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18 avril 2025 5 18 /04 /avril /2025 11:34
A l'ombre bleue du figuier...

 

Une merveilleuse chanson interprétée par Jean Ferrat, ainsi qu'un bel hommage à la nature déjà présente dans le titre : A l'ombre bleue du figuier...

 

Une chanson sur le temps qui passe irrémédiablement... Pour souligner la fuite du temps, le verbe "passer" est réitéré à cinq reprises dans le refrain... employé au présent, puis au passé composé, il marque une fuite inéluctable... Le poète évoque une saison particulière qui les résume toutes : "Passent, passent les étés"... C'est la saison par excellence du bonheur, de l'épanouissement comme le suggère bien l'indication de lieu : "À l'ombre bleue du figuier", image de beauté, de réconfort.

C'est la saison où l'on peut plus intensément communier avec la nature symbolisée ici par l'ombre apaisante d'un figuier. C'est la saison sans doute qui marque le plus la fuite du temps, car elle est associée plus particulièrement à la nature qui, elle, est immuable.

Mais on perçoit un bonheur devant l'évocation de ce passé, une joie épicurienne bien restituée par ce cadre magnifique : A l'ombre bleue du figuier...

 

Dans le premier couplet, le poète s'exprime à la première personne : J'étais comme les bergers, Un chien fou sur les talons
J'étais comme les bergers, Moitié blé moitié chardon".

L'imparfait vient encore mettre en évidence le thème de la fuite du temps, signalant un passé révolu... comparé à un berger, le poète se présente encore comme proche de la nature, communiant avec elle... on retrouve là les attributs d'un berger : "un chien fou" qui l'accompagne, et une nature complice " Moitié blé, moitié chardon", qu'elle soit cultivée ou sauvage. On peut percevoir une sorte de bonheur à parler de la jeunesse dans l'évocation de ce "chien fou".

 

Ainsi, la nature occupe une place essentielle dans les chansons de Jean Ferrat. L'espoir est aussi un de ses thèmes de prédilection, et on le retrouve dans cette chanson avec la vision du jour qui se lève, l'aurore symbolisant un renouveau : on entrevoit un enthousiasme qui caractérise la jeunesse dans cette expression :

"Voyant se lever le jour, j'y croyais à chaque fois"

Et l'espoir est aussi un rêve d'amour partagé, nous dit le poète, et il donne tant de bonheurs au point de se voir comme un "prince", puis un "roi".

 

On retrouve la présence de la nature dans le couplet suivant ainsi que l'élan de la jeunesse symbolisé par cette belle image de l'ivresse des oiseaux qui donne une impression de liberté infinie :

"Ivre comme les oiseaux, J'étais poussé par le vent
Ivre comme les oiseaux, Je me suis cogné souvent"

Le vent, les oiseaux permettent d'atteindre un monde céleste, fait de bonheurs mais aussi d'incertitudes, de douleurs, comme le suggère le verbe "cogner".

Et le poète était alors à la recherche d'une lumière représentée par "une lampe", et d'un idéal qui peut être symbolisé par "un drapeau" :

Non sans humour, il évoque ses déboires : la perte de "quelques plumes", de quelques illusions sans doute, mais "j'ai gardé mon chapeau", dit-il, signifiant qu'il a su garder la tête droite, fidèle à ses idées.

 

Dans le dernier couplet, c'est le Ferrat chanteur qui est dépeint, un Ferrat pour qui l'amour est essentiel :

"A la bouche une chanson
Dans mon cœur un amour fou"

On perçoit aussi un rêve, un désir de laisser une empreinte dans la mémoire... Le poète imagine que, plus tard, son identité sera sujet de conversation ou de curiosité. Il imagine aussi un hommage empli de délicatesse avec la belle image de "roses-thé" lancées en son souvenir.

La chanson s'achève sur l'idée d'une paix intérieure, d'une complète sérénité, d'un destin accompli :

"Moi je dormirai tranquille
Heureux d'avoir pu chanter"

 

La mélodie pleine de tendresse restitue la douceur et le bonheur des souvenirs : si on perçoit un peu de nostalgie dans les paroles, la musique et la beauté des évocations de la nature nous font percevoir gaieté et enchantement.

 

Pour mémoire :

Cette chanson sortie en 1972 a été écrite par Michelle Senlis, la musique a été composée par Jean Ferrat.

 

Les paroles :

https://genius.com/Jean-ferrat-a-lombre-bleue-du-figuier-lyrics

 

 

 

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11 avril 2025 5 11 /04 /avril /2025 11:51
La musique comme un volcan !

 

Dans le cadre du 27ème Printemps des Poètes, et de son thème national "La Poésie Volcanique", Marc Simon nous a livré une conférence musicale mettant à l'honneur d’autres secousses telluriques… en musique ! TABULA RASA : chaque artiste novateur, inconnu ou célèbre, est au moins une fois amené à faire table nette, par un jaillissement créatif qui sonne comme un coup de tonnerre, et propose une version vierge du monde : Stravinsky avec son Sacre du Printemps, Sun Ra et son jazz cosmique, Beethoven avec sa 5ème Symphonie, les punks Sex Pistols… De Magma à Björk l’islandaise, Marc Simon nous a fait vivre quelques éruptions musicales, avec des découvertes étonnantes...

Marc Simon nous interprète d'abord une chanson qu'il a écrite et composée, complètement déjantée, rythmée par des percussions sur une poubelle...

La musique comme un volcan !

Une éruption, c'est d'abord une longue préparation sous la terre... et la musique de György Ligeti avec son morceau Artikulation nous fait entendre ce qu'en terme sommaire on peut nommer un "gargouillis" comme venu des entrailles de la terre... oui, ça gargouille... est-ce là le bruit du monde à sa naissance ?

 

Soudain, voici que surgit un son humain : il s'agit d'une voix féminine... une artiste islandaise Björk, une voix et un style très particuliers...

 

Puis, c'est le compositeur américain Harry Partch qui nous surprend de sa musique inouïe avec un morceau intitulé Même les chevaux sauvages... Une grande partie de sa musique était destinée à des instruments préparés qu'il fabriquait lui-même...

 

Et voici que répondent les Gamelans de Bali, des sons de cloches vifs... Le gamelan est composé essentiellement de percussions : gongs, cymbales, métallophones de différents types... De nombreux musiciens se côtoient, il n'y a pas de partition... La musique de gamelan est cyclique, liée au cosmos, et aux forces de la nature.

 

Soudain, Marc Simon nous fait écouter une musique étrange qui ressemble à celle du vent ! Il s'agit d'un rhombe que l'on fait tourner au bout d'une corde...Cet aérophone est sans doute un des plus anciens instruments connus (on a retrouvé des modèles vieux de 17 000 à 25 000 ans selon les sources en Dordogne ou en Amazonie). On le retrouve chez tous les peuples premiers.

 

Puis, c'est un Jour de Colère, Dies irae qui nous saisit, une composition de Krzysztof  Penderecki, un Polonais. Ce morceau ténébreux est dédié à la mémoire des victimes d'Auschwitz. Le texte alterne des extraits bibliques, des poèmes polonais, des extraits des Euménides d'Eschyle et une partie d'un poème de Louis Aragon.

 

Un jour, Beethoven était seul à son piano et une idée lui est venue : il compose alors la 5ème Symphonie, dite Symphonie du Destin... Le premier mouvement Allegro con brio est l'un des plus intenses de l'histoire de la musique.

 

"A ce morceau intense, je vous propose une réponse bien française...", enchaîne Marc Simon. Et on écoute cette chanson :

"On a fait toute une affaire
Des lutteurs, des catcheurs, des boxeurs, des tombeurs
Pour moi, ça, c'est de la petite bière
Tous ces mecs à biceps ne m'ont jamais fait peur
Leur soi-disant combat, c'est du chiqué
Ils passent leurs temps à s'caresser
Si y en a un dans la salle aujourd'hui
Qu'il vienne ici, il sera servi
C'est moi la môme catch-catch
Voyez mes gros biscoteaux, costauds
Avec ça j'ai l'air vache
Et une paire de pectoraux, taureau
J'ai une poigne de fer
Un cœur en acier
La gueule en or
Et les deux pieds nickelés
J'fais les pieds au mur
Comme un échalas
Le grand écart
Et je crache à quinze pas
Je bois du gros qui tache
C'est moi la môme catch-catch"

Une chanson percutante de Fréhel qui a eu une carrière étonnante : elle chantait dans les bars à 17 ans. Surnommée "la môme Pervenche" à ses débuts, elle devient Fréhel en hommage au cap Fréhel de ses racines bretonnes, avant de conquérir le Paris de la Belle Époque. Elle apparait au générique de nombreux films, dont le célèbre Pépé le Moko qui lui offre une scène d'anthologie avec Jean Gabin. Une artiste très éruptive...

 

Et voici le grand Igor : Igor Stravinski et son sacre du Printemps ! L'œuvre a été créée par les Ballets russes de Diaghilev et dirigée par Pierre Monteux au théâtre des Champs-Élysées à Paris, le 29 mai 1913. Elle a provoqué un scandale artistique célèbre... un vrai séisme dans le domaine musical !

 

De la Russie aux USA : voici la réponse de Little Richard... . Les vocalises émotives et innovantes de Richard et sa musique rythmique endiablée ont joué un rôle clé dans la formation d'autres genres musicaux populaires, notamment la soul et le funk. "Tutti Frutti" (1955), l'une des chansons phares de Richard , devint un succès immédiat.

 

Beverly Guitar Watkins était une guitariste de blues américaine. Sandra Pointer-Jones a écrit à son sujet : "Beverly Watkins est une experte en guitare pyrotechnique dont les attaques fulgurantes et explosives à la guitare sont devenues des légendes au sein de la communauté blues." 

 

 Jay Hawkins, lui, était le plus excentrique des chanteurs afro-américains. Il ne prenait rien au sérieux, surtout pas la mort. Quand il faisait son entrée en scène, c'était caché dans un cercueil. On connaît sa célèbre chanson : I Put a Spell On You...

"Je t'ai jeté un sort
Car tu es à moi.

Tu ferais mieux d'arrêter de faire ce que tu fais.
Je ne mens pas
Non, je ne mens pas..."

 

 

Béla Bartók fut un grand découvreur de musique : il a parcouru les campagnes de Roumanie, de Hongrie pour collecter chants et musiques. Pionnier de l’ethnomusicologie, il enregistrait sur le vif nombre de morceaux de musique folklorique d’Europe de l'Est et il s'en inspirait.

 

Merci à Marc Simon pour ce magnifique moment de découvertes de musiques et de chansons éruptives ! Ce fut aussi un merveilleux voyage à travers le monde : Islande, Etats-Unis, Bali, Pologne, Allemagne, France, Russie, Roumanie, Hongrie...

 

                       

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9 avril 2025 3 09 /04 /avril /2025 09:21
Il n'y a pas de langue morte...

Il convient de réhabiliter l'enseignement du latin, du grec qui sont des disciplines essentielles dans la formation intellectuelle...

Trop souvent, les parents considèrent sans intérêt pour leurs enfants d'apprendre une langue qui ne se pratique pas. C'est oublier toute la richesse de la culture de l'Antiquité : arts, littérature, poésie, histoire, philosophie, mythologie...

Une civilisation, une culture raffinées : voir naître la tragédie, la comédie, le théâtre en Grèce, voir apparaître la fable, l'histoire, l'épopée, un des tout premiers genres littéraires, lire Homère dans le texte, et tous les autres auteurs, Aristophane, Platon, Hérodote, lire les écrivains latins : Virgile, Catulle, Sénèque... c'est découvrir le creuset même de toute notre littérature.

 

C'est aussi façonner son cerveau, son intelligence par la pratique d'exercices comme la version, le thème...

Ces disciplines exigeantes réclament des efforts conséquents : elles sont donc particulièrement formatrices à l'heure où l'intelligence artificielle favorise et encourage la paresse.

 

Selon Raphaël Gaillard, "la culture laisse une trace en nous. 85 milliards de neurones dans notre cerveau, des millions de milliards de connexions... notre encéphale est une forme inachevée, et c'est la culture qui vient tenter, sans jamais d'ailleurs y parvenir, de la parachever... L'enjeu n'est pas ce que le cerveau stocke, mais la façon dont ce qu'il a momentanément stocké modifie son fonctionnement, sa forme.

Car ce que nous avons su un jour laisse son empreinte sur nous. Chacun de nos savoirs modifie nos réseaux cérébraux, et désormais ceux-ci fonctionneront différemment, quand bien même ce savoir n'est plus.

La matière cérébrale traversée par les savoirs en garde une trace indélébile... plus cette empreinte est précoce, plus elle est forte...

 

Ainsi tout apprentissage modifie notre cerveau, et cette transformation peut avoir toutes sortes de propriétés. Le paradigme le plus évident est celui des langues dites mortes. Elles sont qualifiées ainsi car n'étant plus parlées de nos jours. Et leur apprentissage s'étiole, les parents ne voyant pas l'intérêt que leur progéniture apprenne une langue qui ne se pratique pas.

Mais l'apprentissage du latin et du grec vaut tout d'abord par l'univers auquel il donne accès... une culture aussi puissante et raffinée pendant l'Antiquité... accéder à ce savoir par le labeur du déchiffrage d'un texte, la version latine, c'est pleinement prendre possession d'un savoir..."

Et Raphaël Gaillard ajoute : " J'affirme qu'un cerveau n'est plus le même ensuite... Contrairement à ce que l'expression consacrée laisse entendre, on ne perd jamais son latin : on le fait sien... Apprendre une langue... c'est donner une autre forme à son cerveau."


 Efforts, volonté, persévérance, concentration : le grec et le latin permettent une formation intellectuelle solide et de qualité.

 

Source :

 

https://www.babelio.com/livres/Gaillard-Lhomme-augmente/1589806

 

 

Il n'y a pas de langue morte...
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4 avril 2025 5 04 /04 /avril /2025 11:43
Mon pays était beau...

Encore une belle célébration du pays natal et de la vie rurale d'autrefois dans cette chanson de Jean Ferrat : Mon pays était beau... un titre et un texte empli de lyrisme, de nostalgie...

Le refrain qui ouvre la chanson oppose un passé fait de beauté, de simplicité, d'harmonie à un présent devenu invivable... L'imparfait suggère ce passé qui semblait immuable, éternel, alors que le présent vient rompre cette illusion...

L'harmonie qui régnait parvenait à rassembler "l'homme le cheval et le bois et l'outil" : l'humain, l'animal, l'arbre, l'objet étaient réunis, mis sur le même plan, comme unis par un lien indéfectible... L'homme et la nature ne pouvaient être dissociés, ils étaient intimement liés, comme le suggère bien l'énumération...

Mais de manière allusive, le poète évoque un "grand saccage" et fait ce constat amer :

 "Personne ne peut plus simplement vivre ici"

L'adverbe "simplement" est à prendre sans doute aussi dans son sens fort : avec simplicité... La vie simple a disparu, l'harmonie est rompue, sans doute en raison de la modernité qui s'est installée, qui a "saccagé" les paysages, fait fuir les gens...

Mais rien n'est dit explicitement : tout est suggéré...

L'évocation du présent se poursuit dans les vers suivants :

"Il pleut sur ce village
Aux ruelles obscures
Et rien d'autre ne bouge"

La pluie, l'obscurité, le vide, l'absence de mouvements, de vie restituent une ambiance faite de tristesse et de désolation... quoi de plus triste qu'un village abandonné ? On songe au roman de Giono : Regain... , Giono décrit lui aussi dans son oeuvre une harmonie, une véritable fusion de l'homme et de la nature. L'histoire est celle d'un village abandonné : Aubignane. Tous sont partis. Panturle se retrouve seul dans ce village de Haute-Provence battu par les vents au milieu d’une nature âpre et sauvage. 

 

Autre marque de désolation dans la chanson de Jean Ferrat : le silence qui règne dans ce village abandonné.

Et le poète en appelle à ce silence dans une apostrophe solennelle, avec des métaphores emplies de poésie :

"O silence
Tendre et déchirant violon
Gaie fanfare"

Associé paradoxalement à un instrument de musique, et à une fanfare, ce silence semble curieusement à la fois pénible et réconfortant... pénible car il marque une absence, une beauté disparue,  réconfortant parce qu'il permet un repli intérieur capable de préserver le souvenir de cette beauté passée essentielle...

Le poète en appelle même à ce silence comme une ultime protection, il devient un "grand manteau de nuit", il devient un refuge pour oublier la réalité présente trop déchirante... dans une vision onirique,il devient un oiseau aux "ailes géantes", magnifique image empruntée au monde de la nature et qui renvoie bien à cette "beauté sauvage" que regrette et désire le poète...

 

La mélodie douce restitue une harmonie et une mélancolie face à un monde qui semble perdu... elle se ralentit et devient plus triste encore lors de l'évocation du présent.

 

Pour mémoire : cette chanson sortie en 1980  a été écrite et composée par Jean Ferrat...

 

Les paroles :

https://genius.com/Jean-ferrat-mon-pays-etait-beau-lyrics

 


 

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28 mars 2025 5 28 /03 /mars /2025 12:44
Mon chant est un ruisseau...

 

Une chanson de Jean Ferrat qui, dès les premiers vers, fait le pari d'une utopie : 

"Quand le monde sera une étable comblée
Quand les guerres seront finies"

L'emploi du futur de l'indicatif marque une forme de certitude heureuse : un jour, le monde connaîtra l'abondance symbolisée par une belle image, celle d'une "étable comblée", un jour, le monde connaîtra la paix...

 

Dès lors, le poète invite les auditeurs avec un impératif : "buvez mon chant" comparé à "du thé au lait", donc à une boisson apaisante, réconfortante... et le récipient "des tasses myosotis" évoque un monde de beauté, d'harmonie...

 

Le poète s'adresse dans le refrain aux gens les plus humbles, les plus démunis : "Vous affamés d'hier ombres maigres et dures", leur apportant un peu d'espoir par son chant... l'esquisse qui est faite de ces pauvres gens est saisissante, elle se réduit à des "ombres maigres et dures"... comme s'ils n'avaient déjà plus d'existence, bien qu'étant endurcis par leur vie de labeur. Et le chant du poète est là pour leur apporter un réconfort.

Ce chant devient ainsi "un ruisseau", "une mûre", de belles images poétiques empruntées au monde de la nature, qui sont destinées à étancher la soif et la faim de ceux qui souffrent.

 

Dans le deuxième couplet, on retrouve l'emploi du futur :

"Quand le choeur des humains fera sonner le monde
Comme un atelier de potier"

Le poète imagine les humains réunis dans un choeur harmonieux, tout en étant au travail, un travail créatif qui leur permet de s'épanouir, comme dans "un atelier de potier"...

Et il invite les humains à "manger son chant", avec un impératif, une belle image suggérant que son oeuvre peut être un soutien pour tous ceux qui souffrent en ce monde.

L'image se développe avec cette précision : "dans une assiette ronde Ornée d'un motif d'oignon bleu..." ce qui évoque encore un monde de beauté...

 

Dans le couplet suivant, le poète compare le monde à une "barque qui penche", pour en suggérer toute l'incertitude, et c'est l'occasion d'une nouvelle injonction grâce à un impératif " Mordez dans mon chant travailleurs". Ce chant est assimilé à du "pain blanc à la fraîche odeur.", magnifique comparaison qui suggère une nourriture essentielle... 

 

Le dernier couplet s'ouvre sur une invocation solennelle : "O ma patrie de monts et de rivières vertes", et le poète se présente alors "comme le coq dressant au ciel sa crête", le coq symbole de la France, affirmant "Je chante et chante tout le temps..." Le verbe "chanter" répété traduit cette volonté de se faire le porte-parole et le soutien de tous ceux qui sont malheureux.

 

On retrouve dans cette chanson un Jean Ferrat engagé pour défendre le monde des travailleurs... On aime dans ce texte les nombreuses références à la nature, fleur, fruit, ruisseau, monts, rivières... La mélodie qui coule comme une source nous emporte dans ses notes radieuses et limpides !

 

Pour mémoire : 

Les paroles de cette chanson sortie en 1975 ont été écrites par Henri Gougaud, d'après un poème de Vítězslav Nezva, la musique a été composée par Jean Ferrat.

 

Les paroles :

 

https://www.frmusique.ru/texts/f/ferrat_jean/monchantestunruisseau.htm

 

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19 mars 2025 3 19 /03 /mars /2025 10:32
Le livre : une désaffection dangereuse...

 

Les adolescents lisent de moins en moins : face à la concurrence des écrans qui se multiplient dans le monde moderne, ils ne trouvent plus le temps de lire...

 

Les réseaux sociaux, les jeux vidéos, les images les accaparent. La lecture est alors fragmentée, pauvre, réduite au minimum sur les réseaux sociaux. L'attention se disperse et les jeunes deviennent incapables de s'adonner un long moment à la lecture...

 

Comme l'écrit Philippe Bloch dans son ouvrage intitulé Jamais sans mon écran, " Le livre est devenu pour les adolescents une contrainte associée à l'école, à l'exception des BD et des mangas qu'ils plébiscitent. Mais rarement un outil d'émancipation ou de réflexion. Pour un tiers d'entre eux, lire ne servirait à rien. Pas même à nourrir notre imagination, faire travailler notre mémoire, ou enrichir notre vocabulaire sans lequel aucune pensée complexe ne peut pourtant exister..."

 

Comment ne pas voir l'immense richesse que contiennent les livres ?

Le livre cultive notre attention, notre imagination, notre créativité... 

 

Et, si on y prête attention : Comment fonctionne l'intelligence artificielle ? C'est par la somme de ses lectures qu'elle acquiert des compétences...

La lecture est donc essentielle dans la formation de l'être humain : il convient de protéger les enfants des écrans dès leur plus jeune âge... de leur montrer l'importance de la lecture, de les former à la lecture, le plus tôt possible.

 

"Pas d'écran avant 3 ans, usage modéré et en famille entre 3 et 6 ans, apprendre à créer avec des écrans et premières explications sur internet entre 6 et 9 ans, monitorage du temps d'écran entre 9 et 12 ans, sans smartphone ; premiers accès aux réseaux sociaux après 13 ans, paramétrés en mode privé. Cela étant, il est intéressant de noter que les enfants des fondateurs de ces nouvelles technologies ont droit, en Californie, à des écoles qui bannissent ces mêmes technologies, ce qui laisse penser que ces parents savent bien la toxicité potentielle de leurs créations.", écrit fort justement Raphaël Gaillard dans son ouvrage L'homme augmenté.

 

Il est important de redonner au livre une place primordiale dans la formation et l'éducation des enfants...

Cela commence par la lecture du soir faite aux jeunes enfants, les parents doivent donner l'envie de lire le plus tôt possible...

 

 

 

 

Le livre : une désaffection dangereuse...
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28 février 2025 5 28 /02 /février /2025 13:04
Tangos y otras cosas... la suite


Un merveilleux voyage de l'Espagne à l'Amérique du Sud, du romantisme au tango autour des grands maîtres de la guitare classique (de Fernando Sor à Heïtor Villa-Lobos) et des grands compositeurs argentins (de Carlos Gardel à Astor Piazzolla)... c'est ce que nous a offert le guitariste Ludovic Michel, lors du Festival de la Biographie..

Et tout d'abord, au cours de cette deuxième partie du récital, Ludovic Michel évoque la carrière de Carlos Gardel :

" Carlos Gardel qui était une star mondiale incontournable dans les années 30, forma un duo  avec le poète Alfredo Le Pera. On ne reviendra pas sur ses origines, française, uruguayenne, cela fait partie de la légende du tango...

Quoi qu'il en soit, l'oeuvre et la voix de Carlos Gardel ont été classées Mémoire du monde de l'UNESCO depuis 2003 et on présente l'artiste comme un chanteur argentin, né en France.

Carlos Gardel comme le tango appartiennent désormais au monde entier. C'est peut-être son dernier chef d'oeuvre que je vais vous interpréter, un" tango cancion" comme on l'a surnommé, parce qu'il chantait vraiment, c'est l'un des premiers à avoir chanté le tango. Il l'a composé peu de temps avant son tragique accident d'avion, le 24 juin 1935 à Medellin, en Colombie, en compagnie d'Alfredo Le Pera et de tous ses musiciens : El dia que me quieras, Le jour où tu m'aimeras..."

On est sous le charme de cette douce mélodie aux sonorités envoûtantes, interprétée à la guitare.

 

Ludovic Michel nous présente l'extrait suivant :

"Une balade sur les sentiers du tango nous ramène parfois au point de départ, et notamment en Europe, avec la valse et cette charmante valse d'Hector Stamponi et d'Enrique Francini : Morceau de ciel. Enrique Francini, grand violoniste virtuose qui lui aussi a fait partie du Quinteto Real et Hector Stamponi, pianiste, compositeur, qui fut baptisé par Astor Piazzolla lui-même comme étant le Strauss de Buenos Aires."

On écoute alors avec ravissement ce joli morceau de ciel qui nous emporte dans un tourbillon de notes...

 

"Avec la valse, on va y rester, le temps de ce petit morceau et revenir au romantisme avec un grand compositeur pour guitare Francisco Tarrega qui nous a laissé cette pièce absolument sublime : Recuerdos de la Alhambra, ce magnifique ensemble palatial que l'on trouve à Grenade." nous dit Ludovic Michel.

On se laisse alors  entraîner par ces souvenirs de l'Alhambra, aux sonorités envoûtantes...

 

Ludovic Michel reprend la parole : 

"On ne peut pas parler de romantisme sans parler des nectars qui exaltent les sentiments et qui colorent nos nuits de désirs, de tristesse ou encore de solitude. Enrique Cadicamo a fait un poème fabuleusement mis en musique par le compositeur argentin Juan Carlos Cobian, et qui est peut-être à ce jour l'un des plus beaux tangos : Los Mareados, Les Grisés, Les Eméchés... cette ode à l'ivresse a fait les frais de la censure sous la dictature militaire pour en nettoyer toute référence à l'alcool."

Et on est ébloui par ce tango enivrant !

 

"Maintenant, je vais vous interpréter le plus beau tango du monde pour certains et le plus laid des tangos pour d'autres comme pour Astor Piazzolla et Jorge Luis Borges qui détestaient ce tango qui pourtant est devenu l'hymne du tango, et qui est un tango uruguayen : La Comparsita..." poursuit Ludovic Michel...

On écoute alors ce tango très rythmé, un des plus connus...

 

"Qui mieux qu'Astor Piazzolla pour achever ce voyage, lui qui se rêvait compositeur de musique classique, après avoir écouté Jean Sébastien Bach dans la cour de son immeuble, et avant de renaître au tango, grâce aux conseils avisés de son professeur de composition à Paris, Nadia Boulanger ? nous dit Ludovic Michel.

Alors, tout à l'heure, je vous ai parlé de ce tragique accident de Carlos Gardel, à Medellin, le 24 juin 1935 : il revenait d'une tournée en Europe avec ses musiciens. En 1935, Astor Piazzolla a 13 ans, et Astor Piazzolla devait faire partie de cette tournée. A 13 ans, son papa lui a dit : "Non, non, mon fils, tu restes ici, tu ne pars pas en Europe."

Voilà à quoi tient peut-être l'histoire musicale du tango. Astor Piazzolla a composé l'un de ses plus beaux tangos pour le film Henri IV de Marco Bellocchio : Oblivion..."

 

 Oblivion de Piazzolla nous enveloppe alors dans ses notes envoûtantes emplies d'émotion et de sensibilité... Cette oeuvre traite musicalement le douloureux sentiment de l’oubli –  "oblivion" étant le terme poétique en anglais désignant cette pénible réalité. 

 

Merci à Ludovic Michel pour ce merveilleux moment de culture et de passion musicales ! 

 

https://www.radiofrance.fr/francemusique/podcasts/guitare-de-legende/guitares-de-legende-recuerdos-de-la-alhambra-de-francisco-tarrega-1852-1909-5815928

 

 

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21 février 2025 5 21 /02 /février /2025 13:32
Tangos y otras cosas...

 

Un merveilleux voyage de l'Espagne à l'Amérique du Sud, du romantisme au tango autour des grands maîtres de la guitare classique (de Fernando Sor à Heïtor Villa-Lobos) et des grands compositeurs argentins (de Carlos Gardel à Astor Piazzolla)... c'est ce que nous a offert le guitariste Ludovic Michel, lors du Festival de la Biographie...

 

Le récital s'ouvre sur le magnifique Libertango du compositeur argentin Astor Piazzolla, une oeuvre dont le titre  mêle les mots "libertad et "tango".

 

Et Ludovic Michel nous raconte alors son parcours :

"Je suis né au tango un soir de décembre. Alors, on raconte que naître un soir de décembre peut parfois être annonciateur de bonnes nouvelles et j'étais loin de m'imaginer que cet univers musical serait pour moi synonyme de résurrection. Rien ne me prédestinait, pourtant, à succomber aux sanglots langoureux des maîtres de cette discipline, et même à observer, des heures durant, ces corps enlacés, à la démarche cadencée et à l'élégance certaine.

Alors, c'est la Lorraine dans mes bagages, la guitare chevillée au coeur que j'ai atterri à l'âge de 18 ans au conservatoire national supérieur de musique de Paris, bien décidé à conquérir Mozart et les grands classiques."

 

On écoute alors les variations sur un thème de la Flûte enchantée de Mozart du compositeur espagnol et guitariste virtuose, Fernando Sor, un air empli de charme, de gaieté : un pur bonheur !

Ludovic Michel évoque ensuite ce musicien Fernando Sor : "un personnage atypique, tout d'abord au service de la duchesse d'Alba, il a soutenu ensuite les troupes napoléoniennes, ce qui l'a contraint à l'exil, une fois la défaite actée. Traversant l'Europe de Londres à Moscou, il posa définitivement ses bagages à Paris...

Une des portes par lesquelles on entre dans cet univers, c'est bien la porte de l'exil... l'autre porte qui nous mène au coeur du tango est aussi bien sûr celle des sentiments, de l'amour, de la passion, mais également celle de la jalousie, de la trahison, de la colère. Quel autre mouvement culturel aussi bien littéraire, pictural, que musical a su définir lui aussi bien l'expression de tous ces sentiments sinon le romantisme ?

Chez les romantiques, comme dans le tango, tout est psychodrame absolu, ampleur dramatique, nostalgie infinie.

Encore jeune étudiant au conservatoire, un livre sur ma table de chevet, le Werther de Goethe, un disque sur ma platine, celui du Sexteto Major, grand orchestre de tango des années 80, et créateur du célèbre spectacle "Tango Pasion", qui a fait le tour du monde et qui a apporté le tango en Europe, dans les années 80...

Werther qui lui également dut se résigner à l'exil, après sa rencontre lors d'un bal avec son impossible amour, Charlotte promise à un autre. Seule la mort l'en délivra. On peut dire qu'au 18ème siècle, Werther était déjà un peu un tango."

 

On est ensuite ébloui par ASTURIAS d'Isaac Albeniz, qui "est à la fois passionné, mélancolique et romantique", comme le présente Ludovic Michel...nous voilà saisis, littéralement subjugués par la vivacité puis la délicatesse de cet air célèbre d'Isaac Albeniz...

 

"Et maintenant TANGO, nous dit Ludovic Michel, avec Horacio Salgan, grand réformateur du célèbre  Quinteto Real. (Le Quinteto Real était un groupe de tango de premier plan fondé par Horacio Salgán en 1960. Ses premiers membres comprenaient Salgán lui-même au piano, Pedro Laurenz au bandonéon). Pourquoi commencer avec Horacio Salgan ? Parce qu'il aura traversé toute l'histoire du tango du 20ème siècle : né en 1916, et mort en 2016, il aura côtoyé et travaillé avec tous les plus grands artistes du 20ème siècle, chanteurs, danseurs, musiciens.  

Même le grand pianiste classique Arthur Rubinstein ne manquait jamais l'occasion de lui rendre visite lors de ses concerts à Buenos Aires pour que Salgan lui joue ses tangos préférés et notamment "A fuego lento, A petit feu", qui s'inspire du célèbre Air de la calomnie de l'opéra Le Barbier de Séville de Rossini : un thème lancinant qui se répète sans cesse, pour se finir dans une grande variation finale assez virtuose qui est un peu la tradition dans les tangos instrumentaux."

Et Ludovic Michel nous joue ce tango au rythme captivant... puis, évoque le rôle essentiel des femmes inspiratrices de tangos :

"Les femmes sont incontournables avec le tango et je dirai même qu'elles en sont les principales inspiratrices et Malena en est l'incarnation parfaite... tango mythique de Homero Manzi et Lucio Demare, dont la légende raconte que le compositeur aurait écrit la musique en un quart d'heure, sur le coin d'une table, après avoir lu les vers du poète.

Mais la grande question que se sont posée tous les historiens du tango est : qui est Malena ? Malena Toledo ? Azucena Maizani ? Tita Merello ? Mercédès Simone ? Toutes de grandes chanteuses... Malena n'est peut-être pas une seule femme mais toutes les femmes qu'Homero Manzi a aimées dans sa vie...

Malena est peut-être la synthèse poétique de toutes ces femmes réelles ou fantasmées..."

On est subjugué par cette douce mélodie, emplie de tendresse et d'amour : Malena...

 

"Il n'y a pas que désolation et tristesse dans le tango, nous dit encore Ludovic Michel, on peut également se réchauffer aux couleurs de la joie, de la gaieté, comme dans cette milonga de Pedro Laurenz, la Milonga de Mis Amores, la Milonga de Mes Amours... on reste toujours dans le même thème, évidemment.

La milonga est une danse beaucoup plus gaie, beaucoup plus rapide que le tango, elle est née au milieu du 19ème siècle dans les faubourgs de Buenos Aires et de Montevideo d'un mélange de candombe afro-argentin et de habanera cubaine...

Etant antérieure au tango, c'est elle également qui a donné son nom au lieu où on pratique ces danses : on ne va pas danser au bal mais à la milonga, et l'on y danse trois styles de rythmes différents, le tango, la milonga et la valse..."

 

On se laisse alors emporter par le tempo rapide et envoûtant de la Milonga de Mis Amores...

 

Merci à Ludovic Michel pour ce somptueux récital mêlant récit et musique : un moment  enchanteur !

 

A suivre...

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14 février 2025 5 14 /02 /février /2025 13:14
Love is in the air...

 

Une chanson d'amour où l'amour se répand, et envahit l'espace : on aimerait bien que ce soit une réalité... Love is in the air nous entraîne ainsi dans un tourbillon de rêves et de notes...

Cette chanson se présente comme une sorte de confidence, grâce à l'emploi de la première personne du singulier :

"Partout où je regarde
Il y a de l'amour dans l'air"

Et cette phrase répétée dans le refrain "il y a de l'amour dans l'air" nous donne bien l'impression que l'amour est partout...

 

Il est "Dans chaque regard et dans chaque son", dit le poète, envahissant les perceptions du locuteur, perceptions visuelle et auditive...

 

Et l'amour est souvent tissé d'impressions diverses, contrastées, est-il fait d'idiotie ou de sagesse ? C'est l'incertitude qui domine.

Et pourtant, il faut "y croire", un terme très fort qui renvoie à une sorte d'acte de foi religieux.

 

Et le poète s'adresse alors à celle qu'il aime, en employant la deuxième personne du singulier : "quand je regarde dans tes yeux", les yeux de la femme aimée lui apportant cette certitude de l'amour, un regard qui ne trompe pas, en quelque sorte.

 

Et le poète d'énumérer tous les lieux où transparaît aussi l'amour : 

"Dans le chuchotement d'un arbre
Dans la tempête marine"

Ainsi, la nature dans son ensemble  semble elle-même s'imprégner de cet amour, une vision très romantique : les paysages deviennent le reflet des états d'âme du poète...

 

L'incertitude revient, tout de même, propre au sentiment amoureux :

"Et je ne sais si je suis juste en train de rêver
Je ne sais pas si je me sens en sécurité"

Mais la foi en l'amour revient aussi, "quand tu prononces mon nom", dit l'amoureux... insistant sur l'importance de l'échange, du dialogue.

 

Et, non seulement l'amour est partout, mais il est aussi présent tout le temps, du matin au soir :

"Il y a de l'amour dans l'air
Au lever du soleil
Il y a de l'amour dans l'air
Quand la journée prend fin"

Présent partout et toujours malgré des doutes qui subsistent : 

"Et je ne sais pas si tu es une illusion
Je ne sais pas si je vois la vérité"

Mais toujours revient cette foi en l'amour, désigné par le mot "chose", comme si c'était là tout un mystère indéfinissable :

"Mais c'est une chose en laquelle je dois croire
Et tu es là quand je te cherche"

La présence de la femme aimée est alors comme une assurance de cet amour...

 

La mélodie légère, rythmée évoque bien ce bonheur idyllique associé au sentiment amoureux...

 

 

Pour mémoire :

Love Is in the Air " est une chanson disco de 1977 du chanteur australien John Paul Young . Elle a été écrite par George Young (aucun lien de parenté) et Harry Vanda...

 

Les paroles :

 

https://www.lacoccinelle.net/277214-john-paul-young-love-is-in-the-air.html

 

 

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10 février 2025 1 10 /02 /février /2025 13:19
Les Etats-Unis, une superpuissance face à l'Europe...

Hélène Harter est une historienne française spécialiste de l'Amérique du Nord. Elle est professeur des universités en histoire contemporaine à l'université Paris I Panthéon-Sorbonne, et directrice du Centre de recherches d'histoire nord-américaine (CRHNA) et du Centre de recherches d'études canadiennes.

Elle était invitée lors du Festival de la Biographie, à Nîmes où elle a présenté un de ses ouvrages : Très brève histoire des Etats-Unis, chez Calype. Elle était interrogée par le journaliste Patrice Zehr.

Résumé :
"En 250 ans d'existence, les États-Unis ont dépassé les 330 millions d'habitants, conquis un territoire presque vingt fois plus étendu que la France, inventé un régime démocratique d'une exceptionnelle stabilité et se sont imposés comme une superpuissance incontournable dans le monde. Leurs adversaires dénoncent une civilisation basée sur la violence, l'oppression des Noirs et des Indiens, le messianisme et le matérialisme. Les divisions plus importantes que jamais qui traversent le pays aujourd'hui sont l'occasion pour cette exceptionnelle synthèse d'interroger deux points cruciaux de l'histoire américaine : le rapport du pays à la démocratie et à l'État; son positionnement international et son rapport à la puissance. Aujourd'hui, entre isolationnisme et impérialisme, attachement à leurs valeurs et remise en cause de leurs institutions, les États-Unis sont à la croisée des chemins."

Hélène Harter présente d'abord la collection Calype qui est très originale : "L'idée, c'est d'avoir des ouvrages d'un format resserré, un peu comme les Que Sais-je ? mais qui soient en même temps abordables. Sur chaque volume, on fait appel à un spécialiste, donc ce n'est pas de la vulgarisation tout venant... deux approches : une approche biographique sur les premiers volumes, et puis, depuis cet automne, de nouveaux titres qui tournant autour de l'histoire d'un pays... le but, c'est de faire court, d'essayer de dire des choses originales sans être dans la simplification.

La première idée, c'est d'avoir une question qui va structurer le propos, moi, ce qui m'a intéressée, c'est de me dire : quelle est la culture politique américaine ? Parce que finalement, c'est une démocratie, il y a des parallèles avec la France, il y a des différences. Et donc, qu'est-ce qui fait l'originalité propre du système politiqua américain, qui fait que ce n'est pas la France ?

Autre question que je me suis posée, c'est de me dire : finalement, les Etats-Unis d'aujourd'hui, ils nous interrogent, ils nous surprennent, parfois, ils nous choquent, parfois, ils nous enthousiasment, ils ne nous laissent pas indifférents, en tout état de cause. Comment on va essayer de comprendre, à partir de l'histoire, le monde où on est aujourd'hui... et donc essayer de voir ce qu'il y a de particulièrement original aujourd'hui, mais surtout qu'est ce qui explique dans le passé la situation qu'on connaît aujourd'hui. Donc se dire : l'histoire est intéressante en soi, mais elle nous parle aussi du présent..."

"Les Etats-Unis se sont créés par une vague de migrations assez religieuses venues d'Europe, ça a toujours été une démocratie ? parce qu'on aurait pu penser que cela devienne très vite une théocratie ?", interroge le journaliste.

"Aujourd'hui, de plus en plus, on considère qu'aux Etats-Unis dans l'histoire, il y a des influences différentes, c'est à dire que, vous le disiez très justement, on a tous en tête les puritains, ces hommes qui arrivent au début du 17ème siècle et qui vont colorer la société américaine, mais on se rend compte qu'il y a aussi d'autres influences, par exemple, l'influence des New-Yorkais, le New-Yorkais, lui, n'est pas puritain, il est très cosmopolite, il est porté sur le commerce, sur l'international... Vous avez l'influence des gens de Virginie qui, eux, sont plutôt les héritiers de la gentry britannique, et puis, vous avez ce phénomène qu'on voit de plus en plus, c'est l'importance des hispaniques. Aujourd'hui, ils sont à peu près 20% de la population, et en fait, les premiers à avoir peuplé les Etats-Unis, chez les Européens, ce sont les Espagnols. Cette migration est intrinsèque de cette histoire américaine, elle en fait l'originalité.

Quand vous regardez aujourd'hui : le président des Etats-Unis a une épouse qui finalement a obtenu la nationalité américaine, il y a très peu de temps. L'épouse du vice-président a des parents qui sont nés en Inde. Et donc on voit bien combien cette question migratoire fait partie de cette histoire...

"Il y a eu une partie des Etats-Unis qui a été très française, pas longuement, mais ce qu'on appelle La Louisiane, c'était gigantesque quand ça été vendu par Napoléon.", intervient le journaliste.

"C'est aussi une autre dimension de la culture politique, cette région de la Nouvelle Orléans, dit Hélène Harter... l'empreinte française est allée très loin jusqu'au Dakota, jusqu'en Arkansas, donc, il y a eu une empreinte très importante de la culture française dans certaines régions des Etats-Unis... alors, cela va sur des choses assez anecdotiques : vous allez à Saint-Louis, vous le savez bien, c'est un hommage à un souverain français, Chicago a été fondée par des Français, et puis toujours cette prégnance de cette langue française dans une partie de la Louisiane où ces Américains d'origine française très lointaine sont toujours très attachés au français et notamment à l'enseignement du français à l'école."

"Est-ce que les Etats-Unis, dès le départ, étaient un pays de commerçants ou plutôt un pays isolationniste ?" interroge le journaliste.

Réponse : "Quand j'étais jeune au 20ème siècle, j'ai appris que les Etats-Unis avaient une forte empreinte puritaine, ces puritains étaient préoccupés de religion quasi exclusivement, ce qui est vrai, mais ce qu'on sait aujourd'hui, c'est qu'à côté d'un projet religieux, dès le départ, il y avait un projet économique, une ambition économique... notamment, ces puritains vont investir dans la pêche à la morue, les bénéfices qu'ils vont tirer, ils vont les réinvestir notamment dans la construction, dans le commerce. Et on pourrait généraliser à l'ensemble des colonies américaines qui pensent l'économie et qui la mettent au centre de leur développement, avec là aussi des visions assez différentes qu'on retrouve aujourd'hui encore... une partie de ces Américains considèrent que pour prospérer il faut commercer avec tout le monde... et puis, il y a toute une partie des Etats-Unis qui pense que les produits qui viennent de l'étranger menacent l'économie américaine et qu'il faut protéger cette économie par des droits de douane. Il y a une partition entre les partisans du protectionnisme et ceux qui disent : mais non, il faut être mondialisé et il faut, au contraire, baisser les droits de douane.

Au sud, on veut un commerce mondial qui soit ouvert, on vend du coton et on veut qu'il soit acheté par le plus de pays possible, et avec l'argent que l'on gagne, on va acheter des produits notamment en Europe, donc il faut que le commerce soit ouvert.

Et les gens du nord, eux à l'inverse, sont en train de développer leur industrie, et ils considèrent qu'ils vont protéger cette industrie... il y a alors un débat très vif au congrès pour savoir quelle voie choisir et la voie qui va triompher, c'est celle d'un protectionnisme, et c'est une défaite de ceux qui sont pour l'ouverture.....

Les Etats-Unis sont un état fédéral et cet état fédéral se pose la question : Comment on perçoit Washington ? Est-ce que c'est un lieu où on va prendre les politiques publiques qui vont concourir au bien commun, des politiques sociales, par exemple, ou est-ce qu'à l'inverse c'est un lieu où des politiciens déconnectés vont prendre des décisions qui vont à l'encontre des libertés individuelles et des droits des états ?

Et voyez que c'est une question qui se rejoue périodiquement : on voit très bien aujourd'hui, entre les démocrates qui disent : il faut un gouvernement central, il faut des politiques sociales, on a besoin d'état, il faut investir dans de grands équipements financés par l'état, il faut une politique commune autour du Covid, et puis ceux qui disent : non, l'état central est une menace pour ma liberté, moi je crois à l'initiative individuelle, je crois à mon libre arbitre et je dois me débrouiller tout seul, donc, je ne veux pas de Sécurité Sociale, je ne veux pas que l'état me dise ce que j'ai à faire et je crois plus à la libre entreprise, au rôle des hommes d'affaires...

Donald Trump n'a pas oublié un président : il a décidé de renommer une montagne américaine, la plus élevée du nom de Mc Kinley, un nom qui évoque peu de choses en France, mais aux Etats-Unis, c'est un président qui a marqué l'histoire : il a été élu en 1896 et il porte une politique d'internationalisation, de puissance, de grandeur, il veut que son pays soit une grande puissance économique et que son pays compte dans le concert des nations. C'est lui qui va dire : On abandonne la politique de l'isolationnisme, et on fait une politique de la puissance. Il va ainsi entraîner son pays dans la guerre contre l'Espagne, à propos de Cuba, et c'est de cette guerre que les Américains vont gagner le contrôle de Cuba, des Philippines, et qu'ils vont devenir une puissance des Caraïbes et qu'ils vont aussi devenir une puissance du Pacifique.

Beaucoup d'Américains considèrent qu'il y a une sorte d'exceptionnalisme de leur pays, et que cet exceptionnalisme fait qu'en fait ils se suffisent à eux-mêmes.

André Kaspi a une phrase qui résume tout : "Les Etats-Unis, c'est grand !" Une façon de dire qu'il y a tellement de richesses à l'intérieur qu'on n'a pas besoin des autres, le contact avec les autres, cela dénature, d'une certaine manière, l'expérience américaine qui serait faite d'une pureté, d'une différence, cette idée très américaine qu'on ne veut pas être les Européens.

Et donc, vous avez de manière récurrente, des Américains qui vont se retrouver derrière l'isolationnisme et considérer qu'on n'a pas besoin des autres, qu'on n'a pas besoin de se lier avec les Européens, notamment. Je précise et je nuance : politiquement et militairement, c'est à dire, ils ne disent pas : je ne veux pas faire de commerce mais ils disent qu'ils ne peuvent pas être liés par des alliances politiques contraignantes, par des alliances militaires, je pense évidemment à l'OTAN, ils ne veulent pas être membres de l'OMS, des accords sur le climat, parce qu'ils estiment que ces accords limitent leur liberté d'action.

Trump est donc là dans la continuité d'une certaine vision américaine...

"Est-ce que vous avez été surprise par la victoire de Trump ?" interroge le journaliste.

"Non" répond Hélène Harter, car l'Amérique est très diverse et on la connaît mal.

Autre question : "Est-ce que vous avez été surprise par le ralliement de la Tech ?"

"Marc Zuckerberg, lui, est un rallié de la dernière heure, par intérêt. Ce qui est très intéressant, c'est quand même le ralliement d'Elon Musk. Je laisse de côté son côté libertarien qui explique son ralliement, mais je crois fondamentalement que cela renvoie à cette question qui est le rôle et la centralité des hommes d'affaires dans la société et la culture américaine... en France, un homme ou une femme d'affaires, surtout s'il réussit, s'il gagne de l'argent, c'est toujours un peu suspect... l'argent, on n'en parle pas, on n'étale pas sa richesse...

Aux Etats-Unis, c'est l'inverse : c'est vraiment un modèle sociétal et cette réussite, c'est quelque chose qui parle à beaucoup d'Américains : la plupart des entreprises américaines sont des TPE, c'est à dire très souvent un homme ou une femme qui a fondé une petite entreprise, qui a un employé, parfois c'est le conjoint et cela ne va pas plus loin.

Lui, c'est un homme d'affaires, il n'est pas dans le salariat, et il rêve de réussir. Et les réussites à la Elon Musk, c'est cela qui est extrêmement porteur, de se dire : aujourd'hui, je gagne peut-être 3000 dollars, mais demain, je peux être millionnaire ou milliardaire.

Et c'est aussi la dimension de la recherche, de la technologie, cette croyance dans le progrès... le fait qu'on puisse aller sur Mars, la conquête spatiale : tout cela, ça parle à beaucoup d'Américains.

Pour un certain nombre d'Américains, qui peut d'ailleurs déplorer les outrances de ces deux personnages, on est dans le rêve américain.

"Alors, ce monde américain que vous connaissez bien, quel regard il a sur l'Europe ?" interroge encore le journaliste.

"Déjà , l'Asie et la Chine, c'est la priorité, dit Hélène Harter, l'Europe intéresse peu, elle intéresse de moins en moins parce qu'il faut reconnaître aussi : économiquement, nous sommes moins dynamiques que nous l'avons été, parce que l'immigration est de moins en moins européenne, aussi. Elle est surtout asiatique, je pense à l'Inde, c'est quand même remarquable : je l'ai citée, l'épouse du vice-président, mais aussi Kamala Harris a des origines indiennes... les grandes vagues migratoires, c'est aussi le monde latino américain.

Mais il y a des Américains pour qui l'Europe, c'est toujours quelque chose d'inspirant, les élites, en particulier, les intellectuels. Faire un voyage en Europe, venir à Paris, c'est un fantasme, toujours... On voit bien l'intérêt que les Américains ont porté à Notre-Dame, au delà de la question religieuse... le fait que Donald Trump vienne pour la réouverture. Donc, on voit bien qu'il y a une séduction toujours de cette Europe, mais ce n'est pas forcément un partenaire qu'ils considèrent à égalité, économiquement et politiquement, et j'ai envie de dire, depuis fort longtemps. Déjà au temps d'Eisenhower, on voit bien qu'il y a une super puissance et puis une puissance secondaire. Au temps de Richard Nixon, c'est exactement pareil, donc finalement ce n'est pas quelque chose de nouveau, c'est une chose que nous autres Français nous découvrons avec retard mais pour un Américain, depuis 1945, il y a les super puissances et il y a les puissances secondaires."

"Quelle attitude il faudrait avoir pour les Européens avec Trump ?", telle est la dernière question posée par le journaliste.

"Comprendre la culture politique américaine, c'est à dire ne pas plaquer nos schémas français sur une réalité américaine et considérer que lui est dans une logique de la négociation commerciale permanente et que c'est son mode d'action. Il nous faut devenir une puissance..." répond Hélène Harter.

De fait, on le découvre tous les jours : Trump se livre à une guerre commerciale tous azimuts, il fait du chantage aux droits de douane... quels seront les résultats ? Trump ne court-il pas le risque de créer des instabilités économiques graves ?

 

 

 

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