2018 3 19 /12 /décembre /2018 11:18
L'orange de Noël...

 

Les enfants recevaient autrefois une simple orange en guise de cadeau de Noël... les temps ont bien changé, désormais ils sont submergés de cadeaux. Noël est devenue une fête de la surconsommation, où les enfants sont souvent choyés à l'excès.

 

Jusque vers le milieu du vingtième siècle, l'orange était un mets de choix, venu des pays du sud, un fruit aux teintes dorées, symbole de soleil.

 

Et quand on y songe, quelle merveille ! Un fruit tout en rondeurs et sensualité, un fruit aux senteurs enivrantes, aux couleurs chaleureuses de l'été, au coeur même de l'hiver.

Autrefois recouverte d'un papier de soie, l'orange exhalait ses parfums, dès qu'on la découvrait...

Une merveille de la nature que nous ne voyons plus, tellement nous sommes blasés...

 

Il faut relire la somptueuse description qu'en fait Alphonse Daudet, dans Les lettres de mon moulin.

Il évoque ces fruits en faisant appel à tous les sens...

Il est vrai qu'il décrit ces oranges alors qu'elles sont encore sur les arbres...

Couleurs, senteurs, éclats des fruits, l'évocation nous fait voyager vers l'Algérie, à Blidah...

Les oranges de Blidah sont magnifiées, entourées d'une "auréole de splendeur", serties d'un feuillage "sombre, lustré, vernissé".

Elles apparaissent dans un décor de neige où "tous les fruits poudrés à frimas avaient une douceur splendide, un rayonnement discret comme de l'or voilé de claires étoffes blanches..."

Les oranges sont sublimées et deviennent des trésors, elles sont comparées à "des verres de couleurs", "des fleurs éclatantes". Une exclamation restitue l'admiration du spectateur : "c'est là qu'elles étaient belles !"

Les couleurs rayonnantes des fruits sont amplifiées par le décor blanc de neige.

Les oranges sont personnifiées, comme vêtues de "claires étoffes blanches" "de soutanes rouges sous des robes de dentelles, de dorures d'autel enveloppées de guipures."

Plus loin, l'auteur nous fait découvrir les oranges d'un jardin au nom magique et mystérieux : "Barbicaglia", un jardin en Corse près d'Ajaccio...

Le seul nom de ce lieu fait rêver ! Les sonorités redondantes de labiale "b", les échos répétés de la voyelle "a', de la voyelle "i" nous transportent dans un univers poétique.

Et la description qui suit fait intervenir différentes sensations, d'abord le sens olfactif : "les orangers en fleur et en fruit brûlaient leurs parfums d’essences."

Puis, on entend "le bruit mat d'une orange mûre, tombée tout à coup... sur la terre pleine."

La sensation visuelle contribue à la beauté du tableau :"des fruits superbes, d’un rouge pourpre à l’intérieur..."

Entre les feuilles des orangers, la mer offre aussi un arrière plan somptueux avec "des espaces bleus éblouissants comme des morceaux de verre brisés qui miroitaient dans la brume de l’air."

Ainsi, Daudet nous fait percevoir ces merveilles de la nature : les oranges, des fruits aux teintes solaires, aux parfums enivrants, aux formes sensuelles...

 

 

Le texte :

 

"Pour bien connaître les oranges, il faut les avoir vues chez elles, aux îles Baléares, en Sardaigne, en Corse, en Algérie, dans l’air bleu doré, l’atmosphère tiède de la Méditerranée. Je me rappelle un petit bois d’orangers, aux portes de Blidah ; c’est là qu’elles étaient belles ! Dans le feuillage sombre, lustré, vernissé, les fruits avaient l’éclat de verres de couleur, et doraient l’air environnant avec cette auréole de splendeur qui entoure les fleurs éclatantes. Çà et là des éclaircies laissaient voir à travers les branches les remparts de la petite ville, le minaret d’une mosquée, le dôme d’un marabout, et au-dessus l’énorme masse de l’Atlas, verte à sa base, couronnée de neige comme d’une fourrure blanche, avec des moutonnements, un flou de flocons tombés.

Une nuit, pendant que j’étais là, je ne sais par quel phénomène ignoré depuis trente ans cette zone de frimas et d’hiver se secoua sur la ville endormie, et Blidah se réveilla transformée, poudrée à blanc. Dans cet air algérien si léger, si pur, la neige semblait une poussière de nacre. Elle avait des reflets de plumes de paon blanc. Le plus beau, c’était le bois d’orangers. Les feuilles solides gardaient la neige intacte et droite comme des sorbets sur des plateaux de laque, et tous les fruits poudrés à frimas avaient une douceur splendide, un rayonnement discret comme de l’or voilé de claires étoffes blanches. Cela donnait vaguement l’impression d’une fête d’église, de soutanes rouges sous des robes de dentelles, de dorures d’autel enveloppées de guipures…

Mais mon meilleur souvenir d’oranges me vient encore de Barbicaglia, un grand jardin auprès d’Ajaccio où j’allais faire la sieste aux heures de chaleur. Ici les orangers, plus hauts, plus espacés qu’à Blidah, descendaient jusqu’à la route, dont le jardin n’était séparé que par une haie vive et un fossé. Tout de suite après, c’était la mer, l’immense mer bleue… Quelles bonnes heures j’ai passées dans ce jardin ! Au-dessus de ma tête, les orangers en fleur et en fruit brûlaient leurs parfums d’essences. De temps en temps, une orange mûre, détachée tout à coup, tombait près de moi comme alourdie de chaleur, avec un bruit mat, sans écho, sur la terre pleine. Je n’avais qu’à allonger la main. C’étaient des fruits superbes, d’un rouge pourpre à l’intérieur. Ils me paraissaient exquis, et puis l’horizon était si beau ! Entre les feuilles, la mer mettait des espaces bleus éblouissants comme des morceaux de verre brisés qui miroitaient dans la brume de l’air. Avec cela le mouvement du flot agitant l’atmosphère à de grandes distances, ce murmure cadencé qui vous berce comme dans une barque invisible, la chaleur, l’odeur des oranges… Ah ! qu’on était bien pour dormir dans le jardin de Barbicaglia !"

 

 

 

Le texte intégral :

 

https://fr.wikisource.org/wiki/Lettres_de_mon_moulin/Les_oranges

 

 

 

 

L'orange de Noël...
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5 décembre 2018 3 05 /12 /décembre /2018 13:02
Les grenouilles qui demandent un roi...

 

Il est utile de lire et relire les Fables de La Fontaine : elles sont pleines d'enseignements en ces temps où les contestations se multiplient... gilets jaunes, lycéens, routiers, paysans....

 

Fable pittoresque et vivante, ce texte intitulé Les grenouilles qui demandent un roi met en garde les peuples contre l’absence de réflexion et l’instinct grégaire, leur conseillant la prudence.

Les grenouilles capricieuses, versatiles en appellent un jour à Jupin, Jupiter pour changer de régime politique.

Tiens, Jupiter, cela vous dit quelque chose ?

 

Lasses de la démocratie, les grenouilles héritent alors d'un pouvoir monarchique, d'abord assez doux, puis tyrannique et cruel...

 

Bien sûr, la morale de cette fable est conservatrice : "il faut savoir se contenter de ce que l'on a... Ne pas aller trop loin dans les exigences..."

Bien sûr, notre régime démocratique comporte bien des défauts, qu'il convient de débusquer et de dénoncer, et nous avons encore la possibilité de le faire par des manifestations.

On a entendu un porte-parole des gilets jaunes réclamer "la démission du gouvernement" et la nomination du général de Villiers comme Premier ministre. Un militaire à la tête de l'Etat Français ??

On voit bien là se profiler un régime dictatorial...

 

Le mouvement des gilets jaunes a obtenu satisfaction sur de nombreux points.

Pour 70 % des Français, le report de la hausse du carburant justifie l'arrêt de la contestation.

D'autres revendications surgissent : celles des lycéens, des routiers, des petits paysans, elles méritent d'être entendues.

Mais, il convient de ne pas céder à la tentation du jusqu'au-boutisme  qui pourrait conduire au pire.

Il convient de savoir rester dans les limites du raisonnable...

La manifestation de samedi est maintenue à Paris : il faut craindre encore des débordements, des exactions, des saccages et des pillages.

Les casseurs, les radicaux vont s'inviter à ces débordements.

Qui paiera ? Qui souffrira encore de ces violences ? Quelles seront les victimes ?

 

J'invite tout le monde à relire et à méditer la fable : Les grenouilles qui demandent un roi...

 

 

 

Le texte :

 


 

"Les grenouilles se lassant
De l'état démocratique,
Par leurs clameurs firent tant
Que Jupin les soumit au pouvoir monarchique.
Il leur tomba du ciel un roi tout pacifique :
Ce roi fit toutefois un tel bruit en tombant,
Que la gent marécageuse,
Gent fort sotte et fort peureuse,
S'alla cacher sous les eaux,
Dans les joncs, les roseaux,
Dans les trous du marécage,
Sans oser de longtemps regarder au visage
Celui qu'elles croyaient être un géant nouveau.
Or c'était un soliveau,
De qui la gravité fit peur à la première
Qui, de le voir s'aventurant,
Osa bien quitter sa tanière.
Elle approcha, mais en tremblant ;
Une autre la suivit, une autre en fit autant :
Il en vint une fourmilière ;
Et leur troupe à la fin se rendit familière
Jusqu'à sauter sur l'épaule du roi.
Le bon sire le souffre et se tient toujours coi.
Jupin en a bientôt la cervelle rompue :
« Donnez-nous, dit ce peuple, un roi qui se remue. »
Le monarque des dieux leur envoie une grue,
Qui les croque, qui les tue,
Qui les gobe à son plaisir ;
Et grenouilles de se plaindre.
Et Jupin de leur dire :« Eh quoi ? votre désir
A ses lois croit-il nous astreindre ?
Vous avez dû premièrement
Garder votre gouvernement ;
Mais, ne l'ayant pas fait, il vous devait suffire
Que votre premier roi fut débonnaire et doux
De celui-ci contentez-vous,
De peur d'en rencontrer un pire."

Jean de La Fontaine, Fables
 

 

 

 

 

 

Les grenouilles qui demandent un roi...
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16 novembre 2018 5 16 /11 /novembre /2018 11:58
Du théâtre dans un salon... pour découvrir la poésie érotique de la Renaissance...

 

 

Du théâtre dans un salon, c'est une façon de découvrir au plus près le métier de comédien... ce soir-là, nous sommes invités dans une maison en campagne, nous sommes reçus par la maîtresse du lieu, puis nous entrons dans un salon orné d'une immense bibliothèque : la présence des livres en arrière plan du spectacle donne déjà le ton... on va parler de littérature, de livres et de poèmes oubliés...

 

"Petit traité du plaisir qui met oubli à la mort"... tel est le titre de ce spectacle...

 

Un comédien nous fait découvrir une poésie érotique pleine de gourmandise, celle des poètes du 16ème siècle : Ronsard, Marot, Jean Auvray, Olivier de Magny, Isaac Habert, et tant d'autres... de l'érotisme charmant, empreint de grâce, de délicatesse et d'une certaine audace.

Une belle invitation à l'amour et à la lecture...

 

Le comédien, Nicolas Raccah rentre en scène et présente son spectacle : L'amour en 5 chapitres... il feuillette un gros dictionnaire, un Larousse, et au fil des pages, égrène des mots... il s'arrête sur le mot "désir", nom masculin !

Et de fait, les femmes n'avaient pas accès à la parole érotique ou si peu, en cette époque où elles étaient invitées à la discrétion, à l'humilité, au silence, à l'obéissance, vertus suprêmes !

 

Par ailleurs, que de libertés dans certains poèmes du 16ème siècle, écrits par des hommes !

On songe, par exemple, à ce poème de Ronsard, dédié au sexe féminin :

"Je te salue ô vermeillette fente,
Qui vivement entre ces flancs reluis :
Je te salue ô bienheureux pertuis,
Qui rends ma vie heureusement contente.

C’est toi qui fais, que plus ne me tourmente
L’archer volant, qui causait mes ennuis.
T’ayant tenu seulement quatre nuits
Je sens sa force en moi déjà plus lente.

Ô petit trou, trou mignard, trou velu
D’un poil follet mollement crêpelu,
Qui à ton gré domptes les plus rebelles,

Tous verts galants devraient pour t’honorer
À beaux genoux te venir adorer
Tenant au poing leurs flambantes chandelles."

Voilà une parodie audacieuse et troublante du "Je te salue, Marie pleine de grâce..."

 

Les poètes de la Renaissance ont écrit, ainsi, de nombreux poèmes coquins : on les découvre au fil du spectacle... Des poèmes qui méritent d'être dits et savourés avec bonheur : ils dénotent une joie de vivre, une grande liberté...

 

Le comédien revient alors au dictionnaire, tourne à nouveau les pages, déroule des noms, des verbes, s'attarde sur un autre mot : le "baiser" : nom masculin, encore ! Eh oui, les humanistes étaient, en général, des hommes.

Et, pourtant, une femme, une seule, a osé écrire sur le baiser, elle s'appelle Louise Labé, et quel poème ! Quel éblouissement ! 

 

"Baise m’encor, rebaise-moi et baise ;
Donne m’en un de tes plus savoureux,
Donne m’en un de tes plus amoureux :
Je t’en rendrai quatre plus chauds que braise.

Las ! te plains-tu ? Çà, que ce mal j’apaise,
En t’en donnant dix autres doucereux.
Ainsi, mêlant nos baisers tant heureux,
Jouissons-nous l’un de l’autre à notre aise".

 

Le chapitre 3 permet d'évoquer le sexe masculin,"le flageolet, la birouette, l'asperge, le chinois, la chose, l'anchois, la flûte à moustache, l'aiguillon, le petit frère, le Jésus, la baïonnette, le doigt sans ongle"... tant de mots et d'expression savoureuses ! Comment ne pas être étonné par tant d'inventivité dans le langage ?

Une seule femme, Madeleine de l'Aubépine a osé évoquer le sujet, mais elle le fait dans un poème masqué, intitulé Le luth :


"Pour le plus doux ébat que je puisse choisir,

Souvent, après dîner, craignant qu'il ne m'ennuie,

Je prends le manche en main, je le tâte et manie,

Tant qu'il soit en état de me donner plaisir.

 

Sur mon lit je me jette, et, sans m'en déssaisir,

Je l'étreins de mes bras et sur moi je l'appuie,

Et, remuant bien fort, d'aise toute ravie,

Entre mille douceurs j'accomplis mon désir.

 

S'il advient, par malheur, quelquefois qu'il se lâche,

De la main je le dresse, et, derechef, je tâche

A jouir du plaisir d'un si doux mouvement..."

 

Le chapitre 4 est consacré au sexe féminin, "le hérisson, le bonbon, la tabatière, l'abricot fendu, la framboise, l'autel velu, le barbu, le bijou, le coquelicot charnu, l'oiseau lyre, l'oasis...", encore des mots pleins de saveur, de poésie, de douceur.

 

Enfin, la lecture du dictionnaire s'achève évidemment sur le mot "plaisir", encore un mot masculin, alors que les sept péchés capitaux sont de genre féminin...

 

Le spectacle était ponctué de références historiques nombreuses qui permettaient de percevoir une emprise de plus en plus grande de la censure à la fin du 16ème siècle...

Très applaudi par l'assemblée, Nicolas Raccah a fait revivre toute une époque, éprise de liberté, de bonheur...

Ce fut une belle soirée littéraire : un mélange de tendresse, d'audace, de poésie, d'humour...

 

 

 

Une émission sur France Culture :

http://compagnie-fataleaubaine.com/le-petit-traite-du-plaisir-qui-met-oubli-a-la-mort/

 

 

 

 

Du théâtre dans un salon... pour découvrir la poésie érotique de la Renaissance...
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13 octobre 2018 6 13 /10 /octobre /2018 08:18
Cette quête du bonheur qui nourrit le capitalisme...

 

 

Il est où le bonheur ? Il est où ? Nous avons tous entendu cette chanson de Christophe Maé...

Une chanson dans l'air du temps car le bonheur devient, dans nos sociétés, une quête perpétuelle, toujours inassouvie...

Une quête entretenue par les médias, la presse, différentes publications...

 

Que de livres parus sur cette quête du bonheur !

"L'apprentissage du bonheur, L'homme qui voulait être heureux, L'art du bonheur, La pratique du bonheur, Plaidoyer pour le bonheur, La formule du bonheur, Et n'oublie pas d'être heureux"... Que de titres éloquents et révélateurs !

Le bonheur devient un impératif, une nécessité, comme le suggèrent certains de ces titres qui sont comme autant d' injonctions...

 

Le bonheur devient ainsi une recherche personnelle qui sert les intérêts du capitalisme...

C'est là une source de consommation infinie... et cette quête entretient une forme d'individualisme, de repli sur soi, de consumérisme.

 

Dès lors on ne cherche plus à changer le monde, mais à se changer soi-même.

A quoi bon lutter contre les structures du capitalisme qui nous oppriment ?

A quoi bon lutter contre la pauvreté, les inégalités sociales, les injustices ?

A quoi bon lutter contre la domination de l'argent ?

 

Les gens se rassurent dans cette quête personnelle du bonheur... Puisqu'on ne peut pas changer le monde, il convient de se forger un petit cocon de bonheur...

De quoi alimenter l'individualisme, de quoi nourrir le capitalisme et toutes ses dérives...

On ne perçoit plus des difficultés des autres, on ne voit que ses propres manques, ses propres insatisfactions...

C'est l'EGO qui l'emporte au détriment de toute action pour essayer de lutter contre un monde injuste.

Et puis le bonheur se décline aussi avec le matérialisme dans lequel baignent nos sociétés. La publicité nous incite à acquérir toutes sortes de biens de consommation censés nous apporter le bonheur.

Des voitures de plus en plus grosses et clinquantes, des ordinateurs de plus en plus performants, des vêtements à la mode...

Comme le dit la chanson :

"Oh la la la vie en rose 
Le rose qu'on nous propose 
D'avoir les quantités d'choses 
Qui donnent envie d'autre chose 
Aïe, on nous fait croire 
Que le bonheur c'est d'avoir 
De l'avoir plein nos armoires..."

Mais cette quête infinie de biens de consommation ne peut nous satisfaire, car elle est sans cesse réactivée.

 

 

 

 

 

Source : Une émission sur France Culture La tyrannie du bonheur au service du capitalisme...

 

 

https://www.franceculture.fr/emissions/les-nouvelles-de-leco/les-nouvelles-de-leco-du-jeudi-11-octobre-2018

 

 

 

 

 

Cette quête du bonheur qui nourrit le capitalisme...
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12 octobre 2018 5 12 /10 /octobre /2018 11:52
Si tu m'apprivoises... tu seras pour moi unique au monde...

 

 

On connaît tous cette page célèbre du Petit prince : un renard dit bonjour au petit prince qui lui propose de jouer, mais le renard refuse car il n'est pas apprivoisé...

Face à l'incompréhension de l'enfant, le renard lui explique alors ce que signifie le verbe "apprivoiser" : 

 

"- C'est une chose trop oubliée, dit le renard. Ça signifie "créer des liens..."

- Créer des liens ?

- Bien sûr, dit le renard. Tu n'es encore pour moi qu'un petit garçon tout semblable à cent mille petits garçons. Et je n'ai pas besoin de toi. Et tu n'as pas besoin de moi non plus. Je ne suis pour toi qu'un renard semblable à cent mille renards. Mais, si tu m'apprivoises, nous aurons besoin l'un de l'autre. Tu seras pour moi unique au monde. Je serai pour toi unique au monde..."

" On ne connaît que les choses que l'on apprivoise, dit le renard. Les hommes n'ont plus le temps de rien connaître. Ils achètent des choses toutes faites chez les marchands. Mais comme il n'existe point de marchands d'amis, les hommes n'ont plus d'amis. Si tu veux un ami, apprivoise-moi !

- Que faut-il faire? dit le petit prince.

- Il faut être très patient, répondit le renard. Tu t'assoiras d'abord un peu loin de moi, comme ça, dans l'herbe. Je te regarderai du coin de l'œil et tu ne diras rien. Le langage est source de malentendus. Mais, chaque jour, tu pourras t'asseoir un peu plus près..."

 

Alors que le temps s'accélère dans une société vouée à la vitesse, nous ne savons plus "apprivoiser"...

Nous ne savons plus regarder...

Notre monde de marchandisation est bien celui de l'accélération, de la vitesse : tout s'emballe, les innovations nous submergent sans arrêt, une innovation en chasse une autre, un système informatique en remplace un autre, un smartphone succède à un autre...

 

A l'inverse, "apprivoiser" demande de l'attention et du temps, des précautions, une certaine réserve...

Désormais, on n'apprivoise plus, on conquiert, on s'impatiente, on achète, on paye....

On ne prend plus le temps de connaître, de comprendre, d'observer.

 

Apprivoiser ! Voilà un verbe quelque peu oublié ! Avec ses 4 syllabes, ses consonnes variées, il souligne bien une attention, un désir, une volonté.

La labiale peut suggérer une idée de bonheur, la gutturale "r" peut montrer une forme d'âpreté et de difficulté, la fricative "v" et la sifflante "s" donnent une impression de douceur.

Le verbe évoque une quête patiente, une approche prudente...

 

Apprivoiser, c'est s'approcher peu à peu de quelqu'un, apprendre à le connaître, à l'apprécier...

Apprivoiser, c'est retrouver le temps d'autrefois, le temps virgilien qui permet de découvrir la valeur des êtres et des choses.

 

 

 

 

 

Si tu m'apprivoises... tu seras pour moi unique au monde...
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