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26 novembre 2021 5 26 /11 /novembre /2021 13:19
Un somptueux récital de piano avec Benoit Tourette...

 

Un récital donné dans le cadre des Jeudis de Nîmes : un programme somptueux... Bach, Extraits de Le clavier bien tempéré...  Chopin, Berceuse, opus 57, Barcarolle, opus 60... Debussy, L'Isle joyeuse...

 

Avec Le Clavier Tempéré, on est séduit aussitôt par une musique élégante qui coule, emplie de douceur, une musique qui charme et berce, on se laisse emporter dans un monde de rêve et d'harmonie...

Puis, le rythme devient plus sautillant, dansant...

On se laisse encore charmer par la délicatesse du morceau suivant mais aussi par une gaieté soudaine... on a l'impression d'écouter le murmure d'un ruisseau, comme des frissons sur l'eau...

La musique se fait ensuite plus mélancolique, nocturne, solennelle...

 

Vient alors un morceau plus vif, rapide qui s'adoucit enfin...

On aime la légèreté, l'élégance de cette musique et toutes les nuances qui ponctuent ces extraits de Bach.

Puis, on entend des notes qui dévalent en cascades, une musique nerveuse qui reste élégante, fluide, on est aussi comme ébloui par un air de chanson enfantine, des cavalcades de notes, une fluidité dansante, envoûtante...

 

Oui, vraiment, la musique classique est propice au recueillement, à l'attention, la concentration, des qualités qui se perdent dans notre monde moderne voué aux écrans...

La musique classique est une école d'attention, une source d'émerveillement.

 

 

Que dire de la Berceuse de Chopin ? On est ému par une douce fantaisie, des vertiges de notes éblouissantes, des envolées emplies de charme.... une Berceuse apaisante, fluide, enchanteresse.... Magique !

 

Quant à la Barcarolle, elle nous emporte dans une musique qui virevolte, avec un crescendo de notes plus intenses, puis, la musique s'apaise, douce, limpide...

On est charmé par un vertige de notes éblouissantes : un pur bonheur !

 

 

Le récital se poursuit avec L'Isle joyeuse de Claude Debussy : on entre alors dans un univers musical plus étrange, plus surprenant...

On retrouve des vertiges de notes, puis la musique s'assourdit, s'emporte, se rebelle... Vertigineux !

 

A la fin du spectacle, c'est un tonnerre d'applaudissements pour Benoît Tourette.

 

Le pianiste revient interpréter Festa No Sertao de Villa Lobos. Une musique intense, fiévreuse, vive, étourdissante de virtuosité !

 

Un grand bravo à Benoît Tourette pour la maîtrise et le brio de son interprétation !

 

 

 

 

 

 

 

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19 novembre 2021 5 19 /11 /novembre /2021 12:36
La Danza !

 

Un duo de musiciens de talent pour célébrer la danse, deux instruments éminemment populaires, la mandoline et l'accordéon : Félicien Brut et Julien Martineau ont enchanté le public Nîmois lors de ce spectacle intitulé La Danza...

 

Félicien Brut est considéré aujourd'hui comme l'un des accordéonistes français les plus innovants et éclectiques de sa génération.

Julien Martineau est l'un des rares mandolinistes en Europe à mener une carrière de concertiste.

L'accordéon et la mandoline sont des instruments très populaires. Mais, malgré tout, ce sont des instruments un peu méconnus qu'on a catalogués dans des styles très particuliers : en fait, ce sont des instruments qui ont parcouru le monde et des cutures très différentes...

 

Le récital commence avec "le Paganini" de la mandoline, un compositeur peu connu : Raffaele Calace... il a écrit des petites pièces napolitaines, puisqu'il était originaire de Naples.

Mazurka, boléro nous transportent en Italie, dans les petites ruelles de Naples... des airs emplis de charme et de gaieté...

 

Puis, on se laisse emporter par les musiques de Richard Galliano,  un célèbre accordéoniste qui s'est illustré dans des styles aussi différents que la chanson, le jazz ou la musique classique...

"Sertao" évoque l'Amérique latine, un continent important pour l'accordéon puisque c'est en Amérique latine qu'on joue le plus de l'accordéon....

Puis Clown perdu, une valse lente et Fou rire, une valse swing...

 

On écoute ensuite le merveilleux Adagio ma non troppo de Beethoven : délicatesse, sensibilité, romantisme, douceur réunis dans ce morceau...

"Quand on pense à Beethoven, l'héroïsme vient tout de suite en tête, mais ces pièces sont très délicates. Elles sont très peu jouées car les gens ne pensent pas qu'il a écrit pour la mandoline. Il existe de nombreuses excellentes versions des concertos de Vivaldi par exemple, mais pour ces pièces de Beethoven à la mandoline, les quelques enregistrements que l'on trouve sonnent comme si l'instrument était un clavecin, voire une machine à écrire. Et puis, pour beaucoup ce n'est pas du grand Beethoven, ce qui explique une certaine réticence à les enregistrer. On peut pourtant trouver dans ces pièces un peu galantes le caractère romantique contrarié du compositeur. Ce sont des œuvres de circonstance. Elles sont dédicacées à un ami violoniste qui adorait la mandoline, mais aussi à la comtesse Joséphine Clary, à qui il donnait des leçons. La dédicace note d'ailleurs «Pour la belle Joséphine».", nous dit Julien Martineau.

 

"La première idée reçue, c'est que l'accordéon serait un instrument français... nous, les Français, on est très forts pour ça : on imagine toujours à peu près avoir tout inventé ! Et comme cet instrument est devenu le symbole de la France, on imagine volontiers qu'il a été inventé à Paris, mais ce n'est pas vrai... il est né à Vienne en 1829, quelques mois après la mort de Beethoven, mais très vite il va être adopté par les Italiens qui vont développer sa facture. Ce qui fait un point commun entre la mandoline et l'accordéon...", nous explique Félicien Brut.

Cette évocation est l'occasion de jouer un grand compositeur italien, un compositeur de génie qui a écrit les plus belles pages de l'opéra... Rossini...

La Danza, une musique endiablée... La danza fut composée en 1835 par Gioachino Rossini sur un rythme rapide de tarentelle napolitaine...

 

Yann Tiersen, né le 23 juin 1970 à Brest (Bretagne), est, quant à lui, un auteur-compositeur, musicien et producteur français.

En 2001, il devient mondialement connu pour sa composition de la bande originale du film de Jean-Pierre Jeunet, Le Fabuleux Destin d'Amélie Poulain, pour laquelle il obtient le César de la meilleure musique de film en 2002.

Julien Martineau joue "Sur le fil", un air empli d'élégance et de vivacité...

 

On revient à l'accordéon et à son histoire : c'est un instrument qui est arrivé en France au début du XXe siècle, les Italiens nous l'ont ramené à Paris dans le quartier Bastille et là, ils ont rencontré les auvergnats qui avaient envahi le quartier avec leur "musette, leur cabrette".

L'accordéon des Italiens va alors  rapidement remplacer la musette.

Dans les cafés auvergnats, on dansait notamment la valse musette, la java, le paso doble, le tango musette, ainsi qu'un grand nombre d'autres danses.

Julien Brut interprète alors un Medley de valse musette : Mon amant de Saint-Jean, Sous les ponts de Paris, etc. 

 

Le duo se reforme ensuite...

De nombreux compositeurs se sont inspirés de musiques populaires pour écrire de la musique classique : ainsi Béla Bartok, grand compositeur hongrois a passé de nombreuses années à parcourir les campagnes  pour aller collecter des airs populaires, il en a fait une suite de danses magnifiques, six danses populaires roumaines... des airs pleins d'entrain, de vivacité, de rythmes endiablés...

 

Marucelli, quant çà lui, était un Florentin : il a écrit de nombreuses pièces pour mandoline, il est mort prématurément à 29 ans. Il fut un grand mélodiste et poète de la musique italienne.

De fait, sa valse fantastique est une pure merveille de virtuosité et de finesse...

 

En Russie, on trouve des instruments un peu cousins de la mandoline : la balalaïka et la dombra... Et Anatoli Chalaïev nous raconte dans une de ses compositions l'hiver russe : on ferme les yeux et on s'imagine aussitôt dans les steppes enneigées de Sibérie, le vent souffle, la neige tourbillonne et, au loin, on entend arriver une troïka avec des petits grelots... la magie opère ! 

Merveilleuse ambiance hivernale, merveilleux dépaysement avec cette musique d'Anatoli Chalaeïv.

 

Le spectacle s'achève avec "le tube" par excellence de la mandoline... vous avez deviné ?

 

Merci aux deux interprètes pour ces magnifiques voyages musicaux...

 

 

 

 

 

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12 novembre 2021 5 12 /11 /novembre /2021 12:45
La danse des éventails...

 

C'est dans le cadre prestigieux des JARDINS DE LA FONTAINE, à Nîmes, que la COMPAGNIE NOËL CADAGIANI a présenté un spectacle de danse, devant le grand mur des Jardins.

 

Une représentation de la Danse des éventails du célèbre chorégraphe Andy de Groat : pour ce spectacle, la COMPAGNIE a fait appel aux élèves de l’école nîmoise DANSE & CIE.

 

Une musique et une chorégraphie envoûtantes : les danseurs et les danseuses vêtus de noir exécutent des pas cadencés, des figures géométriques... on admire alors des envolées d'éventails tenus à bout de bras... un spectacle prenant : les danseurs et danseuses se croisent, se contournent...

 

Les éventails d'une blancheur immaculée contrastent avec les tenues sombres...

Beaucoup de poésie dans cette danse : lenteur des pas exécutés, douceur des mouvements, harmonie des gestes.

On est loin de la frénésie de notre monde... On apprécie ce décalage...

 

"L'amour, l'art, la musique, la poésie, tout ce qui relève de la sensibilité ne s'épanouit que dans la lenteur. La rapidité est une insulte à la beauté et au plaisir...", comme l'écrit si justement Georges Picard dans son ouvrage intitulé "Petits essais de pensée dissonante."

 

Un beau moment de détente devant cette chorégraphie inspirée, emplie de douceur et de charme...

Le spectacle était suivi d'une leçon de danse : les spectateurs étaient invités à s'initier à cette danse, sous la direction du chorégraphe.

Enfin, une autre chorégraphie était présentée : la danse des quatre saisons, encore une danse très simple où les participants miment les différentes saisons, avec seulement les gestes des bras...

 

"Andy de Groat (1947-2019) est l’auteur de nombreuses chorégraphies iconoclastes, dont Le Lac des Cygnes, La Bayadère, Tangos ou encore La Danse des éventails. Créée en 1978 cette danse est la signature du chorégraphe et aussi un bijou de danse minimaliste, qui offre une liberté d’action à chaque danseur et danseuse à l’intérieur d’un cadre subtil et mathématique."

 

" Basée sur un des thèmes du ballet Red Notes de 1977, La Danse des éventails est un mélange étrange de pas simples mais inhabituels auxquels s’ajoutent des mouvements de bras précis et un espace aléatoire en constante évolution. La conception de ce "puzzle chinois" est le mélange apparemment contradictoire entre unisson et liberté de mouvements. C’est un hymne à la beauté géométrique, à la musicalité dansante…à la coordination physique, mentale et sensorielle, à la discipline de groupe et à la liberté personnelle", disait Andy de Groat. 

 


"Cette courte pièce de cinq minutes a été interprétée dans toutes sortes de  conditions et distributions : de quatre à plus de quarante danseurs. C’est une pièce qui exige une grande concentration. L’écoute totale  entre les danseurs produit un sentiment très fort d’appartenance au groupe."

"Cette pièce a connu toutes sortes de conditions de présentation et de nombreuses distributions (…) allant de six à plus de quarante danseurs… amateurs, élèves, compagnies professionnelles… à Sao Paulo, Roubaix, Aix-en-Provence, Milan, Helsinki, Tours, etc. 

Dans cette chorégraphie, les trajectoires des danseurs se croisent et se contournent sans que jamais ils n’entrent en contact direct. Cette organisation évoque de façon irrésistible — bien que tout à fait fortuite — la condition qui nous est faite en ces temps de "distanciation sociale."

 

 

 

Andy de Groat est né en 1947 aux Etats-Unis de racines hollandaises, italiennes, françaises, allemandes et anglaises. 

 Pendant ses études aux Beaux-arts à New York en 1967 il rencontre le metteur en scène Robert Wilson. Il rejoint sa troupe en tant que danseur puis chorégraphe du Regard du Sourd  en 1971 jusqu’à  Einstein on the Beach  en 1976.  Son œuvre pour Red Notes et d’autres compagnies, compte plus de soixante créations présentées dans vingt pays.

 

 

https://www.mpaa.fr/programmation/danse-eventails

 

 

 

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26 octobre 2021 2 26 /10 /octobre /2021 12:00
Brassens, poète de l'Amour...

 

Pour célébrer encore Brassens, le poète, le musicien, l'amoureux des mots et de la littérature, voici une republication d'un article consacré à une de ses chansons les plus célèbres...

Brassens reste, pour chacun d'entre nous, l'éternel ami Georges : ses chansons sont intemporelles et éternelles, on aime toujours les entendre, les fredonner, les savourer...

L'amour lui a inspiré ses plus beaux poèmes : comment oublier La chasse aux papillons, Les amoureux des bancs publics, J'ai rendez-vous avec vous, Les sabots d'Hélène, Marinette, L'orage, ou encore Le parapluie ?

 Comment ne pas être sensible au charme, à l'évidence, à la simplicité de ce texte : Un p'tit coin d' parapluie ?
 
Une inconnue rencontrée sur le chemin offre au poète un moment de rêve.
Désignée par le pronom "elle", la jeune inconnue apparaît d'autant plus énigmatique et secrète : on ne connaîtra pas son nom, comme le poète l'ignorera aussi...
 
La pluie intense favorise la rencontre amoureuse.
Privée de parapluie, la belle inconnue a forcément besoin de secours, un secours que s'empresse de lui apporter le poète.
 
Le verbe "courir" souligne cet empressement, et le poète propose "un peu d'abri", grâce à un parapluie qu'il a volé, le matin même, à un ami.
On reconnaît bien, là, dans cette remarque, la désinvolture et l'indolence d'un poète.
 
La réponse de la belle inconnue ne se fait pas attendre... Elle accepte la proposition, avec un geste rempli de séduction :"en séchant l'eau de sa frimousse..."
 
Le refrain transforme alors la jeune fille en "ange" et le "coin de parapluie" devient "un coin de paradis".... L'inversion et la reprise de ces mots traduit bien le ravissement du narrateur.
Et le poète peut, dès lors, constater familièrement : "je ne perdais pas au change, pardi !"
Le vocabulaire religieux : "ange, paradis" transforme la jeune inconnue en une déesse, un être divin, aux attraits envoûtants.
 
La promenade sous la pluie nous permet de percevoir "le chant joli que l'eau du ciel faisait entendre..."
La pluie personnifiée semble, alors, devenir complice du poète en berçant les personnages de son doux chant...
 
Et celui-ci commente, avec tendresse et humour, son désir de voir la pluie se prolonger à l'infini et devenir "un déluge".
"J'aurais voulu comme au déluge, 
Voir sans arrêt tomber la pluie, 
Pour la garder sous mon refuge..."
 
Le poète se veut protecteur, car le parapluie se transforme en un véritable "toit", en un "refuge".
 
Mais le rêve s'achève avec le bout du chemin qui conduit au pays de la belle...
Les routes personnifiées conduisent "bêtement" vers des pays et le poète voit sa "folie" interrompue par la fin du voyage.
La jeune fille s'éloigne, alors... après un remerciement et on la voit devenir lointaine "toute petite", vision quasi-cinématographique du personnage qui disparaît, symbolisant, pour l'inconnue, l'oubli de ce moment qui reste si intense dans l'esprit et la mémoire du poète.
 
Le refrain rythmé de sonorités de labiales, dentales, et de gutturales assez fortes nous donne l'impression d'entendre la pluie qui s'égrène sur le toit du parapluie.
Le vocabulaire familier :"rescousse, frimousse, pardi", les interventions du narrateur à la première personne, une certaine auto-dérision donnent à cette chanson une allure de confidence, remplie de charmes.
On retrouve, comme souvent dans les chansons de Brassens un subtil mélange de culture et de familiarité : l'allusion à l'épisode biblique du déluge nous fait sourire...
 
La mélodie pleine de fluidité, de limpidité restitue un moment de bonheur inoubliable...

 

 

 


 
 

 

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22 octobre 2021 5 22 /10 /octobre /2021 11:15
Brassens, la Chanson pour l'Auvergnat : un magnifique hymne à la générosité...

 

"Cent ans. C’est l’âge qu’aurait eu George Brassens ce 22 octobre 2021. Une pluie d’hommages et de célébrations ont lieu à cette occasion. Ils célèbrent un auteur-compositeur exigeant et perfectionniste. Poète, chanteur, Georges Brassens est l’auteur de nombreux textes qui font la fierté de la chanson française comme Le Gorille, Les copains d’abord ou la Chanson pour l’Auvergnat."

 

Une des chansons les plus connues de Brassens, c'est bien sûr La chanson pour l'Auvergnat, une chanson qui célèbre l'humanisme, la générosité de gens simples et modestes.

"Elle est à toi cette chanson
Toi l’Auvergnat qui sans façon
M’as donné quatre bouts de bois
Quand dans ma vie il faisait froid..."

 

Le tutoiement adressé à l'Auvergnat restitue, dès le premier vers, une familiarité, une complicité, une tendresse évidentes. Et tout naturellement, Brassens, le poète musicien, lui dédie une chanson.

La générosité consiste à donner l'essentiel de ce qui manque à autrui : "quatre bouts de bois", un cadeau de peu de prix mais essentiel quand on a froid. 

 

Le pronom "toi" réitéré, à valeur d'insistance, insiste bien sur la singularité du comportement de l'Auvergnat, en opposition avec le pluriel "Les croquantes et les croquants Tous les gens bien intentionnés".

On peut noter l'ironie de cette expression et le contraste avec la violence du verbe qui suit : "M’avaient fermé la porte au nez"

Ainsi, Brassens dénonce et fustige aussi l'égoïsme, l'indifférence généralisée à la souffrance de l'autre.

 

Et le poète qui reçoit ce cadeau, du bois pour se chauffer, éprouve une reconnaissance éternelle, ce qui est merveilleusement suggéré dans les vers suivants :


"Ce n’était rien qu’un feu de bois
Mais il m’avait chauffé le corps
Et dans mon âme il brûle encore
A la manièr’ d’un feu de joie"

"Le feu de bois" devenu "feu de joie" restitue bien la gratitude du poète.

 

Cette gratitude se prolonge même avec la prière qui suit :


"Toi l’Auvergnat quand tu mourras
Quand le croqu’mort t’emportera
Qu’il te conduise à travers ciel
Au père éternel"

 

Le texte écrit sous la forme d'une fable répétitive célèbre encore une hôtesse, un étranger qui savent faire preuve de bonté :

"Elle est à toi cette chanson
Toi l’hôtesse qui sans façon
M’as donné quatre bouts de pain
Quand dans ma vie il faisait faim
Toi qui m’ouvris ta huche quand
Les croquantes et les croquants
Tous les gens bien intentionnés
S’amusaient à me voir jeûner"

"Elle est à toi cette chanson
Toi l’étranger qui sans façon
D’un air malheureux m’as souri
Lorsque les gendarmes m’ont pris
Toi qui n’as pas applaudi quand
Les croquantes et les croquants
Tous les gens bien intentionnés
Riaient de me voir emmener
Ce n’était rien qu’un peu de miel

Mais il m’avait chauffé le corps
Et dans mon âme il brûle encore
A la manièr’ d’un grand soleil"

 

Du "pain", un simple "sourire" suffisent à redonner du bonheur et du courage...

 

Merveilleuse chanson pétrie d'humanisme, de bienveillance ! à l'image de son auteur, l'ami Georges... Une belle leçon de simplicité et d'humanité !

 

Pour mémoire :

" Chanson pour l’Auvergnat est  l'un des hymnes de Georges Brassens composé dans les premières années de son succès : une histoire de générosité qui raconte un peu du passé de Brassens. Qui est cet Auvergnat, le héros de l'histoire ? Durant l’hiver de 1954, un grand froid s’abat sur la France, l’Abbé Pierre appelle à la solidarité dans le pays. Georges Brassens est touché par la situation. Après avoir fui les Allemands et le travail obligatoire, il avait été recueilli en 1944 dans une impasse du 14ème arrondissement de Paris par un couple d’Auvergnats de Seine-et-Marne : Marcel et Jeanne ont accueilli Georges quand il était sans domicile.

Dans la chanson, c’est donc à ceux qui l’ont recueilli qu’il fait référence quand il évoque l’Auvergnat qui lui a "donné quatre bouts de bois quand, dans ma vie, il faisait froid" et l’hôtesse qui lui a donné "quatre bouts de pain quand dans ma vie, il faisait faim". Il décide de composer cette chanson comme une valse, une écriture musicale qu’il adoptera à nouveau dans le reste de sa carrière. La valse de l’Auvergnat a également été reprise en plusieurs langues comme l’hébreu ou l’espagnol, elle a quasiment fait le tour du monde, transportant sa petite histoire secrète, emblème de Brassens et symbole de son humanisme."

 

D'autres chansons inoubliables de Brassens :

 

http://rosemar.over-blog.com/2021/01/les-sabots-d-helene-etaient-tout-crottes.html

 

http://rosemar.over-blog.com/2020/09/un-vingt-deux-septembre-au-diable-vous-partites.html

 

http://rosemar.over-blog.com/article-a-l-encontre-du-vieil-homere-123645631.html

 

http://rosemar.over-blog.com/article-georges-brassens-ou-l-amour-de-la-vie-113387869.html

 

http://rosemar.over-blog.com/2017/02/a-la-chasse-aux-papillons-avec-brassens.html

 

http://rosemar.over-blog.com/2021/03/honneur-aux-femmes-jeanne-la-jeanne-brassens.html

 

http://rosemar.over-blog.com/2016/04/dans-cette-histoire-de-faussaire.html

 

http://rosemar.over-blog.com/article-il-porte-un-joli-nom-saturne-123508345.html

 

http://rosemar.over-blog.com/2016/06/c-est-la-rancon-de-penelope.html

 

http://rosemar.over-blog.com/2016/04/un-p-tit-coin-d-parapluie.html

 

http://rosemar.over-blog.com/2016/07/regardez-les-danser-dans-les-feux-de-l-aurore.html

 

http://rosemar.over-blog.com/article-gastibelza-ou-l-amour-fou-112548759.html

 

http://rosemar.over-blog.com/2017/02/dans-l-eau-de-la-claire-fontaine-elle-se-baignait-toute-nue.html

 

http://rosemar.over-blog.com/article-l-amour-a-bien-des-mysteres-112962529.html

 

http://rosemar.over-blog.com/article-ballade-au-moyen-age-111817395.html

 

 

 

 

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6 octobre 2021 3 06 /10 /octobre /2021 08:41
Soirée Latino avec le duo IDIK...

 

Deux guitares, deux voix, de la bonne humeur, de l'énergie, du talent, du charme pour une soirée latino offerte par le duo IDIK...

 

Une soirée dans un cadre somptueux : la Maison Carrée de Nîmes, un temple augustéen qui date de plus de 2000 ans.

Les deux musiciennes nous ont proposé un voyage enchanteur vers l'Espagne, l'Italie, la France, l'Amérique Latine...

 Ambar et Elsa ont charmé un public nîmois enthousiaste venu en nombre pour écouter les deux jeunes musiciennes.

 

D'abord, une chanson d'amour triste avec Veinte años, une habanera composée en 1935 par la célèbre chanteuse Maria-Teresa VERA sur des paroles de Guillermina ARAMBURU. Interprétée depuis par de très nombreux chanteurs, elle a accédé au statut de tube planétaire grâce à l’interprétation de Omara Portuondo chanteuse et danseuse cubaine née le 29 octobre 1930 à La Havane. 


"Qué te importe que te amé Que t'importe que je t'aime
Si tù no me quieres ya, Si tu ne m'aimes plus
El amor que ya ha pasado L'amour qui s'en est allé
No se debe recordar Il ne doit pas revenir
Fui la ilusion de tu vida Je fus l'illusion de ta vie
Un dia lejano ya Un jour déjà éloigné
Hoy represento al pasado Je ne suis plus que le passé
No me puedo recordar Je ne peux pas m'y faire
Hoy represento al pasado Je ne suis plus que le passé
No me puedo recordar Je ne peux pas m'y faire..."


 

 

Puis, une chanson engagée du groupe Zoufris Maracas qui étrille les déviances du monde avec tant de  verve !  Koutémoué :

"Je suis content d'avoir compris
Qu'avec tout le pognon du monde
On ne rachète pas les années
Que le travail nous a volées
On ne rachète pas les années
Qui nous ont passé sous le nez

Je suis content d'avoir compris
Que tout ça n'a pas d'importance
Qu'il faut faire l'amour à la vie
Et se souvenir de l'enfance
Aussi longtemps qu'il soit permis
Et de la garder comme essence…"

 

On écoute encore avec bonheur un titre de Mecano : Una rosa es una rosa..., une chanson d'amour encore !

"Es por culpa de una hembra
C'est par culpabilité d'une femme
Que me estoy volviendo loco
Que je suis devenu fou
No puedo vivir sin ella
Je ne peux pas vivre sans elle
Pero con ella tampoco
Mais avec elle non plus"

 

On est ému par cette chanson :  "Siempre me quedará Il me restera toujours". Dans cette chanson, la chanteuse espagnole Bebe a voulu écrire sur le thème de l'anorexie. Elle montre comment cette maladie transforme la vie des individus.
Elle se met dans la peau d'une femme souffrant de ce mal, et insiste sur l'obsession qu'elle se fait de la perfection physique

 

"Cómo decir que me parte en mil
Las esquinitas de mis huesos,
Que han caído los esquemas de mi vida
Ahora que todo era perfecto.
Y algo más que eso,
Me sorbiste el seso y me defiende del peso

Comment dire que se brisent mille
Les légères lésions de mes os,
Que les schèmes de ma vie sont tombés
Maintenant que tout était parfait
Et encore plus que ça,
Tu m'as lavé le cerveau
Et je me défends de ce poids

De este cuerpecito mío
Que se ha convertido en río.

De ce petit corps qui est mien
Qui s'est transformé en fleuve"

 

Puis, on se laisse bercer par ce titre:  "Me haces bien", titre de Jorge Drexler, encore une merveilleuse chanson d'amour pleine de tendresse et de douceur...

 

 
"Pour te raconter, je chante
Para contarte, canto

je veux que tu saches combien
Quiero que sepas cuánto

Tu me fais  du bien
Me haces bien

Je t'aime de mille façons
Te quiero de mil modos

je t'aime par dessus tout
Te quiero sobre todo

Tu me fais  du bien
Me haces bien


Il suffit de voir le reflet de tes yeux dans les miens
Basta ver el reflejo de tus ojos en los míos

Comment le froid s'en va
Como se lleva el frío

Pour comprendre
Para entender

Que le coeur ne ment pas
Que el corazón no miente"

 

Pour continuer le programme, une chanson rythmée, du reggae, Que palique de  Sergent Garcia...

 

On écoute encore avec plaisir Plantation du groupe Kana :

 

"J'ai tout petit problème dans ma plantation, pourquoi ça pousse pas
J'ai tout petit problème dans ma plantation, pourquoi ça pousse pas

Moi, j'ai planté coco, coco ça pousse pas
Moi, j'ai planté bananes, bananes ça pousse pas"

 

 

En fin de récital, une chanson révolutionnaire : Bandiera rossa,  le plus célèbre des chants révolutionnaires italiens. Il signifie Drapeau rouge. La chanson est née au début du XXe siècle et la musique est issue de la fusion de deux chants populaires lombards. Le texte, écrit à l'origine par Carlo Tuzzi en 1908, a subi plusieurs modifications au fil des ans.

"Avanti o popolo, alla riscossa,
Bandiera rossa (bis)
Avanti o popolo, alla riscossa,
Bandiera rossa trionferà.
Bandiera rossa la trionferà (ter)
Evviva il comunismo e la libertà.
Degli sfruttati l’immensa schiera
La pura innalzi, rossa bandiera.
O proletari, alla riscossa
Bandiera rossa trionferà.
Bandiera rossa la trionferà (ter)
Il frutto del lavoro a chi lavora andrà.
Dai campi al mare, alla miniera,
All’officina, chi soffre e spera,
Sia pronto, è l’ora della riscossa."

"En avant ô peuple, à la révolte,
Le drapeau rouge (bis)
En avant ô peuple, à la révolte,
Le drapeau rouge triomphera.
Le drapeau rouge triomphera (ter)
Et vive le communisme et la liberté.
Des exploités l'immense troupe
Hisse le rouge drapeau.
Ô prolétaires, à la révolte
Le drapeau rouge triomphera.
Le drapeau rouge triomphera (ter)
Le fruit du travail à qui travaille ira.
Des champs à la mer, de la mine,
Au bureau, qui souffre et espère,
Qu'il soit prêt, c'est l'heure de la révolte."

Un vent de révolte a alors soufflé sur le parvis de la Maison Carrée !

 


 Merci à ces deux musiciennes pour ce moment chaleureux et ce récital enthousiasmant : une bouffée d'air et de fête proposée par Ambar et Elsa.

 

 
 

 

 

https://zikoccitanie.fr/idik/

 

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22 septembre 2021 3 22 /09 /septembre /2021 08:24
Un vingt-deux septembre au diable vous partîtes...

 

 

Le début de l'automne évoque traditionnellement le déclin, la perte, une certaine nostalgie du passé...

Pour Brassens, le 22 septembre est associé à une rupture amoureuse dans une célèbre chanson intitulée "Un vingt-deux septembre".

"Un vingt-deux septembre au diable vous partîtes..."

L'expression est savoureuse car elle ne traduit pas vraiment un désarroi, une tristesse : elle exprime au contraire une certaine désinvolture, comme si le poète avait souhaité le départ de la belle... ou comme si, le temps étant passé, la rupture semblait moins amère.

Et pourtant, chaque année, cette date était ponctuée par des pleurs : 


"Et, depuis, chaque année, à la date susdite,
Je mouillais mon mouchoir en souvenir de vous..."

Les thèmes du souvenir et du temps qui passe sont ainsi entremêlés dès le début de la chanson : l'alternance des temps, passé simple, imparfait, présent suggère bien cette fuite du temps, ainsi que les adverbes de temps qui scandent le texte : "aujourd'hui, jadis, à présent."

Le présent marque un changement total souligné par cette image : "Or, nous y revoilà, mais je reste de pierre" et par une expression brutale et triviale :

"Plus une seule larme à me mettre aux paupières 
Le vingt-deux de septembre, aujourd'hui, je m'en fous."

Et le poète revient pourtant sur la force de cet amour qui lui faisait accomplir des prouesses :

"Jadis, ouvrant mes bras comme une paire d'ailes,
Je montais jusqu'au ciel pour suivre l'hirondelle
Et me rompais les os en souvenir de vous..."

On perçoit un élan, un enthousiasme avec l'image de l'hirondelle...

Mais  cet élan a disparu et on trouve comme souvent dans les chansons de Brassens, une référence littéraire et mythologique :

"Le complexe d'Icare à présent m'abandonne,
L'hirondelle en partant ne fera plus l'automne:
Le vingt-deux de septembre, aujourd'hui, je m'en fous."

On aime aussi ce renversement du dicton "Une hirondelle [arrivant] ne fait pas le printemps", qui signifie qu'un seul signe ou indice ne constitue pas une preuve.

Brassens n'oublie pas d'évoquer de nombreux thèmes associés à l'automne : le départ des hirondelles mais aussi les feuilles mortes, le deuil :


"On ne reverra plus au temps des feuilles mortes,
Cette âme en peine qui me ressemble et qui porte
Le deuil de chaque feuille en souvenir de vous...
Que le brave Prévert et ses escargots veuillent
Bien se passer de moi pour enterrer les feuilles."

Sans oublier la référence littéraire aux poèmes de Prévert...

On retrouve le thème des pleurs et des souvenirs tristes dans la strophe suivante :


"Pieusement noué d'un bout de vos dentelles,
J'avais, sur ma fenêtre, un bouquet d'immortelles
Que j'arrosais de pleurs en souvenir de vous..."

Les "immortelles" que Brassens arrose de pleurs semblaient, pourtant, être là pour signifier un amour éternel.

Mais la suite vient à nouveau former un contraste saisissant avec cette déclaration d'un amour sans fin :


"Je m'en vais les offrir au premier mort qui passe,
Les regrets éternels à présent me dépassent:
Le vingt-deux de septembre, aujourd'hui, je m'en fous."

Brassens n'oublie pas de jouer malicieusement sur le sens du verbe "passer", ce verbe signifiant aussi par euphémisme "mourir".

L'amour s'en est allé, et c'est une rupture qui semble définitive, comme le suggère l'emploi du futur dans la strophe suivante :


"Désormais, le petit bout de coeur qui me reste
Ne traversera plus l'équinoxe funeste
En battant la breloque en souvenir de vous..."

Finis la tristesse et le désarroi...

Et Brassens de reprendre les clichés traditionnels de la poésie amoureuse et galante, avec ces images précieuses mêlées à un vocabulaire familier... c'est là tout le talent de Brassens de mélanger les genres !


"Il a craché sa flamme et ses cendres s'éteignent,
A peine y pourrait-on rôtir quatre châtaignes:
Le vingt-deux de septembre, aujourd'hui, je m'en fous."

 

Et, le poème s'achève sur ce vers :

 

"Et c'est triste de n'être plus triste sans vous"

 

 Ainsi, cette chanson exprime, malgré tout, la nostalgie d’un bonheur passé et … l’indifférence nouvelle.

Quelle richesse dans ce texte, que de références littéraires, quelle culture et quelle bonhomie aussi !

Brassens nous livre ici un véritable poème de facture classique en alexandrins, un poème où se mêlent jeux de langage, culture, humour, tendresse...

 

 

 

 

 

 

 

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10 septembre 2021 5 10 /09 /septembre /2021 11:20
Un savoureux spectacle culinaire...

Du XVème au XXIème siècle : chansons et poésies gourmandes du Sud de la France et d'ailleurs... Les poètes et les écrivains parlent des produits, du goût de la vie et du partage des bonnes choses... une histoire poétique de la nourriture...

Tel est le spectacle savoureux que nous ont présenté Bruno Paternot, comédien et Tom Pablo Gareil, musicien, vibraphoniste, percussionniste...

 

Il faut toujours commencer par une fable de La Fontaine... nous conte Bruno Paternot :

 

"Le glouton

A son souper un glouton
Commande que l'on apprête
Pour lui un seul esturgeon
Sans en laisser que la tête,
Il soupe ; il crève.
On y court,
On lui donne maints clystères,
On lui dit pour faire court
Qu'il mette ordre a ses affaires.
"Mes amis, dit le goulu, m'y voilà tout résolu.
Et puisqu'il faut que je meure,
Sans faire tant de façon,
Qu'on m'apporte tout à l'heure,
Le reste de mon poisson ".

Et puis, on n'oublie pas, avant le repas, un apéritif à la façon de Boris Vian :

" – Prendras-tu un apéritif ? demanda Colin. Mon pianocktail est achevé, tu pourrais l’essayer.
– Il marche ? demanda Chick.
– Parfaitement. J’ai eu du mal à le mettre au point, mais le résultat dépasse mes espérances. J’ai obtenu, à partir, de la Black and Tan Fantasy, un mélange vraiment ahurissant.
– Quel est ton principe ? demanda Chick.
– A chaque note, dit Colin, je fais correspondre un alcool, une liqueur ou un aromate. La pédale forte correspond à l’œuf battu et la pédale faible à la glace. Pour l’eau de Seltz, il faut un trille dans le registre aigu. Les quantités sont en raison directe de la durée : à la quadruple croche équivaut le seizième d’unité, à la noire l’unité, à la ronde le quadruple unité. Lorsque l’on joue un air lent, un système de registre est mis en action, de façon que la dose ne soit pas augmentée – ce qui donnerait un cocktail trop abondant – mais la teneur en alcool. Et, suivant la durée de l’air, on peut, si l’on veut, faire varier la valeur de l’unité, la réduisant, par exemple au centième, pour pouvoir obtenir une boisson tenant compte de toutes les harmonies au moyen d’un réglage latéral.
– C’est compliqué, dit Chick.
– Le tout est commandé par des contacts électriques et des relais. Je ne te donne pas de détails, tu connais ça. Et d’ailleurs, en plus, le piano fonctionne réellement.
– C’est merveilleux ! dit Chick.
– Il n’y a qu’une chose gênante, dit Colin, c’est la pédale forte pour l’œuf battu. J’ai dû mettre un système d’enclenchement spécial, parce que lorsqu’on joue un morceau trop « hot », il tombe des morceaux d’omelettes dans le cocktail, et c’est dur à avaler. Je modifierai ça. Actuellement, il suffit de faire attention. Pour la crème fraîche, c’est le sol grave.
– Je vais m’en faire un sur Loveless Love, dit Chick. Ça va être terrible.
-Il est encore dans le débarras dont je me suis fait un atelier, dit Colin, parce que les plaques de protection ne sont pas vissées. Viens, on va y aller. Je le règlerai pour deux cocktails de vingt centilitres environ, pour commencer.

Chick se mit au piano. A la fin de l’air, une partie du panneau de devant se rabattit d’un coup sec et une rangée de verres apparut. Deux d’entre eux étaient pleins à ras bord d’une mixture appétissante."

 

Goûtons ensuite les sardines, celles de Raymond Queneau :

"Une fois n'est pas coutume : allons au restaurant 
nous payer du caviar et des ptits ortolans

Consultons le journal à la rubrique esbrouffe 
révélant le bon coin où pour pas cher on bouffe

Nous irons à çui-ci, nous irons à çui-là
mais y a des objections : l'un aimm ci, l'autre aimm ça

Je propose : engouffrons notre appétit peu mince 
au bistrot le troisième après la rue Huyghens

Tous d'accord remontons le boulevard Raspail 
jusqu'aux bars où l'on suss la mouss avec des pailles

Hans William Vladimir et Jean-Jacques Dupont 
avalent goulûment de la bière en ballon

Avec ces chers amis d'un pas moins assuré 
nous trouverons enfin le ptit endroit rêvé

Les couteaux y sont mous les nappes y sont sales 
la serveuse sans fards parfume toutt la salle

Le patron — un gourmet ! vous fait prendre — c'est fou 
du pipi pour du vin et pour du foi' du mou

La patronne a du cran et rince les sardines 
avec une huile qui fut huile dparaffine

La carne nous amène un rôti d'aspect dur 
orné concentricment de légumes impurs

Elle vous proposera les miettes gluantes 
d'une tête de veau que connurent les lentes

Elle proposera les panards englués
d'un porc qui négligea toujours de les laver

Peut-être qu'un produit à l'état naturel 
échappra-z-aux méfaits dla putréfiantt femelle

« Voici ma belle enfant un petit nerf de bœuf 
que vous utilizrez pour casser tous vos œufs »

De l'omelette jaune où nage le persil 
elle fera-z-hélas un morceau d'anthraci

Ce bon charbon croquant bien craquant sous la dent 
se blanchira d'un sel sous la dent bien crissant

Plutôt que de noircir un intestin qui grêle 
nous dévorerons la simili-porcelaine

L'hôtesse nous voyant grignoter son ménage 
écaillera les murs de l'ampleur de sa rage

Alors avalerons fourchettes et couteaux 
avant d'avec vitesse enfiler nos manteaux

Fuyards nous galoprons dans la rue où ça neige 
sans peur de déchirer la couturr de nos grèges

Nous retournant au bout de cinquante ou cent mètres 
nous verrons le souillon jouer au gazomètre

et nous péter au nez ses infâmes insultes
— patronne de bistrot, empoisonneuse occulte..."

 

Goûtons les recettes en vers de Léontine DESBOUCHAGES :

"Les RAYOLES

Avec de la fleur de farine,
Eau, beurre, œuf, quelques grains de sel,
Faites une pâte très fine ;
Étendez ; c'est l'essentiel.
Découpez beaucoup de rondelles,
Prenez un verre pour compas,
Et, pour bien garnir ces parcelles,
Écoutez..., et ne riez pas !...

Écrasez un peu de citrouille ;
Hachez des épinards blanchis ;
Garnissez : que votre doigt mouille
La pâte autour du hachis ;
Pliez d'un coup de main habile ;
Joignez les bords en les pressant ;
Dans l'eau qui bout, mettez, agile,
Cuire un instant chaque croissant.

Pilez des noix. Râpez ensuite,
Du bon fromage à votre choix.
Sur un plat, superposez vite
Un lit de pâte, un lit de noix,
Un lit de fromage et de beurre.
Voilà le chef-d'œuvre requis.
Couvrez et laissez un quart d'heure
Près du feu. Goûtez : c'est exquis !..."

 

Un petit tour au  Dernier Restaurant avant la Fin du Monde de Douglas Adams :

"Un imposant animal laitier s'approcha de la table de Zappy Bibicy, vaste et gras quadrupède bovin aux grands yeux humides, avec des petites cornes et sur le mufle ce qui pouvait presque passer pour un sourire engageant.
«Bonsoir». La bovine créature s'assit pesamment sur son arrière-train. «Je suis le plat du jour. L'une ou l'autre partie de mon cops vous tenterait-elle?» Elle se racla la gorge, gigota de l'arrière-train pour se caler dans une posture plus confortable puis les considéra placidement. Examen qui lui permit de découvrir un regard de surprise abasourdie chez Arthur et Trillian, un haussement d'épaules résigné chez Ford Escort et l'estomac dans les talons de Zappy Bibicy.
«Un morceau d'épaule peut-être? suggéra la bête. Braisé dans une sauce au vin blanc.
-Euh… votre épaule à vous? souffla Artur, horrifié.
-Mais naturellement, mon épaule, monsieur, meugla la bête avec satisfaction. Je suis le seul maître de mon corps.»
Zappy avait déjà bondi de son siège pour venir tâter en connaisseur l'épaule de l'animal.
« Ou la culotte, qui n'est pas mal non plus, murmura le bovin; l'ayant beaucoup exercée et m'étant gavée céréales, je puis vous garantir qu'il n'y a que de la bonne viande dans ce coin.» Elle poussa un doux grognement, assorti d'un gargouillis et se remit à ruminer. Puis ayant ravalé le tout, ajouta :

 

«Ou alors un ragoût de moi peut être?
-Vous voulez dire que cet animal a réellement l'intention qu'on le mange? murmura Trillian à Ford.
-Moi? dit Ford, les, yeux vitreux. Je ne veux rien dire du tout.
-Mais c'est absolument horrible, s'exclama Arthur. Voilà bien le chose la plus révoltante que j'aie jamais entendue.
-Où est le problème terrien? dit Zappy dont l'attention s'était à présent reportée sur l'énorme croupe de la bête.
«Simplement que je n'ai pas envie de manger d'un animal planté devant moi s'il m'y invite, dit Arthur. Je trouve ça cruel.
-Ca vaut toujours mieux que de bouffer un animal qui n'en a pas envie remarqua Zappy.
-Là n'est pas la question», protesta Arthur. Puis il réfléchit à la chose : «D'accord, c'est peut être effectivement la question. Enfin, peu importe, je n'ai pas le coeur à y songer pour l'instant. Je vais juste...euh...»
(Autour de lui, l'Univers continuait de se convulser dans les affres de sa Fin.)
«Je crois que je vais me contenter d'une salade verte, marmonna t'il.
-Puis-je insister pour vous recommander mon foie suggéra la créature. Il doit être particulièrement tendre et moelleux à présent : cela fait des mois que je me gave.
-Une salade verte dit Arthur avec insistance..
-Une salade verte? dit la bête en roulant des yeux dépités.
-Vous n'allez pas me dire que je ne devrais pas prendre une salade verte quand même?
-Eh bien dit l'animal, je connais plus d'un légume à être ferme sur ce point. Ce qui est la raison pour laquelle en fin de compte on a décidé de trancher définitivement la question en élevant un animal effectivement désireux d’être mangé et capable de la dire à haute et intelligible voix. Et me voici»
La bête esquissa une légère révérence.
«Un verre d'eau s'il vous plaît, dit Arthur.
-Ecoute, expliqua Zappy. On veut tout simplement manger, on ne va pas en faire tout un fromage. Alors donnez nous quatre beaux steaks, s'il vous plaît et vite. On a rien avalé depuis cinq cent soixante seize mille millions d'années. »
La bovine créature se releva maladroitement. Elle laissa échapper un doux gargouillis.
«Un choix fort judicieux, monsieur, si je puis me permettre. Excellent dit-elle. Le temps d'aller m'en couper une tranche et de passer à la casserole»
Elle se tourna et lança un clin d'oeil amical à Arthur.
«Ne vous inquiétez pas monsieur, Je serai très humaine»
Et elle regagna sans se presser les cuisines.
L'affaire de quelque minutes, le garçon revenait avec quatre énormes et fumantes tranches de steak. Zappy et Ford les engloutirent recta sans l'ombre d'une hésitation. Trilian hésita, puis haussa les épaules et attaqua son morceau.
Arthur contemplait sa portion, l'air vaguement mal à l'aise.
«Eh l'Terrien», lança Zappy avec un sourire malicieux sur celui de ses visages qui ne se goinfrait pas, on est pas dans son assiette?»
Et l'orchestre enchaîna."


 

 

Et comment ne pas être tenté par le poisson au coup de pied de Colette ?

"Naturellement, vous aimez la Provence. Mais quelle Provence ? Il y en a plusieurs. Une est toute nue, à peine voilée d’un maillot de bain à dessins cubistes, et noire d’un hâle étudié. Elle trône sur un “ planking ” entre deux ou trois palaces et casinos. Celle-là, je la salue à peine quand je la rencontre. Une autre perche sur de petits monts aérés, secs, où tout est d’azur, le ciel, le silex pailleté, l’arbuste bleuâtre. Il y a des morceaux de Provence gras, herbus, baignés de sources, de petites Provences italiennes, même espagnoles ; une Provence — peut-être est-elle ma préférée — maritime, pays de calanques d’un bleu qui n’est point suave mais féroce, de petits ports huileux qu’on ne déchiffre qu’à travers une grille de mâts et de cordages... Une Provence forestière resserre, sous la longue ombre des pins parallèles, les parfums de la résine, et sous les
chênes lièges crépus, écorchés vifs, erre un assez septentrional arôme de fougère, de lichen ras, une fallacieuse annonce de truffe... La multitude des touristes désole, chaque année, toutes les Provences. Optimiste, le touriste habite une villa, dix mètres de sable et cent brasses de mer, et ne bouge guère. Il se rôtit et mijote au bain-marie, alternativement. Pessimiste, il roule en auto, et s’arrête pour boire, transpire, reroule et reboit. Il dit : “ Ce pays serait ravissant si on n’y avait pas si chaud et si la nourriture était  possible. ” Partout il réclame son bifteck aux pommes, tendre à point, ses oeufs au bacon, ses épinards en branche et son café“ spécial ”. Il fait observer que son estomac ne digère pas l’ail et que son médecin lui interdit la
cuisine à l’huile. Ce n’est certes pas pour la seule édification de ce Viking, de cet Anglais, de ce Parigot, de ce Brandebourgeois, de ce citoyen d’Amérique, de ce Genevois, de ce Balkanique, que je prônerai l’excellence de quelque vieux plat provençal, les vertus de l’ail, la transcendance de l’huile d’olive, et ma fidélité aux trois légumes inséparables, vernissés, hauts en couleur comme en goût : l’aubergine, la tomate et le poivron doux.

En forêt du Dom, il est une auberge... Son renom se fait si vite qu’il n’est pas besoin de la désigner plus clairement. Le lieu est beau, en pleine forêt profonde, et la route romantique tourne à souhait pour l’attaque des diligences... Les soirs d’été, deux, trois tables rudimentaires, égaillées sous les acacias, attendent les amateurs de gibier, et les friands du poisson que j’appelle “ le poisson au coup de pied ”. Est-ce une recette ? Non. Un accommodement culinaire primitif, vieux comme l’olivier, comme la pêche au trident.

Jamais cuisson n’a demandé moins d’apprêts —il n’y faut que la manière. Ayez seulement.... une forêt provençale, tout au moins méridionale. Fournissez-vous-y de bois choisi : bûches cornues d’olivier, fagots de
ciste, racines et branches de laurier, rondins de pin pleurant la résine d’or, menue broussaille de
térébinthe, d’amandier, n’oubliez pas le sarment de vigne. A même la terre, entre quatre gros éclats de granit, bâtissez, allumez le bûcher.


Pendant qu’il flambe, rouge, blanc, cerise, léché d’or et de bleu, il n’y a rien à faire que le regarder. Le ciel vert du crépuscule provençal au-dessus de lui, tourne au bleu de lac. Les flammes baissent, se couchent ; vous avez sous la main, n’est-ce pas, une ou plusieurs belles pièces dé poisson méditerranéen, tout vidé ? Vous avez acquis à Saint-Tropez une rascasse monstrueuse, à gueule de dragon, ou vous avez apporté de Toulon les malins mulets à dos noirs, et vous n’avez pas omis, vidant ceux-ci ou celle-là, de glisser, tout le long de leur ventre creux, un fuseau de lard ? Bon. Apprêtez votre balai, j’appelle ainsi ce bouquet odorant de
laurier, de menthe, de pebredaï, de thym, de romarin, de sauge, que vous avez noué avant d’allumer votre feu.

Apprêtez donc le balai, c’est-à-dire qu’il trempe dans un pot empli de la meilleure huile d’olive mêlée de vinaigre de vin — ici nous n’admettons que le vinaigre rose et doux. L’ail — vous pensiez naïvement qu’on
pouvait se passer de lui ? — pilé, jusqu’à consistance de crème, rehausse le mélange comme il convient. Du sel, peu, du poivre, assez.


Attention. Votre feu n’est plus que braise bientôt. Un lit épais de braise qui chante bas, des tisons qui flambent encore un peu ; une fumée translucide, légère, porte à vos narines l’âme consumée de la forêt... C’est le moment de donner le magistral coup de pied qui envoie, au loin, bûches, brandons et fumerolles, qui
découvre et nivelle le charbon ardent d’un rose égal, met à nu le coeur pur du feu sur lequel halète un petit spectre igné, bleuâtre, plus brûlant encore que lui.


Un vieux gril, à trois pieds hauts, salamandre tordue au service de la flamme, reçoit le poisson bénit de sauce, et le tout se plante d’aplomb, en plein enfer. Là !... Vous n’en êtes pas encore à la maîtrise de l’homme du Dom, l’homme de qui l’on ne voit que l’ombre sur le feu. Le bras noir armé du balai aromatique,
le bras noir sans cesse humectant, aspergeant, retournant le poisson sur le gril, pendant...


Pendant combien de temps ? L’homme noir le sait. Il ne mesure rien, il ne consulte pas de montre, il ne. goûte pas, il sait. C’est affaire d’expérience, de divination. Si vous n’êtes pas capable d’un peu de sorcellerie, ce n’est pas la peine de vous mêler de cuisine.


Le “ poisson au coup de pied ” saute de son vieux gril dans votre assiette. Vous verrez qu’il est roide, vêtu d’une peau qui craque, s’exfolie et bâille sur une chair blanche, ferme, dont la saveur se souvient de la mer et des baumes sylvestres. La nuit résineuse descend, une lampe faible, sur la table, dénonce la couleur
de grenat du vin qui emplit votre verre...


Marquez, d’une libation reconnaissante cet instant heureux..."

Magnifique texte de Colette !

 

Un bon repas sans fromage ? Non !

Goûtons ceux de Zola dans Le ventre de Paris :

 

« Autour d’elles, les fromages puaient. […] Là, à côté des pains de beurre à la livre, dans des feuilles de poirée, s’élargissait un cantal géant, comme fendu à coups de hache ; puis venait un chester, couleur d’or, un gruyère, pareil à une roue tombée de quelque char barbare,  des hollande, ronds come des têtes coupées, barbouillées de sang séché, avec cette dureté de crane vide qui le fait nommer têtes-de-mort. Un parmesan, au milieu de cette lourdeur de pâte cuite, ajoutait sa pointe d’odeur aromatique. Trois brie, sur des planches rondes, avaient des mélancolies de lunes éteintes ; deux, très secs, étaient dans leur plein ; le troisième, dans son deuxième quartier, coulait, se vidait d’une crème blanche, étalée en lac, ravageant les minces planchettes, à l’aide desquelles on avait vainement essayé de le contenir. Des port-salut, semblables à des disques antiques, montraient en exergue le nom imprimé des fabricants. Un romantour, vêtu de son papier d’argent, donnait le rêve d’une barre de nougat, d’un fromage sucré, égaré parmi les fermentations âcres. Les roquefort, eux aussi, sous des cloches de cristal, prenaient des mines princières, des faces marbrées et grasses, veinées de bleu et de jaune, comme attaqués d’une maladie honteuse des gens riches qui ont trop mangés de truffes ; tandis que, dans un plat, à côté, des fromages de chèvre, gros comme un poing d’enfant, durs et grisâtres, rappelaient les cailloux que les bouc, menant leur troupeau, font rouler aux coudes des sentiers pierreux. Alors, commençaient les puanteurs : les mont-d’or, jaune clair, puant une odeur douceâtre ; les Troyes, très épais, meurtris sur les bords, d’âpreté déjà plus forte, ajoutant une fétidité à la cave humide ; les camembert, d’un fumet de gibier trop faisandé ; les neufchâtel, les Limbourg, les marolles, les pont-l’évêque, carrés, mettant chacun leur note aigüe et particulière dans cette phrase rude jusqu’à la nausée ; les livarot, teintés de rouge, terribles à la gorge comme une vapeur de soufre ; puis enfin, par-dessus tous les autres, les olivet, enveloppés de feuilles de noyer, ainsi que ces charognes que les paysans couvrent de branches, au bord d’un champ, fumantes au soleil. La chaude après-midi avait amolli les fromages ; les moisissures des croûtes fondaient, de vernissaient avec des tons riches de cuivre rouge et de vert-de-gris, semblables à des blessures mal fermées ; sous les feuilles de chêne, un souffle soulevait la peau des olivet, qui battait comme une poitrine, d’une haleine lente et grosse d’homme endormi ; un flot de vie avait troué un livarot, accouchant par cette entaille d’un peuple de vers. Et, derrière les balances, dans sa boîte mince, un géromé anisé répandait une infection telle, que des mouches étaient tombées autour de la boîte, sur le marbre rouge veiné de gris. »

 

Moi, à la fin de chaque repas, je m' fais toujours un petit Proust...

 

"Il y avait déjà bien des années que, de Combray, tout ce qui n’était pas le théâtre et le drame de mon coucher n’existait plus pour moi, quand un jour d’hiver, comme je rentrais à la maison, ma mère, voyant que j’avais froid, me proposa de me faire prendre, contre mon habitude, un peu de thé. Je refusai d’abord et, je ne sais pourquoi, je me ravisai. Elle envoya chercher un de ces gâteaux courts et dodus appelés Petites Madeleines qui semblaient avoir été moulés dans la valve rainurée d’une coquille de Saint-Jacques. Et bientôt, machinalement, accablé par la morne journée et la perspective d’un triste lendemain, je portai à mes lèvres une cuillerée du thé où j’avais laissé s’amollir un morceau de madeleine. Mais à l’instant même où la gorgée mêlée des miettes du gâteau toucha mon palais, je tressaillis, attentif à ce qui se passait d’extraordinaire en moi. Un plaisir délicieux m’avait envahi, isolé, sans la notion de sa cause. Il m’avait aussitôt rendu les vicissitudes de la vie indifférentes, ses désastres inoffensifs, sa brièveté illusoire, de la même façon qu’opère l’amour, en me remplissant d’une essence précieuse : ou plutôt cette essence n’était pas en moi, elle était moi. J’avais cessé de me sentir médiocre, contingent, mortel. D’où avait pu me venir cette puissante joie ? Je sentais qu’elle était liée au goût du thé et du gâteau, mais qu’elle le dépassait infiniment, ne devait pas être de même nature. D’où venait-elle ? Que signifiait-elle ? Où l’appréhender ? Je bois une seconde gorgée où je ne trouve rien de plus que dans la première, une troisième qui m’apporte un peu moins que la seconde. Il est temps que je m’arrête, la vertu du breuvage semble diminuer. Il est clair que la vérité que je cherche n’est pas en lui, mais en moi. Il l’y a éveillée, mais ne la connaît pas, et ne peut que répéter indéfiniment, avec de moins en moins de force, ce même témoignage que je ne sais pas interpréter et que je veux au moins pouvoir lui redemander et retrouver intact à ma disposition, tout à l’heure, pour un éclaircissement décisif. Je pose la tasse et me tourne vers mon esprit. C’est à lui de trouver la vérité. Mais comment ? Grave incertitude, toutes les fois que l’esprit se sent dépassé par lui-même ; quand lui, le chercheur, est tout ensemble le pays obscur où il doit chercher et où tout son bagage ne lui sera de rien. Chercher ? pas seulement : créer. Il est en face de quelque chose qui n’est pas encore et que seul il peut réaliser, puis faire entrer dans sa lumière...

 

 Et tout d’un coup le souvenir m’est apparu. Ce goût, c’était celui du petit morceau de madeleine que le dimanche matin à Combray (parce que ce jour-là je ne sortais pas avant l’heure de la messe), quand j’allais lui dire bonjour dans sa chambre, ma tante Léonie m’offrait après l’avoir trempé dans son infusion de thé ou de tilleul. La vue de la petite madeleine ne m’avait rien rappelé avant que je n’y eusse goûté; peut-être parce que, en ayant souvent aperçu depuis, sans en manger, sur les tablettes des pâtissiers, leur image avait quitté ces jours de Combray pour se lier à d’autres plus récents; peut-être parce que, de ces souvenirs abandonnés depuis si longtemps hors de la mémoire, rien ne survivait, tout s’était désagrégé; les formes - et celle aussi du petit coquillage de pâtisserie, si grassement sensuel sous son plissage sévère et dévot - s’étaient abolies, ou, ensommeillées, avaient perdu la force d’expansion qui leur eût permis de rejoindre la conscience. Mais, quand d’un passé ancien rien ne subsiste, après la mort des autres, après la destruction des choses, seules, plus frêles mais plus vivaces, plus immatérielles, plus persistantes, plus fidèles, l’odeur et la saveur restent encore longtemps, comme des âmes, à se rappeler, à attendre, à espérer, sur la ruine de tout le reste, à porter sans fléchir, sur leur gouttelette presque impalpable, l’édifice immense du souvenir."
 

 

Pour finir, un petit mot d'amour de Charles d'Orléans à son amoureuse :

Mon doux cœur, je vous envoie,

Soigneusement choisi par moi,

Le brie de Meaux délicieux.

Il vous dira que malheureux

par votre absence je languis

Au point d’en perdre l’appétit.

Et c’est pourquoi je vous l’envoie,

Quel sacrifice c’est pour moi !

 

Poème dit avec l'accent de l'époque, s'il vous plaît !

 

Un spectacle ponctué par une douce musique délivré par Tom Gareil : un spectacle savoureux, rempli d'humour, de culture, de tendresse, de poésie...

 

Merci à Bruno Paternot et à Tom Gareil pour ce délicieux moment littéraire...

 

 

 

Un savoureux spectacle culinaire...
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3 septembre 2021 5 03 /09 /septembre /2021 09:14
N'ayez pas peur !


"Coopérez, n'ayez pas peur" dit l'animateur TV afghan, alors que derrière lui, des talibans en armes prennent la pose...

Le présentateur est entouré de huit hommes armés qui semblent le surveiller pendant qu’il lit son message...

 

Une image effrayante ! L'information encadrée par des hommes armés jusqu'aux dents !

La journaliste iranienne Masih Alinejad a retweeté la vidéo et a déclaré: “C’est surréaliste. Des militants talibans posent avec des armes derrière cet animateur de télévision visiblement pétrifié et lui font dire que les Afghans ne devraient pas avoir peur de l’émirat islamique. Les talibans eux-mêmes sont synonymes de peur dans l’esprit de millions de personnes. Ceci n’est qu’une preuve supplémentaire.”

 

Régner par la peur, la terreur...

Selon CNN, le chanteur folk Fawad Andarabi a été tué d’une balle dans la tête par les talibans, faisant craindre une nouvelle répression du régime islamiste.

Ce chanteur  Fawad Andarabi a été traîné hors de son domicile, puis tué par les talibans, vendredi 27 août, dans une ferme de la vallée d’Andarab.
 

La musique avait en effet déjà été interdite par les talibans, lorsqu’ils étaient à la tête de l’Afghanistan, entre 1996 et 2001. Le porte-parole des talibans Zabiullah Mujahid a rappelé, dans un entretien accordé au New York Times, "que la musique était interdite dans l’islam", assurant toutefois que les talibans espéraient pouvoir "persuader les Afghans de ne pas faire de telles choses, au lieu de faire pression sur eux."

 

"N'ayez pas peur !"

 

Quand la musique, ce langage universel devient un péché mortel... et qu'elle est punie de mort... c'est le retour assuré de la barbarie.

Le fanatisme religieux à l'oeuvre...

La musique, la danse, la culture clouées au pilori... l'obscurantisme fait des ravages.

Et quel sera le sort réservé aux femmes afghanes ? On peut craindre le pire pour elles.

Les femmes afghanes avaient obtenu le droit d’étudier, de travailler...

Que vont-elles devenir ? Fillettes mariées de force, vouées à l'enfermement, femmes soumises, femmes esclaves, femmes bétail...

L'horreur absolue !

 

 

Sources :

https://www.lepoint.fr/monde/afghanistan-un-chanteur-a-ete-assassine-par-les-talibans-31-08-2021-2440780_24.php

 

https://www.7sur7.be/monde/un-presentateur-afghan-presente-le-journal-entoure-de-talibans-armes~a114f4f8/?referrer=https%3A%2F%2Fwww.google.com%2F

N'ayez pas peur !
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13 août 2021 5 13 /08 /août /2021 08:48
Un somptueux récital de piano avec Violaine Debever...

 

Elle entre en scène, rayonnante, avec sa longue robe bleue pour un récital de piano qui nous invite à la découverte de musiques contemporaines.

Violaine Debever se spécialise en 2011 dans le répertoire contemporain si peu connu.

Au programme de ce récital : Robert Scuhmann, Scènes d'enfant, George Crumb, A little suite for Christmas, Harrison Birtwistle, Harrison's Clock n° 3, Claude Debussy, Trois préludes, et enfin Franz Liszt, Rhapsodie hongroise n° 12.

L'occasion de découvrir certains compositeurs que je ne connaissais pas du tout.

Scènes d'enfants (Kinderszenen), op. 15, est une œuvre pour piano de Robert Schumann écrite en 1838 et composée de treize courtes pièces. Malgré son titre, elle ne s'adresse pas à des enfants, mais elle a, selon les termes de Schumann, été conçue "par un grand enfant", comme "souvenir pour des personnes qui ont grandi".

On est d'abord comme envoûté par la grande douceur de cet extrait, puis la musique devient enjouée, emplie de pirouettes, presque comique, comme dans un jeu qui prête à rire.

Le rythme s'accélère ensuite comme une cascades de notes et de rires...

Le rythme change encore, se fait lent, langoureux, plein de douceur, de tendresse propre à l'enfance.

Et on retrouve cette alternance dans l'ensemble du morceau.

Nous sommes bien dans le monde de l'enfance !

 

Avec George Crumb, on entre dans un tout autre univers musical : il invente son propre langage sonore, grâce à des sons inouïs comme venus d'un autre monde.

George Crumb, né le 24 octobre 1929 à Charleston (Virginie-Occidentale), est un compositeur américain de musique contemporaine.

"On peut parler d'une véritable réorchestration avec un piano.", nous annonce Violaine Debever.

Et l'exécution du morceau interprété nécessite la préparation du piano : cordes pincées, frottées.

Le son vient de l'intérieur du piano.

Et de fait les sonorités étranges ont de quoi surprendre ! Une véhémence qui étonne, fait presque peur... des sons caverneux puis cristallins !

On entend des sons qui résonnent à l'infini, puis un long silence...

On est séduit alors par une douce mélodie qui incite à la rêverie... La pianiste joue sur les touches mais aussi à l'intérieur du piano...

Etonnante musique parfois déconcertante, nerveuse, rude, parfois emplie de douceur !

 

Harrison Birtwistle, né le 15 juillet 1934 à Accrington, Angleterre, est, quant à lui, un compositeur britannique. Il reconnaît les influences d'Igor Stravinsky, Varèse (les sonorités extrêmes) et Messiaen (les structures rituelles) sur sa musique.

 

Avec Harrison's Clocks,  Harrison Birtwistle compose une musique totalement différente qui ne s'attache pas aux sons mais aux rythmes.

Harrison's Clocks est constitué de cinq pièces inspirées des horloges maritimes du XVIIIe siècle de John Harrison.

Elles ont été inspirés par le livre de Sobel Longitude, sur la gestation douloureusement prolongée des horloges de mer de John Harrison, aujourd'hui conservées à Greenwich. Il y a cinq morceaux substantiels, chacun commençant par une ruée de notes jusqu'au bas du clavier. Dans Clock, les mouvements contraires irréguliers et les figures saccadées sont délibérément déphasés.

Ce sont des pièces virtuoses fascinantes et exaltantes. 

Le rythme est heurté, saccadé, étrange avec des répétitions : on a l'impression d'un automate qui s'emballe...

Une mélodie en évolution furtive intégrée dans un accompagnement de notes répétées dont l'articulation exige de l'endurance et de la virtuosité de la part de l'interprète...

 

Avec les trois préludes de Debussy, on est sensible, cette fois, à la richesse des évocations et de l'orchestration : c'est une invitation au voyage et à la rêverie...

Magnifique !

D'abord, La terrasse des audiences du clair de lune : une atmosphère nocturne, calme, apaisée...

Puis, Voiles : des notes claires comme des éclats sur l'eau, on a l'impression de voir des voiliers qui dansent sur les vagues...

Enfin, Ce qu'a vu le vent d'ouest : un rythme houleux, renversant, des vagues de notes qui s'accélèrent et sont de plus en plus tempétueuses. La musique nous fait ressentir les zigzags du vent, sa puissance.

 

On aborde un univers encore plus familier avec la Rhapsodie hongroise de Liszt : on assiste à un enchaînement d'impressions et de sentiments divers...

D'abord une musique intense, nerveuse, puis un rythme enfantin, joyeux, une impression de gaieté, de valse tourbillonnante.

Quelle gaieté enivrante ! On est emporté par un tourbillon de notes étourdissant et éblouissant !

 

Un tonnerre d'applaudissements bien mérité  pour Violaine Debever...

 

Sous les rappels, elle revient interpréter Le vieux château de Mussorgsky, un air empli de douce mélancolie...

 

Bravo à cette jeune musicienne qui a su enchanter tout le public !

 

 

 

 

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