Encore une belle célébration du pays natal et de la vie rurale d'autrefois dans cette chanson de Jean Ferrat : Mon pays était beau... un titre et un texte empli de lyrisme, de nostalgie...
Le refrain qui ouvre la chanson oppose un passé fait de beauté, de simplicité, d'harmonie à un présent devenu invivable... L'imparfait suggère ce passé qui semblait immuable, éternel, alors que le présent vient rompre cette illusion...
L'harmonie qui régnait parvenait à rassembler "l'homme le cheval et le bois et l'outil" : l'humain, l'animal, l'arbre, l'objet étaient réunis, mis sur le même plan, comme unis par un lien indéfectible... L'homme et la nature ne pouvaient être dissociés, ils étaient intimement liés, comme le suggère bien l'énumération...
Mais de manière allusive, le poète évoque un "grand saccage" et fait ce constat amer :
"Personne ne peut plus simplement vivre ici"
L'adverbe "simplement" est à prendre sans doute aussi dans son sens fort : avec simplicité... La vie simple a disparu, l'harmonie est rompue, sans doute en raison de la modernité qui s'est installée, qui a "saccagé" les paysages, fait fuir les gens...
Mais rien n'est dit explicitement : tout est suggéré...
L'évocation du présent se poursuit dans les vers suivants :
"Il pleut sur ce village
Aux ruelles obscures
Et rien d'autre ne bouge"
La pluie, l'obscurité, le vide, l'absence de mouvements, de vie restituent une ambiance faite de tristesse et de désolation... quoi de plus triste qu'un village abandonné ? On songe au roman de Giono : Regain... , Giono décrit lui aussi dans son oeuvre une harmonie, une véritable fusion de l'homme et de la nature. L'histoire est celle d'un village abandonné : Aubignane. Tous sont partis. Panturle se retrouve seul dans ce village de Haute-Provence battu par les vents au milieu d’une nature âpre et sauvage.
Autre marque de désolation dans la chanson de Jean Ferrat : le silence qui règne dans ce village abandonné.
Et le poète en appelle à ce silence dans une apostrophe solennelle, avec des métaphores emplies de poésie :
"O silence
Tendre et déchirant violon
Gaie fanfare"
Associé paradoxalement à un instrument de musique, et à une fanfare, ce silence semble curieusement à la fois pénible et réconfortant... pénible car il marque une absence, une beauté disparue, réconfortant parce qu'il permet un repli intérieur capable de préserver le souvenir de cette beauté passée essentielle...
Le poète en appelle même à ce silence comme une ultime protection, il devient un "grand manteau de nuit", il devient un refuge pour oublier la réalité présente trop déchirante... dans une vision onirique,il devient un oiseau aux "ailes géantes", magnifique image empruntée au monde de la nature et qui renvoie bien à cette "beauté sauvage" que regrette et désire le poète...
La mélodie douce restitue une harmonie et une mélancolie face à un monde qui semble perdu... elle se ralentit et devient plus triste encore lors de l'évocation du présent.
Pour mémoire : cette chanson sortie en 1980 a été écrite et composée par Jean Ferrat...
Les paroles :
https://genius.com/Jean-ferrat-mon-pays-etait-beau-lyrics