Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
10 mai 2024 5 10 /05 /mai /2024 12:00
Quand passent les cigognes...

 

Invitée par l'association Cartes blanches, la comédienne Macha Méril a participé à une rencontre autour du film soviétique Quand passent les cigognes...

Elle présente ainsi le film :

"Je ne m'imaginais pas à quel point ce film serait d'actualité, et à quel point je suis contente de vous voir si nombreux pour le voir : non seulement, c'est un chef-d'oeuvre, mais c'est aussi un film très important, parce que c'est un film qui a été tourné en 1958, du temps de Khrouchtchev, au moment où la Russie s'est un peu desserrée, l'étau s'est un peu desserré et ça a donné quelques films extraordinaires dont celui-là... qui par la suite a gagné la Palme d'or à Cannes, parce qu'il a été repéré par Claude Lelouch qui était à Moscou, à ce moment-là, il faisait des reportages, il est allé sur le tournage de Kalatozov, il a trouvé ce tournage formidable, il est rentré à Paris, a parlé au directeur du Festival de Cannes, en lui disant : "Il faut absolument l'inviter."

Le cinéma est une matière vivante, ça bouge, on n'a pas tout le temps les mêmes réactions vis à vis d'un film. François Truffaut disait : "Il faut aller revoir les films." Il faut les voir et les revoir, parce que, nous, on change, le monde change, donc les films, on les voit différemment, et quelquefois, tout d'un coup, on découvre leur grandeur, on découvre même quelquefois leur actualité... c'est le cas de ce film.

Depuis quelque temps, on montre beaucoup moins les films russes : c'est très regrettable... avant, il y avait à Paris deux salles, l'Arlequin et le Cosmos où l'on pouvait voir tous les grands films russes... maintenant, étrangement, parce qu'il n'y a pas de vedettes connues, parce qu'il y a une inflation de films du monde entier, on voit beaucoup moins de films russes, alors qu'il y a des films remarquables.

Nous, avec notre association, nous montrons des films que même les Russes quelquefois ne voient pas parce que les cinéastes sont dans une telle situation en ce moment qu'il faut absolument qu'on montre leurs films et on me dit : "Quoi ! Le cinéma russe en ce moment !" ben oui, justement ! parce que les intellectuels et les artistes ont la double peine : la difficulté de faire leurs films en Russie, et en plus, la difficulté de ne pas pouvoir les montrer...

Notre festival s'appelle Pour une autre Russie, parce qu'il existe une autre Russie...

Ce film est tellement maîtrisé, tellement vrai et pourtant, d'une sophistication extrême : en 1958, il n'y avait pas les techniques d'aujourd'hui, et les plans qu'a réalisés ce cinéaste ! C'est un film très construit. Ils ont une école de cinéma extraordinaire en Russie ! Une école qui a formé les plus grands cinéastes.

Cela me fait aussi penser au cinéma japonais, à ce cinéma dont chaque image est un petit chef d'oeuvre, un tableau.

Ce film a été tourné au moment où la Russie s'ouvrait un tout petit peu, c'était après la mort de Staline et Khrouchtchev avait dévoilé les crimes de Staline, la société russe se desserrait un peu, ça a duré quand même quelques années, ça a procuré un cinéma formidable, des cinéastes ont éclairé cette période.

Il n'empêche que le film finit quand même dans une belle parabole soviétique : malgré son chagrin, l'héroïne se réjouit qu'ils aient gagné la grande guerre.

J'affectionne particulièrement le noir et blanc parce que je pense que le noir et blanc est une esthétique. C'est Orson Wells qui avait dit quand on lui a demandé de tourner en couleurs : "En couleurs, les gens ont l'air de jambons."

Quand j'ai tourné Belle de Jour avec Bunuel, c'était donc un film en noir et blanc, et huit jours avant le tournage, les producteurs lui ont dit : "On peut pas faire le film en noir et blanc parce que commercialement, on ne pourra pas."

Et Bunuel qui était un fin stratège et qui savait que pour l'exploitation, ça diminuait les possibilités, il a dit : "D'accord, mais il n'y aura pas de couleurs", et si vous regardez bien Belle de Jour, tout est en gris, beige, marron, etc. on a dû refaire toute la garde-robe de Catherine.

Le noir et blanc a une force particulière parce que cela nous rappelle des photos, de notre famille, de notre jeunesse, je suis sûre que chacun de vous a le souvenir d'une photo en noir et blanc qui reste dans le coeur et dans la mémoire.

Vous comprenez que ce thème de la grande guerre patriotique a occupé les écrans en Russie, très très longtemps. C'est un des thèmes que continue à brandir Poutine, comme si c'était vraiment le mérite gigantesque de la Russie, effectivement d'avoir vaincu les Allemands, sauf que ce qu'on oublie de dire, c'est que Staline a vraiment sacrifié son armée, il y a eu 20 millions de morts inutiles parce qu'on envoyait tous ces jeunes au front, exactement comme ça se passe maintenant en Ukraine avec Poutine... Et même quand par hasard, ils refusaient d'aller au front, il y avait le NKVD qui est l'ancêtre du KGB et du FSB d'aujourd'hui qui fusillait ceux qui refusaient d'aller au front, parce qu'ils n'étaient pas armés, ils savaient qu'ils allaient à la mort. Donc, il y a eu cette cruauté incroyable, inutile, ils auraient probablement gagné même sans cette cruauté.

C'est une guerre qui a vraiment marqué : toutes les familles russes ont eu un ou deux ou plusieurs morts de cette grande guerre patriotique.

Et le talent de Staline a été de retourner ça en fait de gloire et de grande fierté.

Pourquoi j'ai choisi ce film ? Je pense que vous ne l'auriez pas vu sans moi, peut-être, parce que non seulement c'est du grand cinéma et parce que je pense que le cinéma va au delà de nos propres désirs, c'est à dire qu'il y a une intimité avec un gros plan au cinéma qui est plus forte que l'intimité que vous avez avec les gens avec qui vous vivez... parce que cela vous va directement dans le coeur.

Et il y a dans ce film en particulier un soin, alors c'est une grande école d'acteurs, qui est d'être absolument vrai. Nous, l'école européenne, c'est le "mentir vrai", c'est à dire mentir à un point tel que ça a l'air vrai... pas là, là ils étaient dans une recherche d'authenticité. Dans le jeu de tous les personnages, il y a une authenticité qui est tout à fait unique.

Et puis, ça a l'air très simple, l'histoire d'une fille qui se fait embobiner par son cousin, mais en réalité le film est d'une très grande sophistication, et même dans le montage, la façon dont c'est raconté, qui était d'avant garde. On n'a pas le sentiment que c'est un film vieillot. A cause de cette formidable caméra, de ce mouvement perpétuel, on n'a pas le temps de s'ennuyer.

Je suis une fervente de la musique au cinéma, et je pense que la musique et le cinéma sont les deux arts qui sont le plus proches, parce que ce sont des durées.

Il y a en plus une sorte de description des sentiments humains qui, à mes yeux, est extrêmement originale, parce que les personnages ne sont jamais ni bons ni mauvais, ils ont tous des aspirations à la vie, à la beauté, et en même temps, ils sont un peu faibles et crapules, donc je trouve que c'est un portrait de l'humanité très réussi.

Ce que je trouve très réussi dans la photo de ce film, c'est qu'il y a beaucoup de clair-obscur, on voit bien qu'il n'y avait pas beaucoup d'éclairage, et on a exploité cette atmosphère.

Dans la société russe, un artiste, une grande chanteuse, une grande actrice sont considérés comme des dieux vivants, il y a une sorte de vénération de l'art et je vais vous expliquer l'origine de cela : c'est ma version, je descends d'une très grande famille qui remonte au IXème siècle... mon ancêtre, Vladimir le Rouge, un des premiers tsars de Russie... les premiers tsars étaient des princes suédois qui étaient descendus de la Volga, ils étaient beaucoup plus civilisés que toutes les peuplades qui peuplaient la plaine de Kiev, les Rus étaient païens, nomades, et les Suédois ont voulu les sédentariser, et alors cet ancêtre a voulu trouver une religion pour fédérer toutes ces peuplades, alors il a fait son marché... déjà l'Islam, ce n'était pas possible, ils ne boivent pas, les catholiques, déjà ils se haïssaient, pas question et il y avait une religion qui était pratiquée par les Khazars, qui en fait sont les ancêtres des ashkénazes, des gens qui avaient adopté la religion hébraïque sans être sémites, là dessus, il fait un grand voyage à Constantinople, et on lui met dans les pattes une belle Théodora, on l'emmène dans les églises : c'étaient les ors, l'encens, les chants, il a trouvé tout ça formidable... il a donc adopté l'orthodoxie.

Et qu'est-ce qu'il a ramené à Kiev ? C'est le théâtre, l'art, l'expression et je crois que c'est une clef pour comprendre le peuple russe, c'est que l'art est pour eux presque religieux, et la religion elle-même est un spectacle... je ne sais pas si vous avez entrevu les obsèques de Navalny : c'est quelque chose de bouleversant, c'est un peu archaïque avec le cercueil ouvert, c'est comme ça dans la tradition orthodoxe... ils ont une capacité de rejoindre l'absolu, l'éternel et donc, ils ont cultivé les arts.

 

Ce film, je l'ai vu un peu autrement, à cause de tout ce qui se passe en ce moment, évidemment et j'ai été tout à fait bouleversé par le courage des gens qui sont allés à cet enterrement parce que, jamais, même sous Brejnev, même sous Staline, la Russie n'a été aussi bouclée, aussi enfermée, aussi terrorisée... donc, l'espoir que j'ai, c'est que le mythe que va devenir Navalny, ce grand sacrifice qu'il a fait de sa personne, de sa vie, c'est "no return", je pense que c'est vraiment quelque chose qui va transformer la société russe... ça prendra peut-être du temps, mais vous savez, les dictateurs, cela ne dure jamais et on a des exemples de retournements colossaux, on a la fin du nazisme... tout le peuple allemand avait hurlé avec Hitler, et puis, tout d'un coup, en l'espace de quelques mois, ils ont rejeté le nazisme... la même chose pour Pinochet, en 3 semaines, il n'y avait plus de suiveurs... je ne sais pas ce qui va lui arriver à Poutine, mais cela peut tomber tout seul. Et je pense que cette page de Navalny, c'est un grand événement... je pense que c'est une page déterminante dans l'histoire de la Russie

 

Imaginez vous qu'un jour j'ai croisé Navalny : un jour, j'étais au festival de Moscou, c'était en 2019, je sors d'un musée et je vois un bel homme avec un jeune garçon. Je dis à ma guide : "Mais, c'est Navalny ?" Elle me dit :"Oui" et elle se carapate, elle s'en va. Moi, je voulais le voir, je lui dis : "Vous êtes Alexeï Navalny ?"

Il me dit : "Oui" et alors, il était très étonné que je le reconnaisse... "Alors, en France on me connaît ?" "Bien sûr qu'on vous connaît." On a eu le temps de bavarder un petit peu, il allait au musée avec son jeune garçon.

Je lui ai posé cette question : "Mais vous n'avez pas peur ?" Il m'a dit : "Je n'ai pas le droit d'avoir peur." Et je lui ai demandé s'il pouvait être entendu par les Russes. Il m'a répondu : "Oui, parce que je ne suis pas un extrémiste, je ne suis pas radical, je parle aux Russes, comme ils sont maintenant."

 

En Russie, la répression est très forte... Poutine dit qu'il va combattre le nazisme, mais le nazisme, c'est lui. Dès l'enfance, les enfants apprennent à devenir des soldats, à combattre. Donc, le chemin est long mais j'ai confiance. Je pense que le peuple russe est un peuple inventif, créatif et le fait qu'ils aiment les arts, c'est une arme."

 

 

Pour mémoire :

 

"Quand passent les cigognes est une histoire d’amour sur fond de Deuxième Guerre mondiale, une diatribe sur la guerre, un mélodrame psychologique sur les choix d’une femme et les conséquences de sa décision. Le film a souvent été qualifié de mètre étalon, de référence par les historiens du cinéma. Des qualificatifs qui peuvent parfois rebuter un spectateur qui s’attend dès lors à un cinéma inaccessible. On est loin du compte. Plus qu’un exercice de style, c’est une splendide histoire d’amour que nous offre Kalatozov.

Le film a surpris la critique internationale par sa rupture avec le cinéma de propagande que la Russie avait coutume de proposer."

 

« Cartes blanches » est une association que l’on doit à deux passionnés, Jean-Noël Grando historien du cinéma et Rodolphe Faure de Radio France, qui a pour objectif d’organiser des soirées de cinéma avec des personnalités. Une association basée dans le département du Gard. Un concept simple, une personnalité, un film, une soirée de partage. L’invité de la soirée choisit un film qui a marqué sa vie, vient en parler et échanger à ce sujet avec le public. Un film culte, de référence ou un vrai coup de cœur mais qui ne fasse pas partie de sa propre filmographie. 

 

 

 

 

Partager cet article
Repost0
8 mars 2024 5 08 /03 /mars /2024 12:45
Itinéraire d'un enfant des Trente Glorieuses...

 

Le célèbre paléoanthropologue Pascal Picq est venu présenter son livre : Itinéraire d'un enfant des Trente Glorieuses, lors du Festival de la Biographie.

Il est né en 1954, il fait donc partie de la génération des babyboomers. Et c'est la première fois qu'il publie une autobiographie.

"La génération des babyboomers a-t-elle vécu une parenthèse enchantée de l'histoire récente de l'humanité ?
Le célèbre paléoanthropologue, qui est l'un d'entre eux, entreprend ici de raconter l'histoire de l'évolution à l'échelle de leur vie. C'est un recul historique très court pour un préhistorien, prévient l'auteur, mais il est éloquent tant a été spectaculaire le progrès de nos connaissances de la lignée humaine et des sciences de l'évolution en général. Ainsi, jamais l'humanité n'a connu de tels changements, qui ont trait à la fois aux vies des personnes et aux sociétés, à l'environnement, au climat et à la Terre."

 

"J'ai eu l'idée de revenir à ce que j'ai connu dans mon enfance, explique Pascal Picq : mes parents étaient maraîchers à Gennevilliers, qu'on appelle la Petite Couronne. La banlieue n'existait pas, vous aviez Paris, les faubourgs et ensuite tout autour, c'était la ceinture verte.

Mes parents étaient des provinciaux (on a oublié cela : toutes les migrations internes qu'il y avait en France, en Europe, alors bien sûr, on a eu les Italiens, les Espagnols, mais avant ça ou même en même temps, on a oublié comment les gens du Limousin- c'est ma famille- du Cantal, du Morvan ont quitté leur région, comment il y a eu tous ces mouvements de populations, parce qu'il fallait quitter la misère de la campagne, c'était compliqué, c'était dur.) Donc, tous ces gens convergeaient plus ou moins sur Paris.

Moi, je suis né dans ce grand terrain maraîcher, l'école était juste à côté, et, petit à petit, on voyait arriver des immeubles par ci par là jusqu'au jour où nous avons été expropriés, chassés parce qu'il fallait construire l'habitat.

Ce que je rappelle au début du livre, c'est que je suis né une semaine avant l'appel de l'abbé Pierre, en janvier 54 et ce fut l'hiver le plus froid du 20ème siècle.

Mes parents me disaient (parce qu'à l'époque il n'y avait pas de supermarché, c'étaient les petites épiceries du coin) d'aller chercher du lait dans la casserole, et le lait gelait...

Ma mère vendait ses radis aux Halles de Paris... depuis ces années-là, l'évolution a été considérable, comme elle n'avait jamais été auparavant.

Vous vous rendez compte : mes parents -ils travaillaient dur bien sûr- mais ils gagnaient bien leur vie en vendant des radis, des salades, des blettes, des poireaux... maman avait son permis de conduire, pour une femme des années 50, ce n'était pas quand même la généralité et en plus de ça, elle avait son permis poids lourd et c'est elle qui allait aux Halles, dès fois, elle nous emmenait, parfois moi, parfois ma soeur. Et moi, j'ai connu les anciennes Halles de Paris : vous aviez les carabins, les étudiants en médecine, vous aviez les bourgeois qui venaient s'encanailler, vous aviez les artistes, vous aviez les paysans, tout ce monde là se retrouvait à 5 heures du matin, on mangeait la soupe à l'oignon et, pour les plus costauds, une bonne entrecôte, et sur la table à côté, vous pouviez voir les grands artistes, comme Lino Ventura, c'est un monde complètement dingue, quand on y pense...

Petite anecdote : je me retrouve aux Halles, il n'y a pas très longtemps, dans un restaurant du Châtelet, avec mes enfants et ma petite fille qui se prénomme Julia, elle est d'origine à moitié brésilienne, dans le restaurant, il y avait des livres qui étaient là, avec un livre sur les Halles de Paris. Je prends le livre et je dis : "peut-être que je vais voir maman..." c'est bête, mais... alors tout est gris, à l'époque. Paris est gris, la banlieue est grise, tout le monde est habillé en gris... Ma petite fille s'écrie : "Papy, c'est tout gris !" et je dis : "Oui, pour toi qui est brésilienne, évidemment c'est un peu surprenant."

"Mais pourquoi tu regardes ça ?" interroge la fillette. Et je lui réponds :"Peut-être qu'on va voir mamie Ginette..." 

"Moi, j'étais très ému... alors évidemment, on ne la voit pas du tout, mais il y a une autre histoire pour moi qui a été très émotionnelle :

Il y a une vingtaine d'années maintenant, je présidais les bars des Sciences de Paris, c'était dans un café à côté des Halles, qui s'appelle Le Père Tranquille, et cela se passe à l'étage, et j'étais près de la verrière de l'étage, j'étais là en train de regarder un coin de trottoir... c'était là que maman "plaçait", comme on disait et pendant la nuit on vendait les récoltes... alors évidemment, je pars dans mes souvenirs et puis il y a un ami qui me dit : "Pascal, Pascal, on t'attend !", parce que j'étais plus là, quoi.

Il me dit :"Qu'est-ce qui t'arrive?" et je réponds : "Je peux pas te raconter."

Vous vous rendez compte : c'est l'histoire de ma génération, ce petit garçon qui était là en culottes courtes, à 8-9 ans dans le frimas de la nuit, qui vendait des radis auprès de sa maman et qui était fasciné de voir cette espèce de ballet incroyable de la société parisienne, et qui, quand même, 40 ans plus tard était président du bar des Sciences...

Alors, ce n'est pas ma réussite, c'est comment en fait -on a oublié aujourd'hui- comment les réformes de l'Education Nationale à la fin des années 50 et 60, le collège unique qui était tant décrié, l'accès aux études supérieures, ont permis cette réussite (les enfants des classes populaires n'accédaient pas au lycée, à l'époque)...

Il y a eu une ouverture incroyable, notamment pour les femmes, déjà avec les lois Neuwirth, De Gaulle était plus moderne qu'on ne le pense, à bien des égards, ensuite c'est mai 68, c'est l'accès aux études supérieures.

Alors, les gens me disent : "Vous les babyboomers, vous avez tout eu !" Alors je leur dis :"Attendez ! L'ascenseur, il fallait le choper ! Il nous attendait pas, il n'y avait pas un liftier qui disait : "On vous attend."

Donc, ça fait des tas de bouleversements, moi, j'ai fait mon service militaire évidemment, vous savez, on dit ça aujourd'hui, mais en 74, l'Amérique venait de connaître une défaite au Vietnam et l'Union Soviétique était une menace encore incroyable et qui ressurgit d'un seul coup."

Le journaliste qui interroge Pascal Picq intervient alors et commente son livre : "C'est en fait un ouvrage de sociologie, vous racontez dans le détail : la première douche, l'album Tintin que l'on attend avec précipitation, le dessin animé... évidemment, il n'y a pas de téléphone, encore moins de téléphone portable. C'est un portrait de notre société qui est revigorant."

Pascal Picq évoque ensuite le destin de sa mère : "Maman était "placée", comme on disait, on naissait dans une ferme, et après, on était placé dès l'âge légal, à la sortie de l'école, vous alliez gagner votre croûte, et elle s'est retrouvée comme "la bonniche" chez les Picq, c'est là qu'elle a rencontré mon père, et maman a accepté d'épouser mon père (ce n'était pas vraiment un mariage d'amour) à une condition, lui dit-elle : "si nous avons des enfants, qu'ils fassent des études." ça, elle l'a jamais lâché là dessus."

Le journaliste rappelle aussi cette anecdote : "Et quand vous passez en sixième, vous êtes fier, heureux comme tout, en disant : "Papa ! j'ai mon passage en sixième !" Mais lui, ça le laisse de marbre et après c'est pareil."

"Je n'ai jamais eu un seul compliment de mon père, même le jour de la soutenance de ma thèse, il se permet aussi de me dénigrer, je ne veux pas trop en parler de ce personnage.", rétorque Pascal Picq.

"Vous rendez hommage aux femmes dans cet ouvrage." intervient alors le journaliste. "Votre mère devient veuve et elle dit : "Enfin ! Je suis libre..."

"A 80 ans, vous vous rendez compte !" réplique Pascal Picq, "et il est vrai que j'ai dédicacé ce livre à ma mère, elle nous a quittés il y a deux mois, et c'est une combattante de la vie qui nous quitte, et les femmes sont des combattantes de la vie."

 

A travers cette anecdote, on perçoit la dépendance des femmes, leur soumission à leur mari, à cette époque où a vécu la mère de Pascal Picq. Heureusement, la condition des femmes s'est améliorée dans notre pays, même s'il reste encore des progrès à accomplir.

Avec ce témoignage de Pascal Picq, on voit aussi que l'école était encore un ascenseur social, dans les années 50-60, ce qui hélas n'est plus vraiment le cas à notre époque car le niveau d'exigence s'est considérablement réduit : programmes rabotés, suppression du redoublement, réformes improvisées, absurdes, etc.

 

 

Partager cet article
Repost0
6 mars 2024 3 06 /03 /mars /2024 10:48
Vol des données de 33 millions de Français !

 

"État civil, assureur santé, numéro de sécurité sociale… Les données numériques de 33 millions de Français ont fuité. 

C'est par un mail de sa mutuelle qu'un retraité a appris la nouvelle : "Nous vous écrivons pour vous informer d'un incident de sécurité..." Ses données personnelles ont été volées...

"Est-ce que c'est pour obtenir une rançon, est-ce que c'est pour les vendre sur le dark web ? Je ne sais pas." dit Philippe Baccon, victime d'un vol de ses données.

Comme lui, 33 millions de personnes, soit un Français sur deux a été victime de la plus grosse fuite de données numériques.

S'agit-il de données sensibles ? Les informations piratées : l'état civil des particuliers, nom, date de naissance, le nom de leur assureur santé, les garanties du contrat souscrit, mais aussi le numéro de sécurité sociale...

Des informations volées à deux sociétés : Almérys et Viamedis, elles servent d'intermédiaires entre les professionnels de santé et de nombreuses mutuelles.

Les risques sont-ils importants ? Avec des informations aussi précises en leur possession, les pirates peuvent perfectionner des tentatives d'arnaques par mail.

C'est le cauchemar que subit un Breton depuis trois ans.

"Bonjour, nous vous informons que l'agence nationale du traitement informatisé et des infractions constate un paiement en retard pour une amende de 35 euros."

Il reçoit ainsi des mails frauduleux presque tous les jours. Ses données volées lors du piratage d'un laboratoire médical sont sans cesse revendues sur le dark web.

 

"Dès qu'on rentre dans l'ordinateur, on se pose des questions : qu'est-ce qui va m'arriver aujourd'hui ? C'est même pire qu'un cambriolage... un cambriolage, ça se fait une fois... là les données sont partout."

Alors, comment se protéger ?

Les assurés concernés doivent changer au plus vite leur mot de passe. Pas de nom ou de date de naissance. Mieux vaut contrôler régulièrement ses comptes bancaires.

Il faut être particulièrement vigilant concernant les mails reçus.

"Ce qu'il faut absolument éviter de faire, quand on est sollicité par e-mail, c'est de donner des informations personnelles sensibles, par exemple, son adresse, son numéro de téléphone ou de donner des informations liées à sa santé, des informations bancaires. Ce qui doit alerter, c'est un critère d'urgence : les cybercriminels essaient toujours de nous faire cliquer, parce qu'il faut faire quelque chose très rapidement et cela doit éveiller l'alerte." dit un expert en cybersécurité.

Devant l'ampleur du piratage, la CNIL a annoncé qu'elle mènerait des investigations pour comprendre comment une telle fuite a pu se produire..."

Il serait temps ! Nos sociétés sont fragilisées par ces piratages incontrôlables... piratages contre les hôpitaux, les entreprises, les particuliers...

J'ai moi-même été récemment victime d'un piratage informatique : j'ai reçu un faux message d'alerte de Windows qui bloquait mon ordinateur, me demandant d'appeler d'urgence un numéro de téléphone, on me réclamait alors de l'argent pour résoudre le problème, ce que j'ai immédiatement refusé...

Désormais, tout est informatisé : dans les entreprises, dans les maisons, dans les administrations, les banques, dans les hôpitaux, les communications, l'énergie, l'ordinateur est un outil précieux dont on ne peut plus se passer.

Nos sociétés de technologie avancée deviennent, ainsi, de plus en plus vulnérables.

La révolution numérique est en marche et elle crée de nouveaux problèmes auxquels nous ne sommes pas bien préparés.

 

Source :

https://www.francetvinfo.fr/replay-jt/france-2/20-heures/vol-de-donnees-de-33-millions-de-francais-quels-sont-les-risques_6353836.html

 

 

Vol des données de 33 millions de Français !
Partager cet article
Repost0
26 février 2024 1 26 /02 /février /2024 13:32
Une journaliste face à la guerre...

 

Quel courage !

Elle s'appelle Patricia Allémonière, elle est reporter de guerre, elle est venue présenter un de ses ouvrages, intitulé Au coeur du chaos,  lors du Festival de la Biographie. Grand reporter au service international de TF1  pendant trente ans, Patricia Allémonière a couvert les guerres contemporaines les plus meurtrières. 

Elle raconte alors son parcours :

"J'ai commencé comme pigiste dans de petites rédactions, puis très vite j'ai eu beaucoup de chance, je suis rentrée à TF1 et là, d'abord, j'ai fait des petits boulots, mon premier reportage, c'était l'histoire de la pomme Golden... donc très loin du grand reportage...

Et puis après, je suis arrivée dans un service économique, parce que j'avais fait sciences Po, section Eco, on m'a casée là en tant que pigiste, et très vite ils ont vu que France 2 employait des filles grands reporters, ils se sont dit : ce n'est pas possible, à TF1, il nous faut aussi des filles. Donc, ils ont lancé un appel d'offres, et je suis rentrée comme ça à TF1.

Et très vite, je suis partie sur les terrains de guerre... premier terrain de guerre : Le Mozambique, une guerre civile qui a fait un million de morts, dont personne n'a jamais parlé, dont tout le monde s'est moqué.

Deuxième terrain de guerre : le Tchad, l'armée française, l'armée libyenne, et très vite, j'ai été confrontée aux premières horreurs, il n'y avait pas d'école pour nous former à ça... et puis j'ai continué jusqu'à ce que j'aie un enfant.

Aujourd'hui, il y a plus de femmes grands reporters ; en fait, on les remarque davantage que les hommes. Au moment de la guerre du Golfe, il y a eu beaucoup plus de femmes, ils se sont aperçus que l'audience était beaucoup plus forte quand il y avait des femmes, donc c'était intéressant d'employer des femmes. D'autant qu'on savait parler de la guerre, comme les hommes, et on savait être courageuse, comme les hommes.

Et à un moment, il y avait plus de femmes effectivement que d'hommes, ils se sont dit : "Non, ce n'est pas possible." Ils ont rééquilibré et aujourd'hui, à TF1, il y a plus d'hommes que de femmes mais pas à LCI.

Je n'ai pas souffert du fait d'être une femme, je n'ai pas fait partie des femmes qui ont eu à subir un ostracisme masculin... mais il a fallu se battre, et à partir du moment où on se bat, on ne sent pas forcément l'ostracisme... simplement, il fallait toujours être disponible et comme on voulait vraiment se faire reconnaître, on était toujours disponible.

Disponibilité, qualité du travail : c'est tout ce qui compte.

Quand j'ai eu un enfant, j'avais déjà été en poste à Jérusalem comme correspondante permanente, et là j'étais à Londres, et voilà qu'avec mon enfant nous voulions rentrer avec le père de l'enfant qui est Britannique, diplomate, lui rentrait à l'ambassade de Grande-Bretagne à Paris, et moi à Paris avec un bébé.

Une femme, avec un bébé, là ce n'était pas possible... alors, je ne dis pas du tout que c'était de l'ostracisme, c'est qu'ils étaient inquiets. Je leur ai dit : "En quoi la mort d'une maman est plus grave que la mort d'un papa ? Un papa, cela compte autant qu'une maman..."

Donc, ils n'étaient pas très contents, on ne m'a pas mis de bureau pendant trois mois, on m'envoyait pour la quatrième ou la cinquième relève... à la cinquième relève, tous les reportages ont été faits, donc il n'y avait plus grand chose à faire...

Pendant la guerre civile d'Algérie, personne ne voulait y aller, alors, je me suis portée volontaire... on ma dit : "Mais dis donc, ta fille, elle a quel âge ?" (Elle avait alors un an et demi)...Une guerre à connotation de massacres et on ne savait pas qui tue qui... c'étaient ou les djihadistes ou l'armée, les militaires. Donc, comme moi je ne savais pas dire, j'avais décidé de parler d'actes terroristes mais pas de terroristes, les dits terroristes, je les appelais "groupes armés", ne sachant pas qui tuait...

On a l'air de dire aujourd'hui : "C'est terrible, il n'y a jamais eu autant de conflits", mais en fait, il y a toujours eu autant de conflits. Ce qui est étonnant, c'est que tous les conflits dont je parle dans mon livre perdurent, ils sont devenus des conflits de basse intensité : Irak, Syrie, Iran, Afrique, Kosovo. Tout est là.

Mais, aujourd'hui, ce qui est très intéressant, ce qui nous passionne nous, ce sont les gros conflits où le bon et le méchant s'affrontent. Vous voyez qui je veux dire ? Les Américains et les Russes, les bons et les méchants... il faut des conflits où il y a les bons et les méchants et où l'un des grands protagonistes est impliqué... les petits conflits, on s'en moque, on s'en fout, on s'en tape... ils peuvent crever, ce n'est pas notre problème. Je dis ça vulgairement...

La guerre terrible du Yémen n'intéresse que depuis qu'ils bombardent la Mer Rouge... une guerre qui dure depuis 1994 ! Les Iraniens s'intéressent au Yémen depuis 2003-2004. Les Américains, eux, avaient sous-traité le conflit aux Saoudiens. : "Vous gérez le conflit avec les Houthis, nous, on s'en n'occupe pas, ce n'est pas intéressant."

Et pourquoi ce n'est pas intéressant ? Parce que ni les Russes, ni les Chinois n'étaient dans le coin. Ce qu'ils avaient oublié, c'est que l'Iran, lui, était dans le coin, ils commençaient à fournir des armes. Comme les Houthis avaient une position très anti-américaine et très anti-israélienne, ils sont rentrés dans le conflit... comme il était question d'Israël, les Américains sont intervenus et maintenant tout le monde s'intéresse aux Houthis, alors qu'avant, personne ne s'y intéressait et pourtant il y a eu une sale guerre, avec de nombreux morts, et de nombreux enfants sont morts de faim."

Patricia Allémonière évoque ensuite ses relations avec sa fille, alors qu'elle était reporter de guerre...

Puis, elle aborde la façon de traiter les informations dans les rédactions :

"Il y a des fake news, et des images détournées : on a appris à déchiffrer ces images... il y a aussi les deepfakes où on fait dire à n'importe qui des choses qu'il n'a jamais dites..."

Le journaliste qui interroge Patricia Allémonière lui pose alors cette question : "Est-ce que le manichéisme, les gentils d'un côté, les méchants de l'autre, ça ne s'est pas un peu aggravé avec le temps ?" 

Réponse : "Alors, aujourd'hui, on ne s'intéresse qu'aux gros conflits qui opposent dans la tête de la plupart des gens le bon et le méchant. Et chacun souvent se retrouve plus du côté de l'un ou du côté de l'autre... parce que le bon et le méchant ne sont pas les mêmes pour tout le monde...

Par exemple, prenons le conflit israélo-palestinien, si vous êtes hors de l'occident, le bon, ce n'est pas l'Amérique, ce n'est pas nous, nous, nous sommes presque des terroristes... Les perceptions varient complètement, en fonction de l'endroit où on est.

Mais il est vrai qu'en ce moment, notre monde a tendance à une simplification, on simplifie tout.

Et pourquoi ces conflits bons et méchants qui vont dans notre simplification quotidienne ? Parce que c'est simple à comprendre, donc facile, on ne va pas se casser la tête pour comprendre la complexité, il faut aller vite et comme ces bons et ces méchants, c'est ce qui nous plaît, les médias ne traitent que les bons et les méchants, c'est à dire qu'on va traiter les gros conflits, parce que ces conflits attirent de l'audience, donc entraînent une rentabilité... parce que, sans argent, on ne fait pas de couverture... c'est vous qui sanctionnez les médias, les journaux et internet. Si vous ne regardez pas, ils vont se dire : "Pourquoi ils ne regardent pas ?"

Par exemple, le Pape ne fait pas d'audience, alors que Poutine, lui, il cartonne ! Donc on va beaucoup plus traiter ce genre de sujet. Parce que les chaînes ont besoin d'argent, internet a besoin d'argent, les petites chaînes sur internet ont besoin de pubs..."

Patricia Allémonière évoque ensuite les risques de son métier : elle a été blessée le 7 septembre 2011 alors qu'elle suivait une opération de l'armée française dans la vallée d'Alasay, en Afghanistan. Malgré ses blessures, rester sur le terrain s'est imposé comme une évidence afin de poursuivre son travail.

'L'information des grandes chaînes comme TF1 et France 2, ce sont des chaînes qui doivent avoir le maximum d'audiences... qui dit maximum d'audiences dit ne pas cliver, donc en faire le minimum sur les sujets qui clivent, pas de position vous apporte le maximum d'audiences...

Sur les autres chaînes (et cela nous vient des Etats-Unis), il y a un public à prendre du côté de ceux qui aiment le buzz et les chaînes d'opinion, ils adorent le buzz, il y a une audience, un marché à capter.

BFM qui voulait faire du factuel baisse, LCI a fait un tournant éditorial avec l'Ukraine : ils ont traité l'Ukraine comme une série, c'est à dire : attendez, vous allez voir ce qui se passe ! L'information est traitée comme une série : on vous accroche et on vous dit : "Tout à l'heure, on va vous parler de Poutine ou de Wagner..." Donc, comme dans un bon film policier, vous voulez voir la suite... Ils traitent beaucoup plus l'Ukraine que le conflit israélo-palestinien... pourquoi ? Parce que ce conflit israélo-palestinien clive...

Il faut savoir que ce qui s'est passé là à Gaza se passe encore aujourd'hui tous les jours en Afrique et bien pire : femmes éventrées, etc."

Enfin, une spectatrice pose une question à la journaliste : "Est-ce que vous êtes prête à repartir en reportage ?"

Et Patricia Allémonière de répondre : "Je repars bientôt en Afrique, au Sahel..."  Le journaliste qui l'interroge ironise alors : "C'est bien, parce que les Français sont très bien vus, en ce moment... vous serez bien accueillie."

On ne peut qu'admirer le courage de ces femmes reporters de guerre, confrontées à des massacres, à l'horreur absolue...

 

 

 

 

 

Partager cet article
Repost0
26 janvier 2024 5 26 /01 /janvier /2024 12:32
Les nuits de la lecture : rencontre avec Jean-Philippe de Tonnac...

Jean-Philippe de Tonnac est un homme de livres, il a vécu dans les livres, pour les livres, avec les livres... essayiste, éditeur, journaliste, romancier, il aime les livres...

"Nous sommes tous des amoureux des livres, même quand nous ne le savons pas..." dit-il.

"Le livre est rentré dans ma vie, à l'adolescence, en catimini... ce fut comme une lumière, la puissance du livre est si grande !

Des auteurs qui avaient vécu à Saint Petersbourg pouvaient m'être si proches, partager mes douleurs, mes désirs, mes souffrances... dès lors, on a envie d'appartenir à cette famille, de se mettre au service du livre.

Et j'ai passé ma vie au service des livres : d'abord éditeur chez José Corti, perçu par le monde éditorial comme le "nec plus ultra", avec cette devise : "Rien de commun".

J'ai commencé par vendre les livres de José Corti, j'ai travaillé ensuite chez Grasset, puis au Livre de Poche... et enfin, j'ai publié mes propres livres, 35 livres au total."

 

Jean-Philippe de Tonnac évoque alors deux de ses ouvrages : N'espérez pas vous débarrasser des livres, écrit avec Umberto Eco et Jean-Claude Carrière, et Un été chez Umberto Eco.

Dans ce livre, il raconte la bibliophilie de Umberto Eco :

"A Milan, où habitait Eco, j'ai visité sa bibliothèque : Umberto Eco m'a conduit dans un couloir au bout duquel se trouvait une pièce fermée à clé comme un coffre-fort."

Umberto Eco lui a dit alors : "vous allez être déçu !" Là se trouvaient les incunables de sa collection, 1200 incunables ! Le berceau de la littérature !"

Un incunable est un ouvrage imprimé antérieur à 1500, tiré à peu d'exemplaires.

"Et Umberto Eco sort les quatre pièces les plus remarquables de sa collection, notamment Le Songe de Poliphile, un livre qui a plus de 5 siècles, en très bon état..."

Et Jean-Philippe de Tonnac se pose cette question : "Comment peut-on passer sa vie à collectionner des objets qui n'intéressent personne ? En fait, il faut connaître l'histoire de ce livre pour l'apprécier.

 

Jean-Philippe de Tonnac ne se dit pas passionné par l'objet en lui-même : seul le contenu importe, à la différence d'Umberto Eco, pour qui le livre était aussi une oeuvre d'art.

Ainsi, pour Jean-Philippe de Tonnac, le livre de poche est une invention extraordinaire : on peut en faire un cahier, l'annoter...

Jean-Philippe de Tonnac dit aussi qu'il ne pratique pas la lecture sur tablette : difficile d'annoter une tablette.

 

"Dans une bibliothèque, il y a des livres que nous n'avons pas lus et que nous lisons un jour, des livres qu'on a mal lus et qu'il faut relire, des livres dont nous parlons et que nous n'avons pas lus, des livres si familiers que nous avons l'impression de les connaître...

 

Umberto Eco a connu des difficultés en France pour faire publier son roman Le nom de la rose. Le Seuil refuse d'abord la publication : Les rapports de lecture du Nom de la rose étaient négatifs, et ce même aux éditions du Seuil où était déjà publié Umberto Eco. "On n'y comprend rien", "Ce n'est pas un romancier", "C'est intraduisible" lisait-on alors !

Incroyable quand on connaît l'immense succès qu'a remporté ce roman par la suite !"

 

Jean-Philippe de Tonnac anime aussi des séances de "parcoeur"... le principe : réunir des gens qui ont appris des textes par coeur pour les réciter devant les autres...

Apprendre, réciter, découvrir des textes nouveaux : une belle expérience !

Une façon aussi de revenir aux origines de la littérature, à l'oralité, comme au temps des aèdes qui récitaient des textes par coeur, à l'époque homérique...

Une façon aussi de cultiver sa mémoire en un temps où elle n'est plus guère sollicitée...

 

 

 

Partager cet article
Repost0
3 juillet 2023 1 03 /07 /juillet /2023 12:04
"L'école ! s'il vous plaît, ne touchez pas à l'école !"

 

Des exactions dans de nombreuses villes de France, après la mort d'un jeune de 17 ans tué par la police : des incendies, des pillages de magasins, des voitures et des bâtiments brûlés... des scènes de guérillas dans des centres villes notamment à Marseille.

La révolte est prétexte à des pillages, des vols : des jeunes après avoir brisé les vitres de magasins se servent et emportent toutes sortes de marchandises : bijoux, vêtements, matériel informatique, et même des armes...

Des exactions inadmissibles, du vandalisme qui peut toucher les gens les plus modestes.

 

"Une femme à Villeurbanne a tenté d'interpeller un groupe de jeunes qui s'apprêtaient à s'attaquer à une école.

Avec ces mots résonnant comme un cri d'émotion, de désespoir et de lucidité : "Pas l'école, s'il vous plaît, ne touchez pas à l'école !"

Villeurbanne, jeudi soir, à 22 heures 45, des feux se multiplient depuis le début de soirée quand une bande d'une vingtaine d'individus décident de s'attaquer à une école maternelle.   

Une femme seule intervient : "L'école ! s'il vous plaît ! pas l'école ! Ne touchez pas à l'école",  hurle-t-elle dans la nuit.       

Un courage qui impressionne et qui a permis de limiter les dégâts, même si le lendemain l'établissement a dû rester fermé, le temps des relevés de police scientifique, sous le regard de parents et enseignants choqués.

"ça fait très mal au coeur, c'est l'incompréhension..." dit une mère d'élève.

"On a l'impression qu'on a touché à un sanctuaire, une école, ça devrait rester neutre", déclare la directrice de l'établissement.

 

Un sentiment partagé par celle qui est intervenue lors de cette soirée, une habitante assez connue dans le quartier. Elle a accepté de raconter aux journalistes ce qui s'est passé.

"Je vois qu'avec des coups de pieds, ils forcent la porte de l'école et là mon sang n'a fait qu'un tour, voilà, pour moi, on n'attaque pas une école. Voilà, j'ai foncé, j'ai essayé de les raisonner, je les ai suppliés de ne pas toucher à l'école... ils ne m'ont pas écoutée, ils sont entrés, ils ont dévalisé, ils ont pris tout ce qu'ils trouvaient sous leurs mains, écrans, ordinateurs..."

 

Rapidement, le ton monte encore d'un cran : "J'ai continué de les supplier, il y a un jeune qui a dirigé un mortier vers moi, et je n'y croyais pas... je ne pensais pas qu'il passerait à l'acte. Et au moment où je sentais que ça allait partir, un jeune à côté de lui a donné un coup vers le haut dans le mortier, le mortier est parti en l'air. Et il lui a dit : "Non, tu ne la touches pas." 

"J'ai senti que les jeunes étaient interloqués de me voir intervenir, ils ne s'y attendaient pas. Je n'arrive pas à comprendre toute cette haine que j'ai ressentie. Je sais que ça existe, mais je ne l'avais jamais vécue comme ça. Ils transpiraient de haine.

Pour moi, attaquer une école c'est un crime."

 

Déterminée, cette habitante de Villeurbanne, finalement rejointe par d'autres adultes, a sauvé l'école.

Les policiers très sollicités ne sont arrivés que dix à quinze minutes plus tard."

 

Des forces de l'ordre dépassées par les saccages qui se sont multipliés un peu partout en France : faute d'effectifs, de moyens... 

Trop de laxisme aussi dans de nombreux domaines : écoles, banlieues, trafics de drogue qui se répandent...

 

 

Source :

 

https://www.francetvinfo.fr/faits-divers/adolescent-tue-par-un-policier-a-nanterre/violences-apres-la-mort-de-nahel-une-habitante-sauve-une-ecole-a-villeurbanne_5922770.html

 

 

 

"L'école ! s'il vous plaît, ne touchez pas à l'école !"
Partager cet article
Repost0
7 juin 2023 3 07 /06 /juin /2023 09:40
Une nouvelle addiction : le smartphone...

 

On voit de plus en plus de jeunes marcher dans les rues, la tête penchée sur leur smartphone, absorbés par les messages, les images qu'ils reçoivent... comme un doudou dont ils ne peuvent se séparer, un retour à l'enfance, en quelque sorte...

87% des Français ont désormais un smartphone, c'est énorme !

"Avec des addictions plus ou moins affirmées. La fonction téléphone ne serait-elle pas finalement suffisante ? Certains ont fait le choix de revenir en arrière en ressortant leur bon vieux téléphone portable.

Réussir à décrocher de son cher smartphone et le troquer contre un modèle basique qui comme dans les années 2000 ne sert qu'à téléphoner, ce n'est pas si simple pour les accros que nous sommes devenus...

"J'ai tout dedans, j'ai mes cours, mes notes..." témoigne une jeune femme.

"Mon grand-père, il avait ça..." dit un jeune garçon.

"Je ne suis pas prêt à sauter le pas", dit un jeune homme.

Un changement radical qui n'a pas effrayé un journaliste... Ultra connecté, il a voulu se sevrer des réseaux et faire un geste pour la planète. Il y a cinq mois, il a abandonné son smartphone pour un "dumbphone" comprenez : un téléphone stupide, en anglais, un modèle basique.

"C'était devenu très clairement une drogue, témoigne Jacques Tibéri, comme la cigarette, j'étais accro aux réseaux sociaux et notamment aux petits shots de dopamine qu'on a quand on voit qu'on a fait des "likes", quand on voit qu'on a fait de nouveaux abonnés. C'était un trouble obsessionnel compulsif.

C'est un peu une torture de consulter mon téléphone, maintenant : il est lent."

Décrocher du smartphone, c'est repenser son quotidien... Désormais, quand ce journaliste part dans Paris, c'est l'aventure...

"J'ai mon agenda avec mon rendez-vous, le numéro de téléphone, un petit carnet pour prendre des notes, j'ai le plan de Paris au cas où je sois paumé, j'ai toutes les coordonnées comme un vrai touriste. Tout ça remplace le téléphone portable..."

Plus de GPS sur son mobile, plus de musique ou de paiement. Il s'est remis à lire dans les transports et savoure désormais cette nouvelle vie déconnectée.

"Je me sens un peu plus libre que ceux qui sont autour de moi. Pratiquement 99%  des gens utilisent le trajet en métro pour regarder leur téléphone..."

Sur les réseaux aussi, des youtubeurs se lancent le défi de tester ces vieux téléphones durant quelques semaines.

Avec plus ou moins de bonheur...

"Communiquer avec ce téléphone, c'est une horreur, c'est un vrai cauchemar.", témoigne un youtubeur.

Une détox qui ne fait pas perdre forcément toutes les mauvaises habitudes...

"Ce n'est jamais une protection totale, parce que vous pouvez vous-même être tellement habitué à avoir un rythme d'alerte et de réactivité permanente que, de fait, même avec des SMS, même avec des appels ou même en envoyant des photos, vous pouvez vous retrouver à recréer le même climat que vous essayez de fuir sur un smartphone.", commente un sociologue.

Depuis qu'il a abandonné son smartphone, Jacques Tibéri dit subir moins de stress, avoir gagné une heure de sommeil supplémentaire.

Un phénomène qui reste marginal, cependant..."

 

Sources :

https://www.francetvinfo.fr/sante/drogue-addictions/addiction-decrocher-du-smartphone-pour-retourner-aux-anciens-telephones_5823428.html

 

https://www.lepoint.fr/societe/144-e-mails-recus-par-jour-les-courriels-source-de-stress-numerique-15-05-2023-2520117_23.php

 

Une nouvelle addiction : le smartphone...
Partager cet article
Repost0
28 avril 2023 5 28 /04 /avril /2023 11:50
Les Bienheureux de Julien Dufresne...

 

Un livre à la croisée du roman, du récit et du témoignage... pendant 3 ans, l'auteur Julien Dufresne a suivi le quotidien de familles qui ont un enfant atteint d'une maladie rare : le syndrome Williams.

Julien Dufresne a présenté son livre Les Bienheureux lors du Festival de la Biographie à Nîmes...

 

"C'est une maladie orpheline qui se caractérise par des déficiences cardiaques, intellectuelles mais qui présente aussi des caractéristiques merveilleuses, assez magiques, c'est pour ça que j'ai voulu écrire un livre sur le sujet...

 

Ce sont des enfants qui ont un gène qu'on n' a pas de l'hyper sociabilité, ils sont doués d' une musicalité extraordinaire, ils ont tous quasiment l'oreille absolue, capables de retenir des chiffres et des partitions pendant des années entières, alors qu'ils ont 40 à 90 de QI maximum.

Et ils auraient aussi inspiré la légende des elfes et des lutins dans les contes de fée.

 

Ces enfants ne souffrent pas de leur handicap, ils sont heureux tout le temps. Ils sont traversés d'une lumière, d'une gaieté, d'une joie, pour autant, ils se rendent compte de leurs différences, après la petite enfance, avec le regard des autres, à l'école primaire et au collège.

A ce moment là, ils entendent le terme "handicapé" et ils se rendent compte qu'ils ne sont pas exactement à l'image de ceux qui les entourent.

 

Les éducations diffèrent en fonction des modèles familiaux et des talents de ces enfants parce qu'ils ne sont pas tous atteints au même degré par cette maladie.

Assez peu de personnes atteintes par ce syndrome sont autonomes.

 

C'est une naissance sur 7000, ils sont 300 000 dans le monde. En France, c'est environ 3 à 5000 personnes.

Cette maladie a été découverte dans les années 60, c'est une maladie assez récente. L'espérance de vie est de 30, 40 ou 50 ans.

 

Les enfants Williams sont des enfants de petite taille, sveltes, avec des problèmes d'élasticité de la peau, donc des visages un peu déformés : ils ressemblent à des elfes et des lutins. Des chercheurs ont étudié l'appétence de ces enfants pour la musique, pour les travaux manuels, pour la nature, pour les animaux, et c'est aussi le cas des elfes et des lutins.

 

Au quotidien pour les familles, c'est un parcours du combattant, parcours médical, paramédical. Certains voient une quinzaine de spécialistes par trimestre, c'est un parcours très lourd.

 

Mais, la moindre petite victoire, le moindre accomplissement viennent effacer ces difficultés."

 

La sociabilité, l'empathie, des qualités essentielles qui se perdent et dont on ferait bien de s'inspirer !

Julien Dufresne écrit beaucoup sur la différence, il a voulu écrire un livre joyeux, drôle sur le sujet.

 

 

 

 

 

Partager cet article
Repost0
27 février 2023 1 27 /02 /février /2023 12:43
Enseignement : un métier à hauts risques...

Mercredi 22 février, une enseignante de 52 ans a été mortellement poignardée par un de ses élèves âgé de 16 ans dans le lycée privé Saint-Thomas-d'Aquin de Saint-Jean-de-Luz laissant le pays en état de sidération...  c'est bien sûr un événement exceptionnel, mais les chiffres témoignent d’une école en proie à la violence, physique ou verbale, selon l’Ifop.

 

Quel professeur n'a pas été le témoin ou la victime de ces violences ? Moi-même j'ai été parfois insultée par des élèves : "Salope", a hurlé un élève alors qu'il sortait de la salle de classe.

 

Un autre m'a un jour tutoyée, alors que je le surprenais en train de tenter de tricher lors d'un devoir.

Un autre encore, un grand gaillard que j'avais puni alors qu'il se tenait mal en classe est venu me voir en fin de cours, en disant : "Je n'ai pas peur !" et moi de lui répondre : "Moi non plus je n'ai pas peur !" mais j'avoue que je n'en menais pas large...

Il peut arriver aussi que des parents d'élèves contestent des notes, se fiant aux dires de leur progéniture... certains se mêlent de pédagogie et critiquent même parfois la façon d'enseigner...

 

"Un professeur sur deux (50 %) a ainsi déjà été victime d'agression physique ou verbale au cours de sa carrière de la part d'élèves ou de leurs parents – dont 17 % au cours de l'année scolaire écoulée –, révèle un rapport de l'Ifop pour la Fondation Jean-Jaurès.

 

Près de la moitié d'entre eux (45 %) ont ainsi fait l'objet d'insultes ou de propos calomnieux lors de face-à-face, 28 % de menaces d'agression et 21 % d'agression physique légère ( sans interruption temporaire de travail). 7 % de ces professeurs ont, quant à eux, été arrêtés en raison d'une agression physique lourde."

 

Bref, le métier d'enseignant devient un métier risqué...

Les autorités sont de plus en plus contestées et nous vivons dans une société de l'enfant roi qui a tous les droits : contester les notes, la pédagogie, le savoir de l'enseignant...

 

Les punitions sont mal vues alors qu'elles peuvent être formatrices pour l'avenir des enfants...

Les punitions n'ont plus la cote : les parents d'élèves se mettent à les contester, à ne plus en voir l'utilité. Pourtant, les punitions sont indispensables : elles offrent à l'élève l'opportunité de comprendre que certains comportements ne sont pas admissibles.

La punition a ainsi une vertu pédagogique. 

 

 

Source :

https://www.lepoint.fr/societe/un-professeur-sur-deux-est-victime-d-une-agression-au-cours-de-sa-carriere-23-02-2023-2509799_23.php

 

 

 

Enseignement : un métier à hauts risques...
Partager cet article
Repost0
6 février 2023 1 06 /02 /février /2023 13:19
Ici, vivent des gens...

 

Un tableau de la guerre en Ukraine, entre douleurs, dénuement, misère et espoir...

Un tableau que l'on doit à Florence Aubenas dans le cadre de l'émission littéraire La Grande Librairie...

 

"On est en Ukraine, à Izioum, ville de l'est au moment où l'armée russe vient d'être repoussée par les forces ukrainiennes après 6 mois d'occupation...

L'avenue Soborna, les Champs Elysées locaux, ressemble peu à l'image qu'on se ferait d'une ville libérée... pas de banderole aux façades, pas d'enfant en liesse aux fenêtres.

 

A vrai dire, il n'y a plus ni façades, ni fenêtres et pas même une bâtisse intacte. Les magasins, la grande Poste, les banques, la mairie, la ville est détruite à 80%, il n'y a plus beaucoup d'humains, non plus...

L'offensive a fait plusieurs milliers de morts civiles, 6 chambres de torture ont été découvertes, les deux tiers des 45000 habitants ont fui.

 

Dans ces ruines, une porte branlante marque comme elle peut l'entrée d'un immeuble aussi détruit que les autres.

Et sur la tôle de la porte, quelques mots à la peinture blanche : "Ici, vivent des gens."

 

Cette phrase barbouillée, on la lit à travers tout le pays dans les endroits lus plus dévastés, où comme ici, on a l'impression qu'il n'y a plus ni vie, ni gens.

Mais ceux qui restent malgré tout continuent de tracer ces mots, comme une prière ou une incantation. 

 

On pousse la porte, il faut s'habituer à la pénombre, un feu de petit bois dans un bidon diffuse un semblant de chaleur...

Par terre, un enfant joue à attraper un rai de lumière qui se faufile à travers la façade. Quelqu'un frappe, apportant un bidon d'eau. Un homme surgit, on s'embrasse.

 

Cela faisait longtemps déjà que la famille ne descendait plus à la cave pendant les bombardements.

"On était fatigué d'avoir peur." dit la mère.

 

On partage avec un voisin un sac d'aide alimentaire, un chat se glisse près du feu, et tout le monde rit, sans trop savoir pourquoi, peut-être juste pour retrouver l'impression de ce que ça faisait de rire...

 

Oui, ici, vivent des gens..."

 

Des gens qui devraient avoir le droit de choisir leur destin, le droit de vivre à leur gré, le droit d'être libres... le droit de ne pas souffrir, le droit de vivre en paix...

 

 

 

Source :

https://www.france.tv/france-5/la-grande-librairie/la-grande-librairie-saison-15/4514602-emission-du-mercredi-1er-fevrier-2023.html

 

 

 

 

Ici, vivent des gens...
Partager cet article
Repost0

Présentation

  • : Le blog de rosemar
  • : Pour le plaisir des mots : poésie, chanson, littérature, actualités, politique, éducation...
  • Contact

Profil

  • rosemar
  • Esprit libre et indépendant ,contestataire
  • Esprit libre et indépendant ,contestataire

Texte Libre

fleurs 4fleurs 3coqulicot

Recherche

Http://Fatizo.over-Blog.com/