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18 novembre 2017 6 18 /11 /novembre /2017 14:56
Françoise Héritier ou le bonheur de la curiosité...

 

 

 

"La curiosité, toujours envie d'aller voir ce qu'il y a derrière les choses... de comprendre ce qui paraît nébuleux à première vue... Cette curiosité a été le moteur et continue à être le moteur de mon existence...", déclarait Françoise Héritier sur le plateau de l'émission La Grande Librairie, le 9 novembre 2017.

Voilà un bel éloge de la curiosité, du désir d'apprendre et de comprendre le monde.

 

Françoise Héritier fut avide de cette curiosité : historienne, géographe, ethnologue, anthropologue, spécialiste des sociétés africaines, de la question du rapport entre les sexes, militante féministe, glaneuse de sensations, elle a succédé à Claude Lévi-Strauss au Collège de France, inaugurant la chaire d étude comparée des sociétés africaines.

 

La curiosité devrait être ce moteur qui anime chacun d'entre nous.

Le mot est ancien et vient d'un terme latin "cura" qui désigne le soin, l'attention... une attention portée aux autres et aux choses.

 

C'est la curiosité qui nous fait progresser et découvrir de nouveaux horizons, c'est la curiosité qui nous invite à nous élever vers plus de savoirs et de réflexion.

La lecture nous offre la possibilité de nous intéresser à toutes sortes de sujets et dorénavant internet est aussi une fenêtre ouverte sur le monde.

 

Françoise Héritier, qui nous a quittés récemment le 15 novembre 2017, avait aussi le goût et la passion des mots. 

 

"Pour moi, il est essentiel de dire très précisément ce que l'on a l'intention d'exprimer et souvent le voile des mots ne nous permet pas de le dire (...)", affirmait encore Françoise Héritier. "La recherche du mot juste qui décrit exactement les choses est quelque chose qui me motive, je dirais presque passionnément et puis il y a, par ailleurs, la curiosité qui est portée simplement à tout ce qui se passe autour de vous." 

S'étonner des mots, analyser leurs sonorités, débusquer la langue de bois, les expressions toutes faites...

Les mots peuvent être ainsi objets de curiosité permanente...

Sonorités, étymologie, significations, musique des mots, composition, figures de style, les mots peuvent susciter tant d'intérêt !

Françoise Héritier nous invite à redécouvrir le goût des mots, l'occasion de célébrer notre langue, d'en percevoir les nuances.

L'occasion de s'attarder sur mots qui nous paraissent familiers mais dont on oublie l'importance.

Les mots qui sont un héritage du passé nous offrent tout un champ de découvertes...

Les bonheurs simples du quotidien sont aussi une occasion de saisir des moments fugitifs de grâce. C'est le thème qu'aborde Françoise Héritier dans un autre ouvrage intitulé Le sel de la vie.

 

Avec modestie, humilité, Françoise Héritier nous donne, ainsi, une des clés essentielles du bonheur : la curiosité permanente, l'éclectisme qui permet de prêter attention à toutes sortes de sujets.

 

 

 

 

 

Une émission sur France Culture :

 

https://www.franceculture.fr/personne-francoise-heritier

 

 

 

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13 octobre 2017 5 13 /10 /octobre /2017 14:03
Arrias, pour confondre tous les vaniteux...

 

 

Voilà un portrait de la Bruyère qui dénonce un caractère humain intemporel : le vaniteux, c'est un portrait en action original car l'auteur ne décrit pas l'aspect physique du personnage, il n'énumère pas non plus ses défauts, mais il nous fait percevoir ses caractéristiques morales en nous montrant sa façon d'agir : c'est ce que l'on appelle un portrait en action, technique souvent utilisée par cet auteur du 17ème siècle.

 

La Bruyère sait mettre en scène ce personnage qui nous est présenté à travers une anecdote exemplaire : au cours d'une conversation mondaine, à la table d'un homme important, Arrias trouve une occasion de briller...
Et l'occasion est particulièrement tentante : on parle "d'une cour lointaine"... il pourra, ainsi, inventer à loisir...


Puis, comme dans une pièce de théâtre, intervient un conflit qui montre que le personnage ne supporte pas la contradiction.


Certaines indications font penser à des didascalies théâtrales : "il en rit le premier jusqu'à en éclater" "avec plus de confiance..."

Arrias semble victorieux, il cite même le nom de "Sethon, ambassadeur de France", pour justifier ses propos.


La scène s'achève sur un coup de théâtre final : un renversement de situation qui ridiculise Arrias, puisqu'il se trouve devant Sethon, en personne. Le hâbleur est condamné à se taire jusqu'à la prochaine occasion où il pourra encore briller...
 

En fait ce personnage nommé "Arrias" parle plus qu'il n'agit, le champ lexical de la parole est particulièrement développé : "on parle, il prend la parole, il discourt, il récite, dit-il, je ne raconte..."

Arrias est avant tout un beau parleur.... et il représente un défaut principal : la vantardise.

Ce défaut s'incarne dans cette volonté qu'a le personnage de s'imposer à autrui par la parole.

Une succession de phrases courtes, sans mot de liaison  nous montre qu'Arrias monopolise la parole. La Bruyère sait utiliser différents types de discours pour mettre en évidence la faconde intarissable du personnage : discours indirect, indirect libre, discours direct.

Arrias apparaît aussi comme un être égocentrique, plein d'assurance, et d'autosuffisance, ce que suggèrent 6 occurrences du pronom personnel "je" : " Je n'avance, lui dit-il, je ne raconte rien que je ne sache d'original : je l'ai appris de Sethon, ambassadeur de France dans cette cour, revenu à Paris depuis quelques jours, que je connais familièrement, que j'ai fort interrogé, et qui ne m'a caché aucune circonstance. "

La répétition du mot "tout" dans la première phrase du portrait souligne son assurance : "Arrias a tout lu, a tout vu, il veut le persuader ainsi ; c'est un homme universel, et il se donne pour tel..."

De plus, ce personnage est violent, excessif, sans gêne, autoritaire : non content de monopoliser la parole et l'attention, il s'emporte facilement, si quelqu'un vient à le contredire : "Arrias ne se trouble point, prend feu au contraire contre l'interrupteur."

A la fin du portrait, le personnage, confondu par son interlocuteur, s'efface : on ne voit pas sa réaction, il devient inconsistant.

 

Les Arrias sont encore si nombreux à notre époque !

Certains se reconnaîtront-ils dans ce portrait ? La vanité dont ils font preuve risque de les aveugler encore et toujours, sans doute...

Mais ils sont nombreux les fanfarons de pacotille, les bouffons petit pied, les prétentieux beaux parleurs...

Ils sont nombreux les hâbleurs qui essaient de s'imposer par un verbe haut et des mensonges.

"L'oeuvre de La Bruyère tend un miroir à l'âme pour qu'elle s'y regarde à fond et quand nous croyons rire d'un tel, Pamphile ou Cliton, c'est déjà de nous qu'il est question..."

 

 

 

 

 

 

Le texte : 


Arrias a tout lu, a tout vu, il veut le persuader ainsi ; c'est un homme universel, et il se donne pour tel : il aime mieux mentir que de se taire ou de paraître ignorer quelque chose. On parle à la table d'un grand d'une cour du Nord : il prend la parole, et l'ôte à ceux qui allaient dire ce qu'ils en savent ; il s'oriente dans cette région lointaine comme s'il en était originaire ; il discourt des mœurs de cette cour, des femmes du pays, de ses lois et de ses coutumes ; il récite des historiettes qui y sont arrivées ; il les trouve plaisantes, et il en rit le premier jusqu'à éclater. Quelqu'un se hasarde de le contredire, et lui prouve nettement qu'il dit des choses qui ne sont pas vraies. Arrias ne se trouble point, prend feu au contraire contre l'interrupteur : « Je n'avance, lui dit-il, je ne raconte rien que je ne sache d'original : je l'ai appris de Sethon, ambassadeur de France dans cette cour, revenu à Paris depuis quelques jours, que je connais familièrement, que j'ai fort interrogé, et qui ne m'a caché aucune circonstance. » Il reprenait le fil de sa narration avec plus de confiance qu'il ne l'avait commencée, lorsque l'un des conviés lui dit : « C'est Sethon à qui vous parlez, lui-même, et qui arrive fraîchement de son ambassade. » 

 

 

 

 

 

Arrias, pour confondre tous les vaniteux...
Arrias, pour confondre tous les vaniteux...
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7 octobre 2017 6 07 /10 /octobre /2017 13:53
L'espérance d'un baiser : un témoignage poignant sur les camps de concentration...

 

 

L'émission littéraire La Grande Librairie était l'occasion, le jeudi 28 septembre, d'écouter un témoignage à la fois simple et poignant sur ce que furent les camps de concentration de l'Allemagne nazie...

 

Ce témoignage, on le doit à un des derniers survivants de ces camps, Raphaël Ezrail qui a écrit un récit bouleversant où il évoque ses souffrances.

 

Raphaël Ezrail a été arrêté à l'âge de 18 ans, en 1944 : il est, alors, déporté au camp de Drancy, puis à Auschwitz. Il était résistant et fabriquait de faux papiers pour des juifs.

A Drancy, il rencontre celle qui deviendra sa future femme : Liliane, dont il tombe amoureux au premier coup d'oeil.

 

Raphaël Ezrail raconte les convois de déportés : des enfants qui criaient, la peur, le dénuement...

Il raconte le froid, la morsure de la faim, la crasse, l'humiliation, les coups, des heures à travailler dans le froid par -15 ou -20 degrés.

Il raconte ensuite l'arrivée au camp : 1200 personnes au total sont là.

 

160 hommes rentrent dans Auschwitz, 49 femmes sont envoyées à Birkenau.

Et les autres sont immédiatement expédiés dans les chambres à gaz.

C'est, en fait, un médecin allemand qui désigne ceux qui paraissent aptes au travail. Après cette sélection, mille personnes sont aussitôt gazées .

 

Le lot des survivants, c'est le froid, c'est la faim, une faim terrible qui tenaille les entrailles, à tel point qu'on serait prêt à manger un chien qui vient de mourir.

 

Et tous ces déportés ne sont plus considérés comme des êtres humains : on les met en dehors de l'humanité.

Ils sont humiliés, battus, rabaissés, avilis, ravalés au rang de bêtes, ils ne sont plus rien.

 

Dans de telles conditions, comment survivre ? Raphaël Ezrail a réussi à tenir grâce à cette jeune fille qu'il avait rencontrée à Drançy. Il lui avait, alors, demandé un baiser que la jeune fille devait lui donner à l'arrivée du convoi.

C'est l'espoir de ce baiser qui l'a maintenu en vie.

 

Raphaël Ezrail pose, alors, cette question qui semble évidente : "Comment 20 siècles de civilisation judéo-chrétienne ont pu arriver à faire ce que ces hommes ont été capables de faire ?"

Comment une telle barbarie a-t-elle été possible ?

"Dieu n'était pas à Auschwitz", ajoute Raphaël Ezrail.

Il évoque, enfin, ce poème de Victor Hugo qu'il se récitait au cours de ces heures sombres :

"Il neigeait, il neigeait toujours ! La froide bise
Sifflait ; sur le verglas, dans des lieux inconnus,
On n'avait pas de pain et l'on allait pieds nus.
Ce n'étaient plus des cœurs vivants, des gens de guerre :
C'était un rêve errant dans la brume, un mystère,
Une procession d'ombres sous le ciel noir.
La solitude vaste, épouvantable à voir,
Partout apparaissait, muette vengeresse.
Le ciel faisait sans bruit avec la neige épaisse
Pour cette immense armée un immense linceul.
Et chacun se sentant mourir, on était seul.
- Sortira-t-on jamais de ce funeste empire ?"

 

La littérature était, ainsi, devenue un refuge pour résister aux pires horreurs, la littérature était l'ultime recours pour continuer à survivre : voilà un bel éloge de la poésie et de ses vertus salvatrices...

 

 

 

 

Le poème de Victor Hugo :

 

http://poesie.webnet.fr/lesgrandsclassiques/poemes/victor_hugo/l_expiation.html

 

 

 

 

 

 

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30 septembre 2017 6 30 /09 /septembre /2017 14:23
Un extrait de l'Odyssée : une scène familière au bord de l'eau...

 

 


On connaît certains épisodes célèbres de l'Odyssée : les sirènes, le cyclope Polyphème, la magicienne Circé, mais on connaît moins certains passages plus intimistes de cette épopée primitive...

 

Notamment cet extrait du Chant VI où l'on voit la jeune Nausicaa aller laver du linge au bord d'un fleuve... Une scène familière et si précieuse pour comprendre la vie quotidienne à l'époque d'Homère...

 

La scène se situe en Phéacie, une sorte d'utopie, un pays d'abondance où échoue Ulysse, après une tempête, déchaînée par le dieu Poseidon.

 

La jeune Nausicaa, fille du roi Alkinoos, pressée par un songe envoyé par Athéna, se rend, avec ses suivantes, au bord d'un fleuve afin de laver son linge...

 

C'est là, en jouant à la balle après le labeur qu'elle aperçoit Ulysse.

 

La description du fleuve est élogieuse grâce à l'emploi d' un équivalent de superlatif : "périkaléa, très beau..."

Un monde d'abondance est évoqué : les lavoirs sont intarissables, l'eau est abondante... et le champ lexical de l'eau est particulièrement développé : "le courant, le fleuve, les lavoirs, l'eau..."

 

Homère décrit, dans cet extrait, un univers paradisiaque, quasi-divin : la scène est pleine de gaieté et d'harmonie, Nausicaa et ses compagnes agissent ensemble, elles sont associées dans l'énoncé.

 

Homère nous fait voir, aussi, une scène de la vie quotidienne : on apprend comment on lavait le linge, à cette époque lointaine...

Au bord d'un fleuve, ce sont les femmes qui foulent le linge dans des bassins, puis elles l'étendent sur la grève.

Elles en profitent aussi pour se laver elles-mêmes et oindre leur corps d'huile...

 

On perçoit ici une scène de la vie quotidienne, une succession de gestes simples : on dételle les mules, on leur fait brouter l'herbe, on sort les vêtements, on les lave, avec empressement et ardeur à la tâche.

 

La Phéacie apparaît comme un pays civilisé, où la propreté est essentielle : celle du linge et celle des corps, un pays d'abondance, également : l'eau coule à flots, l'herbe y est "douce comme le miel".

 

Après avoir travaillé, les jeunes filles se détendent, prennent un repas, puis jouent à la balle, dans une harmonie parfaite. C'est alors que Nausicaa aperçoit Ulysse qu'elle ramène au palais de son père.

 

Ainsi, l'épopée n'est pas faite seulement d'épisodes héroïques, mettant en valeur le courage des personnages, l'épopée restitue aussi la vie ordinaire et quotidienne...

 

C'est ce qui en fait toute la valeur : on aime cette scène empreinte de simplicité et de vie.

On aime la poésie des épithètes homériques : "le fleuve au beau cours, "l'herbe douce comme le miel", "Nausicaa, aux bras blancs"...

 

Nausicaa est dans l'Odyssée une figure de la séduction  : c'est une princesse à la figure d'immortelle et Homère la compare, après cet extrait, à la déesse Artémis.

 

 

 

Le texte :

 

 Αἱ δ᾽ ὅτε δὴ ποταμοῖο ῥόον περικαλλέ᾽ ἵκοντο, 85
ἔνθ᾽ ἦ τοι πλυνοὶ ἦσαν ἐπηετανοί, πολὺ δ᾽ ὕδωρ
 καλὸν ὑπεκπρόρεεν μάλα περ ῥυπόωντα καθῆραι,
ἔνθ᾽ αἵ γ᾽ ἡμιόνους μὲν ὑπεκπροέλυσαν ἀπήνης.
Καὶ τὰς μὲν σεῦαν ποταμὸν πάρα δινήεντα
 τρώγειν ἄγρωστιν μελιηδέα· ταὶ δ᾽ ἀπ᾽ ἀπήνης 90
εἵματα χερσὶν ἕλοντο καὶ ἐσφόρεον μέλαν ὕδωρ,
στεῖβον δ᾽ ἐν βόθροισι θοῶς ἔριδα προφέρουσαι.
Αὐτὰρ ἐπεὶ πλῦνάν τε κάθηράν τε ῥύπα πάντα,
ἑξείης πέτασαν παρὰ θῖν᾽ ἁλός, ἧχι μάλιστα
 λάιγγας ποτὶ χέρσον ἀποπλύνεσκε θάλασσα. 95
Αἱ δὲ λοεσσάμεναι καὶ χρισάμεναι λίπ᾽ ἐλαίῳ
 δεῖπνον ἔπειθ᾽ εἵλοντο παρ᾽ ὄχθῃσιν ποταμοῖο,
εἵματα δ᾽ ἠελίοιο μένον τερσήμεναι αὐγῇ.
Αὐτὰρ ἐπεὶ σίτου τάρφθεν δμῳαί τε καὶ αὐτή,
σφαίρῃ ταὶ δ᾽ ἄρ᾽ ἔπαιζον, ἀπὸ κρήδεμνα βαλοῦσαι· 100


 

Traduction :

 

"On atteignit le fleuve aux belles eaux courantes, près duquel sont des lavoirs où monte en toute saison une eau claire et abondante, telle qu'il faut pour blanchir même le linge le plus souillé. Les femmes détachèrent les mules de la charrette et les poussèrent le long des rapides du fleuve pour y paître l’herbe douce comme le miel. Puis, à pleins bras, elles enlevèrent le linge de la charrette et le portèrent dans l’eau sombre des bassins, où elles le foulèrent, rivalisant entre elles d’activité. Quand elles l’eurent bien lavé et qu'il ne resta plus aucune tache, elles l’étendirent sur la grève, là où la mer forme une ligne épaisse de galets rejetés. Puis elles se baignèrent, s'oignirent d'huile brillante et prirent leur repas au bord du fleuve, tandis que les vêtements séchaient au grand soleil. Après qu'elles se furent rassasiées, elles ôtèrent leurs voiles pour jouer à la balle."

 


 


  Une conférence de Luc Ferry sur L'Odyssée :

 

https://youtu.be/RzjVWUjRYLA

 
 

 

Un extrait de l'Odyssée : une scène familière au bord de l'eau...
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27 septembre 2017 3 27 /09 /septembre /2017 12:08
C'est le moment de lire Teintes d'automne de Thoreau...

 

 

L'automne nous offre de magnifiques spectacles : des arbres empanachés de rousseurs et de lumières, des nuances chaleureuses... Le philosophe Henry D. Thoreau nous invite à observer cette nature automnale aux couleurs flamboyantes dans un de ses ouvrages intitulé Teintes d'automne.

 

Thoreau s'attache à décrire, avec une précision digne d'un peintre, les herbes, les arbres, l'érable rouge, l'orme, l'érable à sucre, le chêne écarlate...

 

Les couleurs, les métaphores, les comparaisons nous font percevoir une nature somptueuse.

Thoreau fait exploser sous nos yeux "un embrasement jaune, écarlate, cramoisi de toutes les couleurs."

Il dépeint les formes des arbres, des feuilles et, ce faisant, il nous invite à mieux contempler le spectacle de l'automne.

 

Thoreau s'émerveille, notamment, de ces juxtapositions de couleurs propres à l'automne : le vert des pins qui rehausse les teintes flamboyantes des arbres.

 

Grâce à l'automne, la nature nous entraîne dans une véritable fête des couleurs, un festival varié, changeant, au fil de la saison...

 

Les "splendeurs automnales" inspirent à Thoreau des descriptions incandescentes : on voit des "camaïeux de jaunes et de rouges", "le jaune du chrome chaud des peupliers, des airelles d'un rouge intense..." "des arbres écarlates en plein embrasement, des teintes cuivrées..."

 

On est sensible à la poésie de ces évocations : des images surgissent : " les futailles diffusent un éclat pareil à la pourpre du couchant..." Les frondaisons deviennent "des nuages jaunes et écarlates, volutes, après volutes"...

Voilà qu'un "arbre tout entier ressemble à un beau fruit mûr débordant de jus savoureux..."

 

Les descriptions de Thoreau font, ainsi, appel à tous les sens : la vue avec le chatoiement des couleurs, le toucher, le goût, l'ouie, avec le léger bruit des feuilles qui tombent, ou celles qui déjà à terre, "bruissent sous les pas"...

 

Thoreau perçoit même dans la nature automnale des leçons philosophiques : décrivant la chute des feuilles "résignées à se laisser décomposer au pied de l'arbre, afin de fournir la nourriture à de nouvelles générations de leur espèce", il affirme : "Elles nous apprennent à mourir."

 

L'ensemble de cet ouvrage très bref oscille entre science et poésie : Thoreau s'intéresse à l'ordinaire, il cherche à éduquer le regard des lecteurs.

Il parvient à poétiser ce qui nous est proche, de simples arbres, des paysages...

 

 

 

 

 

 

 

Photos : rosemar

C'est le moment de lire Teintes d'automne de Thoreau...
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9 septembre 2017 6 09 /09 /septembre /2017 09:50
Le château de Saumane et le marquis de Sade...

 

 

Le château de Saumane de Vaucluse réserve aux visiteurs bien des surprises... construit sur les hauteurs du village, ce château qui date du XIIème siècle a été maintes fois transformé : une bâtisse hétéroclite où se mêlent forteresse médiévale, bastion de style Renaissance, château remanié du XVIIème et du XVIIIème siècles.

 

Ce château est célèbre parce qu'il abrita le marquis de Sade durant son enfance : à l'intérieur du bâtiment, une exposition est dédiée à ce personnage sulfureux dont la vie tumultueuse défraya la chronique.

 

 

Dans la montée qui mène à la forteresse, chacun peut admirer d'immenses pins sur l'escarpement : ils se détachent sur un ciel d'un bleu lapis-lazuli.

Le chant des cigales, les senteurs de pins s'exacerbent dans la chaleur de cette après-midi d'été.

 

Lorsque nous entrons dans l'enceinte,  nous sommes immédiatement impressionnés par l'épaisseur des murs. Les fenêtres laissent entrevoir un paysage verdoyant d'arbres : pins, cyprès, cèdres.

 

Rigueur architecturale et raffinement libertin se côtoient dans cet édifice somptueux.

 

A l'intérieur, nous découvrons une cheminée artistiquement agrémentée de feuillages en reliefs, une chapelle richement décorée, des fresques : une fête galante représentant deux jeunes filles à la fontaine, une scène pastorale encadrée de gypseries aux motifs de roses, ou encore des nobles visitant un monument antique, d'autres scènes champêtres, des plafonds somptueusement décorés...

 

Un escalier voûté en caissons déroule des marches usées par le temps : nous sommes, alors, subjugués par l'architecture ordonnée et rigoureuse de la voûte...

La chambre du marquis de Sade, ornée de fresques aux teintes de rouilles sur des panneaux encadrés d'or, révèle luxe et élégance.

 

Une exposition nous fait, aussi, découvrir la vie et l'oeuvre du célèbre Marquis...

Donatien Alphonse François, marquis de Sade appartient à une vieille famille aristocratique provençale : il passe donc une partie de son enfance en Provence.

 

De quatre à dix ans, son éducation est confiée à son oncle, l’abbé Jacques-François de Sade, qui l’héberge dans ce château de Saumane, près de L'Isle-sur-la-Sorgue.

 

Adulte, il se livre au libertinage des gens de sa caste qui se croient au dessus des lois.

 Le 17 mai 1763, il épouse Renée Pélagie de Montreuil, de noblesse récente, mais fortunée. Il ne s' assagit pas pour autant et fait, dans la même année, son premier séjour en prison pour « débauches outrées ». En 1768, il est à nouveau incarcéré six mois pour avoir enlevé et torturé une passante. Il donne fêtes et bals dans son domaine provençal de La Coste, voyage en Italie, notamment avec sa belle-sœur, dont il s'est épris.

 

L'exposition évoque, notamment, le séjour que les deux amants firent à Venise.

En Juillet 1772, le marquis et sa maîtresse quittent la Provence, traversent les Alpes, se rendent à Venise, capitale de la peinture et de l'opéra.

La vie vénitienne est décrite grâce à des tableaux, des gravures : le carnaval, les gondoles, les courtisanes...

 

On peut, à loisir, admirer des reproductions de toiles de Pietro Longhi, Le Ridotto, de Canaletto, de Michele Marieschi, de Francesco Guardi : des vues du grand canal, des îles...

 

Chacun de ces tableaux est illustré par un extrait représentatif de l'oeuvre de Sade.

 

On découvre aussi l'arbre généalogique de la famille de Sade qui remonte au Moyen âge : on est étonné de voir que figure dans ce lignage Laure de Noves, jeune Avignonnaise dont s'est épris le poète italien Pétrarque et qu'il célèbre maintes fois dans ses poèmes.

L'abbé Jacques François de Sade s'était passionné pour cette aïeule prestigieuse : il avait réuni de nombreux documents qui prouvent ce lien familial et avait même composé des Mémoires pour la vie de François Pétrarque.

Cet abbé semble lui-même avoir mené une vie très libre : c'est ce qu'on appelait, à l'époque, un libertin éclairé et cultivé.

 

La biographie du marquis de Sade est longuement évoquée sur des panneaux illustrés, le libertinage sadien nous est présenté... le marquis se nourrit de philosophie matérialiste : "il n'existe, selon lui, que la nature qui n'est dirigée par aucune entité métaphysique. Nous sommes entraînés par une force irrésistible, sans jamais pouvoir choisir les goûts que la nature a mis en nous. Ainsi, la nature aime le crime et nous pousse à assouvir nos désirs."

 

On le voit : il s'agit de cautionner et de justifier la vie débridée, faite de débauches, à laquelle s'est livré le marquis.

 

Les libertins peuvent, alors, expérimenter toutes les perversions, toutes les cruautés et commettre tous les crimes.

Des illustrations de ces tortures et de ces perversions sont visibles dans une petite salle réservée à un "public averti", annonce une pancarte.

 

Philosophe subversif de la liberté, débauché, libertin, le marquis de Sade continue à nous intriguer et à susciter fascination et interrogations.

Un personnage qui ne se soumet pas, un délinquant sexuel, un être épris de liberté, un poète : qui était vraiment le marquis de Sade ?

 

Le marquis garde une part de mystères, et dans tous les cas, le château de Saumane mérite qu'on s'y arrête et qu'on visite ce lieu riche d'histoires...

 

 

 

Pour mieux découvrir le marquis de Sade... une émission sur France Inter :

 

https://www.franceinter.fr/emissions/l-heure-des-reveurs/l-heure-des-reveurs-11-octobre-2013

 

 

Photos : rosemar

Le château de Saumane et le marquis de Sade...
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28 août 2017 1 28 /08 /août /2017 13:12
Nous sommes les descendants d'Homère...

 


 

On ne sait rien ou presque rien de ce poète qui a composé des milliers de vers, deux épopées qui nous sont parvenues par delà les siècles : l'Iliade et l'Odyssée...

 

On ne sait rien de celui qui nous a légué des poèmes d'une grande humanité, des histoires d'amour, de guerre et de paix : Homère.

 

A-t-il même existé ou bien ces épopées sont-elles l'oeuvre de plusieurs auteurs ? L'énigme reste entière.

 

Depuis 30 siècles, les textes d'Homère restent dans l'Histoire, ils sont gravés dans notre mémoire. Et pourtant cet auteur n'a jamais écrit une ligne... Il chantait. Il jouait. Il récitait, il déclamait ses poèmes au son d'un instrument de musique.

Et c'est postérieurement que ses oeuvres ont été fixées par écrit.

 

On connaît tous l'histoire de ce héros, Ulysse qui, après la guerre de Troie, erre pendant dix longues années sur la mer, affronte de multiples épreuves, avant de rejoindre sa patrie, l'île d' Ithaque.

On garde en mémoire certains épisodes célèbres : les sirènes, le Cyclope, Charybde et Scylla, les Lotophages, Circé la magicienne, la nymphe Calypso...

 

C'est Homère qui nous a transmis un art de raconter, avec une certaine rationalité, tout en imaginant des aventures extraordinaires.

C'est Homère qui invente la poésie... C'est Homère qui nous rend perceptible tout ce qui tend à nous échapper : il nous fait voir toute la beauté du monde...

 

"L'aurore aux doigts de rose, la mer vineuse, les rênes luisantes, Nausicaa aux bras blancs, la brumeuse mer... l'Aurore en robe de safran s'épand sur toute la terre, quand voici Zeus tonnant qui assemble les dieux sur le plus haut sommet de l'Olympe aux cimes sans nombre..." C'est ainsi qu'Homère nous rend sensible la beauté des êtres et des choses...

 

Le monde est plus riche de sens qu'il ne nous paraît : grâce à Homère, le monde se révèle plus grand, plus beau, plus intéressant que nous ne le supposions, car Homère transfigure le monde...

Homère est un de ces artistes qui nous délivrent d'une forme d'infirmité et d'étroitesse d'esprit.

 

Homère nous a transmis un héritage qui a inspiré de nombreux écrivains. Des tragiques, de nombreux auteurs ont repris les personnages, les thèmes traités dans l'Iliade et l'Odyssée...

 

Comment oublier aussi, les leçons d'humanité et d'humanisme que nous donne Homère ? L'hospitalité est une valeur cardinale dans les poèmes homériques : chacun se doit d'accueillir les inconnus, les étrangers. Le devoir d'hospitalité n'est-il pas omniprésent dans l'Odyssée ? Ainsi, Ulysse, après avoir été malmené par une tempête, est reçu avec tous les honneurs chez les Phéaciens...

Et les Grecs perpétuent encore de nos jours cette tradition ancestrale.

 

Les héros d'Homère ne sont-ils pas, aussi, des figures à valeur de symbole ? Ils représentent nos faiblesses, nos potentialités, nos peurs.

 

Homère a traversé les siècles car son message est essentiel : c'est l'amour, l'amour des siens et l'amour des autres, le respect que l'on doit à tout être humain... ce sont là les racines de notre civilisation.

 

L'oeuvre d'Homère reste, ainsi, une référence majeure.

Poésie, art du récit, leçons de vie, les textes d'Homère sont fondateurs et restent encore d'une brûlante actualité...

 

 

Source : une émission diffusée sur France Culture :

 

 

https://www.franceculture.fr/emissions/grande-traversee-celui-que-lon-appelle-homere

 

 

 

 

 

 

 

Nous sommes les descendants d'Homère...
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19 août 2017 6 19 /08 /août /2017 09:52
N'y a-t-il pas des nymphes glacées dans l'eau des sources ?

 

 


"N' y a-t-il pas des nymphes glacées dans l'eau des sources ? -il en avait, un jour, touché une des lèvres, à même l'eau verte"...

 

Dans cet extrait de son roman intitulé Naissance de l'Odyssée, Giono donne vie aux éléments naturels qui semblent habités de divinités : l'eau des sources peuplée de nymphes, les arbres dans lesquels se cachent des dryades et des hamadryades...

 

 

Giono restitue, ainsi, des croyances antiques : une nature où tout est sensible, une nature qui révèle l'essence du divin... Belle conception animiste du monde !

 

 

Le mot "nymphe", très ancien vient du grec : "νύμφη, númphê", "jeune mariée,  promise, jeune fille..."

Ce nom désigne, d'abord, la "jeune mariée, la fiancée qui porte le voile"et pourrait être apparenté au verbe latin "nubere, prendre le voile pour se marier", et être un dérivé du mot "nubes, le nuage"...

 

La nymphe est, aussi, une divinité secondaire qui hante les bois, les forêts, les fleuves, les sources, les montagnes.

 

 

Le mot rayonne grâce à une voyelle nasalisée, une douce fricative "ph" emplie de charme et de délicatesse. La graphie de ce nom avec le "i" grec, l'ancienne consonne aspirée "ph" lui confèrent un certain mystère et une solennité majestueuse...

 

Les nymphes sont multiples, et leurs noms pleins de poésie : Oréades, Méliades, Naïades, Néréïdes, Alcéides, dryades....

 

On les entend, au détour d'un chemin, quand les arbres bruissent ou quand ruisselle une source, au coeur de l'été...

 

Les nymphes sont partout, dans la fleur qui rayonne, sous l'écorce des arbres, dans la mer où elles ondoient, dans l'eau des fleuves et des rivières...

Les nymphes sont l'âme de la nature, elles nous montrent que tout est vivant, que les arbres, l'eau, les fleuves méritent notre respect...

 

Ces divinités féminines symbolisent à la fois la fragilité et la beauté de la nature environnante.

 

Elles sont partout, tout autour de nous, il suffit d'observer les arbres, les fleurs, le ciel, les nuages pour percevoir toutes les harmonies qui les habitent.

 

Nymphéas, fleurs d'eau, divinités des étangs et de marais ! Elles éclairent les eaux sombres de leurs éclats lumineux !

 

Dryades, hamadryades, elles se cachent dans les replis des arbres !

Nymphes des arbres, cigales aux chants éblouissants, elles font vibrer les pins, les cyprès, les cèdres de leurs paroles douces comme le miel...

 

Les nymphes sont les âmes du monde, elles nous parlent, nous chuchotent l'harmonie et la beauté du monde.


 

 

 

 

 

 

 

Photos : Pixabay

N'y a-t-il pas des nymphes glacées dans l'eau des sources ?
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6 juillet 2017 4 06 /07 /juillet /2017 10:38
Réhabiliter l'exercice de la dictée...

 

 

 

L'orthographe n'est plus à la mode et l'exercice de la dictée s'est éloigné des exigences que l'on attendait autrefois des élèves : des dictées préparées, des dictées à trous leur sont proposées.

 

Pour le brevet des collèges, la dictée est notée sur 5 points alors que l'analyse d'un texte et la rédaction sont évaluées sur 40 points : on perçoit, ainsi, le peu de valeur accordée à l'orthographe.

 

Dès lors, il n'est pas étonnant que des élèves arrivent en seconde, avec de grosses lacunes et comme l'orthographe n'est plus enseignée en lycée, il est difficile pour eux de rattraper leur retard.

 

Il serait temps de réhabiliter, enfin, cet exercice : la dictée, il serait temps de rétablir un véritable apprentissage de la grammaire et de l'orthographe qui vont de pair.

 

Il est essentiel d'apprendre et de maîtriser les conjugaisons, de connaître les modes, les temps, les voix, il est essentiel de comprendre le fonctionnement de sa langue.

 

La dictée est, ainsi, un exercice très formateur : elle permet de découvrir des extraits choisis des grands auteurs, elle est l'occasion de se concentrer sur des textes courts, de relire attentivement ce que l'on a écrit.

 

Et on sait que la concentration a tendance à se perdre dans notre monde où défilent toutes sortes d'images.

L'orthographe est aussi un retour aux sources, à l'étymologie des mots, à leur origine : ainsi, le mot "théâtre" issu du grec vient d'un verbe ancien : "théaomai" qui signifie "regarder, voir".

Le théâtre se définit, ainsi, avant tout, comme un art du spectacle.

Le mot "temps" vient du latin "tempus", et ce n'est pas par hasard s'il s'écrit avec un "s" final...

Le nom "orthographe" a lui-même une origine grecque bien connue.

 

De plus en plus d'étudiants arrivent en faculté et ne maîtrisent ni la grammaire, ni l'orthographe : ils rencontrent, alors, d'énormes difficultés dans leurs études.

 

Bien sûr, il serait, sans doute, utile de simplifier certaines règles d'accord du participe passé, jugées trop complexes mais il faut conserver l'âme de notre langue, ses origines, sa structure.

 

Il est, donc, essentiel de réhabiliter les leçons d'orthographe qui favorisent la mémorisation trop souvent négligée dans notre enseignement.

Il est essentiel de comprendre le fonctionnement de la langue que l'on parle...

 

Non, l'orthographe n'est pas la science des ânes, comme on le dit souvent : elle est nécessaire à une bonne compréhension, elle aiguise la curiosité, elle entraîne la mémoire.

 

Voici à titre d'exemple la dictée proposée cette année pour le Brevet des collèges, un texte de Giono extrait de son oeuvre Les Vraies Richesses... l'occasion de découvrir une belle description nocturne de la ville de Paris :

 

 

"De temps en temps, je m’arrête, je tourne la tête et je regarde vers le bas de la rue où Paris s’entasse: des foyers éclatants et des taches de ténèbres piquetées de points d’or. Des flammes blanches ou rouges flambent d’en bas comme d’une vallée nocturne où s’est arrêtée la caravane des nomades. 

Et le bruit: bruit de fleuve ou de foule. Mais les flammes sont fausses et froides comme celles de l’enfer. En bas, dans un de ces parages sombres est ma rue du Dragon, mon hôtel du Dragon. Quel ordre sournois, le soir déjà lointain de ma première arrivée, m’a fait mystérieusement choisir cette rue, cet hôtel au nom dévorant et enflammé ? 

Il me serait facile, d’ici, d’imaginer le monstre aux écailles de feu."

Jean Giono, Les Vraies Richesses, 1936

 

On le perçoit : ce seul extrait peut donner l'envie de lire l'oeuvre de Giono... 
 

 

 

 

 

Réhabiliter l'exercice de la dictée...
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10 juin 2017 6 10 /06 /juin /2017 14:42
Le lierre s'enroule et déroule ses feuilles vernissées...

 

 


 "Il a compris la race antique aux yeux pensifs
 Qui foule le sol dur de la terre bretonne,
 La lande rase, rose et grise et monotone
 Où croulent les manoirs sous le lierre et les ifs.


 Des hauts talus plantés de hêtres convulsifs,
 Il a vu, par les soirs tempétueux d'automne,
 Sombrer le soleil rouge en la mer qui moutonne ;
 Sa lèvre s'est salée à l'embrun des récifs."

 

 

Tel est l'hommage que rend le poète José Maria de Heredia au peintre français Emmanuel Lansyer, paysagiste qui a représenté la Bretagne dans de nombreux tableaux...

Heredia évoque magnifiquement ces paysages bretons fixés par le peintre : la lande, l'Océan, les vieux manoirs recouverts de lierre.

Le lierre semble conférer à ces manoirs encore plus de mystère...

 

Le lierre qui s'enroule et déroule ses feuilles vernissées sur les murs, les arbres, le sol : beau tapis de vert, le lierre qui orne et embellit les jardins de ses feuilles aux formes épanouies...

 

Le lierre côtoie la mousse, escalade les arbres, recouvre la terre, le lierre s'accroche partout, se répand, s'épanche dans un envahissement étourdissant...

 

Ce mot "lierre", avec ses deux voyelles imbriquées "i" et "é", sa double consonne gutturale "r" semble mimer la plante qui s'imprègne sur toutes les surfaces, sur la roche, les pierres, les branches...

 

Belles feuilles alvéolées, abondantes, prolifiques, le lierre nous offre des bouquets de verdure.

 

Ce mot venu du latin "hedera" est issu d'un verbe "prehendo", saisir, prendre...

Le lierre fut d’abord appelé "èdre", puis "l’ierre", et la fusion avec l’article défini a donné la forme définitive du mot...
  

Le lierre s'empare de tous les territoires, il chemine, se disperse, s'éparpille partout, il prend possession de tous les lieux, même les plus improbables.

 

Symbole de fidélité, d'attachement, le lierre aux feuilles éternellement vertes forme des tableaux étonnants, ruisselle sur les murs, les façades, les cyprès, les cèdres...

 

Associé au dieu du vin Bacchus, souvent représenté avec une couronne de lierre, cette plante représente aussi la prolifération, la gaieté, l'enthousiasme.

 

Le lierre protège une faune abondante qui se cache sous son feuillage, tout un monde d'insectes qui vit à l'abri de ces feuilles persistantes...

Le lierre recèle une vitalité mystérieuse, des myriades d'insectes qui peuplent ces sous-bois...

 

"Hedera", feuille de lierre ! Le mot est féminin, en latin, comme la plupart des noms d'arbres et de plantes...

"Hedera", peuplée de nymphes prolifiques, "hedera" souple et ondoyante !

 

Les feuilles de lierre couronnent aussi les poètes, et sont une façon de les honorer.

Ce mot fait surgir des images de luxuriance, d'harmonie et d'abondance !

 

 

 

 

Le poème de José Maria de HEREDIA  :

 

http://poesie.webnet.fr/lesgrandsclassiques/poemes/jose_maria_de_heredia/un_peintre.html

 

 

 

Le lierre s'enroule et déroule ses feuilles vernissées...
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