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25 mars 2022 5 25 /03 /mars /2022 13:01
Habiter poétiquement le monde...

 

Merveilleuse émission sur la poésie, présentée par François Busnel, lors de la Grande Librairie... ce mercredi 23 mars sur France 5.

Trois invités sur le plateau : Sophie Nauleau, Jean-Pierre Siméon, et Abdellatif Laâbi...

"Je ferai, oui, l'éloge de la poésie. Sans restrictions. Sans états d'âme. Parce que la poésie n'est justement pas le lieu de la demi-mesure. Je le ferai d'une voix pleine, vive s'il le faut. Parce qu'on ne peut admettre plus longtemps, n'est-ce pas, que les poètes, malgré les révérences qu'on leur fait de loin en loin pour se disculper de la désinvolture et de l'indifférence avec lesquelles on les traite ordinairement, soient renvoyés à leur étrange petit commerce particulier qui n'aurait rien à voir avec les affaires du monde", écrit Jean-Pierre Siméon en quatrième de couverture de son livre intitulé Petit éloge de la poésie.

Sophie Nauleau présente d'abord son ouvrage "S'il en est encore temps" qui célèbre l'éphémère...

Jean-Pierre Siméon rappelle cet aphorisme de René Char : "Si nous habitons un éclair, il est le coeur de l'éternel".

 

Et si on parlait de l'éclair, de l'arc-en-ciel, de la brièveté et même mieux de l'éphémère !

"Une éphémère : c'est aussi un petit insecte qui est très beau parce que c'est comme un sourire et les deux ailes sont rabattues, l'insecte ne peut pas ouvrir ses ailes, il ne va les ouvrir que dans la mort, dans un lâcher prise ultime, final.

L'adjectif "éphémère", lui, a souvent une connotation péjorative...

"En cherchant, on découvre que cet insecte est le plus vieil insecte ailé de la création et il a résisté à l'extinction de masse qui a tué les dinosaures ! Donc l'éphémère dure !

La poésie est en fait un révélateur..." nous dit Sophie Naleau.

 

"Tout poème est question, tout poète est un questionneur", commente Jean-Pierre Siméon. "Le poète est celui qui se pose des questions sur tout, sur ce qu'on croit savoir, ce qu'on croit bien connaître. Le poète est celui qui surprend notre habitude, qui dérange notre façon de voir, de comprendre.

Dès qu'on prend le temps d'interroger le mot, on s'aperçoit que c'est un univers plus complexe, plus multiple, c'est la vie, quoi. C'est le mouvement, la contradiction, c'est découvrir l'inconnu, c'est cela la poésie."

 

"On assiste à notre époque à une sorte de marginalisation de la poésie : aujourd'hui, quand on parle littérature, on pense tout de suite au roman." estime Abdellatif Laâbi...

"Ceux qui font l'opinion dans la plupart des pays ne font pas la promotion de la poésie.",  précise Abdellatif Laâbi...

Et Jean-Pierre Siméon développe cette idée :

"La poésie n'est pas au coeur de notre compréhension de la vie sociale comme elle devrait l'être. C'est pourtant un genre majeur, c'est plus qu'un genre majeur, la poésie, c'est un diapason pour penser notre vie individuelle et notre destin collectif. Et si la poésie a disparu dans notre monde occidental industrialisé, c'est en raison des modes socio-économiques qui nous gouvernent depuis des années, qui sont ajustés à trois totems : le pouvoir, l'avoir et le paraître, mais surtout l'avoir, parce que l'avoir engendre la volonté de pouvoir, la prédation, la domination, l'asservissement, l'exploitation, et le paraître est un instrument de tout cela.

Et, ça, c'est antinomique de la poésie... la poésie gêne parce qu'elle définit une autre façon d'habiter le monde.

La poésie est un combat.

Actuellement, nous n'habitons pas le monde, nous sommes sous l'asservissement d'obligations, nous sommes enfermés dans des mécanismes qui ne nous laissent aucun moment de respiration, nous courons, nous nous divertissons. C'est un gâchis énorme, nous sommes enfermés dans des rôles, des obligations, des fonctions, tout le monde souffre de ce modèle.

Que vaut la santé du corps, si l'âme est morte ? Nous oublions l'essentiel de la vie, ce qui nous donne de la joie.

La seule lecture d'un poème nous fait renouer avec la part perdue de l'existence, le feu de l'existence...

La vie intense que nous cherchons tous dans l'éphémère de l'amour, c'est ça qui nous fait vivre profondément, qu'est-ce qu'on passe comme temps dans notre existence à ça, ce moment d'apnée, d'émerveillement, de stupéfaction devant un paysage, devant un visage ?

La poésie, c'est un combat de chacun, c'est un arrachement, c'est s'arracher à cette boue du réel qui nous prend les pieds.

Il faut se mettre dans un ralentissement, faire sécession avec un monde de bruit et de fureur...

Il faudrait que ce soit le diapason de notre vie.

La seule chose qui compte pour tous, c'est de vivre au mieux l'intensité de l'existence."

 

Magnifique et vibrant  plaidoyer pour la poésie qui nous délivre, qui nous fait percevoir l'essentiel !

 

 

 

https://www.france.tv/france-5/la-grande-librairie/la-grande-librairie-saison-14/3154001-emission-du-mercredi-23-mars-2022.html

 

 

 

 

Habiter poétiquement le monde...
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23 mars 2022 3 23 /03 /mars /2022 09:54
L'exaltation de la guerre...

 

La guerre se cache souvent sous des apparences héroïques et brillantes... On se souvient de cette évocation de la guerre dans le chapitre 3 de Candide, le célèbre conte de Voltaire :

"Rien n'était si beau, si leste, si brillant, si bien ordonné que les deux armées. Les trompettes, les fifres, les hautbois, les tambours, les canons, formaient une harmonie telle qu'il n'y en eut jamais en enfer. Les canons renversèrent d'abord à peu près six mille hommes de chaque côté ; ensuite la mousqueterie ôta du meilleur des mondes environ neuf à dix mille coquins qui en infectaient la surface. La baïonnette fut aussi la raison suffisante de la mort de quelques milliers d'hommes. Le tout pouvait bien se monter à une trentaine de mille âmes. Candide, qui tremblait comme un philosophe, se cacha du mieux qu'il put pendant cette boucherie héroïque..."

Au début de ce chapitre, on ne perçoit que les aspects clinquants de la guerre : les armées en ordre de bataille, la musique... puis, peu à peu, on en découvre toutes les abominations...

 

On retrouve cette exaltation de la guerre dans les récits de la guerre menée par Poutine en Ukraine.

Poutine a même tenu un meeting rassemblant des milliers de Russes, alors que les villes ukrainiennes sont sous les bombes !

Quel cynisme ! C'est ignoble !

Près de 100.000 personnes ont acclamé le président russe Vladimir Poutine, dans un stade plein à craquer, à l'occasion d'un meeting du maître du Kremlin. Un rassemblement festif organisé en pleine guerre en Ukraine, officiellement pour célébrer les huit ans de l'annexion de la Crimée.

Vladimir Poutine a alors fait l'éloge des soldats russes et de leur "héroïsme" !

Aucun mot sur les destructions, aucun mot sur les victimes, sur les blessés, les morts...

 

"Cette exaltation de la guerre est le signe d'une immaturité très profonde, selon Johann Chapoutot, professeur d'histoire contemporaine à la Sorbonne, spécialiste de l'histoire de l'Allemagne.

Une immaturité que l'on trouve au plus haut niveau de responsabilité de l'état et pas seulement dans les dictatures...

 

Vladimir Poutine, c'est le paroxysme de cette immaturité, de ce manque de réflexion, de ce manque de responsabilité, un homme qui s'est de plus en plus isolé au sommet du pouvoir, qui est habité par ses propres fantasmes, par sa paranoïa, qui est suivi par une technostructure maffieuse oligarchique.

 

Il incarne la stupidité agressive, le virilisme, comme si la perte de l'empire russe avait été une émasculation.

Lui-même met en scène cette espèce de corps sportif, de manière permanente....

 

Il est à la confluence de tout ce qui importe véritablement, en fait, actuellement, c'est à dire non pas seulement le fracas des armes qui peut susciter une fascination exaltée, mais la fin de l'état de droit, la question du nucléaire, la question du climat, parce que nous finançons sa guerre. Lorsque nous voyons que le budget de l'armée russe, c'est 56 milliards d'euros par an, il faut voir que nous lui achetons pour 59 milliards d'euros de gaz, sans compter les autres énergies fossiles et le pétrole, la question de l'évasion fiscale, la question de la corruption, tout cela est lié dans ce phénomène Poutine, ainsi que ce phénomène de guerre, et on voit à quoi cela conduit : à tuer des enfants sous les bombardements.

 

Le récit de Poutine, celui d'une certaine élite russe, aidée en cela par l'église orthodoxe, est totalement obsidional, c'est à dire que ces gens perçoivent la Russie comme une cité assiégée qui doit se défendre à tout prix, si bien que les Russes se considèrent, de manière paradoxale, comme les agressés et non pas comme les agresseurs.

Une façon de motiver les combattants qui sont envoyés sur le front...

Les citoyens russes sont les premières victimes de ce récit : ils sont soumis à un tabassage, un matraquage médiatique intensif de la part de médias qui sont totalement aux ordres.

Derrière tous ces récits,  derrière ce bruit, ce fracas, ce théâtre des opérations, il y a des enjeux massifs comme la consommation des énergies fossiles, la dégradation de notre climat encouragée par ces espèces de fascismes impériaux dont la Russie est vraiment un exemple paradigmatique. Il y a la question de la démocratie, la question de l'état de droit, la question du virilisme, de l'extractivisme, du productivisme dans lequel on est pris, parce qu'il ne faut pas s'y tromper, la Russie est, avec la Chine, un exemple de ces grands empires de constitution ou de reconstitution qui estiment qu'on peut faire fi du droit international pour laisser des empires faire ce qu'ils veulent : exploiter, détruire l'environnement, détruire le vivant, massacrer des populations."

 

 

Source :

 

https://www.franceculture.fr/emissions/sous-les-radars/quand-la-guerre-est-de-retour-dans-nos-vies

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7 février 2022 1 07 /02 /février /2022 12:35
"Des mouroirs ignobles..."

 

"Des mouroirs ignobles...", telle est l'expression utilisée par un des personnages du roman de Houellebecq Anéantir, pour évoquer les EHPAD.

Et qui est ce personnage ? Il s'agit d'une femme médecin chef de l'hôpital où se trouve le père du héros de l'histoire, Paul Raison.

Et que dit-elle exactement à ce sujet ? "Les EHPAD ont une mauvaise réputation et c'est loin d'être injustifié, il est vrai que dans l'ensemble ce sont des mouroirs ignobles, je ne devrais pas dire ça, mais à mon avis les EHPAD sont l'une des plus grandes hontes du système médical français."

Une expression qui fustige et dénonce un système dans lequel les maisons de retraite sont gérées comme de véritables usines qui doivent être rentabilisées. Mais que reste-t-il d'humain dans ce management ?

De plus, cet avis est exprimé par un médecin, quelqu'un qui connaît bien le problème dont elle parle.

 

Encore une fois, Houellebecq décrit bien les réalités de notre temps : le scandale des EHPAD ORPEA vient de le souligner.

Un livre, "Les Fossoyeurs", paru le mercredi 26 janvier chez Fayard, fait trembler cette chaîne de maisons de retraite. L'auteur et journaliste, Victor Castanet, accuse le leader européen des maisons de retraite de maltraitances sur des résidents d'EHPAD.

Dans ce livre, il décrit un système où les soins d’hygiène, la prise en charge médicale, voire les repas des résidents sont "rationnés" pour améliorer la rentabilité du groupe.

C'est scandaleux ! Mais ce business de la vieillesse existe depuis longtemps : j'avais écrit un article à ce sujet en 2017.

On feint de découvrir une réalité qui n'est pas nouvelle !

Assez d'hypocrisie ! 

Depuis des années, ce scandale perdure et rien n'a été fait pour améliorer la situation des EHPAD par les gouvernements successifs... RIEN !

Voici ce que j'écrivais en 2017 :

 

Les grands groupes du business de la vieillesse affichent des taux de croissance considérables, 15 % par an. Le groupe Korian a fait 3 milliards d'euros de chiffre d'affaire en 2016 !

L'équipe de Pièces à conviction n'a pas reçu l'autorisation de filmer, mais en caméra cachée, un journaliste a pu visiter un établissement de cette "chaîne".

Les tarifs sont prohibitifs : un hébergement coûte entre 3464 euros et 4443 euros par mois !

Dans les publicités pour ce groupe, on peut voir des résidents heureux, des personnels contents de travailler.

Mais ce tableau idyllique est bien éloigné de la réalité : certains salariés révèlent des manques... des résidents qui restent 6 ou 7 heures dans des couches souillées... des couches inadaptées pour des personnes âgées, qui sont en plus rationnées afin de faire des économies, des résidents livrés à eux-mêmes dans les couloirs, complètement désorientés.

Des repas qui sont préparés au moindre coût : 4, 35 euros par jour et par pensionnaire ! Comment ne pas parler, alors, de restriction alimentaire ? 

De telles conditions de vie sont indignes : en France, le pays des droits de l'homme, comment peut-on admettre que des personnes âgées, sans défense, soient traitées ainsi ?

 

 

http://rosemar.over-blog.com/2017/10/le-scandaleux-business-de-la-vieillesse.html

 

 

https://www.franceculture.fr/emissions/les-pieds-sur-terre/dans-l-enfer-des-maisons-de-retraite

"Des mouroirs ignobles..."
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26 janvier 2022 3 26 /01 /janvier /2022 09:50
Pour célébrer Molière : le scandale du Tartuffe...

 

Molière fut un homme de théâtre complet : il participa du début jusqu'à la fin à la création théâtrale, il fut auteur, mais aussi metteur en scène, acteur, et directeur de troupe : l'Illustre Théâtre.

Molière est peut-être le plus connu des auteurs français, le plus étudié aussi : c'est un des rares auteurs à figurer dans les programmes scolaires de la sixième à la terminale.

 

Le plus grand mérite de Molière est d'avoir été de son temps : il a exhibé ses contemporains sur la scène et en même temps dépeint des caractères éternels : l'avare, l'hypocrite, le pédant, le fourbe, le vaniteux, le misanthrope, l'hypocondriaque, etc.

 

Molière dénonce des travers de tous les temps, grâce au rire : son oeuvre reste encore d'actualité.

 

L'originalité de Molière est aussi d'élever la comédie à une ambition idéologique et politique.

Ainsi, dans Tartuffe, Molière s'attaque à la fausse dévotion : les dévots constituaient un parti puissant en France, au 17ème siècle.

En attaquant ce parti dévot, Molière touchait au pouvoir, à la cour, à la religion : la comédie devenait une affaire d'état.

Le cadre historique est important : en 1660, s'est imposée la Monarchie de Droit Divin en la personne de Louis XIV... le roi était censé détenir son pouvoir de Dieu...

 

Jamais, la dévotion ne connut plus d'éclats qu'au début et tout au long du 17ème siècle. Les deux pouvoirs que sont l'église et la royauté s'appuient l'un sur l'autre, ils se protègent réciproquement contre leurs ennemis : les protestants, les athées, les libertins.

 

L'église s'impose grâce à certaines organisations religieuses, comme la Compagnie du Saint Sacrement : cette compagnie a été créée en 1629, pour des oeuvres charitables auprès des malades, des pauvres, des prisonniers, mais elle a aussi une rôle de dénonciation... elle dénonce aux évêques les individus suspects, les hérétiques, les blasphémateurs.

Et cette compagnie se déchaîne contre la représentation du Tartuffe.

 

Pourquoi ?

Molière dénonce la fausse dévotion par une comédie, un genre littéraire déjà suspect pour les dévots. Au 17ème siècle, le théâtre et plus particulièrement la comédie sont jugés immoraux, les comédiens sont tenus pour infâmes.

Les comédiens sont adjoints à la liste des excommuniés au même titre que les sorciers, les blasphémateurs.

 

Ce que l'on reproche à Molière, c'est bien sûr de s'attaquer à la religion, mais aussi de parler de ce sujet dans une comédie.

Ainsi, la pièce a été longtemps interdite.

Molière fut obligé de remanier la pièce, et sa représentation, d'abord interdite en 1665, sera enfin autorisée seulement en 1669. ( A cette date, la Compagnie du Saint-Sacrement était probablement moins influente.)

 

 

http://rosemar.over-blog.com/2017/03/tartuffe-une-piece-politique.html

 

http://rosemar.over-blog.com/2015/05/dom-juan-le-combat-de-moliere.html

 

https://www.francetvinfo.fr/culture/400-ans-de-la-naissance-de-moliere-pourquoi-tartuffe-a-ete-censure_4915829.html

 

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15 janvier 2022 6 15 /01 /janvier /2022 09:43
Pour moi, la beauté me ravit partout où je la trouve...

 

Nous commémorons, en ce 15 janvier, les 400 ans de la naissance de Molière, l'occasion de lire et de relire son oeuvre, notamment la fameuse tirade de Dom Juan, célébrant l'inconstance : un chef d'oeuvre d'élégance, de poésie et de cruauté.


 Dom  Juan apparaît sur scène à l'Acte I, scène 2, après avoir été décrit par son valet, Sganarelle dans la première scène de la pièce :  il s’exprime longuement dans une tirade. On passe d’une vision populaire, d’une esquisse caricaturale, celle de Sganarelle, à une peinture plus approfondie du personnage.


Au début de la scène, Dom Juan confirme qu’il n’aime plus Done Elvire et exprime son intention d’enlever une jeune fiancée, il envisage donc une nouvelle conquête. Sganarelle ose émettre une critique : c’est là que se situe la tirade.
Dom Juan y expose sa propre conception de l’amour : une théorie  mûrement réfléchie, il  développe sa philosophie et celle des libertins de son temps.


 
I)  L’ART DE CONVAINCRE : APPEL A LA LOGIQUE (LE LOGOS), UN DISCOURS A  VALEUR GENERALE

  1)On peut d'abord étudier l’énonciation : dans la première phrase : les pronoms « on » «  nous »  l’emportent.
Plus loin: « pour moi, la beauté me ravit … »  on trouve l'emploi de la première personne.
Plus loin « on goûte une douceur extrême… »
Constamment Dom Juan  alterne  « je » et « nous » : il généralise donc son discours et lui donne ainsi une valeur de théorie.
   

2)Dom Juan parle sous forme de maximes ou de proverbes : « la constance n’est bonne que pour les ridicules »  « tout le plaisir de l’amour est dans le changement ». On note l'emploi du présent à valeur intemporelle : un présent de vérité générale et l'utilisation du pluriel à valeur généralisante.


  3)Ce discours bien construit vise à convaincre:
-1ère partie : « Quoi…….sur nos coeurs »  La fidélité est ridiculisée.
-2ème partie :« Pour  moi…je les donnerais tous » Eloge de l’inconstance.
-3ème partie : Les inclinations naissantes…conquêtes amoureuses » Le thème de la conquête.

Ce plan est habile : il va du négatif au positif, de la défensive à l’offensive. Dom Juan renverse les valeurs traditionnelles : il valorise l’infidélité et  discrédite la fidélité : c’est un éloge paradoxal  de l’inconstance.

 

II) LA CRUAUTE  ET LA DUPLUCITE DU PERSONNAGE

 

1) La stratégie de séduction passe par la tromperie : il s'agit de flatter par "cent hommages", de jouer un rôle avec des "larmes, des soupirs".

 

2) Dom Juan s'attache à séduire des femmes jeunes, naïves : "l'innocente pudeur d'une âme".

 

3) La femme devient un objet entre les mains de Dom Juan, un objet qu'il "mène" et manipule à sa guise...

 

 

III) L’ART DE PERSUADER : APPEL AUX SENTIMENTS  (LE PATHOS) APPEL A 
L’AFFECTIVITE, AUX EMOTIONS

     1)Dans la dénonciation de la fidélité,  Dom  Juan caricature la constance.
           -il utilise un ton interrogateur et ironique, au début de la tirade « Quoi   tu veux qu’on se lie.. » : c'est une fausse question qui  contient en elle-même la réponse : Sganarelle n’est même pas invité à répondre. On remarque dans la première phrase un  rythme ternaire insistant.

 

Plus loin, on trouve l’expression « la constance  n’est bonne que pour les ridicules ». Ainsi, la fidélité est associée  au rire et à des  termes péjoratifs « ridicules …. faux honneur ».


-la fidélité est aussi représentée par une succession d’images: « se lier…nous  prend…renoncer au monde….s’ensevelir  …être mort ». Celles-ci évoquent toutes l’idée d’enfermement, le manque de liberté : elles sont classées  dans un ordre croissant. On passe du verbe « lier » à  la claustration religieuse(« renoncer au monde ») plus loin à la mort, avec le tombeau, symbole ultime de l’enfermement.
Ces images de prison et de mort  ont pour but  de susciter la peur. La fidélité est aussi associée à  l’immobilité  et l’infidélité au mouvement  (« demeurer #entraîne  …changement »)


C'est un discours habile qui trouble l’auditeur d’autant que la morale traditionnelle est renversée : l’infidélité devient morale, elle est valorisée : Dom Juan parle en termes de droit : « les justes prétentions ». Ainsi la constance est une "injustice" faite  aux autres femmes. Dom Juan substitue une morale naturelle à la morale traditionnelle,  comme le suggère l’expression : « la nature nous oblige ». Dom Juan semble défendre la liberté, une idée séduisante.


   2)dans l’éloge de l’inconstance : là encore, Dom Juan  sait se montrer persuasif.
-il use d’un langage poétique : « la beauté me ravit partout où je la trouve » : un bel alexandrin suivi de deux octosyllabes. On relève un autre procédé poétique, un oxymore : « douce  violence ». Plus loin des sonorités très douces sont mises en jeu dans la phrase : « les inclinations naissantes ont des charmes inexplicables… » 
des sifflantes « s  z », une chuintante « ch », des voyelles nasalisées  « an    on » qui ralentissent le rythme. Dom Juan sait donner à ses idées une force irrésistible, une grâce poétique : la douceur des sonorités correspond bien à l’idée énoncée : le plaisir l’emporte.
   -le champ lexical du plaisir domine : « charmes, plaisir, goûter, extrême douceur ».
On perçoit la sensualité du personnage, son goût du plaisir.


    3)dans le thème de la conquête : la quête amoureuse devient une entreprise périlleuse et glorieuse. Ce thème est perceptible  à travers différents procédés :
-une longue phrase suggère les étapes successives de cette quête : « combattre par des transports…larmes, soupirs » : la réussite doit être lente, progressive. De nombreuses relatives permettent de ralentir le rythme dans cette phrase.
-le  procédé de l’énumération de verbes : « voir …combattre …forcer.. vaincre »
-le vocabulaire du combat, de la guerre : « combattre  forcer  vaincre  être maître  triompher, conquérants   victoire ». Ce champ lexical traduit une volonté de domination et de puissance  implacable.


-le registre épique a pour but de provoquer l ‘admiration de l’auditeur : des hyperboles  avec de nombreux pluriels « toutes les autres beautés, toutes les belles. aux autres etc. »
Des nombres : « dix mille,  cent hommages ».


-la dernière partie de la tirade est significative avec la référence à « Alexandre ».
On perçoit l’orgueil démesuré de Dom Juan : il se compare au plus grand des conquérants.


Dom Juan  a le goût de l’absolu : il refuse les limites.  Cet absolu s’exprime à travers une antithèse : « rien…toute la terre ». La phrase mime la démesure de Dom Juan : les membres de phrase  deviennent de plus en plus longs, le rythme s’amplifie...

 

On perçoit dans cette tirade la force et le pouvoir de persuasion du discours de Dom Juan : il fascine, il subjugue Sganarelle mais aussi l'ensemble de l'auditoire.
  

 

Le texte :

 

Dom Juan
Quoi ? Tu veux qu’on se lie à demeurer au premier objet qui nous prend, qu’on renonce au monde pour lui, et qu’on n’ait plus d’yeux pour personne ? La belle chose de vouloir se piquer d’un faux honneur d’être fidèle, de s’ensevelir pour toujours dans une passion, et d’être mort dès sa jeunesse à toutes les autres beautés qui nous peuvent frapper les yeux ! Non, non : la constance n’est bonne que pour des ridicules ; toutes les belles ont droit de nous charmer, et l’avantage d’être rencontrée la première ne doit point dérober aux autres les justes prétentions qu’elles ont toutes sur nos cœurs. Pour moi, la beauté me ravit partout où je la trouve, et je cède facilement à cette douce violence dont elle nous entraîne. J’ai beau être engagé, l’amour que j’ai pour une belle n’engage point mon âme à faire injustice aux autres ; je conserve des yeux pour voir le mérite de toutes, et rends à chacune les hommages et les tributs où la nature nous oblige. Quoi qu’il en soit, je ne puis refuser mon cœur à tout ce que je vois d’aimable ; et dès qu’un beau visage me le demande, si j’en avais dix mille, je les donnerais tous. Les inclinations naissantes, après tout, ont des charmes inexplicables, et tout le plaisir de l’amour est dans le changement. On goûte une douceur extrême à réduire, par cent hommages, le cœur d’une jeune beauté, à voir de jour en jour les petits progrès qu’on y fait, à combattre par des transports, par des larmes et des soupirs, l’innocente pudeur d’une âme qui a peine à rendre les armes, à forcer pied à pied toutes les petites résistances qu’elle nous oppose, à vaincre les scrupules dont elle se fait un honneur et la mener doucement où nous avons envie de la faire venir. Mais lorsqu’on en est maître une fois, il n’y a plus rien à dire ni rien à souhaiter ; tout le beau de la passion est fini, et nous nous endormons dans la tranquillité d’un tel amour, si quelque objet nouveau ne vient réveiller nos désirs, et présenter à notre cœur les charmes attrayants d’une conquête à faire. Enfin il n’est rien de si doux que de triompher de la résistance d’une belle personne, et j’ai sur ce sujet l’ambition des conquérants, qui volent perpétuellement de victoire en victoire, et ne peuvent se résoudre à borner leurs souhaits. Il n’est rien qui puisse arrêter l’impétuosité de mes désirs : je me sens un cœur à aimer toute la terre ; et comme Alexandre, je souhaiterais qu’il y eût d’autres mondes, pour y pouvoir étendre mes conquêtes amoureuses.

 

 

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12 janvier 2022 3 12 /01 /janvier /2022 09:41
Houellebecq sous haute protection !

 

Le nouveau roman de Michel Houellebecq est paru ce vendredi 7 janvier... le lendemain, je me rends en librairie pour le feuilleter avant de l'acheter... ce que je fais souvent, avant d'acheter un livre, quel qu'il soit...

Sur un rayon, bien en vue, de nombreux exemplaires du roman... ils étaient tous sous blister, un emballage plastique transparent.

 

J'entreprends alors de déchirer le blister, afin de feuilleter l'ouvrage.

Sacrilège ! La libraire se précipite vers moi, me tance, et m'arrache le livre des mains...

 

Je n'avais pas le droit de le feuilleter et d'en découvrir quelques extraits.

Je lui rétorque alors : "On n'a pas le droit de voir ce que l'on achète ? Tous les autres livres sont à disposition, et on peut les feuilleter..."

Peine perdue. La libraire emporte le livre pour le mettre à l'abri ! (Il est vrai que l'édition est soignée : une belle couverture cartonnée, un signet rouge...)

Aussitôt, je lui dis : "Bon, alors, je vais acheter le livre ailleurs ! Je rebrousse chemin en lui lançant : "Bonne après midi, Madame !"

J'ai trouvé cette dame très pointilleuse et ce n'est pas la première fois : c'est elle qui avait vertement réprimandé un client lorsqu'il avait simplement enlevé son masque anti-covid pour se moucher !

 

Je suis donc allée à la FNAC pour découvrir le livre...

Un exemplaire était en libre accès, je l'ai feuilleté et j'ai été aussitôt intriguée par un message crypté, illisible, écrit avec des caractères inconnus et mystérieux, au début du roman, et je l'ai acheté : peut-être serai-je déçue ?

J'avais particulièrement apprécié Soumission, Sérotonine : des romans emplis de surprises, d'humour.

 

Houellebecq a amorcé un renouveau en littérature : c'est un auteur atypique qui surprend, étonne, Houellebecq dépeint la déprime, la misère de l'homme moderne, mais il nous fait rire.

Et le rire est salvateur, bénéfique.

J'aime le personnage et j'aime l'écrivain : un auteur qui étonne, qui surprend par son humour décalé, par ses références au monde moderne, un auteur qui vit dans son temps et qui se fait l'écho de notre époque...

 

J'ai vu quelques critiques sur France Culture : elles ne sont pas bonnes.

"Un roman plat, ennuyeux, la construction est complètement bancale, un personnage plat..."

"Un roman de la banalisation de l'extrême-droite... un roman misogyne, un niveau de réflexion problématique..."

"Ce n'est même pas un roman d'anticipation..."

"Une grande place accordée au catholicisme : il montre l'horreur du monde sans Dieu, mais ce n'est pas original."

Bref, des critiques plutôt sévères...

De toutes façons, je lirai le roman pour m'en faire une idée précise...

A suivre, donc...

 

 

https://www.franceculture.fr/litterature/lire-ou-pas-aneantir-le-nouveau-roman-de-michel-houellebecq

 

https://www.franceinter.fr/emissions/parcours-critiques/michel-houellebecq-episode-4

Houellebecq sous haute protection !
Houellebecq sous haute protection !
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7 janvier 2022 5 07 /01 /janvier /2022 12:21
Le succès du livre...

 

Face à l'avalanche de mauvaises nouvelles que nous subissons, enfin une éclaircie en ce début d'année 2022 : le succès du livre !

 

L'année 2021 a été marquée par des ventes exceptionnelles de livres : elles ont augmenté de 19% en deux ans : confinements, couvre-feux, restrictions nous auraient donc donné des envies de bouquiner...

Une très bonne nouvelle !

 

Il est vrai que les Français ont été saturés d'écrans avec le telé-travail : ils aspirent à autre chose, ils refusent le règne des images.

Le livre, lui, permet une vraie concentration, une attention, une curiosité sur toutes sortes de sujets...

 

J'aime les livres, ils peuvent procurer une détente, une évasion, mais aussi une réflexion sur le monde.

 

Il est important aussi d'offrir des livres à ceux que l'on aime : une forme de partage essentiel...

 

Entrez dans une librairie, c'est tout un monde à découvrir ! Il y a une âme ! Un monde qui fait rêver...

On peut feuilleter les livres à loisir, mieux les choisir : on est attiré par un titre, une phrase, un titre de chapitre, un développement...

Oubliez la vente en ligne ! Rien ne vaut une visite chez un libraire pour faire un choix judicieux !

 

La lecture est un moment de repli sur soi, de recueillement, mais aussi d'ouverture sur les autres et le monde...

Vive le livre !

Le livre est un bien essentiel, une respiration, un bonheur à découvrir...

Quand j'ouvre un livre, une curiosité insatiable me saisit...

C'est un outil de discernement, de jugement si important !

Comment a-t-on pu fermer les librairies en temps de confinement ? Quelle erreur !

 

Comme l'écrit Céline Pina dans son ouvrage Ces bien essentiels, "Aldous Huley imagine le type de société que les progrès techniques de son époque pourraient engendrer. La pensée a disparu, la culture se limite au divertissement et l'homme n'est plus conscient de sa condition... Le Meilleur des Mondes est une dystopie ou une contre-utopie. Celle-ci nous montre par le biais de la fiction un univers déshumanisé et totalitaire dans lequel les rapports sociaux sont dominés par la technologie et la science."

Lire est un acte de résistance dans un monde dominé par la technologie...

 

 

Quelques suggestions de lecture :

 

Seules les pensées que l'on a en marchant valent quelque chose, de Christophe Lamoure

L'Art d'être Français, de Michel Onfray

Ces biens essentiels, de Céline Pina

La joie des larmes, de Francis Métivier

Entrer dans la douceur, de Jean-Claude Guillebaud

L'Autre à distance, de Anne Muxel

Aujourd'hui : parution du nouveau roman de Michel Houellebecq, Anéantir... affaire à suivre...

 

https://www.francetvinfo.fr/culture/livres/roman/culture-des-ventes-de-livres-exceptionnelles-en-2021_4896939.html

 

Le succès du livre...
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13 décembre 2021 1 13 /12 /décembre /2021 12:53
François Sarano, Réconcilier les hommes avec la vie sauvage...

 

Dans son ouvrage intitulé Réconcilier les hommes avec la vie sauvage, François Sarano, plongeur et océanographe nous raconte l’Océan, sa faune, sa flore, et la cohabitation de l’homme avec ce qui lui est étranger. Il invite à voir dans la diversité du vivant une richesse et à changer notre regard sur la vie sauvage. Un témoignage salutaire illustré de jolis moments de ballets avec les cachalots et les raies géantes.

J'ai pu assister à une conférence de cet océanographe : François Sarano insiste sur la notion de rencontre, de partage sans tomber dans la culpabilisation : les livres écologistes sont souvent pessimistes, ce n'est pas le cas du livre de François Sarano.

Voici le message qu'il délivre :

"En plongée, on n'est jamais seul, mais toujours en équipe... C'est beaucoup mieux de partager les bonheurs, à la rencontre de la vie sauvage, de l'autre côté de la surface de la peau de l'océan... c'est un monde qui n'a rien à voir avec notre monde à terre...

Sur terre, on est toujours besogneux, sous l'eau, on s'envole, on vole au dessus d'une forêt de gorgones, on rejoint les poissons, tout est léger, une sensation physique formidable.

C'est un monde libre, ouvert, pas de route... c'est notre dernier monde sauvage.

On peut s'approcher des poissons, on peut se mêler à cette vie sauvage sans que cela perturbe. On peut tisser des liens, être bienveillant l'un avec l'autre.

On peut encore rencontrer les géants de la planète, des baleines, des cachalots. On peut rencontrer les derniers prédateurs de notre planète. On peut même s'approcher du grand requin blanc.

Cela nous amène à comprendre ce que pourrait être notre relation avec tous "les sauvages."

Pour beaucoup de gens, le requin représente la mort : on reste avec cette image du film Les dents de la mer..."

Et François Sarano nous raconte ses rencontres avec les requins blancs dans le Pacifique. "Il faut être très discret, les attirer avec l'odeur de poissons.

En fait, les requins ont peur, fuyant l'approche des plongeurs. Mais un jour, une femelle l'a accepté pendant une minute, tout près.

Oubliez le film de Spielberg et tous les films sensationnels ! s'exclame François Sarano.

Cette rencontre nous dit des choses extraordinaires... On n'ose pas aller à la rencontre des autres.

C'est valable pour toutes les autres différences de religions, de sexualité, de traditions.

Il faut y aller sans rien, sans fusil, sans bâton, sans tricherie : si on veut recevoir, il faut être complètement offert.

En fait, nous faisons partie du même monde : il faut considérer les animaux à égalité.

Ainsi, on peut leur donner des noms : Lady Mystery pour cette femelle requin, par exemple. On peut côtoyer l'animal à 10 centimètres sans le toucher, on respecte ainsi la vie sauvage, avec une marque de respect essentielle.

Aujourd'hui, tout est médiatisé : les animaux nous appartiendraient, la nature serait à notre service.

Le génie de l'homme, c'est d'avoir conscience du monde, de toutes les espèces, de leur fragilité, de notre force, et cette conscience nous donne une invraisemblable responsabilité à leur égard. Il s'agit de respecter les autres avec leurs différences, de nous réconcilier avec la vie sauvage.

Dans ces moments de contact avec un requin, on aime le monde entier : la vie sauvage est riche parce qu'elle est imprévisible à la dimension de nos rêves.

La diversité biologique, c'est la richesse de notre planète.

Le requin a un langage, même s'il ne fait pas de bruit alors que les petits poissons demoiselles se servent de leurs dents pour communiquer. Le langage du requin est fait d'attitudes, de contorsions : si ses nageoires sont baissées, il manifeste son mécontentement, il essaie de vous intimider et vous demande de partir, et si on reste calme, il se détourne.

D'autres animaux extraordinaires sont des animaux sociaux : les cétacés, notamment les cachalots qui ne sont que tendresse. Les cachalots jouent, se caressent, se font des câlins. Ces animaux sauvages se laissent approcher, acceptent une autre espèce, même dans des moments de fragilité.

Une maman cachalot qui allaite un bébé accepte la présence des humains. Chez les cachalots, il existe des nounous : un bébé tête une femelle puis une autre.

Quand on prête attention à ces animaux, on découvre des choses incroyables : ces animaux qui ressemblent à de grosses saucisses sont très proches de nous.

Un jour, un cachalot a commencé à danser pour nous : avec des expressions sonores, associées à une demande de câlins, il a essayé de m'apprivoiser. Moi, l'autre espèce, j'étais l'objet de toutes ses attentions. Jamais, il ne nous touchait, il était délicat, attentionné...

Non, je ne fais pas d'anthropomorphisme ! Il a choisi de venir voir une autre espèce, de rentrer en contact et de m'apprivoiser. C'est le renard et le petit Prince...

Les cachalots sont différents de nous, mais ils ont une société basée sur la solidarité. Non, la vie sauvage n'est pas agressive si nous nous montrons bienveillants et accueillants.

Bientôt, nous serons 10 milliards d'habitants sur cette planète : on ne pourra pas tous se comprendre, cette impossibilité nous oblige-t-elle à nous affronter ?

Ce qui est important, c'est de vouloir se comprendre. Prêter attention aux fleurs, aux arbres, aux hérissons, aux libellules... Ce sont là des trésors que nous avons oubliés : on a les poches pleines d'or !"

 

Une conférence pleine d'enthousiasme et d'optimisme : François Sarano sait passionner son auditoire et remporter l'adhésion !


 

 

 

 

https://www.lepoint.fr/sciences-nature/cop26-les-oceans-ces-grands-oublies-09-11-2021-2451319_1924.php

François Sarano, Réconcilier les hommes avec la vie sauvage...
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5 novembre 2021 5 05 /11 /novembre /2021 09:42
Vive la nostalgie !

 

Dans une société libérale tournée vers le profit, la rentabilité, l'immédiateté, le bonheur de l'instant, la nostalgie n'a plus sa place...

 

Il faut être tourné vers l'avenir ! C'est le credo de notre époque.

Il faut profiter de tous les progrès qui nous sont accessibles : le smartphone, la montre connectée, les écrans de toutes sortes...

 

Ainsi, la mélancolie, la nostalgie ne sont plus à l'honneur.

C'est même être réactionnaire et passéiste que d'être nostalgique...

Un certain Alain Finkielkraut en sait quelque chose...

 

La culture classique est jugée ringarde par certains, trop élitiste, trop difficile... Il faut vivre dans le présent, la modernité et oublier l'héritage qui nous vient du passé...

Mais quelle erreur !

C'est le passé qui nous construit et qui nous permet de mieux vivre le présent.

Nous avons tous besoin d'un ancrage, d'un bagage culturel, de souvenirs.

Comme l'écrit Jean-Paul Brighelli, "adhérer à la nostalgie, au regret, à la mélancolie, c'est critiquer la pensée vivifiante de notre souverain d'aujourd'hui..."

"Les grandes époques dictatoriales ne supportent pas que la littérature glorifie autre chose que le présent..." On perçoit bien le danger de ce culte voué au présent.

 

"Il faut vivre avec son temps", dit-on souvent. Certes, mais on ne peut oublier que nous sommes tous influencés par ceux qui nous ont précédés, à qui nous sommes redevables : nos parents, nos grands-parents, notre famille, nos ancêtres...

Tous les apprentissages sont fondés sur une culture antérieure.

C'est cette culture qui nous nourrit. Il est important de vénérer le passé.

Comme l'écrit Michel Onfray, dans son ouvrage L'art d'être Français : "Notre époque ne permet plus d'être rabelaisien, cartésien, voltairien, de pratiquer le marivaudage, et de se réclamer de l'idéal de Victor Hugo. Ce qui faisait notre civilisation n'est plus défendable, sauf à passer pour un conservateur, voire un réactionnaire, quand ce n'est pas pis : un vichyste, un pétainiste visant à réactiver l'atmosphère nauséabonde des heures les plus sombres de notre histoire..."

 

Nous sommes tous en quête de bonheur, mais le bonheur est fait aussi de souvenirs, de lectures, d'expériences, d 'apprentissages divers.

La nostalgie fait partie de la condition humaine, elle nous aide aussi à mieux vivre le présent.

 

Soyons mélancoliques ! Soyons nostalgiques ! Refusons la culture de l'immédiateté et de l'instant !

 

 

 

 

Source : un article de Jean-Paul Brighelli paru dans Marianne, La nostalgie est à tes trousses.

 

Vive la nostalgie !
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22 septembre 2021 3 22 /09 /septembre /2021 08:24
Un vingt-deux septembre au diable vous partîtes...

 

 

Le début de l'automne évoque traditionnellement le déclin, la perte, une certaine nostalgie du passé...

Pour Brassens, le 22 septembre est associé à une rupture amoureuse dans une célèbre chanson intitulée "Un vingt-deux septembre".

"Un vingt-deux septembre au diable vous partîtes..."

L'expression est savoureuse car elle ne traduit pas vraiment un désarroi, une tristesse : elle exprime au contraire une certaine désinvolture, comme si le poète avait souhaité le départ de la belle... ou comme si, le temps étant passé, la rupture semblait moins amère.

Et pourtant, chaque année, cette date était ponctuée par des pleurs : 


"Et, depuis, chaque année, à la date susdite,
Je mouillais mon mouchoir en souvenir de vous..."

Les thèmes du souvenir et du temps qui passe sont ainsi entremêlés dès le début de la chanson : l'alternance des temps, passé simple, imparfait, présent suggère bien cette fuite du temps, ainsi que les adverbes de temps qui scandent le texte : "aujourd'hui, jadis, à présent."

Le présent marque un changement total souligné par cette image : "Or, nous y revoilà, mais je reste de pierre" et par une expression brutale et triviale :

"Plus une seule larme à me mettre aux paupières 
Le vingt-deux de septembre, aujourd'hui, je m'en fous."

Et le poète revient pourtant sur la force de cet amour qui lui faisait accomplir des prouesses :

"Jadis, ouvrant mes bras comme une paire d'ailes,
Je montais jusqu'au ciel pour suivre l'hirondelle
Et me rompais les os en souvenir de vous..."

On perçoit un élan, un enthousiasme avec l'image de l'hirondelle...

Mais  cet élan a disparu et on trouve comme souvent dans les chansons de Brassens, une référence littéraire et mythologique :

"Le complexe d'Icare à présent m'abandonne,
L'hirondelle en partant ne fera plus l'automne:
Le vingt-deux de septembre, aujourd'hui, je m'en fous."

On aime aussi ce renversement du dicton "Une hirondelle [arrivant] ne fait pas le printemps", qui signifie qu'un seul signe ou indice ne constitue pas une preuve.

Brassens n'oublie pas d'évoquer de nombreux thèmes associés à l'automne : le départ des hirondelles mais aussi les feuilles mortes, le deuil :


"On ne reverra plus au temps des feuilles mortes,
Cette âme en peine qui me ressemble et qui porte
Le deuil de chaque feuille en souvenir de vous...
Que le brave Prévert et ses escargots veuillent
Bien se passer de moi pour enterrer les feuilles."

Sans oublier la référence littéraire aux poèmes de Prévert...

On retrouve le thème des pleurs et des souvenirs tristes dans la strophe suivante :


"Pieusement noué d'un bout de vos dentelles,
J'avais, sur ma fenêtre, un bouquet d'immortelles
Que j'arrosais de pleurs en souvenir de vous..."

Les "immortelles" que Brassens arrose de pleurs semblaient, pourtant, être là pour signifier un amour éternel.

Mais la suite vient à nouveau former un contraste saisissant avec cette déclaration d'un amour sans fin :


"Je m'en vais les offrir au premier mort qui passe,
Les regrets éternels à présent me dépassent:
Le vingt-deux de septembre, aujourd'hui, je m'en fous."

Brassens n'oublie pas de jouer malicieusement sur le sens du verbe "passer", ce verbe signifiant aussi par euphémisme "mourir".

L'amour s'en est allé, et c'est une rupture qui semble définitive, comme le suggère l'emploi du futur dans la strophe suivante :


"Désormais, le petit bout de coeur qui me reste
Ne traversera plus l'équinoxe funeste
En battant la breloque en souvenir de vous..."

Finis la tristesse et le désarroi...

Et Brassens de reprendre les clichés traditionnels de la poésie amoureuse et galante, avec ces images précieuses mêlées à un vocabulaire familier... c'est là tout le talent de Brassens de mélanger les genres !


"Il a craché sa flamme et ses cendres s'éteignent,
A peine y pourrait-on rôtir quatre châtaignes:
Le vingt-deux de septembre, aujourd'hui, je m'en fous."

 

Et, le poème s'achève sur ce vers :

 

"Et c'est triste de n'être plus triste sans vous"

 

 Ainsi, cette chanson exprime, malgré tout, la nostalgie d’un bonheur passé et … l’indifférence nouvelle.

Quelle richesse dans ce texte, que de références littéraires, quelle culture et quelle bonhomie aussi !

Brassens nous livre ici un véritable poème de facture classique en alexandrins, un poème où se mêlent jeux de langage, culture, humour, tendresse...

 

 

 

 

 

 

 

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